samedi 29 novembre 2008

Melkisédech

Annonce trouvée sur le site Kijiji:

Voyance pure, Tarot, Parapsychologie,Interprétation de rêves Feng Shui, Magie blanche, Je canalisent pour vous les énergies de Melkisédech, Grand Prêtre dans les Très Hauts, Roi de la Justice et de la Paix, Gouverneur planétaire. Suite à une expérience de « Walk in’s » j'ai rapidement été en contact avec les énergies de Melkisédech qu’elle porte et assume d’une façon surprenante. Depuis 1973, elle canalise pour les humains et offre ainsi différents paliers de conscience qui sont nécessaires à notre épanouissement tant humain que spirituel ou Divin.
Si la médiumnité, la voyance, la vie après la mort, le Reiki, la psychothérapie, les 10 commandements, les 7 péchés capital, la canalisation d’Entité, le ressourcement spirituel, les voyages initiatiques, l’Amour universel, les lois Universalités, l’Ordre Divin, la guérison spirituelle, la respiration et la méditation vous intéressent, si comprendre ou vous reconnaître dans diverses expériences tels que la transmutation, la transmigration et le Walk in’s vous appellent alors vous trouverez réponse à toutes vos questions. À travers cette annonce. Vous trouverez certainement des thèmes qui depuis longtemps vous intéressent. Contactez-nous, avec plaisir nous canaliserons pour vous. En passant, une expérience de canalisation privée auprès de Melkisédech est une expérience inoubliable.
Demandez 5 questions vous recevez 5 bonnes reponses
donation 1.00 par question minimum 5 questions
argent comptant seulement billet de 5.00 plier en 4 dans une feuille completement blanche avec les 5 questions ecrit a la main plier en 3 le tout dans une envelope blanche avec adresse de l'expediteur

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Vous n'avez jamais remarqué que ces types de guignols portent toujours un prénom fucké qui fait "astral"? Vous ne verrez en effet jamais un médium se prénommer Robert, Lucie, Stéphanie ou Guillaume. Ça prend des prénoms cosmiques pour tripoter les chakras. Sinon ça ne marche pas. C'est bien connu. Un type qui placerait une annonce du genre : " Jérôme Bigras, Médium" n'attirerait pas beaucoup de naïfs. Pour parler dans le blanc des yeux avec les ¨Dieux et faire payer 60$ la session d'une heure, il faut s'appeler Melkisédech ou encore j'sais pas moi, Velavok Xela tiens. Mais pas Jérôme Bigras!
Ça ne fait pas sérieux!
Ici, l'arnaqueur à la poudre de perlin-pin-pin se nomme Melkisédech et se dit Grand Prêtre dans les Très Hauts, Roi de la Justice et de la Paix, Gouverneur planétaire. Rien de moins les amis. Barack Obama et Vladimir Poutine ne sont que de la merde à côté du Très Grand Voyant Médium Canalisateur Melkisédech (Dont l'annonce gratuite est placée sur un site minable de petites annonces classées, juste à côté de la rubrique des articles de pêche. Allllllôôôôôôô!!!! Ça ne vous allume pas une petite lumière les crétins qui répondent à cette annonce???)

D'abord, on devine le petit facho frustré en lui qui rêve de se monter une secte pour écraser psychologiquement les plus faibles. Juste les termes choisis trahissent une certaine envie de domination malsaine : Grand Prêtre, Roi, Gouverneur planétaire... en plein le genre de dangereux crétin qui mérite de demeurer le looser anonyme qu'il est. (Et du coup, ça me ramène l'image de ce délicieux personnage créé par Goscinny dans un album de Lucky Luke: L'empereur Smith.) En plein le genre de débile qui finirait par se croire un jour.
(Tiens à ce sujet, Jim Jones ça vous dit quelque chose? Moi je me souviens... j'avais 15 ans et j'ai encore froid dans le dos des images vues aux infos télé http://fr.wikipedia.org/wiki/Jim_Jones )

Dans cette annonce, j'aime bien le passage qui dit que Melkisédech canalise pour les humains depuis 1973.
Ah bon?
D'abord ça veut dire quoi "canaliser"???
Ensuite, il (ou elle, on ne sait plus trop... le texte est confus) canalisait pour qui avant 1973? Les belettes? Les framboisiers? Les harmonicas? Les nuages?
Aaahhh! Mais qu'est-ce que je suis bête! Melkisédech canalisait sûrement pour les anges ou quelque chose comme ça. Bon sang, mais c'est sûr! C'est tout de même curieux qu'il charge une piasse la question, payable cash dans une enveloppe pré affranchie.
Mais dans le fond, c'est possible, même les Gouverneurs Planétaire doivent boucler leur fin de mois. Pas évident comme boulot quand on y pense. Sauver la planète, éveiller les consciences, canaliser toutes ces entités qui n'arrêtent pas de répondre à l'annonce, gérer la vie après la mort, transmuter tout un tas de gens, guérir spirituellement des cancers généralisés... et puis tout ça sans oublier de payer le loyer et le savon à lessive. (Mais pas le papier cul. Pas besoin. Un Grand Prêtre des Très Hauts ne fait pas caca. C'est bien connu. Il canalise sa digestion.) Il ne reste pas beaucoup de temps pour avoir une vraie job. Normal qu'il demande quelques dollars pour ses consultations.

Je déconne mais c'est quand même grave. Le type lance en vrac une liste de services dont certains sont très sérieux. Service de psychothérapie et surtout la guérison spirituelle. Il y a des gens désespérés qui vont répondre à cette annonce avec les conséquences que l'on imagine.

Mon logement.

Samedi matin. J'entends la vieille voisine d'à côté qui parle et qui parle et qui parle. J'entends tout. Je crois qu'elle parle à une amie au téléphone. J'apprends que ce n'est pas elle qui s'occupera du Réveillon cette année. Elle semble soulagée. C'est à cause de "l'ouvrage que ça donne. Ça la fatigue ben raide."

Plus tôt, en me levant, je suis allé directement à la salle de bain. Au moment où j'allais pisser, j'entends le voisin d'en bas tousser. Il était lui aussi dans sa salle de bain et j'ai eu l'impression qu'il a toussé juste pour me faire sentir sa présence. C'est tellement mal isolé que j'avais l'impression qu'il était à côté de moi.

Ce logement n'est pas un logement. Ça en a le nom, mais ce n'en n'est pas un. C'est quelque chose d'autre.

La boîte où je travaillais.

La boîte où je travaillais avant vient de fermer ses portes cette semaine. Une vente.
Les employés l'ont appris le jour même lors d'un meeting. À la fin de cette petite réunion d'informations, ils n'avaient plus d'emplois.
Merci beaucoup, bonsoir, c'est terminé.

Après mon congédiement, mes anciens employeurs déversaient leur fiel sur mon dos, m'accusant de tous les noms d'oiseaux pour avoir été de l'équipe qui avait monté un syndicat. J'étais un traître, une merde finie, un galeux, un horrible et le syndicat était une chose immonde dont il fallait se débarrasser. J'ai lu ces mémos qu'ils donnaient aux employés. De la grande poésie.
Le monstre, c'était moi. L'enfer, c'était le syndicat. Eux, ils étaient des anges et le paradis se trouvait dans cette boîte.
J'étais cadre et un cadre n'a pas le droit de prendre la part des employés. La Commission des Relations de Travail leur a d'ailleurs donné raison sur ce point. Manque de loyauté envers l'entreprise qu'il fut écrit dans le jugement. Vouloir protéger son poste via un syndicat est perçu comme un manque de loyauté envers l'entreprise dans notre beau code du travail au Québec. C'est interdit. Nous vivons dans un pays démocratique mais semblerait-il que cette démocratie, quand elle attaque les fondements même de l'entreprise privée, c'est à dire leur privilège féodal, leur droit de vie ou de mort sur le salarié, n'est pas compatible.
Mon titre de cadre primait donc sur mon titre d'employé. En d'autres mots, les cadres d'une entreprise n'ont pas le droit à la moindre protection. Ainsi, une femme cadre qui refuserait de faire une pipe à son employeur pourrait donc se faire foutre à la porte pour manque de loyauté envers l'entreprise et la CRT n'aurait rien à redire. À moins bien sûr que la femme PROUVE qu'elle fut victime de harcèlement. Bonjour la longue bataille!
C'est beau l'entreprise privée au Québec.

On ne demandait pas grand chose pourtant, juste être payé convenablement. Moi, ça allait parce que j'étais directeur de projet et que je touchais un salaire presque convenable, mais les autres, ceux qui étaient dans la centrale téléphonique, ils avaient des salaires de merde. Le plafond salariale était de 10$ de l'heure, peu importe le nombre d'années de service.
Notre boîte était tout de même syndiquée. Mais ils ont utilisé tous les moyens pour retarder le plus possible la première convention collective, sachant que le milieu des sondages en était un où le roulement de personnel est vertigineux. Ils y sont parvenus après trois longues années à faire toutes sortes de promesses et toutes sortes de bassesses aux employés. Trois ans, c'est tout de même incroyable que cet embryon de syndicat toujours impuissant parce que toujours contesté à la CRT ait pu survivre quand on connaît le milieu et quand on sait que plus de 95% des signataires du début n'étaient plus là.

Les employés qui organisèrent la mort du syndicat l'an dernier s'étaient laissés berner par les promesses de l'employeur. J'avais lancé quelques coups de téléphone pour tenter de réanimer le corps encore chaud auprès des quelques anciens qui y travaillaient encore mais c'était peine perdue. On accusait le syndicat et on voulait donner une chance à l'employeur. En gros, on m'avait dit que cette histoire de syndicat avait été une erreur et qu'elle était la source de tous les problèmes. Des jours meilleurs allaient maintenant arriver puisqu'on était parvenu à s'attendre avec les patrons sans passer par le syndicat.

Moins d'un an plus tard, et parce que le bail arrivait à terme, ces mêmes patrons viennent de fermer la boîte en transférant les contrats à une entreprise avec laquelle ils feront désormais affaire au Québec. Pourtant, il n'y avait plus de syndicat. Pourtant, tous les éléments indésirables avaient été lynchés. Pourtant, les employés avaient fait confiance aux patrons.

J'aimerais bien maintenant reparler à ces mêmes personnes. Savoir ce qu'ils pensent maintenant des promesses des patrons.

vendredi 28 novembre 2008

Une femme à Berlin

http://www.cinempire.com/index.php/bande-annonce-de-anonyma-eine-frau-in-berlin-woman-in-berlin-270808.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Une_femme_%C3%A0_Berlin

J'ai lu Une femme à Berlin. L'histoire est simple. C'est un journal resté volontairement anonyme jusqu'à la mort de son auteure (1) et tenu par une femme qui va vivre (survivre serait le mot juste) le moment où la ville tombe aux mains des Russes. Ce qu'elle verra (et subira) jour après jour dans une ville littéralement livrée aux vainqueurs, elle le crache (le mot est faible) dans son journal intime.

Voici la ville représentant le symbole de la domination de l'armée nazie. Voici l'armée nazie qui s'effondre. Voici la ville sans défense et ravagée après les averses de bombes. Voici la ville habitée que par des civils sans défense. Beaucoup de femmes surtout. Et voici l'armée russe vainqueur de l'armée nazie qui entre à Berlin. Des milliers d'hommes en guerre qui vont prendre possession d'une ville où les femmes sont livrées à elles-mêmes. Des femmes qui deviennent ni plus ni moins que des objets à prendre. Du butin de guerre, rien de plus.
Devrais-je en dire plus?
Tout simplement bouleversant du début à la fin, immensément dérangeant. Un avant-goût de ce que peut donner une société qui s'effondre et où les lois n'existent plus. Juste pour se donner une petite idée de l'ambiance dans lequel nous plonge ce journal, on estime à environ 100 000 le nombre de Berlinoises qui se sont faites violer par les soldats de l'armée rouge pendant cette courte période. Pourtant, il faut bien vivre et survivre et certaines de ces femmes montreront un courage hallucinant.

Pas exactement le genre de livre qui remonte l'image du mâle si vous voulez mon avis. Et c'est justement une raison qui m'amène à dire que ce bouquin devrait être lu par tous les mecs de la terre.
Je viens de voir qu'ils en ont fait un film. J'espère qu'ils ne bousilleront pas l'esprit du journal. La narration, quand on sait que c'est rédigé jour après jour, est tout simplement ahurissante de froideur et d'humour noir. L'on comprend que cette plume qu'elle utilise lui sert tout autant de bouclier que d'arme. C'est avec ce journal qu'elle parvient à garder un certain équilibre et à ne pas sombrer.
Je vous jure que ce livre vaut le détour.

1- Décédée en 2001, elle s'appelait Marta Hillers et elle était journaliste. Je n'ai pas trouvé de photo d'elle sur le web.. si jamais quelqu'un en trouve une, prière de m'en informer. Je veux voir le visage de cette incomparable femme, de cette vive intelligence.

Hochelaga-Maisonneuve blues encore et encore.

Il est près de 1h30 du matin et j'écris un petit texte pour mon blogue. J'entends des hurlements dans la rue. Au début, je crois qu'il s'agit d'un chien qui hurle de douleur. J'ouvre la porte de ma chambre qui donne sur le balcon, je regarde dans la rue, je ne vois rien et je n'entends plus rien. Je referme la porte et je reviens à mon texte. Une odeur de pieds me monte au nez. Ce sont les miens.
Mais quelques minutes plus tard, ça repart de plus belle. Et cette fois, je sais que ce n'est pas un chien. C'est une femme qui hurle comme je n'ai jamais entendu aucun être humain hurler ainsi avant. Même dans les films. Je me précipite sur le balcon et je suis prêt à descendre dans la rue pour aller porter secours. Il y a une femme qui se fait agresser que je me dit, c'est certain.
Le balcon est mouillée parce que la neige qui tombe se transforme en eau. Je ne suis qu'en chaussettes mais bon, ce n'est pas grave. Pour sauver une femme en danger, je n'hésiterai pas à y aller avec ou sans souliers. Mais quand même, c'est drôlement froid.
C'est effectivement une femme qui hurle. L'une des putes du coin. Elle est seule et elle hurle. Je vois sa silhouette se découper dans la pénombre glaciale de la nuit par la réverbération des lumières de la rue Ontario. Elle est seule et elle hurle. Elle tourne sur elle-même, s'accroupit, tape le trottoir de ses deux mains, se relève, fait encore deux ou trois tours sur elle-même, tape du pied, frappe le vide avec ses deux poings, et elle hurle. Elle hurle à là mort et elle semble complètement possédée. Elle fait trois pas vers la gauche, puis trois pas vers la droite, revient à son point de départ, tape de ses deux poings contre le mur de briques sur lequel elles ont l'habitude de s'appuyer, hurle, hurle et hurle encore.
Je ne vois personne d'autre qu'elle sur le trottoir.
Puis une voiture arrive et s'immobilise près d'elle. Un type qui conduit cette voiture a vu la même chose que moi. C'est à dire une pauvre femme complètement défoncée et à deux doigts de l'internement. Pourtant, il arrête sa voiture, baisse la vitre du côté passager et je le vois qui interpelle la femme. Celle-ci se calme un peu, cesse de crier, tourne encore sur elle même comme un chien qui court après sa queue et s'allume une cigarette. Elle prend une longue bouffée avant de recracher la fumée dans le ciel en laissant tomber sa tête vers l'arrière et une fois cette chose faite, une fois le calme revenue, elle se dirige vers la voiture. Une brève discussion entre elle et le chauffeur s'en suit. Elle prend une autre bouffée de sa cigarette, jette ensuite le mégot par terre en l'écrasant de son pied comme on le fait pour un insecte nuisible et monte dans la voiture. Celle-ci repart et puis c'est tout.
Je viens de voir tout ça devant mes yeux. Je suis sur la balcon et il est 1h30 du matin et c'est le 28 novembre. J'ai les pieds mouillés et si je reste plus longtemps comme ça, je suis bon pour la grippe.
Je rentre, je change mes chaussettes. L'odeur de pieds disparaît du même coup.

Tant qu'il existera, par le fait des lois et des moeurs, un damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d'une fatalité humaine la destinée qui est divine; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l'homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l'atrophie de l'enfant par la nuit, ne seront pas résolus; tant que, dans certaines régions, l'asphyxie sociale sera possible; en d'autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu'il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles.

Victor Hugo
Hauteville-House,
1er Janvier 1862
Préface du roman Les Misérables.

jeudi 27 novembre 2008

Record.

J'ai déjà 42 messages pour le mois de novembre. J'ai battu mon précédent record pour un mois. Si je veux, j'écris n'importe quoi et j'en suis en 43. Mais je ne le ferai pas.

La prof de science po.

L'endroit est un café sympa sur Beaubien. Le soir des matchs, ils descendent l'écran de toile blanche accroché au mur et projette la partie pour le plus grand plaisir des clients. C'est la place que je préfère pour regarder les parties parce que je soupçonne toutes les serveuses (pour la plupart toutes jolies, ce qui ne gâche rien, et surtout pas mon expresso allongé) de voter plutôt à gauche. En ces temps de troubles où la droite semble s'être donnée le mot pour nous gâcher les 30 prochaines années, ça fait du bien.
Ce soir, nous étions 8 amis à s'y être donnés rendez-vous. C'était sympa, d'autant plus que nous avons battu (et j'assume le "Nous") les puissants Red Wings de Détroit (Des méchants) dans ce qui fut une très belle partie de hockey. Je sais que cela ne règlera pas l'épineux problème des trous noirs qui se promènent dans le cosmos en absorbant des galaxies complètes, mais après une journée grise de novembre passée sur terre, ça fait toujours du bien.

J'aime bien cet endroit parce qu'il est hors normes. D'abord, c'est à la fois un café et une buanderie et c'est toujours surréaliste de voir des gens passer avec leur grosse poche de linge sale entre les tables pendant une attaque à cinq où Kovalev tente de se créer une ouverture. Ensuite, et pendant que tu regardes les parties, tu peux voir ici et là des étudiants qui travaillent sur leurs travaux avec laptop ouvert et bol de café au lait. Et puis comme ce soir, il y a aussi de profs qui viennent corriger les travaux des élèves. (Mais j'ai soudainement la terrible impression de me répéter... que j'ai déjà écris quelque chose sur ce café... je me trompe?) C'est un café qui ne se compare à aucun autre. Je ne dirai pas le nom de ce Café pour pas que les trois lecteurs de ce blogue viennent subitement envahir la place ou ne propage le mot. Ne comptez donc pas sur moi pour dévoiler ici le nom du Mousse Café qui est situé juste à l'est de la rue Iberville sur Beaubien. Même sous la torture, je ne dirai rien.

Je parlais des profs qui viennent parfois corriger les travaux d'élèves. Il y en avait une ce soir qui était juste à la table d'à côté de la mienne et qui a passé toute la soirée à corriger une montagne de compositions tout en regardant le match.
- Noooon?
- Si! Si!
La trentaine, cheveux noirs, de très jolis yeux, joli sourire. Du coin de l'oeil, j'ai vu qu'elle avait siroté dans la soirée un gros bol de café au lait, puis un Perrier puis plus tard, elle s'est tapé une pointe de gâteau qui me semblait être au caramel. Ou quelque chose comme ça. Je ne lui ai pas demandé. Mais j'ai vu à un moment donné qu'elle avait déposé dans son assiette sale le cadavre d'un stylo rouge qui venait de rendre l'âme après je ne sais combien de pages de correction. Le crayon, amorphe, reposait comme un poisson échoué à côté de sa fourchette et baignait dans le restant de coulis de caramel.
Pendant que mes amis parlaient entre eux, et profitant d'un moment stratégique, je me suis risqué à lui parler. Nous avons échangé quelques mots. Elle est prof en science po à l'université et ne déteste pas regarder les parties de hockey pendant qu'elle corrige les devoirs de ses étudiants. Et toute seule à sa table en plus!
Je résume pour ceux qui dorment au gaz ou qui ne croient pas aux miracles:
Une belle femme seule à une table de café, tout près d'un écran géant (collée dessus en fait) sur lequel on passe la partie de hockey parce qu'en même temps, elle ne veut rien rater du match. Et qui enseigne la science po!!!!

Je reprends encore parce que je sens qu'on ne comprend pas toute la symbolique de la chose!!!
UNE BELLE FEMME SEULE À SA TABLE, QUI ENSEIGNE SCIENCE PO ET QUI TRIPPE SUR LE HOCKEY!!!!
Il y a un mot pour ça en philosophie: La femme parfaite!

Comme j'ai 45 ans et que j'ai baigné dans la littérature féministe, je m'interdit de déranger une femme qui est seule à une table de café. De la même manière que je n'ai jamais abordé une femme seule dans un bar. J'ai peut-être raté des occasions en or, mais j'ai au moins la satisfaction d'avoir toujours considéré toutes les femmes vues seules à une table quelconque au même titre qu'un homme à une table quelconque. C'est à dire que j'ai toujours été capable de configurer mon cerveau pour me dire d'abord et avant tout que si elle seule à sa table, c'est parce qu'elle veut avoir la paix. Comme je disais, j'ai sans doute rater beaucoup de chances mais au moins, je n'ai jamais fait chier de ma vie celles qui étaient là vraiment parce qu'elles avaient envie d'être seule.
Mais comment montrer à la belle femme qui enseigne la science politique et qui aime le hockey qu'elle ne nous laisse pas indifférent? Bonne question.
J'ai résolu celle-ci en m'acquittant discrètement de sa facture et en lui payant tout ce qu'elle avait consommé dans la soirée sans le lui dire.
Pire que ça, j'ai quitté l'endroit avant elle, de sorte qu'elle n'allait apprendre que j'avais tout payé qu'une fois ma disparition complétée.
N'est-ce pas chevaleresque?
J'aime ces moments qui me font Cyrano.

LE BRET, faisant le geste de lancer un sac
Comment ! le sac d'écus ?...
CYRANO Pension paternelle, en un jour, tu vécus !
LE BRET
Pour vivre tout un mois, alors ?...
CYRANO Rien ne me reste.
LE BRET Jeter ce sac, quelle sottise !
CYRANO Mais quel geste !...

Moi, si j'étais une femme, je tomberais immédiatement amoureuse d'un mec comme ça.
Quand j'ai été payer pour la prof, les serveuses se sont foutues de ma gueule sans trop de subtilité malgré le fait que depuis que je vais là, je leur ai versé l'équivalent de 300 loyers. J'ai même entendu quand elles chuchotaient entre elles des commentaires que je devinais impertinents. Mais ce n'est pas de leur faute. Les moins de 25 ans croient toujours que les gens qui ont plus de 40 ans sont des morts vivants.

Je sais qu'elle vient souvent dans ce café et je sais que tôt ou tard, nous allons nous recroiser. Elle voudra me remercier, ou en tout cas elle se sentira obligée d'engager une véritable conversation. Moi, je vais jouer les indifférents parce que c'est comme ça qu'il faut faire et que c'est comme ça que c'est écrit dans les manuels du parfait séducteur. Je vais me montrer au-dessus de tout ça, un brin nonchalant et à la fin, elle n'en pourra plus de mon indifférence et très certainement, elle me demandera en mariage.
J'en ai parlé à mes parents et ils sont d'accords. Cependant, je ne lui dirai rien, gardant ainsi le suspens jusqu'à la fin.

mercredi 26 novembre 2008

Journée morne

Journée morne avec toute cette neige fondante et ce ciel résolument gris. Le genre de temps qui te ramène des images de suicides collectifs ou de débats des chefs. Ce qui revient un peu au même quand on y pense. Il n'y a rien de beau dans une première neige qui hésite entre rester et s'en aller. C'est l'un ou l'autre mais pas les deux en même temps. Ça fait pas sérieux une neige mouillée et on se demande bien ce que le gouvernement attend pour interdire tout ça.

Un temps pour faire la lessive. Du linge sale, j'en avais un peu et ma fille en avait une montagne. Comme la laveuse ne fonctionne pas ici et qu'elle sert de support pour le four micro-onde, je me suis fait tout ça chez mes parents, comme un bon fils.
J'ai regardé en même temps le débat des chefs. Ça ne changera rien à mon idée d'aller voter QS ou de ne pas voter du tout, j'hésite entre ces deux options. J'ai quand même trouvé l'exercice intéressant. J'ai trouvé Marois pas si mal et beaucoup plus assurée que ce à quoi je m'imaginais. Bonne performance dans l'ensemble. Agressive et dynamique mais incapable de puncher.
J'ai trouvé Dumont bon dans la mesure où il fut capable de préserver ses derniers acquis. On voit bien qu'il commence à avoir une solide expérience et qu'il n'est plus le petit cul qu'il était. Il reste toujours le même conservateur mais avec plus d'assurance et une fougue plus mesurée. Couper dans l'État, couper chez les assistés sociaux, privatiser une partie d'hydro Québec, embaucher plus de flics, réformer les écoles en y prônant la discipline, on est bien loin de René Lévesque à qui on le comparait pourtant il y a à peine deux ans.
Quant à Charest, il s'est repris de sa mauvaise performance du précédent débat. Quand il est en forme, c'est un redoutable débateur. Jamais démonté, jamais pris de court, jamais désarçonné, les attaques se multipliaient contre lui et il répondait du tac au tac avec une aisance et un aplomb qui ne s'est jamais démenti tout au long de ces deux heures.
Au reste, c'était un excellent débat. Je ne me suis pas ennuyé une seconde même si ça ne changera en rien mes intentions.

En revenant dans la soirée, il y avait encore le Gaspésien assis dans mes escaliers. Il était seul. Il avait un tout petit sac à dos qui devait contenir j'imagine quelques bières. Il semblait moins défoncé que la dernière fois où je l'ai vu, le soir où son pote démolissait le frigo. Sans doute qu'il ne faisait que débuter son quart de travail.
N'empêche, il commence à m'inquiéter. Je n'aime pas trop qu'il sache mes horaires et mes heures d'absence. Il sait où j'habite, il connaît ma voiture. Et puis son pote adore démolir les frigos.
J'aime pas trop.

Ils me font un peu penser à Jon Voight et Dustin Hoffman dans Midnight Cowboy, le merveilleux film de John Schlesinger sorti en 1969. La conséquence de leur misère est la même. Ce Gaspésien qui est descendu dans la grande ville pour espérer trouver un sort meilleur a fait le même cheminement que celui du personnage joué par Voight. Avec le même résultat d'échec.

J'ai souvent tendance à confondre la réalité avec les films que j'ai vu dans ma vie. Ma vieille voisine par exemple, celle qui parle toute seule et que je devine sombrer un peu plus dans la démence chaque jour, elle me fait penser à Roman Polanski dans Le Locataire. J'attends le moment où elle va se précipiter en bas de son balcon pour nous prouver qu'elle n'est pas Simone Schultz.

Le propriétaire du dépanneur du coin, monsieur le Vietnamien dont j'ignore le nom, il me fait penser à Omar Sharif dans le film Monsieur Ibrahim. C'est pas vraiment la même religion ni la même gueule, mais leur vie de prisonnier de leur propre commerce est la même.

Et puis moi? Moi, comme ça, je vous dirais que je me suis toujours identifié à Hyppolite Girardot dans le sublime film de Éric Rochant: Un monde sans pitié. Rien de moins les amis. C'est mon blogue et c'est mon droit. Voici une critique que j'ai trouvé quelque part sur un site d'amateurs de cinéma. Sauf pour le poker, c'est tout moi. Sauf pour l'âge aussi... quoi que j'avais le même (ou à peu près) quand le film s'est retrouvé sur les grands écrans.

"Putain! C'est pas nous, les bandits !" : avec cette réplique culte, Hippo, perdu dans ce monde sans pitié – le nôtre – devient le porte-drapeau de la génération post-68. Poker, débrouilles et glandouille. L'histoire ? D'une simplicité biblique ! Un jeune homme de 28 ans, Hippo, se moque de tout sauf de ses copains et de son frère. Sans avenir, ni illusions non plus, il vit au jour le jour, désenchanté, mais heureux. Et puis, soudain, coup de foudre pour une bosseuse, motivée, qui en veut… Bref, Hippo va devoir ramer ! C'est tout ? Oui, mais, c'est tout simplement ma-gi-que ! Magie d'une réalisation, d'abord : pour son premier film, Éric Rochant...

mardi 25 novembre 2008

Blanc.

Il neige. Quand je regarde par la fenêtre, je vois ma rue qui est toute blanche. C'est pas drôle... c'est vraiment pas drôle. Y a rien de drôle dans la neige. Rien de romantique. Rien de beau. C'est blanc, c'est froid et c'est lourd à pelleter. Ceux qui disent que l'hiver est leur saison préférée sont des masos. Tu ne peux pas aimer la vie quand elle est recouverte de glace. Ou alors c'est que tu as un sérieux problème.
Même le hockey, c'est pas un sport. C'est juste un moyen comme un autre pour supporter l'hiver. Cette chose a été inventée pour ça et pour rien d'autre. Et c'est pas un hasard si Montréal est l'équipe qui a le plus de victoires et qui compte les meilleurs supporteurs. C'est parce qu'ici, l'hiver est pire qu'à Boston, New-York ou Chicago. 24 championnats en 100 ans d'histoire, c'est pas un hasard. C'est parce que la parade est désormais associée au printemps. Une année sans la coupe, c'est assurément un été de merde.
Anyway, il neige et ça me fait chier.

lundi 24 novembre 2008

Les Misérables.

Du coup, je viens de passer deux heures à feuilleter le premier tome des Misérables. J'ai lu ce roman trois ou quatre fois je crois. J'avais oublié que j'avais noté des passages. En voici quelques uns piochés au hasard.
Derrière vivre de peu, il y a vivre de rien. Ce sont deux chambres; la première est obscure, la seconde est noire.

((Parlant du mot (Merde!) que le général Cambronne lança à Waterloo en réponse aux Anglais qui lui demandait de se rendre)) : Foudroyer d'un tel mot le tonnerre qui vous tue, c'est vaincre.

(Parlant de la petite Cosette obligée d'aller puiser l'eau à la source dans la forêt après la nuit tombée et pour exprimer la peur de la petite) : Les forêts sont des apocalypses; et le battement d'ailes d'une petit âme fait un bruit d'agonie sous leur voûte monstrueuse.

(Parlant du rapport entre la femme Thénardier et son mari, ces trois extrais superbes)
Cette montagne de bruit et de chair se mouvait sous le petit doigt de ce despote frêle. C'était, vu par son côté nain et grotesque, cette grande chose universelle: L'adoration de la matière pour l'esprit. \ A de certains moments, elle le voyait comme une chandelle allumée; dans d'autres, elle le sentait comme une griffe. \ Cette femme était une créature formidable qui n'aimait que ses enfants et ne craignait que son mari. Elle était mère parce qu'elle était mammifère.

(Sur l'armée)
Ils tombèrent dans cette redoutable erreur de prendre l'obéissance du soldat pour le consentement de la nation. \ Une armée est un étrange chef-d'oeuvre de combinaison où la force résulte d'une somme énorme d'impuissance.

(Sur Jean Valjean et sur tous les prisonniers politiques de notre époque, sur tous les innocents derrières les barreaux, sur notre concitoyen canadien Omar Kahdr lâchement abandonné par notre gouvernement dans les prisons sordides de Guantanamo depuis l'âge de 15 ans)
Ce chien m'a mordu et chassé comme s'il avait été un homme. \ Il y a dans notre civilisation des heures redoutables; ce sont les moments où la pénalité prononce un naufrage. Quelle minute funèbre que celle où la société s'éloigne et consomme l'Irréparable abandon d'un être pensant! \ Il faut bien que la société regarde ces choses puisque c'est elle qui les fait. \ La colère peut être folle et absurde; on peut être irrité à tort; on n'est indigné que l'orsqu'on a raison au fond par quelque côté. Jean Valjean se sentait indigné. \ Il n'avait d'autre arme que sa haine. Il résolut de l'aiguiser au bagne et de l'emporter en s'en allant.

(Un homme à la mer)
Il se sent enseveli à la fois par ces deux infinis, l'océan et le ciel; l'un est une tombe et l'autre un linceul

(Sur l'État)
Les deux premiers fonctionnaires de l'état, sont la nourrice et le maître d'école.

Hochelaga-Maisonneuve blues suite de la suite de la suite de la suite de la suite.

Le type que j'ai vu l'autre soir dans mes escaliers, le Gaspésien, celui à qui j'ai donné une bière alors qu'il pleuvait, ça fait trois ou quatre fois que je le vois. Toujours le soir. Et pour cause. Il représente le volet masculin des produits sexuels qui se vendent aux coins des rues du quartier. J'ai découvert ça cette semaine alors que je revenais du boulot.
Il avait son coin de trottoir qu'il protégeait en marchant de long en large et regardait les voitures passer exactement comme le font ses consoeurs. Quand je me suis garé, je l'ai vu s'amener vers moi et quand je suis sorti de ma voiture, il a figé comme un poteau en me reconnaissant. J'ai joué le jeu et j'ai fais comme si je venais de la campagne et que je ne connaissais rien aux moeurs des sombres rues. Je l'ai salué en lui lançant un commentaire sur la température. Il m'a répondu quelque chose tout en baissant la tête et en tournant les talons.

Je suis vraiment nul pour ce genre de chose. Pourtant, et maintenant que j'y pense, c'était écrit en gros sur son front. Et tout s'explique. Mon escalier lui sert de banc de repos entre deux clients. Il vient y descendre une bière avant de reprendre le boulot. Ça explique aussi pourquoi je l'avais trouvé très propre pour un clodo, frais rasé et tout le tralala.
Et dire que j'ai pensé pendant un moment lui offrir un sofa!!! Putain des fois, je suis trop con. Qu'aurait dit ma proprio? Après une pute, un extra terrestre, une poupée gonflable... (ici, et pour bien comprendre le contexte, il faut revenir aux anciens textes sinon on ne pigera rien et je vais passer pour un vil personnage)
Il doit avoir à peu près mon âge, un peu plus peut-être. Mais démuni entre les deux oreilles. Un pauvre hère qui déambule sa déchéance au gré des courants urbains. On a qu'à lui parler un peu pour réaliser que le hasard des naissances l'aura placé du côté des damnés de la terre. Pas d'éducation et pas de chance. Le cocktail qui tue.

Un type est souvent avec lui. Plus jeune, dans la fin vingtaine, presque beau gosse. Mais agressif dans sa gestuelle et un je ne sais quoi d'affolant dans la pupille. Je crois qu'ils font équipe. Ou en tout cas, ils partagent quelque chose de triste ensemble.
Ce soir, quand je suis arrivé, le plus vieux était encore assis dans mes escaliers et le plus jeune démolissait à coups de pieds un vieux frigo couché sur le trottoir et sans doute jeté aux ordures un peu plus tôt dans la journée par un voisin. Ils prenaient sans doute une pause. Quand je suis arrivé, il insistait particulièrement sur la partie fragile de l'appareil où est stocké le fréon. Ça faisait un boucan pas possible, un brin inquiétant.
Parce que je suis un rigolo de nature et parce que la scène était complètement surréaliste, j'ai lancé comme ça en passant: Alors, ça marche bien cette vente de garage?
Il cessa net son massacre métallique et me regarda droit dans les yeux. Je vis tout de suite qu'il ne pouvait piger le deuxième degré de mon humour incomparable. Pourtant, ça travaillait fort derrière son regard. Ça chauffait. Jusqu'à ce qu'il en vienne à une conclusion qui, finalement, fut bénéfique et me sauva de mon gag idiot.
En effet, il me prit pour un con.
- Meuh... c'est pas une vente de garage! qu'il me répondit en se détournant aussitôt pour reprendre son jouissif passe-temps.

J'ai pas insisté pour lui dire que ce n'était qu'une blague et que je savais très bien qu'un type qui massacre un frigo à coups de pieds à 11h le soir n'est pas en train de faire une vente de garage. À la place je suis passé tout droit et j'ai monté directement chez moi.
Je ne sais pas pourquoi, mais en pensant à ce type, ça m'a ramené à la description du couple Thénardier par Victor Hugo dans les Misérables.

Il existe des âmes écrevisses reculant continuellement vers les ténèbres, rétrogradant dans la vie plutôt qu'elles n'y avancent, employant l'expérience à augmenter leur difformité, empirant sans cesse, et s'empreignant de plus en plus d'une noirceur croissante. Cet homme et cette femme étaient de ces âmes-là.
Le Thénardier particulièrement était gênant pour le physionomiste. On n'a qu'à regarder certains hommes pour s'en défier, on les sent ténébreux à leurs deux extrémités. Ils sont inquiets derrière eux et menaçants devant eux. Il y a en eux de l'inconnu. On ne peut pas plus répondre de ce qu'ils ont fait que de ce qu'ils feront. L'ombre qu'ils ont dans le regard les dénonce. Rien qu'en les entendant dire un mot ou qu'en les voyant faire un geste on entrevoit de sombres secrets dans leur passé et de sombres mystères dans leur avenir.

dimanche 23 novembre 2008

Le Vatican pardonne à Lennon.

http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2008/11/23/002-Beatles-Vatican.shtml

Dans une longue, très longue entrevue accordée à une amie (Maureen Cleave) du London Evening Standard, le 4 mars 1966, Lennon se laisse aller et parle de tout et de rien. Il est à l'aise et discute librement. À un moment, la conversation bifurque sur l'influence de la musique indienne qu'apporte George à l'intérieur groupe. Tout naturellement, la discussion dévie ensuite sur la spiritualité. Il dit : Le christianisme disparaîtra. Il s’évaporera, rétrécira. Je n’ai pas à discuter là-dessus. J’ai raison, il sera prouvé que j’ai raison. Nous sommes plus populaires que Jésus désormais. Je ne sais pas ce qui disparaîtra en premier, le rock’n’roll ou la chrétienté (…)
Cinq mois plus tard, un magazine américain pour adolescents reprendra la fameuse citation "Nous sommes plus populaire que Jésus" en l'isolant et en la sortant complètement de son contexte. Et c'est le début du scandale. Les Rednecks du Sud organisent des autodafés avec les disques des Beatles, Lennon reçoit des menaces de mort, Le KKK manifeste lors d'un concert des Beatles en Alabama et le Vatican - comme le KKK d'ailleurs - condamne Lennon. Tout ça au nom de leur Dieu bien aimé, celui qui, disent-ils, est Amour et Pardon.
Aujourd'hui, le Vatican "pardonne" à Lennon.
Ce qui est deux fois pathétique.
D'abord, ça prouve que même après 42 ans, le Vatican n'est resté que sur la citation prise hors contexte.
Ensuite, qu'elle pardonne à un être humain d'avoir exprimé une opinion.

Wow! Ça donne vraiment le goût de retourner à l'église.

samedi 22 novembre 2008

Texte qui va n'importe où.

Quelques flocons ce soir se sont déposés timidement ici et là sur la ville. Il faisait froid. Une sourde rumeur affirmait qu'on avait vu l'Hiver à une table d'un café branché du Plateau et qu'il discutait ferme avec l'Automne. C'était, je crois, la passation des pouvoirs.
L'Hiver semblait impatient de prendre le relais mais l'Automne ne semblait pour vouloir céder sa place. La discussion était animée dit-on.
Au fond de la pièce et complètement détachés de cette réunion, le Printemps et l'Été jouaient tranquillement une partie de billard ensemble tout en s'enfilant un pichet de bière blanche. Certains clients sont venus houspiller l'Été en l'accusant de ne pas avoir livré la marchandise. Le Printemps s'en est mêlé et a calmé le jeu. Tout le monde l'aime celui-là.

Je ne sais pas si ces ragots sont vrais. Mais le fait est que j'ai bien vu quelques flocons ce soir. Et le ciel, jamais en reste, transportait avec lui des parfums de janvier. C'est du moins ce que j'ai vu vers 20h08 quand je fumais ma clope derrière le commerce, juste à côté d'une longue coulée de pisse fumante qui serpentait depuis le recoin du mur de briques, près du conteneur à déchets. C'était frais fait. Quelques passants vont en effet uriner là. J'en ai surpris un une fois en pleine action alors que je sortais par la grande porte qui donne sur l'espace réservée à la livraison des marchandises. Il était petit, maigre, chétif. Je l'ai donc traité de dégueulasse parce que je savais que je ne risquais pas de me ramasser des baffes.
- Dégueulasse!
Ce fut dit avec toute l'assurance du mec qui en surprend un autre à pisser en public.
- ... ben... heu... ben...
Il balbutiait des borborygmes inintelligibles (des borborygmes peuvent-t-ils être autrement qu'inintelligibles? Je vous le demande humblement braves gens) pendant que son jet de pisse s'entrecoupait soudainement de spasmes. Cela donnait un pipi syncopé (de la célèbre chanson "Do you do you do you Syncopé, tadadadaaaam..." ) C'est la gêne qui fait ça. Plusieurs mecs en effet ne sont pas capables de pisser quand d'autres mecs les regardent. Je le sais parce que je suis un peu comme ça. Il y a un nom pour ce malaise mais j'ai oublié. La pudeur je crois, mais je n'en suis pas certain.
J'ai horreur de pisser dans les urinoirs publics à cause de ça. C'est pour ça que je me précipite toujours dans les cabines fermées en jouant du coude, même si ça schlingue souvent la merde marinée pendant trois jours. (Pourquoi les chiottes publics sont-elles fréquentées exclusivement par des gens qui n'ont pas chié depuis une semaine?) Quand je n'ai pas le choix, j'y vais mais dès qu'il y a un autre mec qui utilise l'urinoir voisine, c'est l'enfer. Je fais semblant de pisser, je siffle, je regarde la plafond et j'attends qu'il dégage pour me soulager à fond. Mais le pire, c'est quand le mec souffre de la même pudeur que moi. Du coup, nous somme deux à faire semblant de pisser, à siffler, à regarder le plafond et ça dur des heures, voire des jours. Mon record est de 43 jours à essayer de pisser à côté d'un mec qui faisait semblant de pisser à côté de moi. Nous avons cessé quand les nouveaux propriétaires du bar avaient fait abattre la bâtisse pour la remplacer par un parking. Mais pisser dans un parking je trouve ça dégueulasse et je suis parti, la poche gonflée et recroquevillée comme un gant de boxe et les muscles buccaux littéralement figés par la douleur.
La pudeur, c'est une terrible maladie.

Je disais quoi moi avec tout ça?
Ah ouais, l'Hiver, les flocons, le froid, ces choses inhérentes à cette période. Nous sommes dans la période dite "d'attente". L'Automne s'en va, l'Hiver s'en vient. Dans un mois Noël.

Au fait, qu'est-ce que je vais faire à Noël? C'est la deuxième année que je me pose cette question. J'ai pensé me payer des huîtres jusqu'à m'éclater l'estomac et me taper deux ou trois films classiques sur mon laptop. Un Kurosawa, un DeSica et puis quelque chose d'autre. Je verrai. Peut-être me faire ça dans un chalet loué. Peut-être me faire ça ici. Je ne sais pas. Ça va dépendre si je travaille ou pas le 24. Sans doute. La vente d'alcool est un service essentiel dans cette société.

Bon allez, je vais me coucher parce que justement, je travaille tôt demain.

vendredi 21 novembre 2008

Nous les gardiens de but (2)

Un lecteur qui s'est reconnu sur mon petit texte concernant les gardiens de but du siècle dernier m'a fait parvenir cette photo de lui datant d'il y a 300 ans. Comme moi, il était un fan fini de Ken Dryden. Mais plus que moi, son délire atteignait de sommets encore plus vertigineux que les miens (quoi que... je n'ai pas tout raconté). Il croyait que ses performances étaient directement influencées par les parties que Dryden avaient jouées les jours précédents. Ainsi, quand Dryden avait joué un match faible (ce qui arrivait très rarement) il savait qu'il allait connaître un rendement faible. De même qu'il savait qu'il allait être un mur quand Dryden avait été imprenable.
Juste à voir cette photo, je savais que son équipement ne lui appartenait pas et qu'il l'empruntait à l'aréna, comme moi. Je l'ai deviné à sa mitaine qui ressemble à une crêpe bretonne. J'avais le même problème. Venant d'une famille de classe moyenne, j'ai longtemps été obligé d'emprunter l'équipement directement de l'aréna et je me souviens que dans le lot de merde qui nous était généreusement offert, il n'y avait qu'une seule mitaine qui était formée adéquatement et dont le cuir assouplie permettait une manipulation parfaite. C'était une Cooper identique à celle qu'utilisait Tony Esposito. Chaque fois que je mettais la main dessus, je me sentais obligé de jouer avec le style papillon qui n'était guère pratiqué à l'époque que par lui.
Il arrivait souvent que cette putain de mitaine n'était pas disponible lorsque j'arrivais au vestiaire de location d'équipements parce que justement, elle était déjà utilisée par l'un des gardiens qui jouaient juste avant moi. Je devais alors attendre à la dernière minute dans la chambre des joueurs et me précipiter quand la partie qui nous précédait terminait, courir dans les corridors de l'aréna et intercepter le gardiens sortant pour lui soutirer la mitaine toute mouillée de sueur. Quand nous étions deux gardiens de fils de pauvres qui se confrontaient, c'était alors l'enfer parce que nous devions donc nous battre entre nous pour récupérer la seule mitaine de qualité disponible. Les gens normaux ne peuvent pas comprendre l'angoisse éprouvée.
Le truc c'était de passer à l'aréna la veille du match et de cacher la mitaine dans un recoin oublié du vestiaire. Mais comme tout le monde faisait ça, il arrivait des moments où personne ne découvrait la cachette du dernier visiteur et tous les gardiens de but de fils de pauvre de la ville devaient jouer avec des crêpes aussi rigides que des plaques de taule. L'enfer.

Par contre, je constate que le biscuit de mon correspondant et frère de sang gardien de but devant l'Éternel est scientifiquement recourbé juste comme il faut et je soupçonne que, comme moi, il travaillait à le plier méticuleusement avant les parties. (Est-ce que je me trompe M...?)

Autre observation, et comme moi jusqu'à 13 ans, ce frère de sang ne chaussait pas des patins conçus pour les gardiens de but, signe que c'était un véritable fils de pauvre ou de classe moyenne. Comme moi, il a donc reçu des shots sur le côté intérieur du pied qui lui ont fait mal à en pleurer. Et comme les lames Tuk n'étaient pas encore inventées, comme moi, il s'est aussi prit quelques fois les pointes arrières de ces lames dans l'anus lors de certains mouvements précipités. Putain, y a que les gardiens de buts de fils de pauvres des années '70 qui peuvent témoigner devant le Conseil Général de l'Onu de s'être fait enculer sauvagement par des lames de patin dans leur vie. Je me souviens d'une fois entre autre où j'étais littéralement tombé assis et de tous mon poids sur l'une de ces pointes. J'avais hurlé pendant l'action mais je devais en même temps surveiller le jeu et me remettre en position de défense. Je me souviens que j'avais poursuivi le jeu avec les yeux pleins d'eau tellement mon anus pétrifié me faisait mal.
Et puisque j'en suis au volet bite-poil-cul, je me souviens d'une pratique lorsque j'étais Bantam (14 et 15 ans) où j'avais reçu une garnotte d'Alain Lavigne (repêché trois ans plus tard par les Flyers de Philadelphie) sur une couille. Mon protecteur de couilles s'était déplacé pendant le mouvement. Vous savez ce que ça fait? Ça ne fait même pas mal. Tu fais juste tomber dans les pommes automatiquement. La seconde d'avant, tu attends le tir et la seconde d'après, tu vois les projecteurs du plafond parce que tu te retrouves allongé sur le dos. D'ailleurs, ce fut la premièr et seule fois de ma vie qu'un mec me massa les testicules. Ce fut mon coach de l'époque qui s'était précipité sur moi et m'avait retiré le masque, les gants et tout le barda pour que je respire comme il faut. Il était vert de trouille parce que je ne respirais pas et que je gardais sur le visage une sorte de mimique affolante. Devant touts le joueurs et devant tous les parents qui assistaient à la pratique, il n'avait pas hésité une seconde et eut la présence d'esprit de se fourrer la main sous mon jack strap pour me masser les couilles. J'ai repris aussitôt conscience. Quand je suis revenu à moi, il pleurait. Il avait vraiment eu peur. Il parait que je suis resté quelque chose comme 15 minutes dans le brouillard mais pour moi, ça n'avait duré que quelques secondes. Les couilles, c'est vraiment quelque chose de fragile il faudrait bien qu'un jour ou l'autre, le gouvernement légifère pour les protéger.

Bon, là c'est vrai.... je vais me coucher.

jeudi 20 novembre 2008

L'Empereur et moi

Suis allé voir l'expo sur Andy Warhol avec A... et du coup, en passant, comme ça et parce que je devais y aller, nous avons visité la nouvelle exposition permanente sur Napoléon provenant de la collection personnelle du regretté Ben Weider.
Moment intense d'émotion lorsque je me suis retrouvé devant l'un des rares chapeaux encore existant et portés par l'Empereur. Celui-ci est très particulier puisqu'il a été porté lors l'effroyable Campagne de Russie.
C'est quoi la Campagne de Russie? Il me serait trop long de tout résumer ici. Restons-en simplement à certains chiffres qui donnent froid dans le dos.

Durée: De juin 1812 à décembre de la même année. C'est à dire environ six mois. Mais le premier véritable affrontement n'arrive que le 17 août à Smolensk.
Forces en présence:
La Grande Armée dirigée par Napoléon: 691 000 hommes
L'armée Russe dirigée par Koutousov: 900 000 soldats réguliers plus environ 70 000 Cosaques.
Toutes les batailles livrées furent remportées par l'armée de Napoléon.
Pertes humaines des deux côtés à la fin du conflit? On l'estime à environ un million. (un million !!!!)
Nombre de soldats de l'armée de Napoléon survivant à cette Campagne? On l'estime à environ.... 91 000.
Quatre mois de combats pour un million de morts. Malgré la boucherie épouvantable des champs de bataille, la grande majorité des pertes de l'armée française se produira non pas en combattant, mais pendant la terrible retraite. Le froid tuera plus que les canons.

Ce bicorne a vu la terrible bataille de la Moskova. (Environ 100 000 pertes humaines des deux côtés en une seule bataille. Essayez de battre ça juste avec des fusils qui ne tiraient qu'un seul coup et qui se rechargeaient en 12 actions. Sans parler de leur précision relative... disons que les baïonnettes dans les corps à corps ont sans doute tuées plus de soldats de les balles. À cette époque, les ennemis se voyaient dans le blancs des yeux avant de s'étriper. C'était épouvantable, mais au moins ça restait entre soldats et les civils n'écopaient pas comme aujourd'hui.)

Ce bicorne a vu Moscou brûler.
Ce bicorne a vu le passage de la Bérézina.

Vu comme une catastrophe dans l'imagerie populaire mais pourtant, c'est tout le contraire. Ce passage in extremis du fleuve ne fut possible que grâce à l'incroyable audace de Napoléon. À la tête d'une armée décimée par le froid et la faim, une armée désorganisée, démoralisée et dont la file de traînards s'étiraient sur de KMS, Napoléon se retrouve rapidement devant un problème majeur. Il doit en effet traverser ce fleuve alors qu'il ne reste plus aucun pont intacts. Pire encore. On le tient en tenaille par trois fronts. En arrière (Koutousov) sur son flanc gauche (Wittgenstein) et même, terrible menace, au delà de la Bérézina par un fort détachement dirigée par Tchitchagov et qui presse le pas pour arriver le premier à la hauteur de Borissov, seul lieu logique de passage. Napoléon dépêche en éclaireurs plusieurs unités pour tenter de trouver un second point favorable à la traversée. Le général Corbineau en trouve un du côté de Studienka, à quelques km au nord de Smolensk. C'est là que Napoléon décide de traverser. Mais il donnera le change aux Russes en envoyant un détachement vers Borissov en offrant un leurre à Tchitchagov. Il ordonnera en effet à ce détachement de feindre une opération de traversée pendant qu'il s'activera à Studienka. Ce coup de poker ultime fonctionne mais simplement grâce au dévouement héroïque des pontonniers de Napoléon qui construisent deux ponts alors que la température chute à moins 20 centigrade. Imaginez travailler dans l'eau d'une rivière pour soutenir des poutres et taper sur des clous alors qu'il fait moins 20! D'ailleurs, la plupart de ces légendaires pontonniers meurent d'hypothermie, mais sans pour autant déserter leur place. Jusqu'au bout pour l'Empereur! On constate leur décès que lorsque l'on voit leurs corps dériver par le courant. Une poignée seulement auront survécu à ces deux journées d'enfer. (en comparaison, la dernière journée où j'ai sauté dans la rivière cette année fut le 29 septembre et j'ai battu mon précédent record qui était du 20. Je n'y suis resté que quelques secondes et je peux dire qu'elle était frette en TABARNAK!) Anyway, quand Tchitchagov réalise qu'il s'est fait fourrer, il se précipite sur Studienka et pendant les deux jours que prend l'armée de Napoléon pour traverser, une ultime bataille s'engage. Les Russes font pleuvoir une averse de boulets sur les deux ponts et c'est pendant la deuxième journée que le drame arrive. Mais le gros de l'armée de Napoléon a traversé et la plupart des victimes sont les traînards et les civils qui suivaient l'armée française. Beaucoup de femmes et d'enfants, ce qui a profondément marqué les témoins de la scène. C'est un épisode épouvantable, mais le fait est que Napoléon a réussit à sauver le restant de cette armée. Si ce n'avait pas été de son génie, l'Empire aurait terminée sur les berges de ce fleuve et non trois ans plus tard, dans la morne pleine de Waterloo.

Merde... je voulais faire bref. Mais dès que je parle de Napoléon, je m'emballe. Désolé.

Longue discussion pendant cette visite de l'exposition avec A... sur Napoléon qu'elle voyait un peu comme une sorte de mégalomane pré-hitlérien. Je lui expliquais que l'histoire est écrite par les vainqueurs et que parfois, ça prend des années pour rétablir la vérité. Napoléon représentait l'héritage de la révolution française. Je lui ai parlé des 7 coalitions européennes menées contre la France entre 1789 (révolution française) et 1815 (Waterloo, défaite ultime de Napoléon) Que le méchant n'était pas Napoléon, mais les têtes couronnées de l'Europe qui voyaient la France et ses droits de l'homme comme un virus qui menaçait leur suprématie. Tuer Napoléon, c'était revenir à l'ancien régime, des rois et des nobles d'un côté, et le reste de la crasse de l'autre. Napoléon n'a pas fait que des bons coups, mais il était la réponse implacable du peuple contre l'iniquité des royautés. Je lui ai appris que Napoléon fut le premier chef d'État moderne à avoir reconnu les Juifs comme des citoyens égaux. Le premier à avoir reconnu les enfants nés de relations extra-conjugales comme des héritiers légitimes. Le premier à avoir conçu et imposé un code civil si révolutionnaire et si équitable qu'il fut une référence pour plusieurs pays démocratiques (y compris le Canada) pendant près de 200 ans. Que sous son règne, les peines de morts on chutées tandis qu'en Angleterre, elles augmentaient. Qu'il voulut unifier l'Europe 200 ans avant que cela se fasse. Qu'il voulut instaurer une monnaie commune 200 ans avant que cela se fasse. Qu'il a prédit l'essor de la Russie 100 ans avant le Révolution Russe. Qu'il n'a jamais trahit un accord de paix signé. Qu'il a toujours été l'agressé et qu'il n'a fait que se défendre contre les coalitions, mais que le problème (pour les Rois européens) c'est que plus on l'attaquait, plus il gagnait et que plus il gagnait, plus son empire s'étendait. En d'autres mots, on lui aurait foutu la paix dès le début qu'il n'aurait pas construit son empire. Mais ça, les antis-napoléoniens se refusent à l'admettre. Et la raison est bien simple, c'est qu'ils sont trop paresseux pour lire et pour apprendre. A... était bien contente que je lui apprenne tout ça. Pour la remercier, j'ai pris une photo d'elle un peu plus tard alors qu'elle était devant un Renoir.

Mais bon... c'est assez pour ce soir. Je vais me coucher.

Letters from Iwo Jima

Je viens de me regarder Letters from Iwo Jima sur mon laptop avec des pâtes aux crevettes et une entrée d'huîtres. Un mot pour définir ce film de Clint Eastwood?
Colossale!
Humaniser l'ennemi, voilà ce que fait ce film. Montrer que celui sur qui l'on tire au nom de notre pays n'est pas différent de nous.
En deux volets, en deux films, en deux visions, Eastwood nous montre la bataille de Iwo Jima vue de chaque côté des protagonistes en présence. La version japonaise, celle que je viens de voir ce soir, est à se rouler par terre.

La deuxième guerre mondiale n'est pas si loin de nous. Elle s'est terminée il y a à peine 60 ans. Mes parents qui vivent toujours aujourd'hui et qui sont en très bonne santé sont nés quatre ans avant son déclanchement. Le père de ma mère y a participé et en est revenu complètement gaga pendant des années. Ce que je veux dire, c'est que nous vivons dans une quiétude relative et que rien ne nous prouve que nous ne connaîtrons pas encore la même chose dans un avenir rapproché. Nos leaders des pays occidentaux disent que nous vivons dans un monde de paix depuis la fin de cette guerre mais depuis 60 ans, combien de conflits armés ont dévastés de dizaines et des dizaines de pays de cette planète? La Corée? Le Vietnam? Le Liban? Le Nicaragua? Le Congo? Le Rwanda? Le Nigeria? Les Malouines? Le Honduras? L'Irak? L'Iran? L'Afghanistan? La Palestine? Le Kosovo? Le Guatemala? Le Salvador? L'Algérie? La Tchétchénie? Le Cambodge? L'Ouganda? La Somalie?
Dois-je continuer?
Quelle différence, à part l'âge, entre une orpheline de guerre de l'Afghanistan de 8 ans d'aujourd'hui et la mémé de 80 ans orpheline de la deuxième guerre mondiale?
Il n'y en a pas. Mêmes larmes mais avec 60 ans de différence.

Hey... je vais me coucher parce que je suis complètement saoul.

mercredi 19 novembre 2008

Nous, les gardiens de but.

Cette photo là fut prise quelque part autour de 1973. J'avais donc 10 ou 11 ans. Ma première année comme gardien de but pour les glorieux Atome de la paroisse Précieux Sang de Repentigny. C'était aussi la première année où je jouais dans un aréna. L'année précédente j'avais joué à l'extérieur. Douce époque où l'on avait encore un hiver et que nous pouvions jouer de fin novembre à début avril sans qu'aucune fois la température ne vienne nous faire fondre la glace. (il y a encore des gens qui disent que le réchauffement climatique n'est qu'un mythe?)

Mon coach était Monsieur Clouette qui, dans mon imagination délirante, je comparais aisément avec Scotty Bowman. Même désir de vaincre, même ascendant sur ses joueurs, même auréole au-dessus de la tête. Nous avions 10 ou 11 ans mais quand nous revêtions nos uniformes, nous étions les prochaines étoiles du Canadiens.
Putain de merde, j'y croyais vraiment.



Moi, bien sûr, j'étais Ken Dryden (Avant qu'il ne devienne député fédéral, of course) Mais pas le Ken Dryden avec le masque bleu-blanc-rouge! Non! Celui des trois premières années avec ce mythique masque qui lui donnait une tête d'araignée géante. (Voir photo) D'ailleurs, si vous observez bien sur mon bloqueur, (pour les filles ou pour les extra-terrestres, le bloqueur est cet espèce de gros biscuit qui recouvre la main qui tient le bâton) il y a une petite photo de collée. C'est celle de Ken Dryden justement. Déjà à 10 ans, je rivalisais de marginalité avec les plus marginaux de cette société et je faisais preuve d'audace dans mon indépendance sociale. Je n'avais qu'a brandir cette photo pour faire frémir les attaquants adverses.

C'est Monsieur Clouette qui avait pris cette photo parce qu'il avait soudoyé la direction d'un journal de quartier pour que l'on parle de nous. Cette photo fut donc imprimée et publiée mais hélas, je n'ai plus la copie de ce journal, de même que je n'ai pas le moindre souvenir de ce que le journaliste affecté avait pu écrire sur moi.

Ma position est des plus bizarre mais je ne faisais que répondre aux directives de mon coach et photographe officiel. En principe, et si je me souviens bien, il voulait recréer les photos de promotion des joueurs professionnels que l'on voyait en simili action. Comme sur celle de Jacques Plante ici. Je devais simuler un arrêt spectaculaire avec la mitaine mais ça n'avait pas très bien marché parce que je me bidonnais tout le temps et que la rondelle n'arrêtait pas de tomber. Le résultat donne quelque chose de très statique et de franchement rigolo. Monsieur Clouette était meilleur coach que photographe.


Quand je regarde cette photo, je suis obligé de dire que je commence à me sentir drôlement vieux. Le noir et blanc d'abord, mais surtout l'équipement qui semble provenir d'un musée. En comparaison avec ce qui se fait aujourd'hui, en comparaison par exemple à ce petit Alexis Ouellet dont j'ai piqué la photo sur un blogue quelconque et qui n'a pas plus de 12 ans, c'est complètement deux mondes différents. Ce qui n'empêche pas que j'étais assurément meilleur que lui et que même avec mes jambières en cuir qui pesaient trois tonnes en troisième période tellement elles étaient imbibées d'eau, je l'aurais clanché.
Pourquoi je sais ça?
À cause de ma photo de Ken Dryden sur mon bloqueur.

Ce gamin porte sur lui l'équivalent en argent d'une puissante voiture sport. Juste sa mitaine (et je ne parle pas de son bloqueur, des ses jambières ou de son bâton) doit frôler les 300$. Une merveilleuse conception imperméable à l'eau et qui ne doit même pas peser trois plumes. N'empêche, juste à lui voir la gueule, je sais que je l'aurais atomisé. On voit trop bien que c'est un gosse de riche. T'as pas une tête comme ça à 12 ans sans avoir une piscine intérieur et un spa dans ta chambre. Et puis dans mon équipe, il y avait Denis Morneau qui avait la plus puissante garnotte de toute l'histoire des garnottes du hockey mineur. Denis l'aurait remis à sa place vite fait bien fait en lui sifflant un plomb autour des oreilles.

Denis était un cas à part. Un prodigieux doué, il jouait au hockey comme d'autres vont prendre des marches de santé. À la seule différence que lui, il était plus fort que tout le monde mais il s'en crissait complètement. Je me souviens qu'à 18 ou 19 ans, j'organisais l'été des parties amicales et certains potes qui avaient été repêchés par des équipes professionnelles venaient jouer pour garder la forme avant les camps d'entraînement. Un soir, et alors qu'il nous manquait un ou deux joueurs, j'avais convaincu Denis de venir combler un poste. Ça faisait deux ou trois ans qu'il n'avait pas enfilé ses patins. Mais lors de cette partie, il avait complètement dominé tout le monde, enfilant je ne sais plus combien de buts. Tout ce qui intéressait Denis était la chasse, la pêche et le trapage. Un drôle de zigue. Et puis fort comme un boeuf. Je l'avais déjà vu garer sa voiture en lui soulevant le cul et la replacer à bout de bras. Et avec ça une tête blonde qui faisait craquer toute les filles. Et puis drôle et tellement sympa. Il y en a comme ça qui ont tout.

Me revoilà encore en train de me perdre dans les souvenirs et la nostalgie.... je ne sais pas ce qui se passe en ce moment mais j'ai l'impression que dès que mes mains se placent au dessus du clavier, elles vont crépiter leur inspiration éthylique dans les vieux souvenirs. Aussi bien aller me coucher avant de sombrer dans le mièvrerie.


Ron! Ron! Ron!

Je revenais de chez mes parents où j'ai bouffé comme un porc. Le ventre plein, je roulais tout en écoutant à la radio la délicieuse émission de Ron Fournier. Ça m'arrive parfois, mais seulement en voiture. C'est pas désagréable de rouler en écoutant des loosers téléphoner pour donner leur commentaire sur une partie de hockey comme si la survie de la planète en dépendait. Je l'écoute surtout après une défaite parce que je sais que c'est là que les propos les plus débiles vont sortir. Quand ils gagnent, bof... tout le monde est content et c'est pas drôle. Mais quand ils perdent!!!... c'est franchement génial.


C'était une émission d'anthologie ce soir. Du moins, pendant la petite section que j'ai écouté entre Repentigny et Montréal.
Le type: Mon Ron, je te parle en ce moment alors que je suis complètement écrasé dans mon sofa. Tu sais comment je me sens mon Ron?
Ron: Non.
Le type: Perplexe! Je suis perplexe!
Le type sonnait aussi dévasté que s'il venait d'apprendre que les USA avaient déclaré la guerre contre le Canada. C'était dit sur un ton de profond abattement, à un degré de déprime qui précède de peu le suicide. Un peu comme si sa vie venait de prendre un tournant catastrophique.
C'était facile de deviner que ce mec là vivait seul. Que non seulement il n'avait pas de femme dans sa vie, mais qu'en plus, il n'en aura jamais.

Le type: Tu sais mon Ron, si le mur de Berlin est resté si longtemps debout, c'est parce que les Allemands de l'Est et les Allemands de l'Ouest ne faisaient que le regarder.
(Je jure sur la tête de ma fille qu'il a donné cet exemple!!!!)
Ron: Ben...heu... beaucoup d'Allemands de l'Est ont tenté de le franchir et beaucoup se sont fait garnotter. Mais où voulez-vous en venir au juste?
Le type: Où je veux en venir c'est que le Canadiens ne fait que font en ce moment que regarder l'autre équipe jouer.

Plus loin, et juste avant que Ron ne lui coupe la ligne, il fit une autre comparaison scientifique mais cette fois avec la Navette spatiale Challenger qui s'était détruite en vol en 1986. Je n'ai pas vraiment pigé.
D'autres intervenants se sont succédés, tous aussi dévastés les uns que les autres, tous aussi crétins. Et je me suis souvenu de cette année miraculeuse où l'équipe n'avait subit que 8 défaites sur une saison de 80 parties. Je me souviens qu'il y avait des tatas qui parlaient de catastrophe après chacune des 8 défaites. Je me souviens même du front page du Journal de Montréal au lendemain d'une défaite après que l'équipe avait annulé lors du match précédent. Un match nul et une défaite. La plus longue séquence sans victoire du CH cette année là. Une année record. Et qu'avait titré le journal de Montréal sur sa Une? Ceci:
Inquiétante léthargie.
Et je me disais comme ça que même si cette équipe parvenait un jour à gagner la totalité des parties en une saison, il s'en trouverait encore pour dire que ce n'est pas suffisant. Qu'ils auraient pu en gagner au moins dix de plus.
Bobby Smith, un des joueurs les plus intelligents à avoir évolué dans cette ligue et pour cette équipe, a dit un jour qu'à Montréal, quand l'équipe gagne la Coupe, les partisans trouvent que c'est normal.

Le seul intervenant intelligent entendu fut un gamin d'environ 12 ans. Il a mentionné avec justesse que ce tout ce qui manque à cette équipe est un deuxième défenseur d'impact, l'autre étant bien sûr Markov.
Et j'ai compris pourquoi. Parce que justement, à 12 ans, on regarde le hockey pour le plaisir et pour le rêve. Pas pour combler un vide existentiel.

mardi 18 novembre 2008

Souper cubain

La radio dans ma chambre est toujours postée sur 99,5 Radio-Classique. Dès que je l'ouvre, le crin-crin envahit automatiquement la pièce et me plonge aussitôt dans une ambiance pré-révolution française.
Je disais ça comme ça, en passant, pour crever la page blanche.
Voilà, c'est fait.

J'ai été souper chez un couple d'amis ce soir. A... et A... On a bouffé cubain et c'était vachement bon. J'ai découvert un nouveau légume tout rigolo qui ressemble à une patate mais qui n'en est pas une. C'est fait en long, c'est blanchâtre et c'est une sorte de féculent je crois. C'est vraiment génial à mâcher. C'est résistant à l'extérieur et mou à l'intérieur et avec un peu de sel, on a vraiment l'impression de voir Teofilo Stevenson danser dans l'assiette.
Teofilo Stevenson, pour ceux qui ne le connaissent pas, est sans doute l'une des plus grands boxeurs de tous les temps. Trois fois médaillé d'or aux Olympiques (Munich 1972, Montréal 1976 et Moscou 1980) chez les poids lourds. J'avais 9 ans quand je l'ai vu boxer pour la première fois et je me souviens que c'est à partir de ce moment là que j'ai demandé à ma mère si je pouvais être Cubain quand je serai grand. Mais ma mère ne voulait pas. Elle disait que boxeur cubain n'était pas un métier pour moi. Une question d'embargo je crois.

Alors que je me suis rabattu sur Olga Korbut que j'avais vu à ces mêmes Olympiques de 1972. Olga, qui n'était pas du tout féculente, avec ou sans sel, fut la reine des jeux de Munich. La Nadia Comaneci des jeux de Montréal en quelque sorte, mais quatre ans plus tôt. J'ai alors demandé à ma mère si je pouvais être une gymnaste russe plus tard mais elle ne voulait toujours pas. Une question de guerre froide je crois.
Dans l'assiette, il y avait aussi un riz avec dedans des petite patentes brunes drôlement bonnes.
Mais le truc le plus hot, c'était ces machins dont j'ai oublié le nom mais qui étaient faits d'une sorte de pâte de maïs qui recouvrait une viande cuite. Là, vraiment, quand j'ai bouffé ça, je me voyais dans la Sierra Maestra de Lanaudière entrain d'astiquer mes armes avec mes camarades pour renverser le gouvernement corrompu de Stephen Harper.

lundi 17 novembre 2008

Les 12 étapes

Il y a des moments comme ça, surtout le matin quand je me lève, où j'ai vraiment envie d'arrêter de picoler comme un soiffard. C'est exactement ce que je me disais ce matin quand le marteau tapait contre le gros enclume que j'ai de coincé dans la tête. Et puis voilà quoi, j'ai ouvert mon ordi et je suis allé voir du côté des Alcooliques Anonymes, bien décidé d'aller faire un tour. Mais pas ce soir parce que j'ai un souper et que bon, il risque d'y avoir quelques bonnes bouteilles sur la table. Et puis j'ai vu cette page où ils exposent ce qu'ils nomment "les douze étapes"... et je ne sais pas comment dire, mais j'ai un peu débandé. Voici ces douze commandements. Les commentaires entre parenthèses sont de moi:

1- Nous avons admis que nous étions impuissants devant l'alcool – que nous nous avions perdu la maîtrise de notre vie. (Pas encore. Du moins, pas tout à fait)
2- Nous en sommes venus à croire qu’une puissance supérieure à nous-mêmes pouvait nous rendre la raison. (Ah ouais? C'est quoi son courriel?)
3- Nous avons décidé de confier notre volonté et notre vie aux soins de Dieu tel que nous Le concevions. (Problème ici... j'ai pas encore résolu cette question. Pour l'instant, l'image la plus proche que je me fait d'un Dieu ne correspond pas vraiment à l'imagerie populaire. D'abord, si dieu existe, je crois qu'il est une femme. Quelque chose comme Françoise Hardy par exemple - pour rester dans le thème de la semaine. Et je ne suis pas certain que j'aimerais lui confier ma volonté ou ma vie tant et aussi longtemps qu'elle habite toujours avec Jacques Dutronc.)
4- Nous avons procédé sans crainte à un inventaire moral approfondi de nous-mêmes. (Ça fait 45 ans que je fais ça... et c'est précisément pour ça que je bois.)
5- Nous avons avoué à Dieu, à nous-mêmes et à un autre être humain la nature exacte de nos torts. (Corollaire aux points 2 et 3. C'est pour ça que j'ai absolument besoin de son adresse courriel)
6- Nous étions tout à fait prêts à ce que Dieu élimine tous ces défauts. (Pas avant qu'il nous donne un centre complémentaire à Kovalev... on a une coupe à gagner!)
7- Nous Lui avons humblement demandé de faire disparaître nos défauts. (Eh! Ça va pas la tête! J'aimerais encore pouvoir regarder le cul des filles sans me sentir coupable.)
8- Nous avons dressé une liste de toutes les personnes que nous avions lésées et nous avons consenti à réparer nos torts envers chacune d'elles. (ouf... aussi bien prendre le bottin de téléphone au complet. On commence par la lettre A?)
9- Nous avons réparé nos torts directement envers ces personnes dans la mesure du possible, sauf lorsqu'en ce faisant, nous risquions de leur nuire ou de nuire à d’autres. (Vaste programme, comme dirait DeGaulle. Je crains ne pas avoir assez d'une vie pour y arriver.)
10- Nous avons poursuivi notre inventaire personnel et promptement admis nos torts dès que nous nous en sommes aperçus. (Ça devient lourd tout ça. Tout ce que je veux c'est un coup de main pour diminuer ma consommation. L'auto flagellation, c'est pas mon truc. Ou alors fournissez-nous en prime l'adresse des Sadomaso-anonymes.)
11- Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact conscient avec Dieu, tel que nous Le concevions, Lui demandant seulement de connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l’exécuter. (Bonjour Françoise? C'est moi. J'aimerais seulement connaître ta volonté à mon égard et me donner du même coup la force de l'exécuter... comment? Te foutre la paix?... bon... d'accord... désolé...)
12- Ayant connu un réveil spirituel comme résultat de ces étapes, nous avons alors essayé de transmettre ce message à d’autres alcooliques et de mettre en pratique ces principes dans tous les domaines de notre vie. (Autrement dit, foutre en l'air mon cercle social en faisant chier tout le monde avec mes problèmes.)

Je crois que je vais continuer à boire finalement. Ça me semble moins dommageable pour la santé.

dimanche 16 novembre 2008

Françoise Hardy et moi.

La scène se passe quelque part dans un dimension parallèle. Je suis là, dans une grande salle d'attente cosmique, un peu mort mais la direction des trépassés réalise qu'on s'est trompé sur mon compte, que je n'étais pas supposé mourir. Un type arrive enfin et me fait passer dans une pièce où m'attend un groupe de personnes un peu mal à l'aise. C'est le comité des ressources humaines de la direction des trépassés. On m'informe de leur bourde et l'on m'assure qu'on va me renvoyer illico sur la terre comme si de rien n'était. Sauf que pour se faire pardonner de leur connerie, on va m'accorder un souhait bien particulier. C'est le PDG lui-même qui m'instruit de la procédure.

- Voilà ce que nous vous proposons. Vous nous décrivez votre idée de la femme idéale tant de corps et d'esprit et nous nous arrangerons pour la créer juste pour vous. Nous ferons en sorte ensuite de vous la mettre sur votre chemin et du coup, elle deviendra votre fidèle compagne pour le reste de votre vie. Bien sûr, et compte tenu de votre situation singulière et de votre Honda Tercel toute pourrie, nous la programmerons pour qu'elle reste éperdument amoureuse de vous, et ce, malgré vos angoisses impossibles et votre mal de vivre. Qu'en pensez-vous?
- Ais-je le choix? Parce qu'à choisir, je préférerais peut-être un centre complémentaire pour Alex Kovalev et...
- Écoutez, c'est à prendre ou à laisser.
- Bon, alors c'est d'accord.
- Parfait. Notre équipe est prête à prendre vos descriptions.
- Oh pas besoin de tant de complications. Mon choix est déjà fait. Je veux la Françoise Hardy des premières années de sa carrière.
J'ai toujours aimé écouter Françoise Hardy chanter. Et bien sûr, j'ai aussi toujours aimé regarder les photos de ses débuts. Hey! Quelle belle femme!! Quelle style! Quelle gueule!
Sa voix me plonge chaque fois dans un espèce de nostalgie d'une époque que je n'ai pas vraiment connu. Enfin, oui et non puisque ses premiers succès datent précisément de mon arrivée sur terre. Il doit y avoir un peu de ça dans cette nostalgie improbable, dans le fait que tout gamin, et à mon insu, sa voix s'est sans doute creusé une petite place dans mon inconscient.
Et son image aussi.
C'était l'une des femmes les plus admirées de son époque. Forcément, elle doit combler quelques parties de mes lointains souvenirs.
Comme un parfum lointain que je respire de temps à autre.
Quand mes yeux se sont ouverts pour la première fois, et quand ma mère m'amenait avec elle dans je ne sais quelle promenade dans la ville, les jeunes femmes que je voyais s'habillaient comme elle.
De même que la musique que l'on entendait était la sienne aussi.

Quand j'étais gamin, c'est à dire dans les années '60, je passais souvent tout l'été au chalet, loin de mes amis et loin de la civilisation. À cette époque, ça me faisait royalement chier. Aussi, pour m'occuper pendant ces longues semaines de solitude, ma mère faisait la razzia des revues de BD qu'elle me donnait qu'en arrivant au chalet. Ce qu'elle ne se doutait pas, c'est que ce faisant, elle faisait entrer dans mon esprit l'équivalent du cheval de Troie par l'entremise de la revue irrévérencieuse qu'était Pilote.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pilote_(journal)
Pilote! Ce fut le Graal de mon enfance. Mon premier poumon d'intelligence.
À l'intérieur de ces pages incroyables, l'on trouvait les plus grands créateurs de la BD contemporaine. Tous en était à leur début. Ma mère ne le savait pas mais dès l'âge de six ou sept ans, je me suis ouvert à mon monde grâce à Gotlib, Reiser, Gosciny, Tabary, Uderzo, Giraud-Moebius, Bretécher, Charlier, Fred (le merveilleux et jouissif Fred!!), Greg, Mezière, Druillet, Bilal ("Dieu" de son autre nom) et surtout Cabu. La fine fleur du Paris de Mai 68, ils étaient tous là et révolutionnaient la BD pour en faire ce qu'elle est devenue aujourd'hui.
Ma mère croyait que des petits bonhommes dessinés étaient inoffensifs pour les enfants... erreur!!!! La haine des flics, du pouvoir, du travail, de l'autorité, du conformisme que j'ai depuis l'âge de six ans, c'est à cette revue que je le dois. Et en quelque part, c'est à ma mère aussi que je le dois même si elle ne s'en doute pas. Pauvre maman... si elle savait.
J'aimais surtout Cabu pour la fluidité de sa ligne, de ces croquis rapides qu'il rendaient en véritables oeuvres d'art. Son personnage, Le Grand Duduche, était un éternel lycéen qui n'en finissait plus de se battre contre les flics et de se prendre des coups de matraques dans toutes les manifs. Je m'identifiais beaucoup à lui. Et puis le pauvre Duduche, il était amoureux de la fille du Proviseur. Forcément, moi aussi.
Et puis vous savez quoi? La fille du proviseur, comme nous pouvons le voir sur la photo que je glisse ici et sortie d'une page des aventures du Grand Duduche, était rien de moins qu'une caricature de Françoise Hardy.

Vous me suivez? Françoise Hardy = Idéal féminin = nostalgie incompréhensible d'une époque que je n'ai pas vécu = prime enfance = étés passés au chalet = BD = Cabu = Fille du Proviseur = Françoise Hardy....
Tout s'emboîte parfaitement. En fait, pour moi, la femme parfaite reste la fille du proviseur et de ma vie, celle qui s'en rapproche le plus est Françoise Hardy.
Putain j'ai mal à la tête de cogiter aussi férocement là-dessus.

Toujours parlant de Françoise Hardy, son premier succès fut Tous les garçons et les filles. Dans cette chanson, il y a un passage où elle dit:
Tous les garçons et les filles de mon âge
Font ensemble des projets d'avenir
Tous les garçons et les filles de mon âge
Savent très bien ce qu'aimer veut dire
Et les yeux dans les yeux
Et la main dans la main
Ils s'en vont amoureux
Sans peur du lendemain
Oui mais moi, je vais seule
Par les rues, l'âme en peine
Oui mais moi, je vais seule
Car personne ne m'aime.
J'ai volontairement coloré en rouge le passage surréaliste de cette chanson. Pourquoi? Parce que bordel, c'est pas possible d'aller seule parce que personne n'aime une fille qui a cette gueule:

Et si vraiment elle a écrit cette chanson à partir d'une réalité qu'elle vivait, c'est que cette époque en était vraiment une très troublée. Moi, si une fille comme ça viendrait un jour me chanter qu'elle va seule sur les chemins parce que personne ne l'aime, c'est pas compliqué, je me jette à ses pieds et je lui donne ma vie. Putain mais c'est pas possible ça! Les mecs de cette époque devaient assurément prendre beaucoup de drogue pour qu'elle aille seule comme ça, sans que personne ne l'aime! Elle est où la machine à remonter le temps? C'est où qu'il faut s'enregistrer?
Voici un lien où elle chante Ma jeunesse fout l'camp.... http://www.youtube.com/watch?v=gf5UIg1WSeU
Et surtout celui-ci, où elle chante Suzanne de Leonard Cohen... http://www.youtube.com/watch?v=dP6blWBOJ4Q
Oh les mecs, si après ça vous êtes encore en train de fantasmer sur des pétasses aux cheveux teints comme des mouffettes qui trimbalent leurs culs dans les centres commerciaux les samedis après-midi, si votre idéal se trouve encore chez ces cervelles d'oiseaux aux seins refaits et aux nombrils percés, si vous giclez encore une quantité abondante de salive pour une trois-quart putain (merci Brel) qui se trémousse dans une réclame de bière, c'est que sincèrement, vous n'êtes pas de ma bande. Vous ne savez pas ce que c'est qu'une vraie belle femme. N'allez pas en paix et que Dieu ("Bilal" de son autre nom) ne vous bénisse pas. Vous ne le méritez pas. Vous êtes des barbares. De la fange. Des ignares. Des sous-hommes. De la merde quoi.

Et puis c'est tout. Je crois que c'est bien assez. Je vais aller me coucher en écoutant mon disque de Françoise Hardy.
Voici monsieur Front qui se présente pour le Parti Libéral dans je ne sais plus quel comté (Ça n'a aucune espèce d'importance de toute manière). Monsieur Front possède un front infini sur lequel le Parti espère construire un nouveau parc industriel. Peut-être même le nouveau CHUM. En tout cas, il y a de la place et ça se discute dans les coulisses du pouvoir.
Monsieur Front sourit juste en bougeant la mâchoire inférieure. C'est un truc vachement difficile à faire et c'est précisément pour ça que monsieur Charest l'a recruté dans son équipe. Il est très utile pendant les moments chauds où le Premier Ministre doit se débattre avec les journalistes, comme nous pouvons le voir dans le clip suivant.

Clip:
Les journalistes: Monsieur Charest, est-ce vrai que vous voulez détourner 8 grandes rivières, privatiser 12 réserves fauniques et assécher le Saint-Laurent pour y construire un casino de 100 km de long?
Charest: Peut-être mais attendez, j'ai quelque chose de très important à vous montrer. Monsieur Front, venez ici s'il vous plaît.
(Monsieur Front s'avance et prend place à côté de monsieur Charest)
Monsieur Charest: Regardez, monsieur Front est le seul candidat qui peut sourire juste en bougeant la mâchoire inférieure.
(Monsieur Front de s'exécuter)
Les journalistes: Oh! Ah! Prodige!
Monsieur Charest: Voilà mes amis pourquoi vous devez voter pour notre équipe. De plus, nous pensons développer davantage le front de Monsieur Front et y planter des éoliennes. Oui messieurs dames, monsieur Front est un élément important du développement du Québec moderne.

samedi 15 novembre 2008

Mylène ou Micheline?

Ça fait un petit bout de temps que je n'étais pas allé piocher quelques annonces "d'amis perdus" sur le site Kijiji. J'y suis allé faire quelques cueillettes ce soir entre les périodes du match Canadiens-Flyers. J'en rapporte quelques petites trouvailles sympathiques que je glisse ici avec mes commentaires.
Comme toujours, je colle sans retoucher les textes. Ça serait trop long sinon. Mais cette fois, je laisse les véritables noms puisque bon, c'est du domaine public après tout.

On y va.

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Allo à toi

BONJOUR SI TU TE NOMME RAPHAEL BUISSON ET QUE TU RECONNAIS CE QUE JE VAIS ÉCRIRE REVIENS MOI.

PS AUX INTRUS VOUS AUREZ A RÉPONDRE A UNE QUESTION PIEGE QUE SEULE CELUI QUE JE RECHERCHE POURRAS RÉPONDRE..

TU TE SOUVIEN PAS DE MOI DU MOIN JE CROIS MES IMAGE SON VAGUE A CETTE ÉPOQUE JE N'AVAIS QUE 6 ANS JE DEMEURAIS LA RUE WILLIAM DAVID A MONTREAL TU HABITAIS LA RUE VOISINE AVEC T ES 2 PARENT UN D'EUX TRAVAILLAIS DANS UNE BANQUE (TA MÈRE) ....TON PÈRE JE CROIS SE NOMMAIS FABIEN..OU NOEL.... TU DEMEURAIS A COTER D'UN PARC PRES DE LA RUE NOTRE-DAME OU ON Y JOUAIS SOUVENT.L'ÉTÉ TES PARENT AIMAIS BCP ALLER A LA PLAGE CELLE DU PARC JEAN DRAPEAU. DANS TA CHAMBRE TU VAIS UN LIT 2 ÉTAGE ET POURTANT TU ÉTAIS SEULE QUAND ON RENTRAIS CHEZ TOI S'ÉTAIS LE COULOIR QUI MENNAIS A LA CUISINE .TU AVAIS UN NINTENDO ET TU ME FESAIS SOUVENT LA DANSE EGYPTIENNE
CELLE AVEC LES BRAS ..TON LIT ETAIS BOIS BRUN FONCER..DESOLER DE NE PAS AVOIR ASSEZ DE MEMOIRE MES CEUX QUE JAI NAPPORTERONS RIEN... DU GENRE UNE AUTO AVEC LE COLLANT ENERGIE 94,3 SUR LE PAR BRISE ARRIERE DE VOTRE VOITURE CA JE ME RAPPELLE BIEN..

++

Curieux cet avis en début de texte qui parle d'une question piège. C'est quoi l'idée? C'est un concours ou un jeu? Est-ce qu'il y a vraiment des gens qui répondent à ce type d'annonce en se faisant passer pour la personne recherchée?
Cette annonce m'a frappé à cause de l'image du lit. "Tu avais un lit à deux étages et pourtant tu étais seule." Image forte qui laisse l'imagination galoper. Pourquoi en effet un lit à deux étages pour une seule personne? Mystère...
J'aime bien cette description de la danse égyptienne...et puis cette précision chirurgicale qui y fait suite : "... celle avec les bras". Ça aussi ça laisse une grande liberté à l'imagination.
La personne s'excuse de ne pas avoir assez de mémoire mais elle se souvient d'un auto-collant d'un poste de radio sur la bagnole.
Et un truc aussi qui me chicotte, c'est ce "reviens moi" dans le préambule. Pour des amis qui n'avaient que 6 ans, ça fait un peu précoce non?

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message pour Micheline Claveau

bonjour Micheline cela a fait 43 ans le 27 juin dernier que l'on s'est vu pour la derniere fois tu residais a Bois des Filion tu etait aussi pensionnaire a St-Jerome je veut te dire que je ne tais jamais oublier et que je pense souvent a toi si tu lis ce message ou si quelqu'un te connais j'aimerais savoir ce que tu deviens. Robert (Bobby)

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Ce genre de message me fait toujours capoter. C'est beau mais en même temps tellement... comment dirais-je? Pathétique? Non, ce n'est pas vraiment le mot. Il n'y a rien de pathétique dans l'amour. Disons triste plutôt. 43 ans d'attente! Le mec, il se souvient même de la date de leur dernière rencontre!
J'aimerais bien le rencontrer ce fameux Bobby, prendre un bière avec lui et lui demander de me raconter l'histoire de cette Micheline Claveau.
Ils doivent être dans la soixantaine maintenant. Ou pas loin. Peut-être Bobby s'était-il marié contre son gré mais qu'il a toujours aimé Micheline. Peut-être vient-il de perdre sa femme et qu'il voudrait maintenant reprendre le temps perdu?
Allez Bobby! Raconte-nous!!

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Gilles Kirch

J'aimerais avoir des nouvelles de Gilles Kirch qui habitait Verdun il y a pres de 20 ans. Nous nous étions rencontré alors que j'avais une jambe dans le platre...
Claudette

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Mais encore??

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je m'ennui de toi!!!!!!!!!

je t'ai perdus et je sais que tu ne voudras plus de moi mais toute ces années passer ensembles dans les bons et moins bon moments les trois merveilleux enfants que nous avons eu maintenent que tu n'est plus la je ne suis que l'ombre de moi meme.....MYLENE je t'aime et je ne t'oublirais jamais car tu es pour moi la femme de ma vie xxx

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T'avais qu'à pas te saouler la gueule comme un cochon à chaque soir à la taverne du coin, espèce de vieux soiffard! Mylène, elle ne t'aime plus. C'est comme ça. C'est la vie et y a rien à dire. Tu rejoins ainsi la grande famille des mecs largués. Prends ta carte de membre au lieu de chialer et cette fois oui, t'as une bonne raison pour te saouler la tronche. Et puis je vais te dire, tes trois enfants, ils se font laver le cerveau par Mylène qu'il leur raconte que tu baisais à droite et à gauche, que tu dépensais dans l'alcool tout le fric qu'elle gagnait et qu'en plus, t'as voulu qu'elle se fasse avorter trois fois. Ils ne t'aiment plus et t'as pas intérêt à revenir à la maison parce que le plus vieux des trois, il n'attends que ça pour te péter la gueule.

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RECHERCHE SANDRA

SALUT,JE RECHERCHE SANDRA RICARD ET SES TROIS CHATS QUI HABITAIT DANS LE BLOC EN FACE DU STATIONNEMENT DE LA RÉGIE DES ALCOOL SUR BEAUBIEN ET BOYER

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On dirait du Brassens ou du Brel. Une femme, trois chats et un débit de boissons. Il y a là de quoi faire une belle chanson.

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Recherchée meilleure Chum de Brosse

Tu étais de Rawdon et moi de St-Jean avec un Tercel vert pomme. On a vécu un très bon trip tous les deux, et j'aimerais savoir où tu en es rendue dans ta vie. Tu peux me répondre sur cette annonce et je te donnerai mon adresse e-mail.

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Je ne viens pas de Rawndon et je ne connais personne de St-Jean. Par contre, j'ai une Tercel vert pomme. Mais ce n'est pas moi! Je le jure!!

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Nouveauté sur le site Kijiji dans la section des amis perdus. L'annonceur peut maintenant joindre une photo, ce qui nous permet de mettre des visages sur des demandes touchantes.

je recherche

allo je m'apel jean francois filion et je suis a la recherche de ma premiere blonde elle s'apelle Melanie beauchamp quand on cest laisser elle demeurais sur la rue desjardins just a cote dunne pistcyclable elle est nee le 26 septembre on a du se laisser car je demenagais en ontario je vousdrais just lui parler et savoir comment elle vas si vous saver ou elle est pouver vous lui donner mon email mailto:jeanfilion79@hotmail.com et dans ce temp elle avais une amie qui sapellais julie vachon si je me trompe pas alord svp si vous la connaiser donner lui mon email ou allord laisser moi le savoir mercie


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Ces annonces sont de petites pièces de théâtre condensées en quelques mots. Beaucoup de tristesses, beaucoup de solitudes surtout. Des dizaines de petits et grands drames en raccourcie. Des bouteilles à la mer contenant des cris, des larmes et des soupirs. On a tous une Mylène qui nous a jeté et on a tous une Micheline qu'on recherche depuis 43 ans. Et puis finalement, à un moment ou à un autre de notre vie, on se retrouve toujours tout seul avec notre gueule. Et c'est là qu'on réalise que la plus importante des deux, c'est Micheline parce qu'elle représente l'espoir. Même après 43 ans.