dimanche 16 novembre 2008

Françoise Hardy et moi.

La scène se passe quelque part dans un dimension parallèle. Je suis là, dans une grande salle d'attente cosmique, un peu mort mais la direction des trépassés réalise qu'on s'est trompé sur mon compte, que je n'étais pas supposé mourir. Un type arrive enfin et me fait passer dans une pièce où m'attend un groupe de personnes un peu mal à l'aise. C'est le comité des ressources humaines de la direction des trépassés. On m'informe de leur bourde et l'on m'assure qu'on va me renvoyer illico sur la terre comme si de rien n'était. Sauf que pour se faire pardonner de leur connerie, on va m'accorder un souhait bien particulier. C'est le PDG lui-même qui m'instruit de la procédure.

- Voilà ce que nous vous proposons. Vous nous décrivez votre idée de la femme idéale tant de corps et d'esprit et nous nous arrangerons pour la créer juste pour vous. Nous ferons en sorte ensuite de vous la mettre sur votre chemin et du coup, elle deviendra votre fidèle compagne pour le reste de votre vie. Bien sûr, et compte tenu de votre situation singulière et de votre Honda Tercel toute pourrie, nous la programmerons pour qu'elle reste éperdument amoureuse de vous, et ce, malgré vos angoisses impossibles et votre mal de vivre. Qu'en pensez-vous?
- Ais-je le choix? Parce qu'à choisir, je préférerais peut-être un centre complémentaire pour Alex Kovalev et...
- Écoutez, c'est à prendre ou à laisser.
- Bon, alors c'est d'accord.
- Parfait. Notre équipe est prête à prendre vos descriptions.
- Oh pas besoin de tant de complications. Mon choix est déjà fait. Je veux la Françoise Hardy des premières années de sa carrière.
J'ai toujours aimé écouter Françoise Hardy chanter. Et bien sûr, j'ai aussi toujours aimé regarder les photos de ses débuts. Hey! Quelle belle femme!! Quelle style! Quelle gueule!
Sa voix me plonge chaque fois dans un espèce de nostalgie d'une époque que je n'ai pas vraiment connu. Enfin, oui et non puisque ses premiers succès datent précisément de mon arrivée sur terre. Il doit y avoir un peu de ça dans cette nostalgie improbable, dans le fait que tout gamin, et à mon insu, sa voix s'est sans doute creusé une petite place dans mon inconscient.
Et son image aussi.
C'était l'une des femmes les plus admirées de son époque. Forcément, elle doit combler quelques parties de mes lointains souvenirs.
Comme un parfum lointain que je respire de temps à autre.
Quand mes yeux se sont ouverts pour la première fois, et quand ma mère m'amenait avec elle dans je ne sais quelle promenade dans la ville, les jeunes femmes que je voyais s'habillaient comme elle.
De même que la musique que l'on entendait était la sienne aussi.

Quand j'étais gamin, c'est à dire dans les années '60, je passais souvent tout l'été au chalet, loin de mes amis et loin de la civilisation. À cette époque, ça me faisait royalement chier. Aussi, pour m'occuper pendant ces longues semaines de solitude, ma mère faisait la razzia des revues de BD qu'elle me donnait qu'en arrivant au chalet. Ce qu'elle ne se doutait pas, c'est que ce faisant, elle faisait entrer dans mon esprit l'équivalent du cheval de Troie par l'entremise de la revue irrévérencieuse qu'était Pilote.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pilote_(journal)
Pilote! Ce fut le Graal de mon enfance. Mon premier poumon d'intelligence.
À l'intérieur de ces pages incroyables, l'on trouvait les plus grands créateurs de la BD contemporaine. Tous en était à leur début. Ma mère ne le savait pas mais dès l'âge de six ou sept ans, je me suis ouvert à mon monde grâce à Gotlib, Reiser, Gosciny, Tabary, Uderzo, Giraud-Moebius, Bretécher, Charlier, Fred (le merveilleux et jouissif Fred!!), Greg, Mezière, Druillet, Bilal ("Dieu" de son autre nom) et surtout Cabu. La fine fleur du Paris de Mai 68, ils étaient tous là et révolutionnaient la BD pour en faire ce qu'elle est devenue aujourd'hui.
Ma mère croyait que des petits bonhommes dessinés étaient inoffensifs pour les enfants... erreur!!!! La haine des flics, du pouvoir, du travail, de l'autorité, du conformisme que j'ai depuis l'âge de six ans, c'est à cette revue que je le dois. Et en quelque part, c'est à ma mère aussi que je le dois même si elle ne s'en doute pas. Pauvre maman... si elle savait.
J'aimais surtout Cabu pour la fluidité de sa ligne, de ces croquis rapides qu'il rendaient en véritables oeuvres d'art. Son personnage, Le Grand Duduche, était un éternel lycéen qui n'en finissait plus de se battre contre les flics et de se prendre des coups de matraques dans toutes les manifs. Je m'identifiais beaucoup à lui. Et puis le pauvre Duduche, il était amoureux de la fille du Proviseur. Forcément, moi aussi.
Et puis vous savez quoi? La fille du proviseur, comme nous pouvons le voir sur la photo que je glisse ici et sortie d'une page des aventures du Grand Duduche, était rien de moins qu'une caricature de Françoise Hardy.

Vous me suivez? Françoise Hardy = Idéal féminin = nostalgie incompréhensible d'une époque que je n'ai pas vécu = prime enfance = étés passés au chalet = BD = Cabu = Fille du Proviseur = Françoise Hardy....
Tout s'emboîte parfaitement. En fait, pour moi, la femme parfaite reste la fille du proviseur et de ma vie, celle qui s'en rapproche le plus est Françoise Hardy.
Putain j'ai mal à la tête de cogiter aussi férocement là-dessus.

Toujours parlant de Françoise Hardy, son premier succès fut Tous les garçons et les filles. Dans cette chanson, il y a un passage où elle dit:
Tous les garçons et les filles de mon âge
Font ensemble des projets d'avenir
Tous les garçons et les filles de mon âge
Savent très bien ce qu'aimer veut dire
Et les yeux dans les yeux
Et la main dans la main
Ils s'en vont amoureux
Sans peur du lendemain
Oui mais moi, je vais seule
Par les rues, l'âme en peine
Oui mais moi, je vais seule
Car personne ne m'aime.
J'ai volontairement coloré en rouge le passage surréaliste de cette chanson. Pourquoi? Parce que bordel, c'est pas possible d'aller seule parce que personne n'aime une fille qui a cette gueule:

Et si vraiment elle a écrit cette chanson à partir d'une réalité qu'elle vivait, c'est que cette époque en était vraiment une très troublée. Moi, si une fille comme ça viendrait un jour me chanter qu'elle va seule sur les chemins parce que personne ne l'aime, c'est pas compliqué, je me jette à ses pieds et je lui donne ma vie. Putain mais c'est pas possible ça! Les mecs de cette époque devaient assurément prendre beaucoup de drogue pour qu'elle aille seule comme ça, sans que personne ne l'aime! Elle est où la machine à remonter le temps? C'est où qu'il faut s'enregistrer?
Voici un lien où elle chante Ma jeunesse fout l'camp.... http://www.youtube.com/watch?v=gf5UIg1WSeU
Et surtout celui-ci, où elle chante Suzanne de Leonard Cohen... http://www.youtube.com/watch?v=dP6blWBOJ4Q
Oh les mecs, si après ça vous êtes encore en train de fantasmer sur des pétasses aux cheveux teints comme des mouffettes qui trimbalent leurs culs dans les centres commerciaux les samedis après-midi, si votre idéal se trouve encore chez ces cervelles d'oiseaux aux seins refaits et aux nombrils percés, si vous giclez encore une quantité abondante de salive pour une trois-quart putain (merci Brel) qui se trémousse dans une réclame de bière, c'est que sincèrement, vous n'êtes pas de ma bande. Vous ne savez pas ce que c'est qu'une vraie belle femme. N'allez pas en paix et que Dieu ("Bilal" de son autre nom) ne vous bénisse pas. Vous ne le méritez pas. Vous êtes des barbares. De la fange. Des ignares. Des sous-hommes. De la merde quoi.

Et puis c'est tout. Je crois que c'est bien assez. Je vais aller me coucher en écoutant mon disque de Françoise Hardy.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Classieuse un néologisme gainsbourien qui lui sie à merveille. Belle, sexy et intemporelle. Une beauté du diable dont elle n'a jamais eu conscience. Bel hommage cher blogueur !