mardi 29 janvier 2013

Quotidien


Samedi de congé. Il fait «beau». Beau dans le sens «soleil». Il fait quand même dans les - 12 000° quelque chose. Du coup, je glande dans la maison avec un immense sentiment de culpabilité. Il fait soleil merde, je dois au moins sortir. 
Sortir? 
Oui, mais pour faire quoi? 
Certes, c’est plus chaud que les dernières journées, mais en regardant le site de météo Canada, je vois que ça chatouille tout de même les -20°. Remarquez que je pourrais aller patiner et me taper quelques shots sur la bande de la patinoire du parc d’à côté. Mais l’effort à mettre me décourage. Et puis je n’ai pas envie d’avoir froid, de me geler les mains, de sentir le bout des orteils me picoter, de patiner contre le vent et de voir ainsi le froid se multiplier par 2 juste par mon accélération exceptionnelle, dit-il en se grattant la poche. 
Oui, mais il fait «beau»! 

Bon, je vais aller m’acheter de la bouffe. Ça fera déjà ça comme sortie. Sorte de compromis en joignant l’utile au désagréable froid. Comme j’ai un budget très serré en ce moment, je me fixe un montant maximal. Ça sera $50 max. Bien assez pour me faire l’épicerie de la semaine et de me préparer mes lunchs jusqu’à vendredi prochain. Au menu, sauce à spag et ragoût de boeuf. Avec ça et deux ou trois couscous de dernière minute, je peux facilement combler tous mes repas de la semaine. 
C’est bon, c’est décidé, c’est ce que je vais faire. 

Mais je me prépare un plan de sortie, question de profiter au maximum de la journée. Je vais marcher hyper rapide jusqu’à la caisse pop de la rue Berri pour y déposer un chèque au guichet, puis je descendrai un peu au Sud jusqu’à la librairie Renaud-Bray sur St-Denis pour me réchauffer. Ensuite, retour à la maison en arrêtant ici et là pour acheter ma bouffe. 
Bonne idée. 
J’aime. 

J’enfile mes peluches d’hiver et je teste pour la première fois la paire de gants laissée sur le comptoir par un client étourdi et qui n’est jamais venu les rechercher. Gants de qualité A1 hyper isolés. Mais je n’ai pas eu le temps de les laver et ils sentent le parfum cheapo. Et si ça se trouve, le mec, il s’est gratté le cul avec son index avant d’enfiler ses gants. Oui bon, ne pas penser à ça. Et puis ça ne peut pas être pire que de manger dans la vaisselle douteuse d’un chalet de pêche. Et puis je me laverai les mains en revenant. 
Je sors. 

Fuck, j’ai le vent en plein dans la face et j’ai la désagréable sensation que mes cuisses se font  mordre par la Nordique bise. C’est franchement désagréable et j’accélère le pas. Je marche rapidement, me frayant un chemin entre les branleux emmitouflés qui marchent pépère sur un trottoir pas assez déneigé. Mon manteau est chaud, mais comme il est ample au niveau de la taille, le froid s’infiltre vicieusement à l’intérieur en grafignant mon ventre au passage. 
Je trouve l’exercice désagréable au possible. Je n’aime pas ça. Je n’aime plus l’hiver. Je la supporte parce que je suis bien obligé. 
Je marche donc encore plus rapidement en rêvant du jour où j’obtiendrai ma nationalité marocaine pour les périodes allant de novembre à mars. 

J’arrive au guichet. Il fait chaud, il fait bon. Tous les guichets sont occupés. J’attends en file. Derrière moi, trois Amérindiens sans abris occupent un recoin avec leurs couvertures et leurs sacs à dos. L’un d’eux roupille. Je trouve l’image immensément symbolique. Dans un réduit chauffé d’un guichet automatique appartenant à une grande institution bancaire, trois autochtones recroquevillés et démunis de tout se préservent du froid sibérien. Ils regardent impassibles des blancs retirer des billets de banque. Je quitte les lieux avec une partie de mon fric déposé et l’autre partie dans mes poches. Je détourne le regard quand l’un des trois Amérindiens me tend la main. 
Je me dégoûte trois secondes. À la quatrième seconde, je n’y pense plus. 

Renaud Bray. Ma deuxième maison l’hiver à Montréal. Je ne vais pas acheter, je vais juste regarder. Promis! Je le jure sur ma tête! Mais déjà, mon oeil est attiré par un ouvrage qui fait 950 pages. Une petite brique éditée par le journal Le Monde. Le titre : Les Grands Reportages 1944-2012. 


Fuck... je regarde le prix : $25,95. Je feuillette, je bave, je jubile, je bande, mais je repose. Je n’achèterai rien. Je le jure!


Je monte à l’étage au département de l’Histoire. Je trouve : 


* La légende de Napoléon (Tallandier) par Sudhir Hazareesingh. 
Résumé : L’historien s’intéresse, dans cet ouvrage, à la construction de la mémoire napoléonienne. L’auteur a étudié les archives nationales et locales pour y retrouver les traces de la popularité de Napoléon, un phénomène qui a forgé la culture politique française.
Ça j’adore. La construction d’un mythe. Comment ça marche? Comment ça devient une divinité? Par quel cheminement social? Comment saisir l’insaisissable? Napoléon homme de guerre et Napoléon homme de paix. Napoléon dictateur et Napoléon démocrate. Napoléon qui rétablit l’esclavage et Napoléon qui libère les Juifs de l’île de Malte. Napoléon qui envoie la jeunesse française à l’abattoir et Napoléon adulé par cette même jeunesse française. Comment le situer? Comment l’analyser? Comment le comprendre? Justement, après plus de 200 livres lus, je n’y arrive pas encore. Une source intarissable de fascination. L’ambiguïté humaine à son paroxysme. Comme si Dieu et Diable avaient fait un pacte. «Créons un humain à 50% de nous-mêmes» 


  • Le combat de deux Empires (Fayard) par Oleg Sokolov, un historien Russe qui m’avait fait littéralement capoter dans la revue Napoléon 1er par ses articles sur la campagne de Russie. Un point de vue russe autre que celui du pédant Tolstoï sur Napoléon. 
Résumé : Ce livre expose les causes réelles de la campagne de Russie, les véritables motivations politiques, les plans stratégiques des deux camps et présente un vaste tableau de l’état d’esprit des sociétés russe et française. Il s’appuie sur des rapports, des journaux, des lettres ainsi que sur la presse et la littérature de l’époque à travers des documents russes, français et polonais.
Un livre didactique. À ne pas mettre dans les mains d’un profane qui voudrait se familiariser avec l’époque. Mais j’aime cet historien. Un cerveau le mec. Des faits, des faits et encore des faits. Pas d’approximation, pas de coins tournés rondement, pas de jugement, mais que des faits. Le genre à passer trois ans à dépatouiller des archives pour écrire un seul paragraphe. 


* Napoléon chef de guerre (Tallandier) par Jean Tulard. Bon, en ce moment, Jean Tulard est LA référence française pour Napoléon, comme l’ont été Frédéric Masson, Louis Madelin et jusqu’à un certain point, André Castelot à leur époque respective. Jean Tulard est vieillissant et son dauphin est Thierry Lentz, plus jeune, mais tout aussi conformiste. Ils sont copains-copains et réfutent en équipe la thèse de l’empoisonnement de Napoléon à Ste-Hélène malgré les preuves scientifiques amenées par les spécialistes de la  CIA et du FBI. Le genre d’historien à l’ancienne qui exècre l’idée qu’un autre corps de métier vienne mettre ses pattes sales (et étrangères à la nation) dans leurs champs de compétence. Chasse gardée! Sont obtus, mais sont tout de même compétents quand ils abordent un sujet autre que l’empoisonnement. 
Résumé: Un portrait biographique de Napoléon sous l’angle militaire, à travers l’évocation de son charisme dans ses relations avec les officiers et le fonctionnement de l’armée.
Autre sujet pour névrosé de mon genre. 

Je tourne en rond dans la boutique. Le combat des deux Empires me tente, mais ça se vend à 40 balles. Il ne me resterait que 10$ pour mon épicerie. Des nouilles? Du riz? Du couscous pour toute la semaine? Fuck... je dois prendre une décision. Et si j’allais du côté des romans en format poche? J’y vais, je glandouille, je ne trouve rien qui m’intéresse. J’ai soif de champs de bataille,  je veux lire sur de types qui meurent transpercés par des baïonnettes et qui crient «Vive l’Empereur» avant de s’éteindre. Comment il est arrivé à ça Napoléon? Comment tu peux avoir le bide ouvert et voir tes tripes prendre du soleil et quand même être capable de te lever sur tes deux pattes pour saluer l’Empereur qui passe sur le champ de bataille? Comment? Je délaisse les putains de romans et je retourne dans la section histoire. Je reprends les trois mêmes livres dans mes mains et j’ai pour chacun une profonde envie. Mais j’ai juré de ne rien acheter. Je dépose les bouquins sur leur tablette et je me casse presque en courant pour mieux résister. Je redescends les escaliers, je viens pour sortir, mais à la dernière minute, je reviens sur mes pas et je prends sur le présentoir «Les Grands Reportages» du journal le Monde. 
Fuck off. La simplicité volontaire, je veux bien, mais pas pour le cerveau. J’ai autant besoin de livres que de nourriture. Ce n’est pas de ma faute, j’en ai manqué quand j’étais petit. Sauf pour les BD. Heureusement. 

À la caisse, la fille est une Française. En fait, toutes les personnes que je croise sur le Plateau sont maintenant Français. Y en a en tabarnak. C’est une véritable invasion. À croire que toute l’émigration française habite entre St-Laurent et Iberville et entre St-Joseph et Sherbrooke. L’explosion des loyers, c’est de leur faute. Mais ça ne me dérange pas. J’adore les Français et je suis bien content qu’ils viennent s’installer ici. Ça nous donne de bons restaurants en ville et quand ils vont s’établir en campagne, ça nous donne de très bons fromages. Et puis ils ne sont plus aussi chiants que ceux qui sont venus s’installer dans les années ’50 et ’60. Sont plus à gauche, moins colonialistes, plus carré rouge que carré vert. 
Enfin, je me comprends. 

Je sors du Renaud-Bray. Un type devant la porte, toujours le même, me tends la main pour que je lui dépose une pièce de monnaie. Je fais mine de ne pas le voir. Je me dégoûte pendant trois secondes, mais à la quatrième, je n’y pense même plus. Je reprends le chemin inverse, mais cette fois, j’ai le vent dans le dos et c’est plus supportable. 

Je pense à mon épicerie. Je viens de balancer 25$ sur mon budget de 50$. Bon, je mangerai plus de légumes. J’arrête chez Valmont. Je fais le plein de machins qui poussent avec du vert. Et puis des tomates. Et puis du couscous. Je vais en avoir besoin. C’est bon du couscous. Ça ne coûte rien quand t’achètes les gros formats et tu peux y foutre tout ce que tu veux dessus. Légumes, viandes, et même ketchup-maison de ma mère quand il n’y a que ça. C’est délicieux. Ça dépanne comme on dit. Il me reste encore une demi-bouteille de mon huile d’olive marocaine. Couscous, tomates coupées finement, oignons coupés finement aussi, sel, poivre, huile d’olives, t’es en business mec. Ne pas oublier les quelques gouttes de jus de citron. Tu te fais une grosse plâtrée le matin et t’es bon pour toute la journée. Ça te fait tes deux lunchs pour le boulot et tu peux lire tes Grands Reportages du journal le Monde à $25 sans te sentir coupable. 
En tout cas, c’est comme ça que je vois la vie quand il fait - 344 912 096° au soleil et que t’es encore très loin de ton premier lancer pour la pêche à la truite. 

Je reviens à la maison et je me tape tout de suite la salade pour la semaine. Je la passe à l’eau, je la coupe très très très finement et je la dépose dans le frigo. Quand je me tape des journées de 12 heures au boulot, j’ai réalisé que pour les supporter, il faut des lunchs consistants avec des fruits et des légumes en complément. Pour les fruits, ça va. Je me gave de bananes au Nutella le matin. Recette facile. Je vous montre : 
Prendre 4 tranches de pain. Les écraser préalablement avec une spatule avant de les mettre au grille-pain parce qu’elles sont toujours trop épaisses et que ça coince dans le grille-pain et que c’est très chiant de les retirer ensuite. Ça casse en mille morceaux. Quand tu les écrases bien comme il faut avec une spatule, ça fait comme une galette de pain très mince. Tu crisses ça dans le grille-pain. Pendant ce temps-là, tu te coupes une banane en 2 000 rondelles. T’attends que ton pain soit grillé. Quand c’est fait, tu câlisses sur ton pain une couche de beurre non salé. Tu déposes tes rondelles de bananes sur ton pain grillé et ensuite tu recouvres le tout d’une épaisse louche de Nutella jusqu’à ce que ça déborde. Tu refermes le tout avec l’autre tranche de pain de manière à te faire un sandwich. Tu coupes ça en 4 et tu bouffes en lisant Foglia dans La Presse ou Jean Dion dans Le Devoir. Ça te fait un petit paradis pour pas cher. 
Enfin bref. 

Le soir, j’ai une bière de prévue avec M... On se donne rendez-vous au bar resto le Brouhaha sur De Lorimier. Ça fait depuis octobre qu’on ne s’est pas vu. C’est pas croyable. Le temps passe si vite ici-bas. 
Elle est toujours aussi belle. On se prend une bière en apéro. Moi une blanche et elle une Pilsner. On a des tas de trucs à se dire. C’est ça qui est chouette de ne pas former un couple tout en restant toujours proches l’un de l’autre. On est toujours contents de se voir et on a toujours de tas de trucs à se dire. On ne s’engueule jamais, on n’est jamais blasé de se voir, on est toujours heureux de se retrouver, on se drague forcément toujours un peu. J’ai même fait attention à mon habillement avant d’aller la rejoindre. C’est tout dire. J’allais la retrouver avec un pantalon qui me faisait le cul comme une poche de patates. Franchement! Elle ne mérite pas ça. À la dernière minute, je me suis fait le ballet des essayages et j’ai opté pour mon pantalon noir hyper chic mais pas trop, genre L’Aubainerie à $15. Neuf. Ce qui est pour moi une dépense inconsidérée. Mais dans ce pantalon, j’ai un cul pas pire malgré mes presque 50 ans. Genre fesses assez rondes avec  une coupe au niveau des jambes qui met en valeur ma gestuelle bohémienne, même si je ne sais pas du tout ce que ça veut dire. J’ai enfilé un t-shirt noir très serré pour masquer une certaine musculation un peu déficiente et j’ai camouflé la rondeur naissante de mon bas de poitrine par une chemise scientifiquement boutonnée aux deux premiers boutons du bas. De sorte que ma poitrine ouverte offrait à ses yeux mon noir t-shirt serré et que le reste était savamment recouvert par ma chemise à motifs un peu hippies. Jeune de corps et de coeur, comme ils disent dans les reportages à la radio.

On s’est parlé de nos trucs de vieux. Moi et mes problèmes de vision, elle et ses problèmes de colonne vertébrale à force d’écrire des machins très chiants sur son ordi. Massage et chiro, yoga et j’sais pas quoi. Elle dit souvent «nous sommes rendus à l’âge de la restauration. Faut l’accepter." Moi, je ne suis pas encore passé par l’acceptation. Ça viendra sûrement, mais en attendant, j’ai encore un bout d’espoir que ce vieillissement-là, ben merde, il finira par cesser de lui-même. Ce qui me fait penser à cette cliente, une sympathique dame de 65 ans qui vient une fois par semaine pour acheter sa bouteille de Martini qu’elle tète ensuite pendant 7 jours. Elle en est à sa deuxième transplantation cardiaque. Elle en aurait besoin d’une troisième. Mais elle vient de décider que c’est terminé, qu’il n’y en aura pas une troisième. «J’ai eu deux chances incroyables dans ma vie. C’est assez. J’ai dit à mon docteur que le prochain coeur disponible, il faut le donner à un patient plus jeune que moi. J’ai porté en moi deux coeurs qui avaient appartenu à deux jeunes personnes. C’est assez. Je dois maintenant céder ma place. Ça serait du gaspillage sinon. Tiens, et si c’était ta fille qui en aurait besoin?» 
Tu réponds quoi à une dame qui te dit ça? 
Rien justement. Il n’y a rien à dire. 

On se commande notre bouffe. J’opte pour l’assiette de smoked meat et elle pour les côtes levées. Mon plat arrive bien avant le sien et comme elle a faim, elle pioche dedans. D’abord en me piquant subrepticement quelques frites, puis ensuite en mordant carrément dans mon smoked meat. Je te refilerai de mes côtes levées, qu’elle me dit pour se faire pardonner. Mais je lui pardonne déjà, avec ou sans côtes levées. On pardonne tout à une fille qu’on fréquente éternellement sans jamais s’engager. C’est pour ça que ça dur aussi longtemps ce genre d’histoire d’amour qui n’en est pas une, mais qui en est une quand même sans réellement en être une. Si ça faisait 10 ans que nous formerions un couple, l’idée de la voir bouffer mon smoked meat m’aurait agacé. Voire énervé. Mais là, comme ça, bof, c’est rigolo. Ça fait partie de son charme. Charme qui d’ailleurs ne meurt jamais puisque je ne la vois pas tous les jours. 
Voyez comment c’est subtil la vie. 
Non, vous ne voyez pas? 

Après ça, on a été chez elle et comme j’étais un peu crevé, j’ai pris un café qu’elle m’a fait sans cramer sa cafetière. Faut dire qu’elle est championne dans l’art d’oublier des machins sur le feu. Pendant que je buvais mon café, elle s’est versé une larme de Whisky. Du Grant pour être plus précis. Finalement, j’en ai pris aussi. On ne crache pas là-dessus. 

Lendemain dimanche, j’étais prêt pour le grand ménage de la maison. Je me préparais à cette tâche depuis des semaines. Finalement, après avoir lavé la vaisselle, je me suis écrasé dans le sofa pour lire mes grands reportages du journal Le Monde. La poussière et moi, on est très potes finalement. On s’endure mutuellement. C’est mieux qu’un animal de compagnie. Quand ça devient des moutons, c’est plus silencieux qu’un chien et ça ne décriss pas les tissus des sofas comme un chat. Tu peux même les prendre dans tes bras et les caresser quand t’as envie d’un peu d’affection. 
Bon, je sens que je vais bientôt verser dans les conneries. J’arrête ici. 

vendredi 25 janvier 2013

Le frette


Il fait tellement froid que le tableau de bord de ma Tercel toute pourrie se met à afficher toutes sortes de sigles aussi étranges que bizarres. Même les postes de ma radio que j’avais programmés en permanence partent en couilles. Malgré tout, elle roule et démarre à peu près comme un charme chaque matin. Même hier matin alors que le mercure frisait les -40° avec le vent. 

Je me suis marré au boulot justement à cause du froid. Il faut savoir que je travaille dans un quartier à forte population haïtienne pour qui le froid n’est pas nécessairement un lègue culturel.  Un client surtout, tellement drôle quand il est entré dans la succursale. 
    • Ayoye maaaaaan! Y fait frette en tabarnak! Ayoooooye! Juste de sortir de mon auto pour me rendre ici, j’ai les mains gelées! Ayoooooooooooooye!!!
Du coup, j’ai noté que le froid intense semble amener toutes les communautés dites culturelles à adopter instinctivement les sacres et les expressions 100% Québécoises. Comme quoi quand il fait -30°, et que ce soit pour un Français, un Haïtien ou un Latino, le froid devient «le frette» et le «tabarnak» devient le complément (ou l’adjectif) incontournable pour exprimer la démesure météorologique. C’est une grande découverte que je viens de faire, à savoir que le froid intense efface les différences et tend à resserrer les liens humains, peu importe les origines de chacun. 

Le «frette» comme passage initiatique? 
Le «frette» agissant mieux qu’un passe-port ou qu’un serment à la reine? 
Le «frette» comme outil d’intégration? 
Le «frette» comme une preuve incontestable que «ces gens-là» sont exactement comme nous? 

Avouez que pour rester ici et aimer ce coin de pays (qui n’en est pas encore un) après une suite de -30°, c’est un peu comme gagner ses galons sur un champ de bataille. Respect donc à ces Québécois nés au chaud (ainsi qu’à leur descendance) et qui décident malgré tout d’aimer ce coin de terre. Pour ma part, j’envisage de faire pression auprès de madame Marois pour tendre la main à Haïti et les convaincre de devenir un comté provincial de manière à ce que je puisse aller travailler là-bas de novembre à avril. Et avec prime d’éloignement si possible. 
Mais revenons à ce sympathique client et à ses adorables «tabarnak qui fait frette!!! Ayooooooye!» Voulant me montrer compatissant, je lui dis « C’est vrai qu’avec le vent, c’est particulièrement frette ce soir» 
Pas convaincu du tout le mec. Mais pas du tout! Il me répond :  « Attends vieux! Toi t’es né ici, pas moi! T’as vu ma peau? (il me montre ses mains) Cette peau-là, elle est faite pour le soleil, la chaleur, la douce caresse d’un vent chaud venu du large! Pas pour ce tabarnak de frette!!! Ayooooye man! Je ne suis même plus capable de refermer mes doigts! Regarde ça! (effectivement, il semblait avoir quelques problèmes à manipuler son porte-feuille. On aurait dit les petites mains tremblantes d’un p’tit vieux) Fuck man! C’est trop fou!» 

mercredi 23 janvier 2013

Capharnaüm


Capharnaüm 

Cela arrive souvent le soir
quand il n’y a plus rien à voir
avec la conscience
en panne et en souffrance
nourrissant la corbeille à papier
de réflexions étriquées. 

Parfois les meilleurs jours
dans la tête agitée courent
les digressions de prédilections
attendant leurs promotions
ce peut être un cahier
ou un cabinet de curiosité.

Le frère de Mario est passé au bureau du syndicat. 
Discrètement, sans faire de bruit. 
Il y a laissé deux choses pour Éric et moi. 
Un cd des suites pour violoncelle de JS Bach et un recueil de poésie. 

Hypnopompie

Traversant les friches ténébreuses
drappé d’oriflammes inféodées
je cherche sous les réverbères
l’effluve enjôleur 
avant que ne parviennent
jusqu’au relief de ma résurrection
les premières lueurs de son pillage
à l’aurore insidieuse
paupières éclissées par la tourmente
sacrifices qui claquent au vent
je blasphème ma damnation
et Morphée qui m’abandonne

Mario se disait athée mais ne s’empêchait pas de vivre une spiritualité toute musicale. Pour lui, Bach valait bien Dieu et de ce côté-là je ne peux que lui donner tout à fait raison. Après-tout, aucun homme ici-bas n’a jamais tué un autre homme au nom de Bach. 

Bobo

Été soixante-cinq
aujourd’hui Dieu ne pleur pas
sur ma petite exil rampante matinale
dans l’herbe rasée de près. 

Petites agitations des mains sur mes oreilles
sous l’ombre paresseuse du Cessna. 

j’enfourche mon vélocypède
rythmé de son ronflement rouillé élégant
de la pétarade de l’As de pique
sur la barbelure de ses roues. 

Rien ne me retiens. 

D’un geste enthousiaste
déclenche une arabesque improvisée
en habit du dimanche
prend son envol
évolue dans l’espace
grand écart chorégraphique
se stabilise sur le guidon
c’est une épreuve
utilise son répertoire de pleurs
à la queue leu leu
en chante trois
ne nous complaisons pas
et feigne la mort
pour semer les rires à remontoirs
de la poupée de Mimi. 

On a construit des églises pour Dieu, mais c’est la musique de Bach qui les a sanctifiées. En ce sens, Dieu est redevable à Bach. 

A mie

Nyctalope nubile
Soûle manualité
Fiévreuse vigile
Absconse nymphée
Mâtine fragile
Concupiscence avouée. 


Les suites pour violoncelle de Bach étaient pour Mario la quintessence de la musique humaine. Nous en avions d’ailleurs discuté avec son frère le jour du déménagement et il fut décidé que cette musique ferait partie du service funéraire. 

Nature morte 

Au coeur de la cité
sur un terrain vague
quand la neige se mue
en résidus poussiéreux
le goéland exilé
au milieu des déchets
scrute légitimement sa pâture
d’un arrière-goût évanescent

Aux abords des clôtures
sur un sentier rustique
quand l’aube estivale s’évente
en émulsion sulfhydrique
le camion-citerne
au-delà l’orée des enclos
parfume généreusement l’éther
d’une fragrance civilisée. 

Au-dessus du bitume
sur un balcon en fer
quand la conscience est 
en panne et en souffrance
le résidant apathique
au regard romanesque 
décrête de son walkman l’intermède
d’une musique anesthésique. 

Le recueil de poésie est de lui. Une petite brochure artisanale dont il avait fait plusieurs copies. Il devait lui rester quelques copies et son frère nous en a donné une à chacun. 

À vue d’Espagne

Ombre de blanc
Silences de vent
Un parfum d’éther
Surplombe la mer
Enjôle la conscience
Galbe les turbulences
Sentir la vague argileuse dressée
Ouïr les rameaux graphites ruisselés
Ascension ciliée vers ton épaule nacrée
Cataracte raclée sur la gencive sangre
Épingle sur ma prunelle
Ce printemps sacramentel.  

Le recueil s’intitule Ipséité.  

lundi 21 janvier 2013

Une journée ordinaire au boulot


Un type entre dans le magasin. Il se traîne d’un étalage à l’autre, les traits du visage tombant dans une gueule blasée. Le mec se fait chier, c’est évident. Il tourne en rond, ne semble pas trouver ce qu’il cherche. Je vais vers lui. 
    • Vous semblez chercher quelque chose. Puis-je vous aider? 
    • Je cherche la section des vins du Portugal. 
    • Suivez-moi. 
Pendant que je le guide vers la section demandée, il se croit dans l’obligation de spécifier. 
    • C’est que je cherche un vin portugais. 
Ça me semble évident, suis-je tenté de lui répondre. Quand tu demandes la section des vins du Portugal, généralement c’est parce que t’as dans l’idée d’acheter un vin du Portugal. Ou alors il y a des détails qui m’échappent. Je ne lui réponds pas parce que je me dis que le mec se tape la maladie des mémés qui vivent toutes seules depuis 30 ans, celles qui ont cette curieuse habitude de penser à haute voix, même en public, et qui sortent des trucs totalement sans importance, comme : 
    • Bon, je vais aller faire mon ménage. 
Ou encore : 
    • Tiens, je crois que je vais aller à l’épicerie. 
Sans oublier l’incontournable : 
    • Je pensais payer cash, mais finalement je vais payer avec ma carte. 
C’est souvent les mémés qui sont comme ça, mais pas qu’elles. C’est une maladie qui ratisse large au niveau des générations. Il y a une fille au boulot qui n’est que dans la mi-trentaine et qui pourtant est atteint sévèrement par ce virus. Elle commente tout ce qu’elle fait ou ce qu’elle va faire. C’est pour ça que je dis que ces gens-là pensent à haute voix. Anyway, le mec, je croyais qu’il était l’un de ceux-là. Mais il me relance encore en reformulant cette fois sa phrase. 
    • C’est un vin portugais que ça me prend. 
C’est très tentant de lui répondre un truc comme «Hey! chose! Je pense que j’ai compris» mais je me retiens parce que c’est le matin et que je n’ai pas envie de commencer la journée en me prenant la tête avec un con. Je lui montre la section. je me dis que ça va lui clouer le bec, qu’il sera content, qu’il va me remercier et qu’on pourra passer à autre chose. Mais non! Il ne peut pas s’empêcher d’exiger une confirmation verbale, même si je le place directement devant les osties de vins portugais.  
    • Ce sont des vins portugais ça? 
Extérieurement, je réponds : «oui monsieur, ce sont les vins portugais» mais intérieurement, je lui réponds : « Tabarnak! Tu ne sais pas lire câlisse! Fais juste trois pas de plus, penche ton ostie de tête de con vers les bouteilles, lis les étiquettes pis démerde-toi sacrament! Veux-tu que je t’aide à les lire? Sacrament, m’en va t’arranger ça, ça ne sera pas long. M’en va prendre la première bouteille sur la tablette pis je vais t’étamper son étiquette portugaise dans l’front, ciboire! Tu vas voir que tu ne pourras plus les manquer, criss de con!» 
Bien sûr, je garde ça pour moi. C’est que je suis professionnel. 
Il observe les bouteilles, scrute, tergiverse, semble hésiter. Il fait une gueule d’enfant roi à qui l’on viendrait d’obliger de vider son assiette. J’ai une terrible envie de lui cogner la tête contre la tablette des vins portugais et de l’achever avec un gros coup d’Amarone à 15% d’alcool derrière la nuque. Mais c’est un pro le mec. Il tire sa chance le plus loin possible parce qu’avec sa gueule d’envie d’chier, il me spécifie en se lamentant presque que : «C’est que ça me prend une trèèèèès bonne bouteille de vin portugais. Je reçois des Portugais ce soir» Je n’ai pas de trèèèèès bonnes bouteilles de vin du Portugal. Je n’en ai que des très passables. Je lui montre les cinq produits que nous avons en magasin, tout en lui spécifiant que le meilleur vendeur est le Chaminé. Il prend la bouteille, la regarde toujours avec sa putain de gueule d’envie d’chier, puis, et je jure que c’est vrai, il me demande «C’est un vin du Portugal ça?» Cette fois, je craque. C’est plus fort que moi. J’ai affaire avec un vrai champion et je dois me le payer. Juste pour le plaisir. 
    • Non monsieur, c’est un vin de Tanzanie. 
Il me regarde avec la même expression que si je venais de le gifler. Et parce que c’était l’un de ces matins un peu surréalistes, au même moment où je viens de lui clouer le bec, une dame que je n’avais pas vu entrer me demande «Pardon monsieur, vous travaillez ici?» Je me fais donc un doublé. 
    • Non madame. Je porte l’uniforme de l’entreprise, j’aide les clients, mais c’est pour rire. Dans le fond, je suis un livreur de pizza Tanzanien. 

***

Quelques minutes plus tard, après la dame et le client des vins du Portugal, le voleur a bicyclette est passé. Un black qui me vole deux ou trois fois par mois. Chaque fois, il me la fait sous le nez. Prend sa bouteille de Grey Goose et se met à courir comme un con. Il saute sur son vélo et s’enfuit en pédalant comme si la mort le pourchassait. 

***

Un peu avant midi, je sors fumer une clope. De l’épicerie d’à côté, entre et sort une multitude de gens. L’un d’eux s’amène vers moi. Je ne le connais pas et je ne l’ai jamais vu. Doit avoir fin soixantaine, Italien. Il a le sourire large. Il me dit dans son patois franco-québécois de ruelle : 
    • Ma ké, y a les quétoux qui mi dimande touzours di l’arzent pour bouaaarrre. Moi z’ai loui dit ma ké, va boire di l’eau! Ah ah ah ah! Ci comme moi quand z’itais pitite, il faza souafff tout li temps! Ma mère il était tannée de m’entendre dimander «mama, z’i souaff» Ma ké, elle mi disait «Ma ké, va bouaaarrre dans li zardin!» Alours moi, z’allais dans li zardin et j’i buva dans li flaque d’eau. Zi soufflais comme ça «ffft! ffft! ffft!» sour li flaque d’eau pour enlever les tites zaffaires verts qui li flottait. Ah ah ah! Ci comme les zenfants d’auzourd’houis, tu lui ouvre li frizidaires et il dit qu’il n’a rien! Tabournak! Ci plein di haut en bas! Viens vouaarrre dans mon temps à moi, ti va vouaarrre ci quoi il n’avait rien! Allez, ciao!
    • Ciao. 

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Un peu plus tard, c’est Raymond qui est passé faire son tour. Pas Raymond mon ami, mais un autre Raymond. Un Raymond d’environ 75 ans. Petit, l’oeil malicieux, il se croit drôle en parlant comme Donnald Duck. Il est sympa quand même, même si mes collègues le trouvent un peu casse-pied. Faut savoir que mes collègues sont un peu jeunes et ne comprennent pas que le Raymond de 75 ans, veuf depuis 20 ans, ben merde, il s’ennuie. Il fait la tournée des commerces pour s’occuper. Moi il m’aime bien parce que je prends toujours le temps de lui parler. Ça me fait comme un break dans ma journée. Je ne le trouve pas drôle quand il parle comme Donald Duck, même que je trouve ça pathétique, mais je ris pour lui faire plaisir. Si par hasard je travaille avec une jolie collègue ou si une belle cliente se pointe pendant sa visite, il lui sortira deux ou trois compliments jusqu’à ce que l’on se retrouve seuls. Il enchaînera ensuite sur des grivoiseries sur la collègue ou sur la cliente qu’il me balancera comme autant de confidences. C’est pittoresque comme conversation, mais ça fait passer le temps.

jeudi 17 janvier 2013

Chacha



Lui c’est Sacha. Ou Chacha. Ou encore Pierre. Ça dépend. En fait, son vrai nom c’est Pierre, mais les gens de la communauté haïtienne l’appellent Sacha. C’est un surnom qui lui vient d’une soirée particulièrement animée qui s’était déroulée au Medley il y a une dizaine d’années. Un band de Hip Hop très virulent dans leurs paroles de chanson y jouait. Le spectacle avait attiré des gangs de rue rivales et ça avait chier solide comme on dit. La police fut rapidement débordée et la légende veut que ce soit lui, Sacha, qui avait calmé le jeu et sur la scène, et dans la salle. Il faisait la sécurité déjà. Les flics avaient demandé c’est qui ce mec-là qui est parvenu à calmer les gangsta et quelqu’un avait dit «Sacha». On ne sait pas pourquoi. Depuis ce jour, il est devenu une star dans la communauté et tout le monde le surnomme Sacha. Mais quand ils parlent vite, ça sonne «Chacha» comme dans chat chat. 
C’est donc comme ça je dis, Chacha. 

Chacha ne fait pas que de la sécurité. Il est aussi animateur radio dans une station communautaire et il organise aussi des soirées spectacles haïtiens. Tout le monde le connaît. Et quand je dis tout le monde, c’est tout le monde! C’est hallucinant. Chaque client haïtien qui entre dans le magasin quand il est là vient le saluer avec respect. Et puis ça se met à parler et à rire et d’autres clients qui entrent sur l’entrefait se joignent à eux et voilà-t-y pas qu’ils sont maintenant 4 ou 5 autour de Chacha à parler et à rire. Ce mec-là se présenterait pour devenir président de la diaspora qu’il serait élu au premier tour. 

Pendant ses pauses, il s’enferme dans les chiottes où la sono est excellente et il enregistre ses topos pour son émission de radio ou ses pubs pour ses spectacles (qu’il passera ensuite sur son émission) 

C’est le meilleur agent de sécurité qu’on a jamais eu. Quand tu es client, tu ne veux pas faire le con quand Chacha est là parce que Chacha, il va te crisser dehors que t’auras même pas le temps de savoir ce qui s’est passé. 
Don’t fuck with Chacha!

Je l’ai vu une fois en sortir un. C’était spectaculaire. Un type dans la quarantaine pas mal saoul qui s’est mis à menacer tout le monde en Espagnole parce qu’il croyait qu’on ne comprenait pas sa langue. Il disait des trucs à notre endroit où ça parlait de fusil et de balle dans la tête. Le problème (pour lui) c’est que Chacha, ben justement, il se trouve qu’il parle très bien l’Espagnole. Du coup, ça n’a pas traîné. Il a mis sa grosse patte gauche derrière le collet du mec et sa droite dans son fond de culotte. Il a juste fait un léger mouvement et des hanches et le mec s’est vu soulevé de terre comme s’il était accroché par une grue de construction. Chacha a ensuite fait quelque pas vers la sortie en tenant le mec à bout de bras. Celui-ci pédalait dans le yogourt parce que ses jambes ne touchaient plus à terre. Chacha l’a ensuite balancé dehors comme un sac d’ordures en restant ensuite devant la porte, les poings sur les hanches et les jambes écartées. Ça voulait dire «si tu tentes de revenir, je suis là» 
Mais le mec était saoul et il a tenté de revenir. Alors du coup, Chacha s’y est pris exactement de la même manière, mais cette fois, il a été le balancer un peu plus loin. Le mec n’a plus insisté. 

Le 31 décembre dernier, jour de malade à la succursale, je me suis payé grâce à Chacha le fantasme absolu que tout bon commis de la maison rêve de se payer un jour. 
Résumons : On ferme à 19h parce que c’est le 31 décembre. Dehors, il y a une filée de retardataires qui s’étire jusqu’au Mexique. On décide de faire entrer la filée mais après, c’est terminé. On ferme les portes et puis basta. 
19h15. Les derniers clients de la filée qui s’étiraient jusqu’au Mexique sont maintenant dans le magasin. La plupart sont en ligne pour payer, mais d’autres prennent encore tout leur temps pour choisir leur putain de bouteille avec laquelle ils vont passer le réveillon. Comme je dois le faire dans ce genre d’occasion, je passe de client en client pour les aviser de se diriger le plus vite possible aux comptoirs-caisses. Dans le lot, un groupe de trois jeunes. L’un d’eux, le leader du groupe, me traite alors d’enculé.
Si, si! D’enculé! 
Je reviens sur mes pas et je lui demande s’il m’a bien traité d’enculé. 
Il me dit, très fier et très baveux  «T’as très bien entendu» 
Je lui réponds, « Tu sais que je peux t’obliger à sortir pour ce que tu viens de dire?» 
Il me regarde comme si j’étais une merde et réponds avec arrogance « Vas-y! Sors-moi!» 
Il me bouffe de deux têtes. Il peut me casser la gueule facilement. Je lui réponds en souriant «Non, ce n’est pas moi qui vais te sortir, c’est lui» 
Et je pointe Chacha. 
Chacha arrive, le regarde et lui dit «Je te demande très poliment de sortir» 
Le mec fait le fier. «Oh! Pourquoi tu veux me sortir?» 
Chacha rajoute très calmement, mais avec ce genre de regard qui dit que là, mec, tu pousses un peu loin «Je te le redis une deuxième fois très poliment. Mais il n’y aura pas de troisième fois» 
Du coup, et parce qu’il a sans doute vu la même chose que moi, c’est à dire la tête de tueur de Chacha et les épaules qui vont avec, le mec a levé les mains au ciel et a dit «ok, ok, je sors» 
ses potes riaient. Parce que ses potes allaient de toute manière acheter pour lui. Du coup, je me suis dit que «non, non, non! Ce n’est pas vrai que cet enfoiré va passer le 31 avec de la vodka que ses potes allaient lui acheter après m’avoir traité d’enculé. Ils étaient avec lui, alors ils vont assumer leur amitié jusqu’au bout» 
Une fois que Chacha eut sorti le grand baveux, j’ai dit «Chacha, ces deux mecs-là étaient avec l’autre enfoiré» du coup, les mecs ils ne riaient plus et Chacha s’est amené vers eux en disant « Je vous demande très poliment de sortir» les mecs ils répondent un truc comme « Eh oh! On a rien dit nous! C’est lui qui a insulté l’employé!» Ce à quoi Chacha a rétorqué « Je vous le redis une deuxième fois très poliment. Mais il n’y aura pas de troisième fois» et comme par magie, ils sont sortis très calmement, mais en sachant qu’ils allaient passer un réveillon sans vodka. 

On adore Chacha.