jeudi 24 juillet 2008

Truite,orignal et silence.

Je me lève et il n'y a plus d'électricité. Je panique un moment à l'idée d'être privé de mon café mais comme je suis un véritable homme des bois, je trouve rapidement un moyen de surmonter ce problème. Mon café, je viens de le faire sur le grille du BBQ. J'ouvre mon ordi et comme j'ai une pile qui me donne environ deux heures d'autonomie, je décide d'y écrire quelques lignes en attendant de me réveiller comme il faut.

Je voulais aller à la truite ce matin mais le temps est incertain. Le ciel est complètement couvert mais pas menaçant pour l'instant. J'ai envie de pêcher mais je n'ai pas envie de passer une journée à me faire mouiller dans une chaloupe. Vais-je y aller ou non? Terribles questionnements qui m'assaillent en ce gris matin du 22 juillet 2008.

Je me suis couché un peu tard hier. Un peu tard et un peu saoul. Je me suis bu un excellent Côtes-de-Bergerac de la maison Château Tour Des Gendres 2005. Le nom de cette délicieuse bouteille est La Gloire De Mon Père. 50% Merlot et 50% Cabernet Sauvignon. Vin riche et intense, je ne voulais en déguster qu'une coupe ou deux mais devant cette petite merveille qui se laissait magnifiquement boire, je me suis rendu facilement jusqu'à la dernière goutte sans me forcer. La prochaine fois, et pour me rapprocher un peu plus du paradis, je me la tape avec un magret de canard. Prenez tout ça en note et courrez vous chercher cette bombe à 13,5% degré avant que je vide les entrepôts. Comme quoi ce blogue n'est pas tout à fait inutile.

Quand je vais acheter mon journal et mes clopes au dépanneur du village, y a la caissière qui ne peux pas s'empêcher de me faire la conversation. C'est très sympa de sa part mais personnellement, je préfèrerais qu'elle passe son tour et qu'elle me laisse payer sans me retenir. Malgré le fait que nous possédons ce chalet depuis 1967, je peux compter sur les doigts d'une main les gens de par ici qui me connaissent et c'est parfait comme ça. Si je viens ici, c'est justement pour ne pas échanger avec mes contemporains. Je vais au village uniquement pour mes besoins de base et je parle le moins possible avec les gens que je croise. Je ne vais jamais au bar du village, je ne participe à aucune activité et je m'arrange pour ne jamais donner mon nom à personne. Je veux rester une ombre. Mais quand vraiment l'envie de voir des être humains me prend, quand par exemple je suis ici depuis plusieurs jours, je descends alors à Joliette me déguster un expresso à la Brûlerie du Roy ou au café L'Île aux trésors. Au premier, je regarde le cul des jeunes et jolies serveuses et au deuxième, je regarde la beauté quadragénaire de la proprio. Ça me suffit amplement pour me faire le plein d'urbanité et une fois cette obligation accomplie, je reviens dans ma bulle de verdure et d'isolement. Tout le reste est futile et inutile. Toute ma conception de la société idéale est là: une table de café, un bon expresso, un bon bouquin et un tas de jolies serveuses qui se déplacent entre les tables et qui viennent te voir deux ou trois fois dans la même heure avec un sourire à te fendre le coeur pour te demander si tout est parfait. Après la roue et le feu, les belles serveuses de café sont la plus belle découverte de l'humanité. Surtout la blonde de la Brûlerie du Roy, celle avec les gros seins.
Enfin bref, ce que je voulais dire c'est que je n'aime pas que la caissière du dépanneur me fasse la conversation parce que je suis soucieux de mon anonymat ici. Je ne veux pas que les gens sachent qui je suis, où je travaille, si je suis en couple ou non. C'est un petit village de rien du tout où 24 heures après que tu te grattes le cul, tout le monde est au courant. Je n'ai rien à cacher, mais je n'ai rien à exposer non plus. J'aime qu'il puisse exister un coin sur la terre où je puisse avoir mes habitudes sans avoir à saluer untel ou truc-muche ou encore donner des nouvelles à machin sur ma vie personnelle qui n'appartient qu'à moi. Et puis disons le franchement, cette caissière n'est pas très jolie. Elle est grosse et se tape une gueule de belette consanguine qui aurait été battue à coup de manche de pioche.
Et puisque nous en sommes aux confidences, soyons honnêtes et avouons que tout autre aurait été mon rapport avec la caissière de l'an dernier, cette jeunette un peu farouche qui exhibait fièrement son nombril percé entre deux clients pêcheurs qui sentaient fort le poisson pourri et le ver de terre séché. Elle, oui, peut-être, je n'aurais pas eu de retenue à lui dire que je suis seul dans la vie et que je ne déteste pas croquer des annaux percés dans des nombrils entre deux journées de pêche. Je me souviens qu'elle commençait à avoir un petit bide mais que son cul, que j'analysais scientifiquement selon les principes d'Aristote chaque fois qu'elle se retournait pour aller chercher le paquet de clopes que je lui demandais, cadrait parfaitement avec les observations de Copernic à l'effet que le soleil était au centre de notre univers et que c'était la terre qui tournait autour, et non l'inverse.
Je ne sais pas trop ce que ça veut dire, si ce n'est que le cul des femmes représenteraient ce matin et dans mon esprit pas encore tout à fait réveillé quelque chose comme des soleils flamboyants et que nous, pauvres mâles, en serions les planètes prisonnières de leur gravité qui nous obligent à tourner autour comme des papillons de nuit. D'ailleurs, c'est généralement à cause du cul des femmes que la plupart d'entre nous finissons par nous brûler les ailes, dis-je en me grattant la poche avant de reprendre une autre gorgée de mon café froid.
Enfin bref, plus je parle à cette belette de caissière, plus les risques que les informations que je lui donne se répandent un peu plus dans le village.
- C'est qui ce mec avec la vieille Tercel toute pourrie?
- C'est Varice&Versa, un type de Montréal qui possède le chalet près de la rivière. C'est Ginette, la caissière du dépanneur qui me l'a dit.
- Il n'est pas très causant.
- Ça vient sans doute du fait qu'il a des choses à cacher.
- Ouais, y a mon beau-frère qui le voit souvent à Joliette. Paraît qu'il a ses habitudes à la Brûlerie du Roy. Paraît même qu'il reluque le cul des serveuses. Une entre autre.
- Laquelle?
- Celle avec les gros seins.
- Ah le cochon!

Bon, l'électricité n'est toujours pas revenue et le ciel est toujours aussi couvert. Vais-je ou n'y vais-je pas? Et puis merde, j'y vais quand même.

Retour de la pêche

Je reviens de la pêche. Pas fameux. Une seule petite truite de rien du tout que je vais me bouffer en entrée dans quelques instants. Une seule truite mais une putain de belle journée quand même. J'adore les Réserves Fauniques du Québec. Avec les serveuses de café, c'est l'une des plus belles inventions de l'humanité. J'avais un magnifique lac pour moi tout seul. En fait, c'était plutôt trois lacs en un puisque je pouvais accéder d'un à l'autre par des passes un peu resserrées. C'est pas croyable quand on y pense. Quand je vais dans la pourvoirie privée de St-Zénon, le plan d'eau offert est le quart de ce que j'avais pour moi tout seul et il n'est pas rare d'y compter jusqu'à 40 chaloupes en même temps. Aujourd'hui, j'étais complètement tout seul sur un lac qui devait faire environ deux KM de long. La très sainte paix sur terre mes amis, c'était sur le lac Brisé de la Réserve Faunique Mastigouche.

J'ai pêché la majeur partie de la journée avec un huard qui me suivait docilement pendant mes déplacements. Un chouette compagnon qui par moments, poussait son appel de la femelle pour mon plus grand plaisir. Je lui ai dit comme ça de ne pas s'en faire, que le célibat n'est pas une mauvaise chose dans le fond. Qu'on s'y fait à la longue. Et comme disait Renaud, vivre libre c'est souvent vivre seul, que ça fait peut-être mal au bide mais c'est bon pour la gueule. Il ne m'a pas répondu et je le suspecte de ne pas aimer Renaud. Ou de ne pas le connaître. Néanmoins, il n'a pas dit non quand je lui ai offert une clope. Sont comme ça les huards aujourd'hui.

À un moment, j'étais à quelques pieds du bord et je pêchais tranquillement. Le vent venait de tomber et un épais silence recouvrait la forêt. Le genre de silence qui n'existe pas en ville. C'est particulièrement saisissant d'être planté au milieu d'une si vaste étendue et de pouvoir entendre le battement de nos paupières. Déstabilisant serait le mot juste. Nous ne sommes plus habitués au silence.
Après quelques minutes, j'ai alors entendu un fort craquement de branche à quelques pas derrière moi. Je me suis retourné mais je n'ai rien vu. C'était le même genre de craquement que j'avais déjà entendu il y a une vingtaine d'années, quelques secondes avant que je ne me retrouve face à face avec un ours. J'ai scruté le bois pendant un long moment mais sans rien voir. J'ai repris ma pêche en oubliant progressivement l'objet de ma déconcentration jusqu'à ce que je revienne pleinement fixé sur mon leurre que je lançais et relançais dans le lac mais sans le moindre succès. C'est alors que j'ai entendu juste derrière moi un espèce de gros râle pas possible qui devait venir d'une paire de poumon gros comme un Boeing 747 et qui fut suivit d'une galopade qui cette fois, fit craquer un tas de branches et d'arbres morts sur quelques mètres de distance. Dire que j'ai eu peur serait un euphémisme. Le bruit fut si spontané et surtout si retentissant dans cette bulle de silence que j'ai pratiquement tombé en dehors de ma chaloupe. P-U-T-A-I-N que j'ai eu peur! Je me suis retourné mais tout ce que j'ai vu, ce fut des branches d'arbres bouger dans l'épaisseur inextricable de la forêt. Après quelques secondes, le temps de me ressaisir et de ramener mon rythme cardiaque à un niveau sécuritaire, j'ai deviné qu'il devait s'agir d'un orignal à cause de la forte galopade entendue. L'animal m'aura sans doute surpris dans son champ de vision alors qu'il était venu s'abreuver au lac. Je me suis mis en marche en suivant la berge en espérant l'entrevoir mais peine perdue. Je suis retourné à ma pêche en oubliant mon orignal. Mais environ trente minutes plus tard, je l'ai vu traverser le lac dans une partie peu profonde. Une femelle. (Voir les clips dans le précédant message)

Je me suis fait mouiller pendant cette journée comme rarement je ne l'avais été avant. Il est tombé en fin d'après-midi une averse d'enfer. Les chemins forestiers en revenant de la pêche étaient inondés. Dans une vieille Tercel pourrie dans laquelle on se fout complètement de mettre trois dollars d'entretiens, c'était génial.

mercredi 23 juillet 2008

Résumé de ma pêche.