mercredi 27 février 2008

Neige et nuit.

J'ai vu ce soir des écumes figées qu'un vent du nord échafaudait de son haleine glaciale. Cela faisait des marées hautes larvées de plumes donnant dans la nuit des silences habillés de blancs horizons. De fait, tout était blanc dans le noir et mes pas engourdies s'enfonçaient dans cette obscurité nacrée pendant que le chant taciturne de la bourrasque recouvrait l'écho nostalgique de mes pensées. Des dunes bavantes de neige folle venaient lécher mes pieds engourdies en y laissant éclore au passage les traces éphémères de mon hivernal passage. Je me sentais bien, heureux, apaisé dans ce blizzard de février, réconforté par le baiser du froid sur ma peau, envoûté par la valse silencieuse des flocons survoltés.
C'est beau une tempête de neige qui tombe sur la ville la nuit.

mardi 26 février 2008

Hochelaga-Maisonneuve blues. Suite.

Le dépanneur du coin, celui où je vais acheter mes clopes et ma bière, est tenu par un sympathique asiatique qui sourit toujours mais sans trop savoir pourquoi. Il ne connaît du français que quatre mots:
Bonjour, qu'il prononce "Bonnejouuu...."
Voilà, qu'il prononce "Voilàààààà...."
Merci, qu'il prononce "Metsiiii...."
Au Revoir, qu'il prononce "Au Rgevoiiiii......"
La langue française contient 35 000 mots et lui il réussit à se démerder avec ces quatre là, comblant les 34, 996 autres par des rires.

Ce qui donne toujours des dialogues un peu surréalistes.
- Bonjour, ça va bien?
- Bonnejouuuuuu.....
- Pas chaud ce soir.
- Hi! hi! hi!
- Ils annoncent encore de la neige.
- Hi! hi! hi!
- Je vais prendre un paquet de cigarettes.
- (en me refilant le paquet de clopes) Voilàààààààà.....
- (lui refilant l'argent) Tenez.
- Metsiiiii......
- Allez, au revoir.
- Au Rgevoiiiiiiii......

C'est un tout petit commerce encombré de produits et où il est très difficile de se déplacer. Dès qu'il y a plus de trois clients, on a l'impression d'être coincé dans un wagon de métro à l'heure de pointe. Du soir au matin, sept jours par semaine, il est là. Parfois, quand il doit s'occuper d'une livraison, sa fille lui donne un coup de main et il est facile de voir à ses traits éteints du visage qu'elle se fait royalement chier d'être obligée de passer de longues heures de son adolescence scotchée derrière la caisse de ce petit commerce mal éclairé. Pour passer le temps, elle lit des romans photos en noir et blanc qu'elle dépose sur le comptoir, à côté du présentoir à cigarillos parfumés. Elle reste toujours impassible au mouvement des clients et elle ne s'active que lorsque ceux-ci s'amènent pour payer. Elle délaisse alors quelques secondes son imprimé, pianote machinalement le prix sur les touches du clavier de sa caisse-enregistreuse, prend l'argent du client, lui redonne sa monnaie, emballe dans un sac de plastique blanc le produit et retourne aussitôt à sa lecture sans même prendre la peine de vous jeter un regard. Ce n'est pas de l'impolitesse, c'est juste de l'indifférence bien compréhensible de la part d'une gamine d'environ 16 ans qui aimerait bien passer ses samedis après-midi ailleurs que dans ce commerce un peu triste.
C'est le genre d'endroit qui ressemble d'avantage à une prison qu'à un commerce.

On dit que ce quartier change. Vrai et faux à la fois. Vrai parce qu'on voit bien à la lumière de ces petits commerces branchés qui poussent ici et là qu'une nouvelle clientèle est en train de prendre place. Mais faux en ce sens que ce changement est provoqué par la hausse de l'immobilier des dernières années et que la spéculation y est florissante. Ce qui est entrain de se passer ici est exactement ce qui s'est passé sur le Plateau Mont-Royal dans les années '80 et '90, c'est à dire une gentrification massive, voire sauvage, du quartier qui ne laisse aucune chance aux résidents à faible revenu de se reloger à prix abordable. Peu à peu, immeuble par immeuble, rue par rue, l'on rachète, rénove et reloue à des prix prohibitifs les vieux logements au détriment de ces gens qui y vivent depuis des générations. Ce quartier est l'un des derniers de la ville à avoir une histoire et une identité propre encore vivante et léguée d'une génération à l'autre par ses résidents qui y sont nés et qui y sont morts. Au lieu de la protéger, on l'assassine en encourageant une course à la rénovation à tout-va exempte de toute vision sociale. La conservation architecturale d'un patrimoine n'est pas une mauvaise chose, au contraire, mais au-delà de la revitalisation visuelle d'un quartier, ce qui devrait primer sur le reste est la préservation du tissu social qui a forgé et qui a donné ceci à cela, c'est à dire une âme à ce patrimoine. Avec le résultat scandaleux que chaque rénovation de logement s'accompagne inévitablement d'une éviction de locataire. Je connais ce quartier pour y avoir habité, et pour y avoir eu des amis qui y habitaient depuis toujours. J'y reviens après cinq ans et ce que je vois en ce moment ne ressemble en rien à ce que j'ai vu à l'époque. Je suis à même de constater que j'assiste en ce moment à l'agonie de ce qui est encore un village planté au coeur de la ville. Au rythme où vont les choses, j'estime que dans moins de 20 ans, ce quartier sera de fond en comble un nouveau Plateau Mont-Royal. C'est à dire un verni branché recouvrant de force une architecture singulière où les personnages des romans de Michel Tremblay n'y retrouveraient pas leur place.

Il est tard, je vais me coucher.

lundi 25 février 2008

Ça me démange...

De choses et d'autres ce soir. Question de terminer mon petit vin argentin sans me prendre au sérieux.
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C'est le temps de l'année où ça commence à me démanger grave. Je parle des truites et des brochets. Je crois que je vais aller me faire une petite pêche sur la glace prochainement pour me dégourdir un peu. Question de ne pas perdre la forme.
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No country for old man des frères Cohen a gagné l'oscar du meilleur film ce soir. (Yes!!!) Daniel D Lewis (Oh! Quelle surprise! Ce mec est un dieu. L'incarnation de l'Acteur en une seule personne.) celui du meilleur acteur et Marion Cotillard celui de la meilleure actrice. Mine de rien, elle vient de frapper le Grand Slam avec l'Oscar, le Golden Glob, le Bafta (British Academy of Film and Television Arts) et le Cesar. Première Française à gagner l'Oscar depuis Simone Signoret pour Room at the Top en 1960. Bonsoir mesdames et messieurs, cette actrice est lancée pour la vie!
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Dans un texte précédent, je parlais du Droit à la Paresse de Paul Lafargue écrit en 1880. Ô coïncidence, voici un texte du Devoir de ce samedi qui parlait précisément de la même chose: http://www.ledevoir.com/2008/02/23/177424.html Pas con le mec. Il explique que l'essai de Lafargue est tout à fait pertinent en ces temps de surconsommation. Par exemple, que si le reste du monde consommait les richesses du globe au même rythme que nous, les aisés de l'hémisphère Nord, ça prendrait trois planètes comme la nôtre pour satisfaire les besoins de chacun. Que tôt ou tard, nous n'aurons pas le choix de réviser notre conception du travail. Qu'il en va de la survie de l'espèce humaine. Texte à lire et à méditer.
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Brochet... je veux pêcher des brochets! Sillonner les aurores et laisser mon leurre d'argent percer les surfaces planes des lacs perdus . J'en ai marre d'attendre!

mercredi 20 février 2008

Juste pour voir ce que ça fait!

J'avais rendez-vous à 20hre chez Ouzeri avec ma douce et adorée fille. Un souper pour souligner l'anniversaire de ses 20 ans et de mes quelques rides supplémentaires qui allaient avec l'événement. J'aime ce restaurant. C'est beau, c'est bon, c'est pas cher et le service est chaque fois agréable. J'avais garé ma bagnole sur St-Joseph parce que ce n'est pas trop loin de la place et surtout parce qu'à ce niveau, c'est le seul endroit où il n'y a pas de parcomètres à la con. Comme j'étais un peu en avance, j'ai décidé de marcher jusqu'à la librairie Renaud-Bray dans le but de me trouver un petit quelque chose à lire pour les périodes creuses de mon quotidien. Chemin faisant, je croise un type qui se dirige vers la quincaillerie Rona. Mais à cette heure un lundi soir, le commerce était bien sûr fermé. Je ne sais pas de quelle planète il venait le mec mais il ne semblait pas au courant de cette réalité commerciale pourtant en vigueur au Québec depuis au moins 8 ou 9 siècles. Sinon plus. Enfin bref, le mec arrive, tire la porte d'entrée et constate aussitôt qu'elle est verrouillée. Il incline un peu la tête vers l'avant pour scruter les heures d'ouverture inscrites sur l'affichette collée sur la vitrine et réalise du même coup qu'il a au moins deux bonnes heures de retard. Il se redresse en laissant échapper un grognement de déception. Et c'est alors qu'il pose un geste complètement idiot et qui me restera accroché à l'esprit pendant de longues minutes. Ce qu'il a fait le mec après avoir déjà tiré sur la porte et après avoir constaté physiquement et de visu que l'endroit était fermé? Ben il a essayé d'ouvrir la porte en tirant une deuxième fois sur la poignée.
Il pensait quoi le mec? Qu'en insistant sur la poignée, l'horaire sur l'affichette allait automatiquement changer? Que les lumières du commerce allaient automatiquement se rallumer? Que les employés partis depuis deux heures allaient automatiquement réapparaître? C'est dingue non? Je sais, ce n'est qu'un geste de réflexe qu'on a tous déjà posé à un moment ou à un autre mais justement, je suis du genre à être fasciné par ce type de comportement humain. Car enfin, ce geste-là tenait d'avantage de l'automatisme musculaire du cro-magnon que de la réflexion éclairée de l'Homo Sapiens. Comme si l'animal en nous reprenait sa place séculaire dès que survient un problème insoluble.

Je marchais et je n'arrivais pas à chasser ces pensées de mon esprit. Je me disais que finalement, nous sommes encore très proches de nos hirsutes ancêtres qui vivaient dans des cavernes humides et mal chauffées. Que c'était juste hier le temps où l'on se crissait encore la main dans le feu pour voir si c'est vraiment chaud. Juste pour voir ce que ça fait! Processus primaire de connaissance évolutive basé sur l'expérience directe. Et ce qui est affolant, c'est de réaliser que nous réagissons encore avec ce Juste pour voir ce que ça fait! quand vient le temps d'expérimenter de nouvelles découvertes pas toujours rigolotes. Hiroshima par exemple, n'est-ce pas le meilleur exemple du Juste pour voir ce que ça fait! poussé à la puissance de connerie maximale? Car enfin, était-il nécessaire de la faire exploser sur des êtres humains cette bombe quand il aurait été assurément tout aussi dissuasif de la faire éclater dans je ne sais quel désert en invitant des observateurs ennemis en leur disant quelque chose comme: "Vous voyez cet enfer au loin qui gonfle comme un champignon gigantesque et qui fait trembler la terre sur des centaines de kilomètres à la ronde? Vous vous rendez sans condition ou alors on vous la fait péter sur la gueule."

Et puis était-ce vraiment nécessaire d'inventer un truc comme ça qui aurait fait 75 000 morts en un battement de paupières et 150 000 de plus dans les semaines qui ont suivit?
Oui! disent certains parce que cela aura permit de cesser un conflit qui avait déjà fait plus de 52 millions de victimes.
Peut-être. C'est un point de vu comme un autre et sans doute que Hiroshima et Nagasaki ont fait que cette boucherie ne s'est pas rendue plus loin. Mais ça, c'était il y a 60 ans passées et aujourd'hui, la menace nucléaire est toujours et encore bien présente. Et plus que jamais devrais-je ajouter. Et je me suis dit comme ça que si un jour la race humaine venait qu'à disparaître, ça sera assurément causé par un geste de la sorte: Juste pour voir ce que ça fait!
C'est paniquant de penser que ceux qui élaborèrent cette machine de mort n'étaient pas des cons, ni des illettrés, ni des tueurs mais paradoxalement les plus grands cerveaux de leur époque. Et pourtant, ils ont crissés le destin de l'humanité dans le feu... Juste pour voir ce que ça fait!

Du coup, ça m'a fait cogiter grave jusqu'à chez Renaud-Bray et il était grand temps que j'arrive à cette librairie parce que je sentais la crise d'angoisse se pointer à l'horizon. Après avoir fait le tour du garde-manger de deux étages, je me suis acheté un Romain Gary de derrière les fagots comme on achète une pomme quand on a faim. À la caisse, il y avait un mec et une très jolie fille dans la vingtaine. Instinctivement, je me suis dirigé vers la fille et instinctivement aussi, elle m'a servit sans même me regarder. On ne s'habitue pas à ce genre d'indifférence et ça fait mal jusque dans les os.
Photos: Nagazaki avant et après l'explosion

dimanche 17 février 2008

Yes we can!

http://www.barackobama.com/tv/index.php?bcpid=900881681&bclid=900480414&bctid=1372110765

Ce mec là, il est taillé dans le marbre avec lequel on fait l'Histoire.
Allez écouter ce discour d'une rare éloquence. Ça vaut la peine.

Et puis voici ce que ce discour a inspiré:
www.yeswecansong.com

Tom Joad

The Grapes of Wrath (Les Raisins de la Colère) est un film - adapté du roman de John Steinbeck - qui porte sur l'exploitation de l'homme par l'homme. Une charge en règle contre toutes les valeurs du système américain et courageusement tournée par John Ford en 1940 alors que justement, l'Amérique était sur le point d'entrer en guerre pour défendre ces mêmes valeurs.
Après avoir vu sa famille se faire exproprier de leur ferme par la compagnie qui possède les terres, Tom Joad accompagnera les siens dans un long et pénible périple vers la Californie dans l'espoir de trouver du travail. C'est le mythe de la terre promise, une quête épique tournée comme un road movie, le premier je crois de l'histoire du cinéma. (Je me trompe peut-être cependant.)

Ce film à l'humanisme profond est vu par beaucoup comme un plaidoyer en faveur du communisme et Hollywood ne pourrait plus tourner un film comme ça aujourd'hui. Impossible! Le mec qui s'y risquerait, il finirait sa carrière dans les prisons de Guantanamo avec une cagoule sur la tête et des fils électriques solidement branchés sur les testicules. Il faut voir toute la séquence des briseurs de grève pour pleinement comprendre qu'on ne parle pas ici d'une simple critique de la société américaine, mais carrément de son atomisation complète. Une décapitation sévère du fondement même de sa pensée et de son système. Wouuaaaah! C'est pas une caméra qu'avait dans les mains Huston, mais une Kalachnikov chargée à bloc! Comment diable ce mec là ne s'est pas retrouvé au chômage dix ans plus tard quand le Maccarthisme et sa chasse aux sorcières faisait rage?

Le génie de Steinbeck (vous me suivez toujours? Steinbeck écrit, Huston tourne) consiste à faire passer son message par le personnage de Tom Joad, rustre mais fondamentalement bon, honnête ouvrier de ferme, inculte, qui sait à peine lire et écrire et qu'on devine incapable de comprendre les tenants et aboutissants de son époque. Mais par les injustices et les iniquités vécues tout au long de son existence, il prendra peu à peu conscience de l'état de servitude dans lequel lui et ses semblables semblent condamnés.
Cet éveil d'une conscience social s'exprimera en lui par une colère grandissante qui menace d'exploser. Le Tom Joad du roman - ou du film - représente l'exploité planétaire et sa colère est ce que Steinbeck laisse entendre comme étant l'aube d'un nouveau monde qui se pointe. (Un peu comme le Germinal de Zola) On revient donc au mythe de la terre promise.... (ouf!... pas mal pour un mec qui vient de descendre un merveilleux Corbières à 13% d'alcool...et dire que je voulais parler ce soir de la sympathique serveuse du Café M..., celle qui a de gros seins et qui n'hésite pas à vous les mettre sous le nez quand elle déssert votre table. Sujet plus léger, certes, mais combien fascinant.)

On a droit dans ce film à quelques moments d'anthologie de Gregg Toland, le directeur photo, le même qui allait travailler sur Citizen Kane un an plus tard avec l'époustouflant résultat que l'on connaît. Cette longue scène entre autre qui n'est éclairée que par une chandelle. Avec les moyens de l'époque, sans artifices ni retouches numériques, avouez que c'est vachement bien fait. On y voit des influences indéniables à Georges Delatour. Pour le plaisir, je place ici quelques toiles du peintre à côté de ces images sorties du film. Constatez le parallélisme.











À noter dans ce film le rôle du prêcheur excentrique tenu par John Carradine, papa de David. C'est lui dans la scène suivante qui houspille contre les fiers-à-bras payés pour tabasser les grévistes. Il se bouffera un coup de gourdin sur la tronche, ce qui aura pour résultat de faire péter des plombs à Tom Joad qui ne ratera pas de casser le crâne à l'un de ces salauds, comme on peut le voir sur la photo de droite. Faut pas gonfler Tom Joad quand il y a une grève qui tourne mal.

C'est décidé! Moi, quand je serai grand, je serai Tom Joad!











À noter aussi que Bruce Springsteen (l'autre nom pour désigner Dieu) s'est inspiré du roman pour en faire une chanson mémorable, transposant le mythe de Tom Joad chez les Mexicains qui au péril de leur vie, franchissent par centaines chaque jour la frontière américaine dans l'espoir de trouver une vie meilleur. Voici d'ailleurs les paroles de cette chanson:


The Ghost of Tom Joad

(Bruce Springsteen.)

Men walkin' 'long the railroad tracks
Goin' someplace there's no goin' back
Highway patrol choppers comin' up over the ridge
Hot soup on a campfire under the bridge
Shelter line stretchin' round the corner
Welcome to the new world order
Families sleepin' in their cars in the southwest
No home no job no peace no rest

The highway is alive tonight
But nobody's kiddin' nobody about where it goes
I'm sittin' down here in the campfire light
Searchin' for the ghost of Tom Joad

He pulls prayer book out of his sleeping bag
Preacher lights up a butt and takes a drag
Waitin' for when the last shall be first and the first shall be last
In a cardboard box 'neath the underpass
Got a one-way ticket to the promised land
You got a hole in your belly and gun in your hand
Sleeping on a pillow of solid rock
Bathin' in the city aqueduct

The highway is alive tonight
But where it's headed everybody knows
I'm sittin' down here in the campfire light
Waitin' on the ghost of Tom Joad

Now Tom said "Mom, wherever there's a cop beatin' a guy
Wherever a hungry newborn baby cries
Where there's a fight 'gainst the blood and hatred in the air
Look for me Mom I'll be there
Wherever there's somebody fightin' for a place to stand
Or decent job or a helpin' hand
Wherever somebody's strugglin' to be free
Look in their eyes Mom you'll see me.

The highway is alive tonight
But nobody's kiddin' nobody about where it goes
I'm sittin' downhere in the campfire light
With the ghost of old Tom Joad

Bon, c'est pas tout ça. Je dois aller me coucher parce que je travaille demain.

jeudi 14 février 2008

Les vieux.

À quel moment devient-on fondamentalement vieux? Quand est-ce qu’un homme cesse d’être un homme et devient-il un vieillard? Où il est le point de rupture entre le mûrissement et le pourrissement? Où elle est la date d’expiration? La vieillesse nous tombe-t-elle dessus un beau matin comme ça, sans prévenir? Est-ce comme un virus? Une saleté de grippe qui nous afflige en moins de 24 heures mais qui ne se guérirait plus? Qui s’aggraverait petit à petit chaque jour comme un interminable supplice jusqu’à ce qu’on en puisse plus et qu’on en arrive souhaiter la mort?
Et puis pourquoi les vieux portent-ils des vêtements de vieux? N’est-ce déjà pas assez de marcher le dos voûté, de se prendre des rides plein la gueule, d’avoir les mains parsemées de taches brunes, d’avoir la peau du corps amincie, ramollie, transparente, fragile, d’avoir le pas laborieux, l’équilibre précaire, l’ouïe déficiente, la vision affaiblie, le geste lourd, d’avoir des tremblements incontrôlables, d’avoir le crâne clairsemé et blanchie, d’avoir une voix de vieux, un regard de vieux, des idées de vieux, des habitudes de vieux, des odeurs de vieux? Pourquoi faut-il en plus qu’ils se fringuent en vieillard?
Est-ce leur casquette qui est démodée ou est-ce plutôt parce qu’ils la portent qu’elle semble justement démodée? Et pourquoi ces pantalons de vieux? Pourquoi ces grosses montures de vieux sur leurs lunettes de vieux? Pourquoi s’habillaient-ils comme tout le monde hier et qu’ils s’habillent comme des vieux aujourd’hui?
Et puis pourquoi se mettent-ils tous soudainement jouer au jeu de poches? Au Bingo? Aux Bridge? Et pourquoi se sentent-ils obligés de toujours nous dire leur âge avant de commencer une phrase, une peu comme d’autres le font avec leur carte d’affaire?
- Moi j’ai 85 ans monsieur!
Par moment, quand je songe aux années qui viennent et qu’une sourde panique accompagne mes pensées, pour me réconforter, je me dis que c’est un état qui ne m’arrivera pas. Que la vieillesse n’existe pas. Que ces vieux-là, ceux qui vivent autour de nous sont en fait des menteurs. Des usurpateurs. Qu’ils n’ont jamais été jeunes parce que c’est impossible d’avoir été un enfant, un ado, un jeune adulte et d’en être arriver ça! Que c’est de naissance leur truc. Ou alors que c’est un complot du gouvernement et qu’ils viennent d’un pays mystérieux. (La Gérontologie pour ne pas le nommer) Qu’ils ont passé clandestinement la frontière sous la protection bienveillante de nos dirigeants dans le but précis d’être éparpillé dans la population. Pourquoi? Pour nous faire chier! Pour nous faire peur! Pour nous amener à plus d’humilité! En un mot, pour être mieux contrôlé quoi! Sinon merde, ils sont là pourquoi les vieux? Je vous le demande!
Pour qu’on leur cède nos places dans l’autobus. Pour qu’on les pousse tranquilou dans une chaise roulante, pour les faire manger à la petite cuillère, pour qu’on les torche, qu’on les borde, qu’on les lave et qu’on les protège. Ils sont là pour nous bouffer du temps. Ouais! C’est ça! Pour nous prendre du temps! Ils nous prennent du temps quand ils sont devant nous au guichet automatique, ils nous prennent du temps quand ils sont devant nous à la caisse de l’épicerie, ils nous prennent du temps quand ils sont devant nous dans les escaliers, ils nous prennent du temps quand ils nous parlent de leur bon vieux temps qu’on en a rien foutre et qui n’a même pas existé de toute manière parce que sinon, on le saurait. Facile de parler du bon vieux temps quand y a plus personne de vivant pour prouver ce qu’on raconte. Eh! On est pas con tout de même!
Et puis ils sont là pour nous faire peur disais-je. Sont toujours entrain de nous balancer des terribles menaces du genre : - Tu vas voir quand t’auras mon âge!
Il y a un mot pour ça: Harcèlement psychologique!
Fait chier les vieux!

dimanche 10 février 2008

Les 400 coups.

Je le répète, je le sais bien, mais nous vivons dans un monde bien étrange. J'en ai pour preuve que j'ai trouvé aujourd'hui une copie DVD neuve de Les 400 Coups de François Truffaut pour même pas 20$ alors que tout autour, les étales étaient remplies de merdes américaines qui se détaillaient à plus de 25$. Et puis en fouillant bien comme il faut, j'ai aussi trouvé The Grapes of Wrath de John Huston pour.... 7.99$ (!!!) tandis que sur le présentoir d'à côté, Le Pirate des Caraïbes se vendait à 29.99$.


Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Comment diable le coût total de 2 des films les plus importants du dernier siècle puisse être plus bas que celui de ce léger divertissement mettant en vedette Johnny Depp? Est-ce que cela veut dire que Truffaut et Huston combinés soient moins important dans l'histoire du cinéma que Gore Verbinski, cet honnête tâcheron hollywoodien dont la filmographie ne comporte que la série des Pirates et Le Cercle, vulgaire remake américain d'un méga succès planétaire japonais?


Je sais, pour un cinéphile, c'est chouette de voir que l'insipidité est pénalisée par des prix prohibitifs. Mais d'un point de vu strictement sociologique, cela veut dire que c'est cette même insipidité qui est recherchée par la clientèle. Il y a quelque chose de franchement désolant là-dedans.
Mais bon, pour une fois que la loi du marché est de notre côté, on ne va pas s'en plaindre.


Allez les zoufs! Continuez à consommer de la merde! Pendant ce temps-là, nous on se tape du vrai cinéma pour presque rien! Yoouuupiiiiii!!!!
(Que dieu bénisse les cons!)

Aux Halles d'Anjou, j'ai trouvé un gros morceau de fromage de chèvre cendré pour 0.97$ Je croyais que c'était une erreur d'étiquetage et j'étais bien décidé à me battre avec la caissière pour l'obliger à me le laisser à ce prix. Mais surprise, c'était le bon prix. Il était en liquidation parce qu'une petite mousse de pourriture commençait à en recouvrir la surface ici et là.
- Et c'est pour ça que vous le vendez à ce prix?
- Oui mais il est encore bon vous savez, me dit la caissière pensant que cette enivrante pourriture me répugnait.

Chouette! Comme pour les films de Truffaut, on décide maintenant de baisser les prix sur le fromage quand il arrive à maturité! Moi, je ne demande pas mieux et j'y retournerai souvent, c'est certain. C'est trop cool!
Au reste, il était délicieux ce fromage. Je me le suis bouffé avec des saucissons salés et un petit Cahors sympathique. J'avais déplacé mon ordi sur la table de cuisine et je me suis regardé Les 400 Coups en mangeant. J'ai connu des dimanches soirs pires que ça dans ma vie.

Révolution


C'est chiant de travailler le samedi. D'ailleurs, à bien y penser, c'est chiant tout court de travailler. En cela, je rejoins entièrement l'idée de Paul Lafargue qui écrivait en 1880 : Paressons en toute chose, sauf en aimant et en buvant, sauf en paressant.
C'est jolie non? C'est tiré de son essai judicieusement intitulé Le droit à la Paresse.
Moi en tout cas, j'adopte l'idée.

Nous, les paresseux, constituons une force politique dont nous sommes les premiers à en ignorer l'implacable puissance. En nous unissant, nous pourrions faire éclater le système en un seul avant-midi.
Comment? Facile et suivez le guide je vous prie.


Imaginons par exemple que tous les paresseux de la terre décidaient un beau matin de ne pas aller travailler, que reliés ensemble par une sorte de babillard virtuel sur le web, nous décidions que le matin du grand jour serait pour demain.
Et on fait quoi demain? On ne se lève pas et on reste au lit. Ou alors on va au cinéma, au bistro ou juste prendre une marche mais on sèche la journée de travail. Considérant le fait qu'il existe une personne sur 6 qui se dit paresseux, ça en fait déjà un peu plus d'un milliard sur la planète. Quelle marée humaine! Quelle force exceptionnelle! Un milliard d'absences au boulot, c'est pas de la merde ça! Un million et des poussières juste au Québec. Dix millions en France, près de cinquante aux USA. C'est pas une force, c'est un nouvel ordre mondial!!

Voilà! Ça n'en prendrait pas plus pour mettre tous les gouvernements du monde entier à genoux et pendant que ces derniers essaieraient de comprendre ce qui se passe, ma révolution à moi se déroulerait entre les draps chauds de nos lits, sur les tables des terrasses ou entre les rayons des librairies. Plus besoin de défiler dans la rue pour se manger des coups de matraques ou respirer des bombes lacrymogènes. Chouette non?
Mais bon, ça n'arrivera jamais. Paresse oblige, y a personne qui voudrait s'occuper de l'organisation. Dommage, c'était pourtant une bonne idée.

vendredi 8 février 2008

Hochelaga-Maisonneuve blues...

Elle porte toujours un long manteau de fausse fourrure blanche avec quelques taches de noire. Je dis qu'elle est fausse mais sincèrement, je ne sais pas. Ce n'est qu'une supposition puisque je n'ai jamais été assez proche d'elle pour me confirmer cette idée. C'est une supposition venant d'une déduction logique. Et la logique ici me dit que cette fille n'a pas assez de fric pour se payer une vraie fourrure.

Donc, fausse la fourrure.

Blanche avec quelques taches noires parsemées ici et là. Quel animal cette chose est supposée représenter? C'est pas un panda puisqu'il ne s'agit que de petites touches de noires. Ce n'est pas non plus un zèbre parce que ce n'est pas rayé et pas non plus un tigre blanc pour la même raison. Un lama? Un énorme lapin des neiges? Un hamster géant? Ça se fait de vrais manteaux de fausse fourrure en faux hamster? Faudrait demander à un spécialiste mais je n'en connais pas dans mes relations.

Quand je reviens du boulot le soir, elle se tient toujours au coin de la rue Ontario et de Préfontaine, pas trop loin de l'endroit où je gare ma bagnole. Troublante silhouette fantomatique qui découpe l'obscurité comme une ombre blafarde. Quand une voiture passe près d'elle, on la voit s'animer furtivement en ondulant le pan usé de sa pelisse bon marché. Elle sourit aux conducteurs. Chose triste, cela tient d'avantage du rictus commandé que du sourire. Éclat terrifiant de la misère humaine, il y a une part de ténèbres dans cette grimace lancée à la face du monde. Quelque chose comme une blessure sociale qui se farde.

Ça fait deux ou trois fois où quand j'arrive le soir, la seule place disponible qui me reste se trouve précisément tout près de son territoire de chasse. Et ça me fait suer parce qu'à chaque fois, je sais qu'elle s'approchera de moi pensant que je suis un client à l'affût. Et ça ne manque jamais. Elle me regarde droit dans les yeux et me lance son invitation par ce sourire crispé qui se voudrait attirant mais qui me donne chaque fois un terrible malaise. Je lui fait alors un signe des épaules qui veut dire quelque chose comme "désolé". Un peu comme je le fait parfois pour les mendiants ou les squeegees. Son masque retombe aussitôt et son visage reprend son aspect "naturel", cette chose burinée par la misère et l'iniquité social.

jeudi 7 février 2008

Les méchants.


Dans la vraie vie, ça serait chouette si les méchants étaient tous comme eux.

Imaginons par exemple que ces types représentent l'ensemble des casse-pieds qui nous rendent le quotidien parfois bien difficile à vivre.


Et que nous, payeurs de taxes moyens, nous aurions ce genre de dégaine.



On commencerais par se payer le patron...


Puis le percepteur d'impôts...


... et suivrait l'enculé qui a voté pour Mario Dumont...


... le sympathisant Pro-Vie...




... son pote pro-peine de mort...

... le propriétaire...


... et puis finalement tout le gouvernement au complet mais en se gardant le ministre des finances pour la fin. Ça serait bien la vie non?

mercredi 6 février 2008

La tranchée.

Je sais qu'il existe des problèmes bien plus graves. Je sais par exemple qu'au Kenya en ce moment, ça chie solide. Je sais qu'en Irak, ça chie toujours et je sais qu'en Palestine, ça chie aujourd'hui plus qu'hier et moins que demain. Aussi, il est un peu immoral de comparer nos problèmes avec ceux qu'éprouvent les gens qui vivent dans ces pays. Je le sais bien.
Mais ce matin, et en regardant par la fenêtre ma voiture embourbée dans la neige, j'en ai un peu marre.
Marre de cette neige et marre du service pourri de déneigement de Montréal. Depuis le 15 décembre, l'impression que je dois creuser une tranchée chaque fois que je dois utiliser ma voiture. Cette dernière putain de neige de merde est tombée vendredi dernier et bien que l'on soit mercredi, sur ma rue c'est encore le bordel d'enfer. Pas un des deux côtés n'a été nettoyé. J'ai pas envie de pelleter ce matin. J'ai juste envie de rester coucher et de laisser passer ma journée. Mais je dois aller travailler, donner mes prochains 12 heures de vie à des patrons anonymes qui se foutent bien de mon nom ou de mon cafard hivernal.

Je disais que c'était bien peu de choses en regard aux problèmes de famines ou de guerres civils qui existent ça et là sur cette drôle de planète. Mais c'est que ce matin, j'ai juste pas envie de creuser une tranchée dans cette merde blanche.

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Insonorisation déficiente... Quand je me suis levé, j'ai été directement à la salle de bain pour pisser un cou. Mais en y mettant les pieds, j'ai distinctement entendu ma vieille voisine tousser de l'autre côté. Pas de blague, l'impression qu'elle était dans ma pièce, invisible mais bien présente, attendant que je pisse pour me reluquer la bite ou pour calculer chrono en main le temps que je mettrais à me soulager. C'est le genre de pensée qui me vient le matin après une trop courte nuit de sommeil. Je sais, c'est pas dans les normes mais c'est pour ça aussi que je consulte une psy. Du coup, ça m'a coupé l'envie. Je suis ressorti aussitôt en me disant que j'allais attendre un peu, question de discrétion. À la place, je me suis fait un café mais après cinq minutes, je me suis dit que c'était totalement con mon truc. J'y suis retourné mais cette fois, j'ai fait couler l'eau du bain pour camoufler le bruit.
- C'est grave madame la psy?
- Plutôt, oui.
- Y a un nom pour ça?
- Si. La connerie.

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Le temps passe et me rapproche du moment où je dois quitter pour le boulot. C'est le symbolisme de la vie résumé à sa plus simple expression. Le temps qui passe et qui nous rapproche du moment où l'on devra quitter pour un autre monde. C'est le genre de pensée qui me vient le matin après une trop courte nuit de sommeil. Plus le temps d'écrire...

Kovalev et le clochard

Je travaillais aujourd'hui. Vu A... le clochard qui crèche à côté du magasin. Il s'est planté dans la nuit de dimanche à lundi dans la rue. Il est tombé en pleine face à cause de la glace et son visage est couvert de blessures. Il a la gueule comme une carte routière de l'Afghanistan. Pas de blague, on arrive même à voir les frontières tracées en rouge.
Il était assis sur le banc de la table à pic-nic, cette même table sur laquelle il a dormit le soir de Noël. Il était silencieux, les deux mains dans les poches, le regard perdu dans je ne sais quel souvenir heureux qui se trouvait quelque part à ses pieds parce qu'il avait la tête penchée. C'est pour ça qu'il avait la tronche triste. On se souvient toujours des moments tristes en riant, et des moments drôles en pleurant. C'est le paradoxe du temps qui passe.

Il a passé une nuit à l'hôpital. Il aurait préféré en passer au moins deux à cause des draps chauds et de la bouffe tiède servit sur un plateau en stainless froid et puis des jolies infirmières. Même qu'il a eu droit à un bain chaud. Cet accident finalement, ça été un peu comme des vacances pour lui. C'est peut-être pour ça qu'il avait l'air triste aujourd'hui.

Et puis les piles de son petit radio portatif sont mortes. Putains de piles! Il ne pouvait pas écouter le match de hockey ce soir, ce qui l'attristait parce que Montréal jouait contre Ottawa. Pendant ma pause, je lui ai offert un clope mais pour la première fois, il a refusé. Signe que son moral ne va pas fort. Mais je lui ai quand même dit que le Canadiens menait 4 à 1 en début de troisième période. Ça l'a un peur réconforté. Il m'a remercié même si je n'y étais pour rien. C'était grâce à Plekanec, (deux fois) Streit et Kostitsyn. Et puis aussi Kovalev qui a fait des passes pour tout le monde. Il y avait 21 000 personnes pour voir ça sur place, 1 000 000 pour voir ça à la télé, et puis une trentaine de milliers pour l'écouter à la radio. Mais pas lui parce que les piles de son petit radio portatifs sont mortes. Et puis il avait la tronche comme une carte routière de l'Afghanistan.

Et puis en ce moment, il dort sur le banc de la table à pic-nic.

mardi 5 février 2008

Ma psy et Sergio Leone

J'avais un rendez-vous avec une femme ce soir. Ma psy. Une sympathique dame qui m'écoute parler pendant une heure par semaine. Même que parfois, elle semble tellement intéressée par ce que je raconte qu'elle ne peut s'empêcher de prendre de notes.
C'est chouette une femme qui prend des notes quand on parle. L'impression que plus rien n'existe dans sa vie que vous.
Je lui peins mes angoisses et mes tourments sous une impressionnante palette de couleurs existentielles qu'elle capte au vol en les couchant sur son petit calepin noir qu'elle tient nonchalamment sur ses cuisses de psy. Peur de la mort, peur de vieillir, peur de devenir conservateur, peur d'avoir peur...
Elle ne dit presque rien et me laisse délirer pendant tout le temps qu'il m'est accordé. Quand elle parle, ce n'est que pour me relancer ici ou là, me forçant à emprunter un chemin esquissé par un mot ou une phrase échappé de ma bouche. Par moment, j'ai l'impression qu'on forme un vieux couple elle et moi.

- Pourquoi avez-vous si peur de vieillir?
- Globalement, parce que ça me rapproche de la mort, eh! C'est logique il me semble non?
- Mais on y passe tous, vous savez.
- Ah ouais? Vraiment? Quel constat! 5 années d'études universitaire et 20 années de pratique en psychologie pour en arriver à un tel diagnostique? Et c'est tout ce que vous avez à me dire pour me soulager? Putain mais y a combien de vos patients qui finissent par s'ouvrir les veines après leur thérapie?
- Ne m'insultez pas voulez-vous!
- Et vous, ne me découragez pas d'avantage en me dessinant par trop concrètement l'inexorable finalité de l'homme! Je suis très bien capable de le faire par moi-même et c'est d'ailleurs précisément pour ça que je suis ici, pour que vous m'aidiez à me sortir de la tête toutes ces idées noires qui me bouffent ma quiétude et qui m'empêchent de respirer normalement la nuit, quand je me couche.
- Je n'ai pas de recettes miracles et vous devrez y mettre un peu du vôtre. D'abord, il faudrait commencer par apprécier ce que vous avez.
- Justement, j'ai 44 ans et je n'apprécie pas du tout.
- Je ne parlais de votre âge!
- C'est pourtant tout ce que j'ai.
- Vous êtes en santé, vous avez vos deux bras, vos deux jambes, vous avez un travail, des amis, des passions...
- Pfff... j'ai aussi un énorme vide dans mon compte bancaire, une voiture dont la chaufferette ne fonctionne plus, une voisine qui parle toute seule dans son logement, un grand lit vide et puis aussi quelques crises d'hémorroïdes biens senties.

En sortant de son bureau, et comme je ne savais pas comment passer le reste de la soirée, je me suis dirigé vers les Halles d'Anjou où j'ai été glandouiller devant les étales colorées de CD, de livres et de DVD de chez Archambault. Me suis acheté un CD de John Coltrane (Stardust, que je suis entrain d'écouter) et puis une compilation des meilleurs morceaux de Benny Goodman. Mais j'ai surtout trouvé une copie du film Il était une fois dans l'Ouest pour 6.00$ Incroyable! Et dire que les dernières merdes Hollywoodiennes du genre Spider Man ou Fantastic Four se vendaient à plus de 20$ pièce! Comme quoi il n'y pas que des inconvénients à vivre dans une époque où le goût du troupeau inculte constitue la plus grosse part du marché. Ça nous donne la chance de trouver des diamants à 6.00$ isolés dans un champs de merde pour androcéphales à casquette de baseball et Honda Civic modifiée.

Chef d'oeuvre de Sergio Leone, Il était une fois dans l'Ouest est au Western ce que le Petrus est au vin. Une pièce fondamentale de l'échiquier cinématographique du 20ème siècle. (Rien de moins..) Retirer la période Western de son répertoire et le cinéma d'aujourd'hui ne serait pas le même. Comme la plupart des films de Leone, cet oeuvre est monté comme un opéra et où chacun des personnages principaux ont une entrée en scène d'anthologie et un thème musical qui leur est propre. Gros plans par paquets de 12, longues séquences silencieuses, musique quasi religieuse de l'incomparable Ennio Morricone, la ligne dramatique du scénario qui va en crescendo et qui culmine dans un apothéose délirant représenté par un duel final qui n'a rien à envier aux ambiances romantiques des romans de Victor Hugo, le tout enveloppé dans le plus pur style du réalisme italien et vous avez devant vous la quintessence du cinéma à l'état pur.

L'une des idées géniale de Leone fut d'avoir convaincu (après un an d'intense négociations) Henry Fonda pour tenir le rôle du pire salaud jamais interprété au cinéma jusqu'alors. Il faut savoir que Fonda s'était fait un honneur de ne jouer que des rôles sympathiques et qu'il n'était pas du tout convaincu que jouer une ordure de légende commettant un infanticide (et dès sa première apparition dans le film!!) serait accepté par son public. Il eut raison d'accepter puisque ce film est aujourd'hui indissociable de sa carrière et est considéré comme l'un des meilleurs qu'il n'a jamais tenu.

Dès que je suis arrivé à la maison, je me suis fait jouer deux scènes de ce film que je connais par coeur et qui a bercé mon enfance et mon adolescence. Celle où Fonda apparaît et l'autre, à la toute fin, où il sort de scène.
Il y a quelque chose de dantesque dans la première scène de Fonda. Franck, son personnage dans le film, vient d'assassiner un après l'autre les membres d'une famille. Nous voyons les scènes suivantes par les yeux du gamin qui, jusque là, avait échappé au massacre parce qu'il était dans la maison. Le bruit des coups de feu l'amène à sortir et il constate l'horreur sans pouvoir comprendre. Tout ce qu'il a devant ses yeux sont les cadavres de son père, de sa soeur et de son frère. Puis, surgissant des buissons comme des anges de la mort, il voit 5 silhouettes funestes s'approcher de lui. Pendant un moment, son regard fixe celui de Franck et on se dit que ce dernier n'ira quand même pas jusqu'à flinguer ce pauvre gamin. Mais on entends l'un des membre de la bande demander " What do we do with the kid Franck?" Ce dernier lance un regard non équivoque à son homme avant de revenir le fixer sur l'enfant et dit d'un ton glacial: "Now that you've call me by my name..." (L'un des premiers one-liner du cinéma) Puis, il pointe son pistolet vers le gamin, esquisse un sourire.... et bang! Il flingue le gamin!


Wouuuaaaah! La première fois que j'ai vu cette scène, j'avais 9 ans et j'en ai gardé des frissons qui me parcourent encore la peau quand j'y repense aujourd'hui! Je ne pouvais pas croire qu'il l'aurait fait et jusqu'au dernier moment, j'avais espéré que... mais il le flingue! de sang froid et avec le sourire en plus! On comprends qu'à la lecture du scénario, Fonda ait pu hésiter et je me demande bien comment Leone a fait pour le convaincre.
Ce qui me fait penser que cette scène d'intro vient faire mentir Hitchcock qui disait que débuter un film par une scène forte ne pouvait que faire diminuer la trame narrative subséquente. Toute la force de Leone est justement d'être parvenu à tenir le spectateur en haleine malgré cette intro coup de poing.

L'autre scène est le duel final. Si la première m'avait marqué, celle-ci m'avait complètement bouleversé. Bronson et Fonda sont face à face et sont sur le point de régler leur compte dans un duel épique. Au moment où l'on s'attend à les voir dégainer, le film bascule dans un flash-back où l'on comprends que les deux hommes se sont déjà rencontrés plus tôt dans leur vie. Harmonica, le personnage interprété par Bronson, était le jeune frère d'un homme que Franck avait fait pendre d'une manière des plus baroque et qui ne pouvait être imaginée que dans la tête merveilleusement fêlée d'un cinéaste italien. 12 ans tout au plus, plantés sous un arc de clocher d'église d'un pueblo mexicain en ruine, les mains attachées dans le dos et tenant on ne sait comment son frère sur les épaules alors que ce dernier a la corde au cou, Franck s'approche du gamin et lui colle un harmonica dans la bouche en lui disant de jouer pour son frère. S'il tombe, - et il tombera! - son frangin meurt pendu. La caméra part du visage du gamin et recule, et recule, et recule dans une légère montée pour nous dévoiler progressivement toute la scène dans son hallucinant ensemble avec l'horizon grandiose de l'ouest américain en arrière plan.
C'est selon moi l'une des plus grande finale de l'histoire du cinéma.

J'avais 9 ans quand j'ai vu ce film. C'était donc en 1972 et Richard Nixon était au pouvoir aux États-Unis. À partir de ce moment, ma conception du cinéma et de la musique (merci, ô merci monsieur Ennio Morricone pour m'avoir donné toutes ces musiques que j'écoutais sur de vieux vinyles pour m'évader de la réalité de merde) furent changés à tout jamais.

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J'écris dans la cuisine. Benny Goodman et son Big Band (ne pas confondre avec Big Bang) jouent dans mon lecteur Windows Media Players. Je termine doucement et avec précaution un sympathique Valpolicella Classico Superiore de la maison Zenato. Demain, c'est le 5 février. Dans 2 jours, ce sera la fête de ma fille qui aura 20 ans. Soit un an de plus que sa maman quand nous nous sommes rencontrés. Je pourrai lui chanter la chanson de Moustaki...

Votre fille a vingt ans, que le temps passe vite
Madame, hier encore elle était si petite
Et ses premiers tourments sont vos premières rides
Madame, et vos premiers soucis
Chacun de ses vingt ans pour vous a compté double
Vous connaissiez déjà tout ce qu'elle découvre
Vous avez oublié les choses qui la troublent
Madame, et vous troublaient aussi
On la trouvait jolie et voici qu'elle est belle
Pour un individu presque aussi jeune qu'elle
Un garçon qui ressemble à celui pour lequel
Madame, vous aviez embelli
Ils se font un jardin d'un coin de mauvaise herbe
Nouant la fleur de l'âge en un bouquet superbe
Il y a bien longtemps qu'on vous a mise en gerbes
Madame, le printemps vous oublie
Chaque nuit qui vous semble à chaque nuit semblable
Pendant que vous rêvez vos rêves raisonnables
De plaisir et d'amour ils se rendent coupables
Madame, au creux du même lit
Mais coupables jamais n'ont eu tant d'innocence
Aussi peu de regrets et tant d'insouciance
Qu'ils ne demandent même pas votre indulgence
Madame, pour leurs tendres délits
Jusqu'au jour où peut-être à la première larme
A la première peine d'amour et de femme
Il ne tiendra qu'à vous de sourire madame
Madame, pour qu'elle vous sourie...
C'est pas vrai tout ça, Moustaki a voulu forcer la note pour l'aspect émotionnelle de sa chanson. Le printemps n'a pas oublié la maman de ma fille. Je l'ai vue cette semaine et nous avons pris un café ensemble. Du printemps, il y en avait plein ses yeux et ses sourires. Elle était aussi belle qu'il y a 20 ans. Finalement, Moustaki, c'est une merde.

samedi 2 février 2008

Fromage et politique.

Ça schlingue féroce dans mon logement.
C'est normal, y a un fromage qui pue qui repose sur le comptoir de cuisine depuis trois jours.
L'est tout coulant, tout dégueulasse, tout répugnant.
Et c'est comme ça que je l'aime.
Il m'aime bien aussi je crois.

Il a commencé à marcher, à apprendre à parler, à chanter même.
On est devenus potes lui et moi.
Je vais faire une demande d'adoption.

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Barack Obama ou Hillary Clinton?
http://www.barackobama.com/index.php
http://www.hillaryclinton.com/

Le duel des démocrates prend tellement de place dans les médias qu'on en arrive à croire que le-la candidat-e qui remportera les honneurs aura de facto le siège de la présidence américaine. Pourtant, il ne faut pas oublier la machine républicaine.

J'avoue que j'ai un faible pour Obama même si je ne déteste pas Hillary Clinton, qui fut à une certaine époque dans le top 10 des plus grands avocats du pays. Une féroce intelligence dit-on et plusieurs pensent que sa présence dans l'équipe de son mari aura été un point important dans la carrière de ce dernier. Paradoxalement, le point faible de sa propre aventure à la course à la présidence réside justement sur le fait qu'elle est indiscociable de Bill et que pour plusieurs, cela n'équivaudrait qu'à un prolongement de la politique du précédent gouvernement Clinton.

Personnellement, je crois que les USA se doivent d'opter pour un vent de jeunesse et d'une nouvelle vision de leur politique extérieur. Et Barack Obama semble être celui qui incarne le plus cette idée. De plus, il a ce charisme électrisant qui allume les foules et ses discours sont de petits bijoux qui forceront les livres d'histoire de demain à leur réserver des chapitres entiers. Il y a en effet quelque chose comme une belle étoile au-dessus de sa tête.
Ma crainte par contre réside dans la manière dont les États du sud verront l'arrivée d'un black à la présidence.
Mais l'histoire est sur le point de s'écrire.