jeudi 14 février 2008

Les vieux.

À quel moment devient-on fondamentalement vieux? Quand est-ce qu’un homme cesse d’être un homme et devient-il un vieillard? Où il est le point de rupture entre le mûrissement et le pourrissement? Où elle est la date d’expiration? La vieillesse nous tombe-t-elle dessus un beau matin comme ça, sans prévenir? Est-ce comme un virus? Une saleté de grippe qui nous afflige en moins de 24 heures mais qui ne se guérirait plus? Qui s’aggraverait petit à petit chaque jour comme un interminable supplice jusqu’à ce qu’on en puisse plus et qu’on en arrive souhaiter la mort?
Et puis pourquoi les vieux portent-ils des vêtements de vieux? N’est-ce déjà pas assez de marcher le dos voûté, de se prendre des rides plein la gueule, d’avoir les mains parsemées de taches brunes, d’avoir la peau du corps amincie, ramollie, transparente, fragile, d’avoir le pas laborieux, l’équilibre précaire, l’ouïe déficiente, la vision affaiblie, le geste lourd, d’avoir des tremblements incontrôlables, d’avoir le crâne clairsemé et blanchie, d’avoir une voix de vieux, un regard de vieux, des idées de vieux, des habitudes de vieux, des odeurs de vieux? Pourquoi faut-il en plus qu’ils se fringuent en vieillard?
Est-ce leur casquette qui est démodée ou est-ce plutôt parce qu’ils la portent qu’elle semble justement démodée? Et pourquoi ces pantalons de vieux? Pourquoi ces grosses montures de vieux sur leurs lunettes de vieux? Pourquoi s’habillaient-ils comme tout le monde hier et qu’ils s’habillent comme des vieux aujourd’hui?
Et puis pourquoi se mettent-ils tous soudainement jouer au jeu de poches? Au Bingo? Aux Bridge? Et pourquoi se sentent-ils obligés de toujours nous dire leur âge avant de commencer une phrase, une peu comme d’autres le font avec leur carte d’affaire?
- Moi j’ai 85 ans monsieur!
Par moment, quand je songe aux années qui viennent et qu’une sourde panique accompagne mes pensées, pour me réconforter, je me dis que c’est un état qui ne m’arrivera pas. Que la vieillesse n’existe pas. Que ces vieux-là, ceux qui vivent autour de nous sont en fait des menteurs. Des usurpateurs. Qu’ils n’ont jamais été jeunes parce que c’est impossible d’avoir été un enfant, un ado, un jeune adulte et d’en être arriver ça! Que c’est de naissance leur truc. Ou alors que c’est un complot du gouvernement et qu’ils viennent d’un pays mystérieux. (La Gérontologie pour ne pas le nommer) Qu’ils ont passé clandestinement la frontière sous la protection bienveillante de nos dirigeants dans le but précis d’être éparpillé dans la population. Pourquoi? Pour nous faire chier! Pour nous faire peur! Pour nous amener à plus d’humilité! En un mot, pour être mieux contrôlé quoi! Sinon merde, ils sont là pourquoi les vieux? Je vous le demande!
Pour qu’on leur cède nos places dans l’autobus. Pour qu’on les pousse tranquilou dans une chaise roulante, pour les faire manger à la petite cuillère, pour qu’on les torche, qu’on les borde, qu’on les lave et qu’on les protège. Ils sont là pour nous bouffer du temps. Ouais! C’est ça! Pour nous prendre du temps! Ils nous prennent du temps quand ils sont devant nous au guichet automatique, ils nous prennent du temps quand ils sont devant nous à la caisse de l’épicerie, ils nous prennent du temps quand ils sont devant nous dans les escaliers, ils nous prennent du temps quand ils nous parlent de leur bon vieux temps qu’on en a rien foutre et qui n’a même pas existé de toute manière parce que sinon, on le saurait. Facile de parler du bon vieux temps quand y a plus personne de vivant pour prouver ce qu’on raconte. Eh! On est pas con tout de même!
Et puis ils sont là pour nous faire peur disais-je. Sont toujours entrain de nous balancer des terribles menaces du genre : - Tu vas voir quand t’auras mon âge!
Il y a un mot pour ça: Harcèlement psychologique!
Fait chier les vieux!

1 commentaire:

Wil a dit…

Drôlerie stylistique que cette épitaphe aux vieux...

...il semble qu'avant de reposer en paix, nos géniteurs se doivent, du moins se font le devoir (pressés sans doute par la toujours plus proche mort), de nous parler de leurs guerres, leur combats, s' alarmant tout de droit, de moeurs légères dont le monde nous laisse avoir grand loisir de nous réclamer, sans nous en enseigner les responsabilités prochaines et durables...

Je n'y vois la que le noyau de la sagesse "tout habillés de raide"...

"Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrin, traverser le présent en s' excusant déjà de n' être pas plus loin. Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argent, qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t'attends...

Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend." (Jacques Brel)...

Si nos vieux ont du mal à se rappeler ce que c'est que d'être jeune, n'oublions pas nous les jeunes que nous n'avons aucune idée de ce que c'est qu'être vieux...