Le type que j'ai vu l'autre soir dans mes escaliers, le Gaspésien, celui à qui j'ai donné une bière alors qu'il pleuvait, ça fait trois ou quatre fois que je le vois. Toujours le soir. Et pour cause. Il représente le volet masculin des produits sexuels qui se vendent aux coins des rues du quartier. J'ai découvert ça cette semaine alors que je revenais du boulot.
Il avait son coin de trottoir qu'il protégeait en marchant de long en large et regardait les voitures passer exactement comme le font ses consoeurs. Quand je me suis garé, je l'ai vu s'amener vers moi et quand je suis sorti de ma voiture, il a figé comme un poteau en me reconnaissant. J'ai joué le jeu et j'ai fais comme si je venais de la campagne et que je ne connaissais rien aux moeurs des sombres rues. Je l'ai salué en lui lançant un commentaire sur la température. Il m'a répondu quelque chose tout en baissant la tête et en tournant les talons.
Je suis vraiment nul pour ce genre de chose. Pourtant, et maintenant que j'y pense, c'était écrit en gros sur son front. Et tout s'explique. Mon escalier lui sert de banc de repos entre deux clients. Il vient y descendre une bière avant de reprendre le boulot. Ça explique aussi pourquoi je l'avais trouvé très propre pour un clodo, frais rasé et tout le tralala.
Et dire que j'ai pensé pendant un moment lui offrir un sofa!!! Putain des fois, je suis trop con. Qu'aurait dit ma proprio? Après une pute, un extra terrestre, une poupée gonflable... (ici, et pour bien comprendre le contexte, il faut revenir aux anciens textes sinon on ne pigera rien et je vais passer pour un vil personnage)
Il doit avoir à peu près mon âge, un peu plus peut-être. Mais démuni entre les deux oreilles. Un pauvre hère qui déambule sa déchéance au gré des courants urbains. On a qu'à lui parler un peu pour réaliser que le hasard des naissances l'aura placé du côté des damnés de la terre. Pas d'éducation et pas de chance. Le cocktail qui tue.
Un type est souvent avec lui. Plus jeune, dans la fin vingtaine, presque beau gosse. Mais agressif dans sa gestuelle et un je ne sais quoi d'affolant dans la pupille. Je crois qu'ils font équipe. Ou en tout cas, ils partagent quelque chose de triste ensemble.
Ce soir, quand je suis arrivé, le plus vieux était encore assis dans mes escaliers et le plus jeune démolissait à coups de pieds un vieux frigo couché sur le trottoir et sans doute jeté aux ordures un peu plus tôt dans la journée par un voisin. Ils prenaient sans doute une pause. Quand je suis arrivé, il insistait particulièrement sur la partie fragile de l'appareil où est stocké le fréon. Ça faisait un boucan pas possible, un brin inquiétant.
Parce que je suis un rigolo de nature et parce que la scène était complètement surréaliste, j'ai lancé comme ça en passant: Alors, ça marche bien cette vente de garage?
Il cessa net son massacre métallique et me regarda droit dans les yeux. Je vis tout de suite qu'il ne pouvait piger le deuxième degré de mon humour incomparable. Pourtant, ça travaillait fort derrière son regard. Ça chauffait. Jusqu'à ce qu'il en vienne à une conclusion qui, finalement, fut bénéfique et me sauva de mon gag idiot.
En effet, il me prit pour un con.
- Meuh... c'est pas une vente de garage! qu'il me répondit en se détournant aussitôt pour reprendre son jouissif passe-temps.
J'ai pas insisté pour lui dire que ce n'était qu'une blague et que je savais très bien qu'un type qui massacre un frigo à coups de pieds à 11h le soir n'est pas en train de faire une vente de garage. À la place je suis passé tout droit et j'ai monté directement chez moi.
Je ne sais pas pourquoi, mais en pensant à ce type, ça m'a ramené à la description du couple Thénardier par Victor Hugo dans les Misérables.
Il existe des âmes écrevisses reculant continuellement vers les ténèbres, rétrogradant dans la vie plutôt qu'elles n'y avancent, employant l'expérience à augmenter leur difformité, empirant sans cesse, et s'empreignant de plus en plus d'une noirceur croissante. Cet homme et cette femme étaient de ces âmes-là.
Le Thénardier particulièrement était gênant pour le physionomiste. On n'a qu'à regarder certains hommes pour s'en défier, on les sent ténébreux à leurs deux extrémités. Ils sont inquiets derrière eux et menaçants devant eux. Il y a en eux de l'inconnu. On ne peut pas plus répondre de ce qu'ils ont fait que de ce qu'ils feront. L'ombre qu'ils ont dans le regard les dénonce. Rien qu'en les entendant dire un mot ou qu'en les voyant faire un geste on entrevoit de sombres secrets dans leur passé et de sombres mystères dans leur avenir.
Il avait son coin de trottoir qu'il protégeait en marchant de long en large et regardait les voitures passer exactement comme le font ses consoeurs. Quand je me suis garé, je l'ai vu s'amener vers moi et quand je suis sorti de ma voiture, il a figé comme un poteau en me reconnaissant. J'ai joué le jeu et j'ai fais comme si je venais de la campagne et que je ne connaissais rien aux moeurs des sombres rues. Je l'ai salué en lui lançant un commentaire sur la température. Il m'a répondu quelque chose tout en baissant la tête et en tournant les talons.
Je suis vraiment nul pour ce genre de chose. Pourtant, et maintenant que j'y pense, c'était écrit en gros sur son front. Et tout s'explique. Mon escalier lui sert de banc de repos entre deux clients. Il vient y descendre une bière avant de reprendre le boulot. Ça explique aussi pourquoi je l'avais trouvé très propre pour un clodo, frais rasé et tout le tralala.
Et dire que j'ai pensé pendant un moment lui offrir un sofa!!! Putain des fois, je suis trop con. Qu'aurait dit ma proprio? Après une pute, un extra terrestre, une poupée gonflable... (ici, et pour bien comprendre le contexte, il faut revenir aux anciens textes sinon on ne pigera rien et je vais passer pour un vil personnage)
Il doit avoir à peu près mon âge, un peu plus peut-être. Mais démuni entre les deux oreilles. Un pauvre hère qui déambule sa déchéance au gré des courants urbains. On a qu'à lui parler un peu pour réaliser que le hasard des naissances l'aura placé du côté des damnés de la terre. Pas d'éducation et pas de chance. Le cocktail qui tue.
Un type est souvent avec lui. Plus jeune, dans la fin vingtaine, presque beau gosse. Mais agressif dans sa gestuelle et un je ne sais quoi d'affolant dans la pupille. Je crois qu'ils font équipe. Ou en tout cas, ils partagent quelque chose de triste ensemble.
Ce soir, quand je suis arrivé, le plus vieux était encore assis dans mes escaliers et le plus jeune démolissait à coups de pieds un vieux frigo couché sur le trottoir et sans doute jeté aux ordures un peu plus tôt dans la journée par un voisin. Ils prenaient sans doute une pause. Quand je suis arrivé, il insistait particulièrement sur la partie fragile de l'appareil où est stocké le fréon. Ça faisait un boucan pas possible, un brin inquiétant.
Parce que je suis un rigolo de nature et parce que la scène était complètement surréaliste, j'ai lancé comme ça en passant: Alors, ça marche bien cette vente de garage?
Il cessa net son massacre métallique et me regarda droit dans les yeux. Je vis tout de suite qu'il ne pouvait piger le deuxième degré de mon humour incomparable. Pourtant, ça travaillait fort derrière son regard. Ça chauffait. Jusqu'à ce qu'il en vienne à une conclusion qui, finalement, fut bénéfique et me sauva de mon gag idiot.
En effet, il me prit pour un con.
- Meuh... c'est pas une vente de garage! qu'il me répondit en se détournant aussitôt pour reprendre son jouissif passe-temps.
J'ai pas insisté pour lui dire que ce n'était qu'une blague et que je savais très bien qu'un type qui massacre un frigo à coups de pieds à 11h le soir n'est pas en train de faire une vente de garage. À la place je suis passé tout droit et j'ai monté directement chez moi.
Je ne sais pas pourquoi, mais en pensant à ce type, ça m'a ramené à la description du couple Thénardier par Victor Hugo dans les Misérables.
Il existe des âmes écrevisses reculant continuellement vers les ténèbres, rétrogradant dans la vie plutôt qu'elles n'y avancent, employant l'expérience à augmenter leur difformité, empirant sans cesse, et s'empreignant de plus en plus d'une noirceur croissante. Cet homme et cette femme étaient de ces âmes-là.
Le Thénardier particulièrement était gênant pour le physionomiste. On n'a qu'à regarder certains hommes pour s'en défier, on les sent ténébreux à leurs deux extrémités. Ils sont inquiets derrière eux et menaçants devant eux. Il y a en eux de l'inconnu. On ne peut pas plus répondre de ce qu'ils ont fait que de ce qu'ils feront. L'ombre qu'ils ont dans le regard les dénonce. Rien qu'en les entendant dire un mot ou qu'en les voyant faire un geste on entrevoit de sombres secrets dans leur passé et de sombres mystères dans leur avenir.
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