mardi 27 octobre 2009

One drop, one bomb.

Oublions les guerres pour le pétrole. Celles pour l'eau potable marqueront ce siècle.

lundi 26 octobre 2009

La vague du temps qui passe.

J'ai vu ce soir le documentaire Les Dames en Bleu du cinéaste Michel Demers.

Mystère insondable pour certains, summum de la mièvrerie pour d'autres, icône pour ses fans, quoi qu'on en dise et quoi qu'on en pense Michel Louvain est un véritable phénomène de la chanson québécoise.
Ce film nous fait découvrir la vie pas toujours rose de quelques unes des ses plus fidèles admiratrices.

Document touchant à plus d'un point de vue. D'abord par le choix judicieux des dames que le réalisateur a choisit pour nous raconter leur passion et leur vie. Par moments, le sujet du film devient secondaire et l'on suit l'une ou l'autre dans leur quotidien et ces passages pourraient à eux seuls constituer la trame d'un autre documentaire.
Un documentaire sur la solitude, sur le vieillissement, sur la perte des êtres aimés, sur le courage de ces femmes d'une autre époque qui ne l'ont pas toujours eu facile. On comprend que pour certaines, Michel Louvain devient plus qu'un simple chanteur quand on entend une sympathique admiratrice de 96 ans lui avouer après un spectacle que si elle vit toujours, c'est grâce à lui. Ou cette autre encore qui avoue candidement à la caméra qu'elle souhaiterait "partir" avant son idole pour ne pas avoir à vivre ce drame.
Elles vouent au chanteur un véritable culte qui dépasse les limites de l'entendement. C'est tout simplement fascinant.
On comprend aussi que si ces dames l'aiment autant, c'est beaucoup grâce à la personnalité même du chanteur qui se montre d'une extrême gentillesse, d'une incroyable disponibilité et d'un affabilité naturelle qu'on ne sent jamais feinte. Il reconnaît ses admiratrices les plus fidèles par leur prénom et pour certaines, il fait presque partie de la famille.

Mais ce qui m'a touché par-dessus tout, c'est de voir ces vieux documents filmés montrant ces jeunes femmes des années '50 littéralement hystériques devant le jeune Louvain et les retrouver ensuite (bon, ce ne sont pas exactement les mêmes mais on comprend l'idée du flash back) plus de cinquante ans plus tard tout aussi passionnées qu'elles étaient mais avec les ravages du temps en prime, poussettes orthopédiques incluses. Parce que le public de Michel Louvain, c'est surtout ça. Une clientèle exclusivement féminine qui avait entre 12 et 30 ans en 1957 et qui ne s'est jamais véritablement renouvelé depuis. Une vague du temps qui passe et qui va bientôt disparaître sur la berge.
Ce qui me fait dire que ce film n'est pas simplement un documentaire sur les admiratrices d'un chanteur, mais devient du même coup un document précieux sur un certain Québec en voie d'extinction.

http://www.lesdamesenbleu.com/

jeudi 22 octobre 2009

Capitalisme sauvage


Trio en colère


Kovalchuk

Au Mousse-Café l'autre soir, un gamin tout blond d'environ dix ans est venu regarder la partie de hockey avec sa mère. C'était peut-être sa sœur à bien y penser. Ou bien sa tante. Ou encore sa voisine. Ou alors l'amie de sa mère. Bref, je ne sais pas mais disons qu'ils semblaient proches tous les deux. Assez pour que par moments le gamin donne quelques câlins rapides et discrets à sa mère (Ou sa sœur, ou sa tante, ou sa voisine, ou l'amie de sa mère). Mais quand sa mère (Ou sa sœur, ou sa tante, ou sa voisine, ou l'amie de sa mère) voulait en faire autant ((mais avec plus d'intensité parce que bon, les mères (Ou les sœurs, ou les tantes, ou les voisines, ou les amies de nos mères) sont toutes pareilles)) il se dégageait un peu orgueilleusement pour ne pas montrer sa condition de p'tit cul aux clients rassemblés.
Ils sont arrivés un peu avant le début du match et se sont attablés près du mur de gauche, tout près de l'écran géant parce que c'était la seule place encore disponible. Le gamin avait avec lui un gros cartable à anneaux décoré des logos de quelques équipes de hockey qu'il a déposé sur la table. À l'intérieur, il y avait une impressionnante collection de cartes de hockey qu'il s'est mis aussitôt à feuilleter. Quant à sa mère (Ou sa sœur, ou sa tante, ou sa voisine, ou l'amie de sa mère) elle ne portait rien du tout, à part ses vêtements et un bébé pas encore né mais que ça ne tarderait pas et qui lui faisait un ventre tout rond à l'intérieur du Mousse-Café.
Un chocolat chaud pour lui et un café pour elle leur fut apportés par la serveuse. (Là j'ai un doute... est-ce que "apporté" prend un "S" ou pas?... Ça me fait chier ce genre de doute. C'est dans ces moments que je regrette de ne pas avoir travaillé plus fort à l'école. Remarquez, je pourrais vérifier dans je ne sais quel bouquin traitant de l'art de la conjugaison mais ça serait long et chiant. Et puis il est tard et je ne voudrais pas déranger mes livres qui doivent déjà dormir.) Le gamin s'est levé et est revenu quelques secondes plus tard avec une paille. C'est vrai que lorsqu'on a dix ans, boire un chocolat chaud avec une paille, c'est bien meilleur.
J'étais juste derrière eux.
À ma droite, il y avait la vieille madame gouine qui vient généralement toujours avec sa vieille copine gouine mais qui était seule pour une fois. Elle vient regarder les parties en faisant les mots croisés du Journal de Montréal pendant que sa copine gouine se ronge les ongles dès que le jeu se déroule dans la zone des Canadiens. Je me demande ce qui est arrivé à sa copine.
C'était la première fois que je la voyais cette année. Je n'ai pas osé lui demander pourquoi elle était toute seule.
Elle était contente de me revoir.
Moi aussi d'ailleurs.
Je crois que ça vient du fait que lorsqu'on vieillit, on apprécie que certaines choses ne changent pas. Dans la communauté du Mousse-Café, pendant les parties de hockey, les habitués sont aussi importants que les parties de hockey justement. Ça fait comme une petite famille informelle que l'on fréquente pendant trois périodes, deux ou trois fois par semaine, neuf mois par année.
Derrière moi, ce sympathique couple de retraités qui ne manquent jamais une partie. Même les plus pénibles en plein milieu du mois de février contre des équipes de fond de division. Parfois, ils viennent avec leurs enfants et leurs petits enfants. Ils sont très distingués. Et beaux aussi dans la manière qu'ils ont d'être ensemble. Le monsieur est plutôt discret tandis que sa femme est plus démonstrative. Surtout quand le jeu est corsé. Elle fait des "Hon!" et des "Ha!" très jolis quand la rondelle vient tout près de rentrer dans le filet. J'étais très content de les revoir lors du premier match de la saison et on a fait un brin de causette. Nous parlions de N... et de C..., d'autres habitués que nous ne voyons plus depuis les dernières parties de la dernière saison.
Et juste comme ça, j'aimerais souligner ici que la dame est une fort jolie dame qui porte sa soixantaine avec un charme indéniable. Si j'avais quatre-vingt ans, j'en tomberais facilement amoureux. Ça, c'est certain.
Il manquait D..., l'Algérien qui est toujours tout seul avec son crâne chauve que c'est pas de sa faute parce qu'il n'y a plus de cheveux dessus. Ça m'a pris un an pour l'apprivoiser et qu'il vienne à ma table. Un bon mec. Je crois qu'il est seul dans sa vie et qu'il se fait un peu chier. Il aime le hockey parce que ça lui rappelle le foot mais en plus rapide.
Ils disent tous ça quand ils viennent d'Europe ou d'Afrique.
Même ceux qui sont réfugiés politique.
Le hockey, c'est le meilleur outil d'intégration pour les émigrants. C'est ce que m'avait dit un jour mon ami Gilou qui était émigrant mais qui est surtout mort aujourd'hui. Mais ce n'est pas de sa faute. Il voulait vivre mais son cœur en a décidé autrement à 46 ans. Il avait un bon cœur, mais faible en quelque part. Ça vient sans doute du fait que tout le monde l'aimait. Pour un humble, c'est difficile à supporter.
(Salut p'tit Gilou. Je pense à toi souvent.)
Au service, il y avait une nouvelle qui faisait équipe avec Faimoipachietta (que j'ai baptisé ainsi parce qu'elle ne se fait pas chier avec les clients qui lui manquent de respect. J'adore Faimoipachietta parce qu'elle a un caractère de cochon mais qui est sympa comme tout une fois qu'elle t'as adopté. Elle m'a payé une assiette de chips juste pour moi tout seul lors du dernier match. C'est pour dire!) La nouvelle s'est bien démerdée et je crois qu'elle sera digne des serveuses du Mousse-Café. Il faut juste qu'elle apprenne comme les autres à me servir mon allongé avec un crème sans me le demander.
Ça viendra.
J'ai bon espoir.
Je vais lui laisser sa chance.
Pendant la présentation des joueurs, juste avant que la partie ne débute, le gamin devant moi a pointé Kovalchuk à l'écran en disant à sa mère (Ou sa sœur, ou sa tante, ou sa voisine, ou l'amie de sa mère) "C'est lui Kovalchuk!"
Brave gamin!
Sympathique relève!
En voilà un qui sait déjà faire la différence entre un bon joueur et un pousseux d'puck. Il s'est dépêché à tourner les pages de son cartable pour trouver la carte de Kovalchuk et la montrer à sa mère (Ou sa sœur, ou sa tante, ou sa voisine, ou l'amie de sa mère) qui sans doute n'en avait rien à foutre mais qui trouvait le moment tellement magnifique. Elle savait, c'est certain, que les années passent tellement vite et que dans deux ou trois ans son petit blondinet de fils (ou de frère, ou de neveu, ou de voisin, ou de fils de son amie) sera devenu ado et que jamais plus il ne sera aussi ouvertement et naïvement fébrile devant elle. Elle le savait comme je le sais, comme tous les parents le savent. C'est pour ça je crois qu'en regardant la photo du joueur dont elle se câlissait bien du nom comme du numéro, elle lui a passé tendrement la main dans les cheveux. Je crois que j'ai été le seul à voir cette scène dans le Mousse-Café.
Entre la première et la deuxième période, je suis sorti du Mousse-Café pour aller chercher un truc dans ma voiture. Un paquet de cartes de hockey d'une édition spéciale pour le centième anniversaire du club de hockey des Canadiens. J'avais acheté ça sur un coup de tête, sans trop savoir pourquoi. La chose traînait dans mon coffre à gants depuis des mois. Je l'ai refilé au gamin qui avait une tête toute blonde et qui me rappelait moi quand j'avais dix ans.
Il était content.
Très content.
Il m'a remercié.
Trois fois.
Sa mère (Ou sa sœur, ou sa tante, ou sa voisine, ou l'amie de sa mère) aussi.
Une fois.
Avec son ventre rond qui contenait un bébé dedans.

lundi 19 octobre 2009

Le sport...

La saison du CH risque d'être longue. Oui je sais, comme dirait l'autre, il nous manque Markov. Et comme dirait aussi l'autre "autre", il y a beaucoup de nouveaux dans l'équipe et il faudra un peu de temps avant qu'une certaine cohésion s'installe.
Oui, je sais.
Mais bon, Kovalev n'est plus là et avouez que c'est beaucoup plus moche à regarder. Même ceux qui ne l'aimait pas vont trouver que les attaques à 5 sont difficiles cette année... que les entrées de zone sont laborieuses... qu'il n'y aura pas beaucoup de petits moments magiques à savourer et à revoir dans les meilleurs jeux de la semaine. J'aime bien les Gomez, Cammalleri et Gionta mais force est de constater qu'aucun des trois ne possède ce petit quelque chose de plus qui fait qu'on attend avec impatience leur présence sur la glace. Mine de rien, et avec un temps de glace qui est en moyenne de 5 minutes de moins que les trois nouvelles vedettes du CH, Kovalev fait tout aussi bien qu'eux jusqu'à maintenant. La saison est encore jeune, c'est vrai mais avec un salaire de 3 millions inférieur à celui donné à Gomez, ça sera un peu gênant pour Gainey de justifier l'embauche de ce dernier contre le départ de Kovi si à la fin de l'année leurs statistiques sont à peu près équivalentes.
Samedi dernier, j'ai bien aimé voir Kovalev en mettre une dedans contre son ancienne équipe.
- Tiens Gainey! Celle-là est pour toi.

Ce n'est pas important de toute manière. Ce n'est que du hockey et le hockey n'existe que pour nous faire passer l'hiver avec un peu moins de souffrance entre les oreilles. Mais bon, ça me fait quand même chier de ne plus voir Kovalev à chaque partie.

Il restera toujours le cinéma si jamais la chute du CH se poursuit.

L'intérim

Je devais passer d'une succursale à l'autre pour aviser les camardes-employés de la réunion syndicale. Je suis délégué par intérim et forcément, la plupart des types que je rencontrais ne me connaissaient pas.
- Toi y en a être qui?
- Moi y en a être le délégué par intérim.
D'une succursale à l'autre, d'un employé à l'autre c'était toujours le même étonnement et les mêmes interrogations quand je leur tendais la main.
- Je suis le délégué par intérim.
- De kossé?

À la fin, j'en ai eu marre et je laissais aller mon humour décapant.
- Je suis le délégué par intérim.
- Par qui?
- Par intérim; Lucien Intérim.

Parfois je frisais l'apothéose du gag.
- Je suis le délégué par la terrine de lapin.

Repoussant sans fin les limites de l'humour.
- Je suis le délégué par utérine.

Je doute sincèrement qu'on aura quorum.

La marmotte

Je roulais l'autre soir sur l'autoroute. Sans vitesse excessive, je suivais le flot des voitures et mes pensées étaient concentrées sur l'émission de radio que j'écoutais. J'étais à une distance acceptable entre ma voiture et celle que je suivais quand j'ai vu une forme apparaître dans le faisceau de lumière de mes phares. C'était une grosse marmotte. Je n'ai pas eu le temps de l'éviter et elle est venue se heurter contre mes deux roues de droite.
Suicidaire. Il n'y a pas d'autres mots.
Des morceaux se sont sans doute accrochés aux essieux parce que sur un kilomètre environ, j'entendais des bruits désagréables et réguliers. Ça faisait quelque chose comme : glitch-glatch... glitch-glatch... glitch-glatch... j'ai pas eu le choix et j'ai monté le volume de ma radio.

Les Ripoux made in Québec

Question 1: À la lumière des derniers scandales de corruption au Québec, pourquoi le gouvernement de monsieur Charest se refuse-t-il à instituer une vaste enquête public?

Question 2: Pourquoi l'opposition (tant le PQ que l'ADQ) se montre-t-elle aussi timide dans cette affaire? Il me semble que ces deux partis auraient tout à gagner à harceler sans relâche le parti Libéral en chambre non?

Question 3 : Pourquoi l'ex ministre péquiste Guy Chevrette se montrait-il lui aussi non intéressé par une enquête public?

Les réponses à ces questions se trouvent peut-être dans l'article de Kathleen Lévesque dans l'édition du Devoir du 26 mars dernier. À lire mais pas avant d'aller vous coucher. Vous risqueriez d'en faire des cauchemars.
Méconnu du grand public, Antonio Accurso est un personnage incontournable du grand jeu politico-syndical au Québec. Ses amitiés sont tentaculaires. D'ailleurs, depuis une dizaine de jours, les liens étroits de ce grand patron du milieu de la construction avec le président de la FTQ et défenseur de milliers de travailleurs, Michel Arsenault, en ont fait sourciller plus d'un. Regard sur un homme d'affaires discret.
«Tony Accurso. Je suis présentement pas disponible. Au son du timbre, s'il vous plaît, laissez votre message», peut-on entendre sur la boîte vocale du téléphone cellulaire. Des messages répétés mais aucun rappel. L'homme est occupé. Il faut dire que la «business» de Tony Accurso est florissante. Et diversifiée. M. Accurso dirige, préside, contrôle directement ou par ses sociétés des dizaines d'entreprises. Compagnies à numéros, firmes de construction, de gestion des déchets, de travaux publics, de trottoirs, de tuyaux de béton, d'électricité industrielle, de plomberie, de location d'équipement et d'outillage de construction, de montage d'acier, des bars, des restaurants, des salles de cinéma, des centres commerciaux et le plus gros hippoclub du Québec, situé à Laval, avec appareils de loterie vidéo et paris sur courses de chevaux. Ses entreprises les plus souvent nommées sont Simard-Beaudry, Constructions Louisbourg, Gastier, Hyprescon, Constructions Marton, les Ciments Lavallée, Cemco, Écolosols, les Galeries de Laval, Place Québec, le complexe Tops à Laval. Mais tenter de faire l'organigramme exhaustif des activités professionnelles de cet homme d'affaires est un véritable casse-tête. Chose certaine, comme l'a récemment démontré Radio-Canada, il travaille main dans la main avec le Fonds de solidarité de la FTQ qui a investi au fil des ans 114 millions de dollars dans ses entreprises, sans compter les garanties de prêts. Le Fonds de solidarité est un partenaire de premier plan et le président Michel Arsenault a applaudi publiquement le rendement annuel (12,8 %) que lui procure cette association. Le fondateur du Fonds, Louis Laberge, était un ami de l'homme d'affaires qui a dit de lui qu'il était «un père pour moi». Après le départ de Laberge, les présidents du Fonds et de la FTQ se sont succédé et l'amitié est demeurée. Réseaux politiques Les fréquentations de M. Accurso dépassent toutefois l'arène syndicale. Cet homme d'affaires prospère soigne ses relations auprès de tous les gros donneurs d'ouvrage, c'est-à-dire le monde municipal et les gouvernements, peu importe leur allégeance politique. Il est dans l'orbite des partis politiques sans y jouer un rôle officiel. L'ancien ministre péquiste Guy Chevrette connaît M. Accurso, qui est un ami de Marcel Melançon, un ancien collecteur de fonds pour le Parti québécois et qui a présidé l'entreprise Constructions Marton («Mar» pour Marcel et «Ton» pour Tony). Souvent responsable des campagnes annuelles de financement de son parti, M. Chevrette a maintes fois croisé M. Accurso dans les cocktails de financement et a soupé quelques fois avec lui, sans discuter, assure-t-il, des projets de l'entrepreneur. «Il donne à tous les partis politiques. Comme ministre, je rencontrais tout le monde. On dit bonjour, bonjour, mais ce n'est pas toi qui récolte l'argent, qui voit le chèque», a expliqué M. Chevrette au Devoir. En 2002, lorsque l'Action démocratique du Québec effectuait une montée en flèche dans les intentions de vote, l'entourage de M. Accurso s'en était rapproché, notamment en participant au tournoi de golf annuel de l'ADQ. Dans les coulisses du Parti libéral du Québec, le magnat de la construction n'est jamais bien loin non plus. «Il fait beaucoup de représentations mais de façon discrète. Il est très bon dans les relations publiques», explique-t-on dans les rangs libéraux, sous le couvert de l'anonymat. En 2000, M. Accurso a racheté la société en faillite Beaver Asphalte fondée par Tommy D'Errico, longtemps trésorier du Parti libéral du Québec. Au fil des ans, Tony Accurso a souvent été décrit dans les médias comme un «militant» politique de Laval ou comme un proche du maire Gilles Vaillancourt. Mais son nom n'apparaît pas sur la liste des donateurs à la caisse électorale. Au cabinet de M. Vaillancourt, on se contente de dire avec ironie que «beaucoup de monde s'identifie comme un proche du maire Vaillancourt». La situation est semblable à Montréal. L'ancien président du comité exécutif, Frank Zampino, et Tony Accurso sont si proches que M. Zampino aurait, tout comme Michel Arsenault de la FTQ, profité du luxe du yacht de M. Accurso, rapportait ces derniers jours La Presse. Frank Zampino est aujourd'hui le numéro deux de la firme d'ingénierie Dessau, partenaire d'affaires de M. Accurso. Aussi, lorsque le directeur général de Montréal, Robert Abdallah, a quitté ses fonctions en juin 2006, Tony Accurso l'a embauché à la suite des efforts ratés de Frank Zampino pour que son ami Abdallah prenne les rênes du Port de Montréal. En tant que gestionnaire, M. Abdallah dirige les opérations de Gastier et de ses filiales (Gastier projets, Gastier international, Les gestions Gastier, Gastier M.P.). Profusion de contrats Tony Accurso fait partie du cercle restreint des grands entrepreneurs retenus par Montréal année après année pour effectuer les travaux d'infrastructures. L'entreprise Simard-Beaudry de M. Accurso, dans laquelle a investi le Fonds de solidarité, a obtenu avec Dessau (dans un consortium nommé Génieau) le plus important contrat jamais consenti par la Ville de Montréal. Il s'agit d'un contrat de 355 millions pour l'installation et l'entretien sur une période de 15 ans de 30 000 compteurs d'eau dans les immeubles industriels, commerciaux et institutionnels de toute l'île de Montréal. Le consortium Génieau aura également un mandat de 25 ans pour mesurer la consommation d'eau. L'appel d'offres pour ce lucratif contrat a été orchestré par la firme d'ingénieurs BPR. Une fois le contrat accordé à Génieau, Yves Provost, le haut fonctionnaire de Montréal responsable du dossier de l'eau qui avait travaillé main dans la main avec BPR, a pris sa retraite avant d'être embauché par BPR. Un autre contrat est lié à celui des compteurs d'eau à Montréal, soit celui du plan d'intervention pour remplacer les futures conduites d'eau vétustes. Or, M. Provost avait expliqué en entrevue au Devoir, en décembre 2007, que l'une des entreprises de Tony Accurso, Hyprescon, dans laquelle a aussi investi le Fonds de solidarité, gagnait presque à tout coup les appels d'offres pour l'installation de conduites souterraines de grandes dimensions. Seule Hyprescon peut répondre aux spécificités techniques exigées par Montréal concernant ces tuyaux puisque cette entreprise est le seul fournisseur de tuyaux d'acier recouverts de béton précontraint. «C'est vrai que le marché est faible. Il y a un autre fournisseur au Texas et un aux Émirats arabes unis, mais les tuyaux de béton ne supportent pas l'aspect financier du transport sur des longues distances. Ici, il y a un seul fournisseur, c'est Hyprescon», disait-il. Tony Accurso brasse également des affaires à Laval. L'année dernière, l'homme d'affaires a tenté d'obtenir la permission d'agrandir en zone agricole sa carrière située dans Chomedey. La Ville avait adopté en première lecture un changement de zonage appuyant le projet de M. Accurso, mais la Commission de protection du territoire agricole a jugé le dossier irrecevable. Aussi, M. Accurso est propriétaire, en partenariat notamment avec le Fonds de solidarité, d'un terrain voisin de la station de métro Montmorency, à Laval. L'administration Vaillancourt souhaite y voir se développer des projets «de type centre-ville». L'immobilier est l'une des nombreuses cordes à l'arc Accurso. Au gouvernement du Québec, les entreprises Accurso sont également parmi les grands contracteurs retenus régulièrement pour effectuer des travaux majeurs de pavage de route, de construction d'échangeurs ou d'immeubles institutionnels, par exemple. On retrouve l'entrepreneur dans les grands centres urbains, mais également en région. En 2002, il a participé au projet de 23,9 millions de l'hôtel-Dieu de Roberval. L'année suivante, Constructions Marton participait à la réalisation pour 13 millions du Centre de développement des biotechnologies de Sherbrooke. En 2005, la même entreprise collaborait au campus de l'Institut national de recherche scientifique de Laval (27 millions). Tony Accurso est doué pour flairer les bonnes affaires. Le gouvernement libéral a ouvert la porte des partenariats public-privé et M. Accurso s'y est engouffré. Dans le projet de 1,6 milliard du Centre universitaire de santé McGill, Simard-Beaudry fait partie d'un des consortiums d'entreprises soumissionnaires. Tout semble sourire à M. Accurso, sauf en quelques occasions. Ce fut le cas lorsqu'en 2000, l'inspecteur-chef responsable des enquêtes criminelles à la police de Laval, Ronald Montpetit, a quitté ses fonctions après avoir mené illégalement des vérifications sur le casier judiciaire de personnes ayant postulé un emploi au complexe Tops appartenant à Tony Accurso. Le policier Montpetit avait consulté les banques de données du Centre de renseignements policiers du Québec pour fournir des informations confidentielles à la demande du resto-bar. Par ailleurs, en 1987, le beau-frère de M. Accurso, Mario Taddeo, qui avait présidé quelques années auparavant l'une des entreprises du groupe, est tombé sous les balles d'un tueur à gages. Dans les journaux de l'époque, on rapporte que M. Taddeo était un proche du PLQ et un organisateur à Laval pour le Parti conservateur du Canada. Le meurtre n'a jamais été élucidé.
Kathleen Lévesque
Le Devoir
Édition du jeudi 26 mars 2009

mercredi 14 octobre 2009

Mouloud Belabdi

Mouloudji,
Un écrivain.
Un poète.
Un humain
Mon ami.

http://chroniquesdemontreal.blogspot.com/

vendredi 9 octobre 2009

Le même jour.

Je suis au centre-ville et j'attends le feu vert. À ma gauche, un vieillard couché sur le trottoir, peinard, les bras repliés derrière la tête, les jambes croisés comme s'il est dans un lit confortable. Un ambulancier tente de le convaincre de le suivre. Ce dernier a des gants de caoutchouc.
Bleu les gants.
Comme le ciel.
Le vieillard ne veut rien savoir, préférant rester allongé sur le ciment froid de la ville. Pour protester, il se recroqueville sur lui même, mimant théâtralement les gestes que l'on fait quand on se couche dans un lit, la tête sur ses bras repliés qui lui servent d'oreiller.
L'ambulancier, décontenancé, regarde autour de lui, cherchant sans doute quelqu'un ou quelque chose qui pourrait l'aider à trouver une solution.
Il n'y a personne. Ou alors juste une foule de badauds. Ce qui revient au même.
Le vieillard, cabotin jusqu'au bout, va jusqu'à faire semblant ronfler.
Le type aux gants de caoutchouc ne sait pas quoi faire. Il demande de l'aide dans son walkie-talkie.
Drôle de boulot.
À sa manière, le vieillard était soudainement plus puissant que les plus puissants, faisant de ce trottoir son lit et de cette métropole sa chambre à coucher.

***

Le même jour, je tombe sur une photo de Barack Obama où on le voit, juché sur une caisse de bois, s'adresser à un public réuni dans un gymnase d'une école. C'est une photo qui date de sa campagne à la candidature démocrate. Je fige devant l'image, sachant que tout comme l'homme qu'elle dévoile, elle fera l'histoire. Il m'arrive souvent de me dire que j'ai la chance de vivre à la même époque que cet homme. Après 8 années pénibles du régime W. Bush, je prends le temps de savourer mon époque à travers ses mots, ses idées, sa présence. J'aime ce type. Profondément. Il me réconcilie avec l'idée que j'ai de la chose Politique. C'est un homme d'État. Un vrai. En même temps, je sais qu'il est tellement seul. Il me fait penser à Atlas, portant la planète sur ses épaules. J'ai presque le même âge que lui. Il est de ma génération, de mon temps, des mes aspirations. Quand je pense à ça, je suis fier. Je suis un Obama mater.

***

Le même jour sur St-Denis, j'ai vu un clochard pisser dans la rue à l'heure de pointe. Pour plus de pudeur, il faisait dos au trottoir mais face à la rue, arrosant les pneus des voitures qui tentaient de l'éviter.
Il sifflait la Marseillaise en même temps.
Il était heureux.

***

Le même jour, je reçois dans mon courriel un message de mâdâme Claire qui dit qu'elle vient de faire une super soupe de courges gingembre poivré qu'elle tarde de me faire goûter. Elle me laisse le choix du vin. Je réalise en même temps que j'ai soudainement quelqu'un dans ma vie qui pense à moi quand elle fait une soupe. Cette idée me trouble de bonheur. J'avais oublié l'effet que produit ces petites choses simples de la vie.

***

Encore le même jour, trois gamins turbulents sortent du métro Berri au coin de St-Denis. Ils n'ont pas plus de 12 ans. Blonds tous les trois, chamailleurs, grandes gueules, effrontés, mais avec ce petit quelque chose de sympathique qui rappelait les personnages des 400 coups de François Truffaut. Arrivés près des escaliers de l'UQUAM, je les vois qui balancent leur cartable et leur sac à dos sur le trottoir. L'un d'eux retire son blouson et l'étend comme un drap devant lui. Ils s'assoient tous les trois derrière le blouson, le cul sur le ciment, sortent chacun une flute à bec et se mettent à jouer maladroitement des trucs comme Frère Jacques et autres petites choses que l'on apprenais en Secondaire 1 dans ces cours d'initiation à la musique. Je reste là un moment, amusé par le manège. Des gens passent avec le sourire aux lèvres. Les pièces de monnaie pleuvent dans le blouson étendu. Des touristes prennent quelques photos avant de lancer eux aussi leur aumône. Impassibles, les trois gamins massacrent les chansonnettes populaires les unes à la suite des autres. 15 minutes plus tard, et jugeant que le compte est bon, ils rangent leurs flûtes et reprennent leur sac à dos. Ils vont vers le dépanneur le plus proche, arrêtent un mendiant du quartier, discutent quelques secondes avec lui avant de lui remettre une poignée de petite monnaie. Le mendiants entre dans le dépanneur et en ressort deux minutes plus tard avec deux paquets de cigarettes. Un pour lui, et l'autre pour les gamins. Sa commission faite, le mendiant s'en va de son côté avec son paquet de clopes en remerciant les trois gamins. Ceux-ci le regardent à peine, ouvrent le paquet, se partagent entre eux les clopes, s'en allument chacun une et se remettent à marcher en reprenant leur chamaillade. Au-dessus de leurs têtes blondes, des feuilles multicolores qui feutraient divinement les rayons du ciel. Sans le savoir, et malgré leur petite dégaine de voyous sympathiques, ils n'avaient faits que des heureux autour d'eux.

***

Le même jour, j'en suis arrivé à me dire que ce fut une belle journée. Parfaite. Il devait pleuvoir mais il a fait soleil. Il devait faire froid mais il a fait chaud. J'ai vu des pièces de théâtre de la vie, j'ai vu du bonheur partout, une soupe aux courges m'attendait chez une belle femme. Barack Obama était toujours le président tandis que Bush était toujours à la retraite. J'ai vu des sourires dans des situations les plus loufoques. Des enfants utilisaient leur enseignement pour se faire du fric et pour faire la joie des passants et des clochards. Des êtres humains dépossédés pissaient sur les pneus des voitures appartenant à des possédants.

***

Et puis le même jour, la police découvre dans un boisé de Pointes-aux-Trembles le cadavre de Natasha Cournoyer.

jeudi 8 octobre 2009

Le dernier Michael Moore.

Vu le dernier Michael Moore.
Féroce et puissant. J'en suis sorti un peu troublé par les révélations que le film contient. Troublé et effrayé devrais-je dire. Effrayé par la santé déficiente de la démocratie américaine. D'ailleurs, le film débute avec un parallèle édifiant entre la chute de l'Empire romain et l'Amérique d'aujourd'hui.

Ça me fait toujours rire quand certains individus d'une certaine allégeance politique tapent sur Moore sous prétexte que ses documentaires sont arbitraires. Je réponds souvent à ça en disant qu'en fait, il utilise le même procédé (l'arbitraire justement) que ses ennemis mais à la différence que ses attaques à lui ne font aucun mort, ne créent aucune injustice, n'envoient personne au chômage, n'obligent personne à l'esclavage pour espérer manger à sa faim. Ce n'est pas de la faute à Michael Moore si deux milliards d'être humains sur la terre sont sous le seuil critique de la pauvreté (chiffres pour l'année 2000 du World Food Report), comme il n'y est pour rien dans la crise économique actuelle et qui a fait qu'au pire moments de ce désastre, une famille américaine se faisait évincer de sa propriété à toutes les 7,5 secondes. Ses documentaires n'ont pas précipité des centaines de milliers de travailleurs à la rue et ses propos, aussi arbitraires soient-ils, n'ont pas été utilisé pour justifier une guerre écœurante dont les victimes civils se comptent par centaines de milliers. Ce n'est pas de la faute à Michael Moore si le Congo est à feu et à sang. Le drame qui se vit depuis des années pour les pêcheurs du fleuve Niger n'a rien à voir avec le ton rigolard et vicieusement impertinent du réalisateur. Je pourrais continuer longtemps à énumérer les horreurs commises contre nos frères humains au nom d'un système capitaliste poussé à son paroxysme et qui fut depuis trop longtemps injustement associé à la démocratie.
Parce que le capitalisme n'est pas démocratique!
Le capitalisme tel qu'il est pratiqué dans nos sociétés tue! Il est l'ennemi numéro 1 des Droits de l'Homme. Il marche main dans la main avec l'exploitation de l'homme par l'homme, de la prostitution, de l'esclavage, des guerres, des famines, des désastres écologiques... la pire menace pour la survie de l'espèce prend ses racines dans la manière dont nous laissons les quelques happy few de la planète utiliser ce système. Ce n'est pas la fin de la guerre qui a poussé l'homme à créer la bombe atomique, mais plutôt la possibilité de détenir les rênes d'une nouvelle puissance qui assurerait une domination militaire et économique.
Gauchiste (le gros mot!) Michael Moore?
Parfaitement et alors? Est-ce un crime?
En quoi est-ce que défendre les droits des plus faibles serait moins acceptable que de défendre non pas le droit, mais la mainmise du pouvoir par les plus forts?
Et puis est-ce une politique de gauche que de spéculer sur la mort en s'achetant des assurances vie sur le compte de ses propres employés pour en être les bénéficiaires ? (1) Et justement, combien de crimes sont actuellement commis sur la planète par ces tenants de la droite mais qui se permettent de dénigrer en même les actions de Michael Moore au nom de je ne sais quelle justice mais qui serait décidée par eux?
Ces gens-là oublient que dans les mains du réalisateur, la caméra est une arme de combat, une arme de dénonciation massive. Au même titre que l'étaient les pamphlets des grands philosophes au siècle des lumières.

On tape souvent sur Moore sous prétexte que ses documentaires sont arbitraires. Ça me fait rire. Comme si la presse de droite n'était pas arbitraire. Comme si Fox News était un organe de presse parfaitement neutre et impartial. Comme si les Alain Dubuc (L'éloge de la richesse), les Lucien Bouchard (Travaillez plus bande de cons!) ou les Joseph Facal (Soyez lucides et serrez-vous encore plus la ceinture) de ce monde n'écrivaient ou ne parlaient non pas pour des intérêts privés mais pour le bien commun.
Faites moi rire.
Faites moi crissement rire.

Une révolution? Même si tous les ingrédients sont en train de se placer un à un pour en dresser la table, je ne crois pas que ça serait une bonne idée. De tous temps les révolutions n'ont fait que déplacer les servitudes. Sans parler des désastres incommensurables commises en son nom. Mais une sorte de réforme effectuée de manière civilisée, ça oui, je veux bien. Mais je n'y crois pas. Les plus riches, donc les plus forts, feront tout pour en écraser les tentatives.
Il reste quoi?
La révolution, hélas.

Moore ne fait qu'illustrer dans son film ce que nous savons tous, à savoir que le capitalisme, dans sa forme actuelle, n'est que le prolongement du féodalisme, que si nos sociétés sont "démocratiques", leur fonctionnement reposent néanmoins sur un système à 100% dictatorial : L'entreprise privée. Il y a d'ailleurs une loi dans le code du travail du Québec qui bétonne cette idée et c'est celle qui dit que tout salarié doit "loyauté envers l'entreprise".
C'est avec cette même loyauté envers l'entreprise que. les conducteurs de train en Allemagne transportaient les millions de Juifs aux abattoirs.
- Je suis innocent puisque je suis chauffeur de locomotive. Je ne faisais que mon métier.



(1) - Comme le font (ou le faisaient) les entreprises suivantes :

ADAC Laboratories
Advanced Telecommunication Corp.
Aeroquip Vickers Inc.
Alabama Power Co.
Alfa Corp.
Allegheny Technologies Inc.
Allergan Inc.
Allfirst Financial Inc.
Amegy Bank, N.A.
American Business Products, Inc.
American Electric Power
American Express Co.
American Greetings Corp.
American Management Systems Inc.
American Seafoods Group LLC
Ameritech Corp.
Amerus Group Co.
Anadarko Petroleum Corporation
Appalachian Power Co.
Arch Chemical
Aristech Chemical Corp.
AT&T Communications
Atlantic Richfield Co.
Avery Dennison Corp
Avon Products Inc.
B. F. Goodrich Company
Ball Corporation
Bank Boston
Bank Of America
Bank One Corp.
Barnett Banks Inc.
Bassett Furniture Industries Inc.
Be Aerospace Inc.
Bear Stearns Companies
Bellsouth Corporation
Boise Cascade Corp.
Boston Company
Boston Federal
Bristol-Myers Squibb Company
Camelot Music, Inc.
Carolina Power & Light Co.
Carpenter Technology Corp.
Catskill Financial Corp.
Central Power & Light Co.
Ch2m Hill Companies Ltd.
Charming Shoppes, Inc.
Checkfree Corp.
Chemical Banking Corporation
Citibank, N.A.
Citizens Bank
Clark Inc.
Clorox Company
CNF Inc.
Coca-Cola Company
Columbus Southern Power Co.
Commercial Intertech Corp.
Compass Bank (Florida & Alabama)
Computer Technology Associates Inc.
Consolidated Natural Gas Co.
Consolidated Rail Corporation
Cox Enterprises, Inc.
CTA Inc.
Cymer Inc.
Diamond Shamrock Inc.
Diebold Inc.
Dime Bancorp Inc.
Dow Chemical
Earle M. Jorgensen Co.
Eastman Kodak Company
Eaton Corp.
ECC Capital Corp.
Enserch Corp.
F&M Bancorp
FiberMark Inc.
Figgie International Inc.
Fina Oil & Chemical Company
First Bank System Inc.
First Commonwealth
First Midwest Bancorp Inc.
Fleet Bank
FleetBoston Financial Corp.
Flightsafety International Inc.
Frontier Bank
Fulton Financial Corp.
GATX Corporation
Georgia Power Co.
GNC Corp.
Great Plains Energy Inc.
GTE Corporation
Gulf Power Co.
HCR Manor Care Inc
Hechinger Company
Heritage Commerce Corp.
Herman Miller Inc.
Hershey Foods Corporation
Hillenbrand Industries, Inc.
Hosiery Corporation of America
Houghton Mifflin
Household Finance
Hovnanian Enterprises Inc.
Hughes Supply Inc
ICI Americas, Inc.
Idaho Power Company
IKON Office Solutions Inc.
Indiana Michigan Power Co.
Integra Bank Corp.
Intermark Inc.
Iowa First Bancshares Corp.
Iroquois Bancorp Inc.
J Jill Group Inc.
JP Morgan Chase & Co.
Kansas City Power & Light
Kansas Gas & Electric Co.
Keithley Instruments Inc.
Kentucky Power Co.
Keycorp Ohio
Kimberly Clark
Korn Ferry International
Laser Master Int’l. Inc.
Linens N Things Inc.
LKQ Corp.
Louisiana Pacific Corp.
Manor Care Inc.
Marriott International Inc.
McDonnell Douglas Corp.
Media General Inc.
Medicalcontrol Inc.
Menasha Corporation
MidAmerican Energy Co.
Miix Group Inc.
Mississippi Power Co.
MNC Financial Inc.
Mueller Industries Inc.
National City Corporation
NationsBank
Nestle Enterprises
Norfolk Southern Corp.
Norfolk Southern Railway Co.
Northern States Power Co.
Ohio Power Co.
Old National
Olin Corporation
Owens & Minor Inc.
PacifiCorp
Panera Bread Co.
Panhandle Eastern Pipe Line Company
Parker Hannifin Corp.
Penn Treaty American Corp.
Penns Woods Bancorp Inc.
Phibro Animal Health Corp.
Philipp Brothers Chemicals Inc.
Phoenix Companies Inc.
Pinnacle Financial Services Inc.
Portland General Electric
Potlatch Corporation
PPG Industries
Procter & Gamble Company
PSS World Medical Inc.
Public Service Co. of New Mexico
Public Service Co. of Oklahoma
Public Service Enterprise Group
Questech Inc.
R. R. Donnelley & Sons Company
Ruddick Corp.
Ryder System Inc.
Sallie Mae (Stud Ln Mktg Assoc.)
Savannah Electric & Power Co.
Sequa Corp.
Service Merchandise Co., Inc.
Shearson Mortgage
Sherwin-Williams
Sky Chefs
Smart & Final Inc.
Smith Barney
Sonoco Products Co.
Southwest Bank
Southwest Water Co.
Southwestern Bell Corp.
Southwestern Electric Power Co.
Southwestern Public Service Co.
Star Banc Corp.
Stauffer Management Company
Steelcase Inc.
Sturgis Bancorp Inc.
Summit Bank of N.J.
Swank, Inc.
Tellabs Inc.
Tenet Healthcare Corp.
Texas Eastern Transmission Corp.
Tompkins Trustco Inc.
TXU Corp.
TYCO International
UniFirst Corp.
Union Bank
United National Bancorp
Urocor Inc.
Vineyard National Bancorp
W. R. Grace & Company
Wachovia Corporation
Walgreen Company
Wal-Mart Stores
Walt Disney
Wang’s International, Inc.
Wells Fargo, N.A.
West Coast Bancorp
West Texas Utilities Co.
Westar Energy Inc.
Western Aire Chef Inc
Western Resources, Inc.
Westpoint Pepperell
Winn Dixie
Winnebago Industries Inc.
Woolworth Corporation
Xcel Energy Inc.
York Water Co.
Zale Corp.

http://deadpeasantinsurance.com/

mardi 6 octobre 2009

Jonglerie de l'esprit sur le thème de la beauté qui passe et qui ne revient plus.

Le syndicat a planté ses locaux en plein cœur du quartier latin.
Merveilleuse idée.
Je profite donc de ce merveilleux été des indiens pour étirer ce désastreux été de merde. Instinctivement, je vais pendant mes pauses renouer avec la terrasse de ce café de mes 20 ans et qui n'a pas changé d'un iota depuis toutes ces années. Sur la rue Saint-Denis à Montréal, c'est ce qu'il est convenu d'appeler un miracle.
Et j'étais donc là, entre ma convention collective et mon espresso, quand lentement, elle est passé devant ma table avant d'entrer dans le Café.
Aussitôt vue, aussitôt disparue.
Quelque chose comme une beauté infinie dans l'éphémère.
J'en ai perdu quelques alinéas de mon document, dont quelques uns très importants concernant les mesures disciplinaires.
En tout et pour tout, elle n'est restée qu'une toute petite minute dans le Café. Sans doute cherchait-elle quelqu'un qui ne s'était pas pointé.
Un triste imbécile, c'est certain.
En ressortant, elle a fait le chemin inverse, passant à rebours devant mes yeux qui n'en demandaient pas tant. Derrière elle, dans l'apesanteur des sillons invisibles que traçait son âme, les alinéas .01, .02 et .03 de l'article 21 la suivaient en flottant dans un bonheur que ne pouvait punir aucune mesure disciplinaire conventionnée.
Elle était encore plus belle au retour qu'à l'aller parce qu'elle semblait troublée de ne pas avoir trouvé l'enculé d'enfant de chienne de mangeux de merde de salopard d'enfant de pute de fils de pute et d'arrière petit fils de pute de chanceux que c'est même pas de la chance mais de l'hypocrisie finement manipulé pour être son confident ou son meilleur ami de gars ou de j'sais pas quoi mais que bon, c'est assurément pas le bon mec pour elle puisqu'il n'était pas là et que moi j'ai tout vu ça de mes petits yeux mais que je ne pouvais rien faire vu que j'ai 345 ans et qu'elle n'en avait que 25 ou 26 à tout casser et que j'ai pleins de cheveux qui me manquent et que c'est pas drôle d'être à la fois presque chauve et avoir trois fois mal au dos quand je respire et que je ne parle même pas de mes hémorroïdes parce que ce n'est vraiment pas une chose à dire devant une belle fille comme voilà-t-y pas celle-là qui était seule et sans ressource devant moi et ma convention collective qu'on ne savait même pas quoi faire pour se faire pardonner d'être nés 345 ans après elle et de ne pas avoir les cheveux qui faut pour se lever et lui dire que : "si l'autre trou du cul n'est pas là et n'est pas assez intelligent pour comprendre qu'une belle femme comme vous voilà-t-y pas madame chose ne repasse pas trois fois dans une vie et que moi, et bien moi ça me ferait vraiment plaisir de vous inviter à ma table et de refermer ma convention collective pour vous dire que non seulement vous êtes belle, mais qu'en plus je suis décidé à me faire greffer des cheveux et même des poils de cul si ça vous fait plaisir mais par pitié, s'il vous plaît, regardez-moi encore comme vous venez de le faire parce que sinon c'est certain, je convulserai de douleur et de bien d'autres choses encore en me disant que je ne vous verrai plus jamais en ce bas monde qui est un monde de méchants parce qu'il existe des mecs qui vous laissent toute seule comme ça que c'est pas possible et que c'est sûrement de la faute à cette société qui s'en va nulle part à cause des mecs de votre génération qui préfèrent joueur à deux jeux vidéos de cons alors que vous êtes là pour personne tandis que les mecs de ma génération, je veux dire les mecs comme moi feraient tout pour ne pas que la poussière de vos pas ne vienne salir le talon de votre marche tandis et que... et que... et que..."
Elle était encore plus belle au retour qu'à l'aller disais-je. Plus belle et tout aussi seule.
Elle m'a regardé un bref instant.
M'a gratifié d'un sourire. (Sans doute à cause du filet de bave qui me coulait au coin de la bouche...)
Sensation indéfinissable!
"Gâh! Bêêêêlllllleuuuuh!" pensais-je doctement en moi-même alors qu'allongé sur le plancher froid de la terrasse, je convulsais de spasmes pendant que le serveur m'envoyait force chaudières d'eau froide sur le corps pour me ramener à de plus concrètes pensées.
Il y avait malgré tout de l'éternité dans cette seconde échangée.

Jonglerie de l'esprit sur le thème de la possession.

Je suis à mon chalet. Décision de dernière minute. J'ai roulé après le boulot sans savoir ou aller et je suis arrivé ici, comme par hasard.
Une bûche brûle dans le foyer.
J'écris en regardant la flamme lécher la vitre du poêle.
La chaleur qui emplie les pièces et qui fait que je suis bien vient de cette boîte de fonte.
Sentiment de bien-être.
Cette chose, ces quatre murs, ce rectangle de bois et de fenêtres est à moi.
Personne ne peut venir me faire chier ici.
Sauf la banque et les assureurs.
Mais bon, c'est ok.
J'accepte le deal.
Je suis un propriétaire. J'ai une propriété privée. J'ai en plus un logement dans la grande ville. Parfois, je me plains de mes problèmes alors que d'autres n'ont même pas un toit pour dormir. J'ai de l'eau courante et je n'ai qu'à faire dix pas pour toucher l'eau du lac qui se trouve juste en face. J'ai acheté du bois de chauffage. Je brûle des bûches non pas pour me chauffer et assurer ma survie, mais simplement pour me créer un sentiment de quiétude sublimé par l'image de quiétude que m'a légué mon éducation de citoyen né au nord de l'Amérique. Je n'avais pas besoin de ce chalet. Je l'ai acheté parce que j'avais de l'argent en trop que je voulais investir. Je gagne assez d'argent pour manger à ma faim, et bien plus, à chaque jour. Je dépense beaucoup d'argent pour des choses qui ne regardent pas ma survie physique. J'achète des clopes, des bouteilles de vin, des livres, des films, des disques de musique, des spectacles, des expositions de photos qui montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde. Un type passait entre les voitures alors que j'attendais le feu vert au coin de René-Lévesque et DeLorimier. Je revenais du syndicat où j'ai travaillé à essayer de régler les iniquités. Le type avait une petite boîte de carton et demandait sans agressivité l'aumône aux automobilistes. J'ai tourné la tête quand il m'a regardé. Pourtant, je paie de ma poche pour voir des photos qui me montrent la misère du monde.
À quoi je joue?
Qui suis-je vraiment?
Un hypocrite?
Pour me donner bonne conscience, je me suis rabattu sur la qualité son pantalon. J'ai vu qu'il portait des jeans d'une qualité supérieur. Ça m'a rassuré sur le fait de ne rien lui donner. Comme si un type qui avait tout perdu n'avait pas le droit de se promener dans des fringues qu'il s'est acheté du temps où il avait de l'argent. Mais aurait-il porté un pantalon crado que j'aurais trouvé une autre excuse pour ne rien lui donner. Le cerveau est ainsi fait. Il aime nettoyer la conscience avec des images toutes faites.
Hier, j'ai payé de ma poche pour voir des photos qui me montraient la misère du monde. Ce soir, je n'ai même pas osé soutenir le regard d'un type qui vit dans ma ville et qui demandait de l'aide. Et j'écris ces mots en me chauffant les pieds devant le poêle à bois dans lequel je brûle des bûches qui ne servent pas à ma survie, mais qui mettent une image concrète sur l'idée que je me fait du bonheur. Ce soir, le type à la petite boîte de carton dort sans doute à la belle étoile, quelque part dans un recoin de la grande ville. Et en plus, je vide une bouteille d'un bon blanc argentin. J'écoute de la musique classique à Radio-Canada. Il fait chaud, la flamme lèche la vitre du poêle, j'ai un ordi, j'écris mes conneries dans un blogue, je viens de bouffer à m'éclater l'estomac et demain.
Où vais-je avec tout ça?
Suis-je digne de la chance qui m'a été donné de jouir de ces biens?
Pourquoi moi et pas lui?

dimanche 4 octobre 2009

Vendredi dernier

Vendredi, 2 octobre

Mousse Café, je suis ici cette fois pour faire ma lessive. Parce qu'il ne faut pas l'oublier, l'endroit est d'abord une buanderie. Hier soir j'y étais pour la première partie de la saison. La première sans Kovalev. La première qui me permet de me dire qu'il va m'arriver souvent pendant les prochains mois de le chercher sur la glace. Pas que ces Gionta, Cammalleri (que j'ai décidé de baptiser Camille Henri) ou Gomez soient de mauvais joueurs, mais disons que ce sont des joueurs comme il en existe des milliers. Solides, talentueux, efficaces, mais sans magie dans les mains. D'honnêtes travailleurs. Aucun d'eux qui pourraient perdre un gant en driblant la rondelle, revenir sur leur pas, ramasser le gant tombé, le remettre et poursuivre l'attaque comme si de rien n'était.
http://www.youtube.com/watch?v=rqjdverqHY8

Mousse Café, toutes les tables sont prises. C'est l'heure du dîner et j'ai été un peu con de venir laver mon linge sale pendant cette période. Les serveuses sont débordées, le brouhaha des conversation recouvre la musique. Beaucoup de couples. Quelques têtes grises, des retraités attendant la prochaine séance au cinéma Beaubien qui est juste à côté.
Devant moi, un enculé d'étudiant qui m'a piqué la seule place disponible où je pouvais brancher mon ordi. Petites lunettes d'intello, cheveux frisés, je remarque qu'il met du lait 2% dans son café. Signe qui ne trompe pas. Une calculatrice traîne à la droite de son ordi. Étudiant en finance? En économie? En gestion?
Je m'en doutais bien.

J'enfile mes écouteurs sur mes oreilles pas du tout chastes et je m'isole d'avantage en écoutant la musique du film Amélie Poulin pendant que mes bobette trempent joyeusement dans le savon bon marché que j'ai piqué sur le comptoir et qui appartient sans doute à l'un des clients ici présent. À cet étudiant j'espère.

À ma droite, un peu en diagonale de ma table, deux femmes. Elles attendent leur repas. Celle qui me fait face est rondelette et ressemble un peu à Porky Pig dans ces vieux dessins animés de Bugs Bunny. Le même nez, la même bouche. Elle vient de déposer son chapeau sur la table. Une sorte machin à la Sherlock Holmes mais avec des motifs noirs et blancs. Une écharpe aux même motifs pend sur le dossier de la chaise inoccupée.

J'attends qu'une table avec un branchement ne se libère. Je suis confiné dans un coin, près du frigo où sont disposés les desserts.

Je viens de sortir mon linge de la laveuse. J'ai réalisé que je viens de laver quelques chaussettes même pas utilisées. Elles étaient encore toutes bien pliées. Les salopes.

Porky Pig a une voix de crécelle. J'entends :" Il a supervisé la thèse de celui qui me harcelait..." Porky Pig fut donc harcelée dans sa vie. Harcèlement psychologique sans doute, parce que je n'en vois pas d'autre dans son cas. Je n'aimerais pas avoir

C'est drôle, je viens de voir qu'elle prend la salade du chef mais je suis certain que c'est parce qu'elle veut montrer à sa camarade de table qu'elle "mange santé" malgré son excès de poids.
Une voix derrière moi se fait entendre:
- On ne viendra pas me faire croire qu'une grosse comme voilà-t-y pas cette Porky Pig ne se contente que d'une toute petite salade du chef! Faut pas me la faire! J'ai vu neiger moi monsieur! Cette grosse-là n'est pas du tout santé! Elle tente de se faire passer pour une maigre! Elle tente de nous infiltrer! Aux armes citoyens!!
Les maigres se lèvent tous d'un bloc et passent Porky Pig à tabac avant de la pendre haut et court à la lanterne en chantant des chansons révolutionnaires. Celle qui était à sa table, la maigre, se fait décapiter pour haute trahison. On nettoie ensuite le sang, on retire les assiettes sales pour les remplacer par des propres et en quelques minutes seulement, plus rien ne pourrait prouver de la présence de cette pauvre Porky Pig. Moi je n'ai rien dit, rien fait. Je ne suis pas ici pour défendre les Porky Pig. Je suis ici pour laver mon linge sale.

vendredi 2 octobre 2009

Mâdâme Claire

Dans un coin on dirait un Chagall. Les formes, les couleurs vives. Ce bleu pétant surtout. Mais ce n'en est pas un. Je veux dire, ce n'est pas un Chagall. On m'aura compris.
Là, sur le mur du salon et juste au-dessus du sofa en cuir noir, une composition impressionnante. Picasso dans sa période africaine. Les Demoiselles d'Avignon pour dire toute la vérité. Mais quelle vérité justement?
Et ce Vassily Kadinsky dans la cuisine qui n'est pas de Kadinsky, on aimerait bien quand même toucher la main qui touchait le pinceau.
Près de la fenêtre, le portrait de cette femme qui d'un geste licencieux ramène à certaines œuvres de Klimt.
Suis-je dans un musée?
Suis-je quelque part au début du siècle dernier?
Je suis en fait chez... (trouvons un nom... disons Mâdâme Claire)
Mâdâme Claire caresse parfois le canevas. Pas assez selon moi.
Mâdâme Claire dit qu'elle ne sait pas dessiner. Mais mâdâme Claire ne dit pas assez qu'elle sait peindre.
Mâdâme Claire dit qu'elle écrit mieux qu'elle peint.
Mâdâme Claire écrit très bien.
Mais Mâdâme Claire n'écrit pas assez.
Ou alors des trucs chiants pour son boulot et qui ne seront jamais publiés.
Ou alors pour le boulot justement.
Bref, des trucs chiants et j'affirme que c'est du gaspillage de talent.
Mâdâme Claire fait du très bon pesto qu'elle rate une fois sur deux parce qu'elle fait trois milles choses en même temps.
Mais même raté, le pesto de Mâdâme Claire est bon parce qu'il est fait de ses petites mains à elle, les mêmes qui caressent parfois - mais pas assez - les canevas.
Mâdâme Claire brûle ses chaudrons parce qu'elle oublie toujours de les retirer du feu.
Mâdâme Claire renverse souvent le café de sa tasse.
Le matin, Mâdâme Claire aime que les toasts soient prêtes en même temps que les œufs.
Dans le jardin arrière de la maison de Mâdâme Claire, il y a un pommier.
Et dans le pommier, des pommes qui tombent partout sur son jardin pour rendre hommage à Newton.
Mâdâme Claire aime bien ramasser les pommes et les balancer dans une chaudière de plastique.
Quand l'automne arrive, Mâdâme Claire parle de la Provence où elle aimerait bien s'acheter une maison.
Mâdâme Claire aime Paul Auster.
Mâdâme Claire aime aussi U2.
Et puis Nougaro.
Et puis Ferré.
Mâdâme Claire aime aussi lire son journal le matin et ne comprend pas pourquoi une partie importante de la Une est toujours consacrée au hockey.
J'ai essayé de lui expliquer mais sans succès.
Mâdâme Claire attend après moi pour aller voir l'expo du world press photos.
Dans un musée, Mâdâme Claire ressemble à ces femmes dans les films de Woody Allen.
Mâdâme Claire n'aime pas se mouiller la tête quand elle nage dans un lac.
Mâdâme Claire oublie souvent son trousseau de clés dans la serrure de porte de sa maison.
Mâdâme Claire connaissait le documentaire Les glaneurs et la glaneuse d'Agnès Varda.
J'aime bien me promener dans la rue avec une fille qui connaît des œuvres cinématographiques obscures.
Mâdâme Claire possède la même édition des Fragments d'un discours amoureux de Roland Barthes et que nous brandissait Luchini à son spectacle.
Quand elle était ado, Mâdâme Claire a déjà volé un bouquin de Flaubert à la bibliothèque pendant qu'à la même période, je volais des Playboy au dépanneur du coin.
C'est quand même curieux la vie des fois.