mardi 6 octobre 2009

Jonglerie de l'esprit sur le thème de la beauté qui passe et qui ne revient plus.

Le syndicat a planté ses locaux en plein cœur du quartier latin.
Merveilleuse idée.
Je profite donc de ce merveilleux été des indiens pour étirer ce désastreux été de merde. Instinctivement, je vais pendant mes pauses renouer avec la terrasse de ce café de mes 20 ans et qui n'a pas changé d'un iota depuis toutes ces années. Sur la rue Saint-Denis à Montréal, c'est ce qu'il est convenu d'appeler un miracle.
Et j'étais donc là, entre ma convention collective et mon espresso, quand lentement, elle est passé devant ma table avant d'entrer dans le Café.
Aussitôt vue, aussitôt disparue.
Quelque chose comme une beauté infinie dans l'éphémère.
J'en ai perdu quelques alinéas de mon document, dont quelques uns très importants concernant les mesures disciplinaires.
En tout et pour tout, elle n'est restée qu'une toute petite minute dans le Café. Sans doute cherchait-elle quelqu'un qui ne s'était pas pointé.
Un triste imbécile, c'est certain.
En ressortant, elle a fait le chemin inverse, passant à rebours devant mes yeux qui n'en demandaient pas tant. Derrière elle, dans l'apesanteur des sillons invisibles que traçait son âme, les alinéas .01, .02 et .03 de l'article 21 la suivaient en flottant dans un bonheur que ne pouvait punir aucune mesure disciplinaire conventionnée.
Elle était encore plus belle au retour qu'à l'aller parce qu'elle semblait troublée de ne pas avoir trouvé l'enculé d'enfant de chienne de mangeux de merde de salopard d'enfant de pute de fils de pute et d'arrière petit fils de pute de chanceux que c'est même pas de la chance mais de l'hypocrisie finement manipulé pour être son confident ou son meilleur ami de gars ou de j'sais pas quoi mais que bon, c'est assurément pas le bon mec pour elle puisqu'il n'était pas là et que moi j'ai tout vu ça de mes petits yeux mais que je ne pouvais rien faire vu que j'ai 345 ans et qu'elle n'en avait que 25 ou 26 à tout casser et que j'ai pleins de cheveux qui me manquent et que c'est pas drôle d'être à la fois presque chauve et avoir trois fois mal au dos quand je respire et que je ne parle même pas de mes hémorroïdes parce que ce n'est vraiment pas une chose à dire devant une belle fille comme voilà-t-y pas celle-là qui était seule et sans ressource devant moi et ma convention collective qu'on ne savait même pas quoi faire pour se faire pardonner d'être nés 345 ans après elle et de ne pas avoir les cheveux qui faut pour se lever et lui dire que : "si l'autre trou du cul n'est pas là et n'est pas assez intelligent pour comprendre qu'une belle femme comme vous voilà-t-y pas madame chose ne repasse pas trois fois dans une vie et que moi, et bien moi ça me ferait vraiment plaisir de vous inviter à ma table et de refermer ma convention collective pour vous dire que non seulement vous êtes belle, mais qu'en plus je suis décidé à me faire greffer des cheveux et même des poils de cul si ça vous fait plaisir mais par pitié, s'il vous plaît, regardez-moi encore comme vous venez de le faire parce que sinon c'est certain, je convulserai de douleur et de bien d'autres choses encore en me disant que je ne vous verrai plus jamais en ce bas monde qui est un monde de méchants parce qu'il existe des mecs qui vous laissent toute seule comme ça que c'est pas possible et que c'est sûrement de la faute à cette société qui s'en va nulle part à cause des mecs de votre génération qui préfèrent joueur à deux jeux vidéos de cons alors que vous êtes là pour personne tandis que les mecs de ma génération, je veux dire les mecs comme moi feraient tout pour ne pas que la poussière de vos pas ne vienne salir le talon de votre marche tandis et que... et que... et que..."
Elle était encore plus belle au retour qu'à l'aller disais-je. Plus belle et tout aussi seule.
Elle m'a regardé un bref instant.
M'a gratifié d'un sourire. (Sans doute à cause du filet de bave qui me coulait au coin de la bouche...)
Sensation indéfinissable!
"Gâh! Bêêêêlllllleuuuuh!" pensais-je doctement en moi-même alors qu'allongé sur le plancher froid de la terrasse, je convulsais de spasmes pendant que le serveur m'envoyait force chaudières d'eau froide sur le corps pour me ramener à de plus concrètes pensées.
Il y avait malgré tout de l'éternité dans cette seconde échangée.

1 commentaire:

Marina Kowalsky a dit…

One more time: "bijoux, bijoux".