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dimanche 6 novembre 2011

Leçon de magasinage

Dimanche de merde comme le sont tous les dimanches depuis leur triste invention. Même s’il fait beau, c’est une journée de merde parce que c’est dimanche. Y a que les cons qui aiment les dimanches. D’ailleurs, ce sont sans doute les mêmes qui aiment l’hiver et ce genre de truc pas drôle. Qu’est-ce que tu peux bien faire d’un dimanche quand t’es tout seul et grippé ? Je vous le demande, braves gens, je vous le demande.


J’ai donc occupé cette journée à faire des trucs que je ne fais jamais d’habitude, c'est-à-dire acheter des fringues. Deux paires de pantalons, dont un Levi’s, quatre chemises et un gros pull de laine. Total : 54$ et pas un rond de plus. Tout ça au Village des valeurs et ça ne m’a même pas pris dix minutes pour tout boucler. Magasiner me fait chier alors je tente toujours de faire ça le plus rapido possible.

Si vous êtes comme moi et que vous ne voulez pas perdre un temps fou dans les boutiques, voici comment y faut faire:

J’entre dans la boutique (Village des Valeurs toujours et jamais d’autre que celle-là), je me dirige vers le rayon des chemises et je laisse aller mon instinct guider ma main... celle-là... celle-là....celle-là... et puis celle-là. Je les cueille comme des tomates mûres et je continue ma route sans regarder en arrière. Ce qui est choisit est choisit et faut pas commencer à hésiter sinon t’es mort et tu deviendras très vite comme n’importe quelle bonne femme et tu passeras le reste de la journée à te demander si la vert lime vaut mieux que la rouge pomme. Faut pas se poser ce genre de question. Lime ou pomme, on s’en criss. Prends ta chemise et poursuis ton chemin jeune homme ! Va et ne regarde pas en arrière sinon tu deviendras une bonne femme.

Pour les pantalons c’est drôlement plus compliqué qu’une chemise, mais si tu suis bien mes conseils, tu y arriveras comme un grand. D’abord faut savoir que les pantalons et les chemises, c’est très différent. En effet, il n’y a que trois tailles possibles pour les chemises : petit, moyen et large. Mais pour les pantalons, ça se joue sur un autre tableau de mesure et c’est vraiment là que les choses se compliquent. On parle d’une échelle qui va, je crois, de 0 à 1000 et il faut vraiment savoir quel est le chiffre qu’on t’a donné à la naissance sinon t’es dans la merde et t’auras toujours besoin d’une blonde pour t’acheter tes pantalons. C’est bien connu, les filles connaissent tout dans l’art de deviner les tailles et les chiffres qui vont avec. Moi mon chiffre c’est moyen pour les chemises, 9 pour les chaussures, mais 32 pour les pantalons et je me le suis rentré bien comme il faut dans la tête pour ne jamais l’oublier parce que ce n’est pas demain que je vais avoir une blonde.

32 donc.

En bas de ça, c’est trop petit et en haut de ça, c’est trop grand. C’est fou, mais c’est comme ça et y a rien à comprendre. C’est pour ça que tu ne peux pas les choisir sans t’arrêter, comme pour les chemises. T’as pas le choix d’aller voir les petites étiquettes et c’est là que ça devient chirurgical comme opération. Mais j’ai un truc et mon truc, c’est la boutique Village des Valeurs parce que les pantalons sont tous classés par numéro. De 0 à 1000, sans exception. Du coup, je ne perds pas de temps et je me dirige tout de suite vers le numéro 32 sans avoir à regarder les étiquettes et hop, je pige dans le tas les morceaux qui me semble les plus convenables. Une fois la chose faite, je me dirige à la caisse, je paie et je décriss vite fait bien fait. Temps accordé à l’achat à partir du moment où je suis entré dans la boutique et jusqu’au moment où j’en suis sorti ? 12 minutes 34 secondes ! Oui monsieur ! Essaie de faire ça avec ta blonde pour voir, tu m’en reparleras.


Je n’essaie jamais les articles que je vais acheter parce que les cabines d’essayage ont toujours des portes qui laissent voir les pieds des gens qui sont dedans. J’sais pas pourquoi, pour économiser sur le bois peut-être, mais ce n’est pas une très bonne idée si vous voulez mon avis. Du coup, les gens du dehors voient tes mollets et ça me tue grave de savoir que des étrangers me scrutent les mollets pendant que je suis de l’autre côté, en bobette, en train de me battre pour essayer d’enfiler un pantalon. Je suis du type très prude au niveau du mollet et forcément, d’être obligé de l’exhiber malgré moi, ça m’angoisse. Ça prend vraiment des malades pour scruter les mollets des étrangers dans les cabines d’essayage et je me demande bien pourquoi on laisse des gens comme ça en pleine liberté et avec droit de vote en plus. À la limite, on pourrait leur foutre un bracelet de sécurité à la cheville, genre GPS et quand on en retracerait un qui s’approcherait trop près d’une cabine d’essayage, Crack! On y ferait débarquer l’escouade de la moralité pour le choper solidement, le vicieux !

- Viens par ici bonhomme ! On a des questions à te poser !


Résultat, il m’arrive souvent d’acheter des trucs qui ne me font pas du tout même si j’ai rigoureusement respecté les règles très strictes des chiffres et des tailles. Quand ça arrive, je les fous dans un coin et quand j’ai le temps, je vais les porter à l’église qui elle va les porter au Village des Valeurs et que je fini par racheter quelques mois plus tard pour ensuite les retourner à l’église. À moi seul, je fais rouler l’économie du milieu des fripes, mais on ne me donne pas un rond en subvention pour ça. Quand je pense qu’on a sanctifié des ploucs pour moins que ça.

Dimanche de cônes

Dimanche 8h22. En fait, il serait 9h22, mais c’est cette nuit qu’on a reculé l’heure. Et c’est ce matin à 8h AM (heure normale) que les génies de la Ville de Montréal ont décidé de débuter des énièmes travaux sur ma rue. Pas demain matin, non. Pas cet après-midi, non. Mais bien ce matin, dimanche, seule ostie de journée où tu peux dormir une heure de plus dans l’année.

J’avais vu apparaître les cônes orange géants sur le trottoir. Je crois que c’était vendredi ou samedi. Va savoir. Il y en a tellement en ville depuis trois ans qu’on arrive à ne plus les remarquer. D’autant plus que depuis trois jours, je ne vois plus rien à cause d’une grippe qui voudrait bien m’assommer, mais qui n’y parvient pas parce que je lui réplique coup pour coup avec des médicaments qui assommeraient un cheval. Mais ma grippe est plus forte qu’un cheval et elle persiste et moi aussi. Qui va gagner? Je ne sais pas, mais en attendant, je suis fuzzé depuis 72 heures et je ne vois même plus les cônes orange.

Et à 8 h précise, voilà-t-y pas que ça se met à klaxonner pareil aux matins d’hiver quand les déneigeuses s’apprêtent à se manger des bancs de neige.


Je me suis donc levé de peine et de misère et je me suis habillé. J’étais couvert de sueur comme il arrive souvent quand on a la fièvre. De fait, mes draps étaient littéralement humidifiés par une nuit complète de combat contre cette foutue grippe. Dans le miroir de la salle de bain, mon visage blême me renvoyait un avant-goût d’agonie. Mon teint hésitait entre le blanc sépulcral et le vert caca d’oie. Mes yeux calleux se perdaient tout au fond de mon visage et se cerclaient d’une intense couche de peau noirâtre. J’avais mal aux pupilles juste à voir ça. Du coup, je ne me suis pas attardé plus longtemps à ces choses déprimantes et je me suis dirigé à l’extérieur, clés de voiture en main tout en retenant une forte envie de chier. Une équipe de cols bleus étaient là, occupés à caresser les cônes en groupe. Je crois qu’ils s’amusaient à leur donner des prénoms. On aurait dit une bande de doux demeurés sortis d’un centre de réhabilitation pour personnes ayant connus de graves problèmes sociaux affectifs. Ce qui semblait être le chef du groupe tenait dans sa main un long manche relié à une roue qui lui servait à mesurer les distances entre chaque cône. Il semblait drôlement fier de son jouet et ne cessait justement de mesurer les distances entre chaque cône. Mais pas seulement. Car il le faisait aussi entre le cône et la bouche d’égout ou entre une pierre et une canette de coca écrasée. Ça l’occupait gravement. Le reste de l’équipe était composée de deux grosses madames dans la cinquantaine qui parlaient comme des vendeuses de club-sandwichs d’Hochelaga-Maisonneuve. Elles alignaient les cônes sur le bas-côté de la rue et pour être bien certaines qu’ils seraient bien droits, elles se servaient d’une longue corde jaune qu’elles passaient par l’ouverture des poignées situées sur le dessus des cônes. Leur opération semblait des plus scientifiques et à voir le sérieux avec lequel elles procédaient, on ne pouvait que se dire que le sort du monde et des ses banlieues dépendaient de la précision de leur manipulation. À Cannes cette fin de semaine, et en prenant une pause sur les problèmes de la Grèce, le G20 a très certainement dû consacrer une heure ou deux de ses travaux sur le périlleux exercice de la manipulation des cônes oranges prévu sur la rue Iberville pour ce dimanche 6 novembre. En tout cas, c’est ce que je me suis dit en les regardant travailler. Mais je ne suis pas une bonne référence. À cause de ma grippe, vous savez.

Les deux autres qui complétaient l’équipe étaient, d’une part, un jeune postado dont le dossard jaune lui était manifestement trop grand. Son dos monstrueusement voûté et son regard vide planté dans des yeux porcins me laissaient croire qu’il venait de passer les deux dernières années de sa vie à se masturber très fort en pensant à sa directrice du programme «société et vie communautaire» donné dans son centre de réhabilitation évoqué un peu plus haut. Ou en tout cas, c’était quelque chose de pas très net. Puis finalement, cet autre type, plus long que grand, et dont le crâne rasé laissait deviner un camouflage désespéré pour masquer une couronne de cheveux dont la fine repousse laissait voir qu’elle lui ceinturait stupidement la tête. Il y a des gens ici bas qui ne comprennent pas que ce n’est pas donné à tout le monde de se promener avec un crâne rasé. Ça prend la tête adéquate pour aller avec le crâne. À la limite, on porte une casquette ou un foulard, mais de grâce, on ne se rase pas la tête quand on sait qu’on a en dessous un crâne qui ressemble à un gland qui aurait été malade du typhus.


Je vais voir le type qui poussait sa petite roue pour m’informer de ce qui se passe. Il tient dans son autre main une planche à pince sur laquelle déborde une paperasse colorée et griffonnée de notes. Il dit Je pour m’expliquer la chose; je comme dans «Je suis sur la rue Iberville jusqu’au 12 janvier mon cher monsieur» Forcément, et quand la construction de la phrase l’exige, il utilise aussi le J apostrophe, comme dans «La semaine dernière, j’étais sur la rue Chapleau». Autrement dit, les cônes, les travaux de réfection, la ville de Montréal, le pont de la 25, l’échangeur Turcot, le ministère des Travaux publics, tous les chantiers routiers, Tony Accurso, c’est lui. Très fier, il m’explique même que les caméras de TVA étaient là hier après-midi, près du deuxième lampadaire à gauche, avec le maire d’arrondissement pour parler du chantier. Drogué de Advil Extra Fort et de Vitamine C, je l’écoutais à moitié fasciné et à moitié somnolant, pas tout à fait certain de partager la même réalité que la sienne. Il y a 10 000 ans, et pour la survie de la tribu dont les bouches à nourrir étaient scrupuleusement comptées, on bannissait à coups de pierres ce type d’individu dont la seule fonction consistait à gaspiller de la précieuse nourriture. C’était le bon temps. Derrière lui, les grosses madames prenaient à bras le corps les cônes géants et valsaient sur la rue Iberville tout en houspillant contre les résidents du quartier qui tardaient à déplacer leur voiture. Le type au crâne de gland les regardait sans trop savoir comment aider et le jeune postado à la libido exacerbée contenait tant bien que mal son envie de se branler en occupant ses mains moites à replacer son dossard trop grand. Voyant que la voiture de A... ma voisine était toujours garée, je me suis dit que ça ne serait tout de même pas con de la réveiller pour ne pas qu’elle se mange un ticket de contravention. Tak! Tak! Tak! Tak! Quatre coups de clé dans la fenêtre de sa porte d’entrée. Ça fait plus d’effet qu’une sonnette le dimanche matin. Car c’est bien connu, les seuls qui sonnent à la porte les dimanches matin ce sont les témoins de Jéhovah et ça ne vaut vraiment pas la peine de se lever pour ça. Mais une clé dans la fenêtre, alors là, c’est du sérieux.

Voilà donc A... en pyjama sur son balcon et qui se réveille en constatant le bordel sur sa rue et qui se trouve aussi à être la mienne quand on y pense, puisque nous sommes voisin-voisine. Je lui explique rapidement que les zoufs qui sont là vont te-me-la remorquer si elle ne bouge pas sa voiture bientôt et que bon, y a rien à faire contre eux puisqu’en 10 000 ans, ils ont eu le temps d’instaurer un genre de démocratie et que la lapidation préventive pour la survie de l’espèce n’est plus permise par la loi et qu’on se demande bien pourquoi d’ailleurs. A... ne fait ni un ni deux et émet à voix haute un questionnement des plus pertinent. «C’est quoi c’t’ostie d’bordel sacrament! On a jamais été avisé!» Le chef, celui qui a évité à 10 000 ans près le bannissement, la main tenant toujours le manche de sa roue, reste un peu perplexe devant cette poussée oratoire. Voyant que celui-ci cherche ses mots, les deux grosses dames s’avancent pour prendre sa défense. «On a placé les panneaux hier soir!» lance l’une d’elles en se gonflant le torse qu’elle avait déjà gros. Mais à 8h un dimanche matin, A... n’est pas du genre à se laisser piler sur les pieds comme on dit. Impériale dans son pyjama bleuté et ses pantoufles en fantex, elle réplique assez joliment «Fuck you! Y avait rien d’indiqué hier soir quand je suis revenue!» Les deux grosses madames ne trouvèrent rien à redire et la scène se serait sans doute terminée là si le chef ne s’était pas cru obligé d’ajouter une réplique qu’il croyait imprenable. S’avançant en faisant toujours rouler sa roue sans même y penser, il dit avec un air de défi : « Ok, voici ce que vous pouvez faire madame. Appelez TVA et demandez-leur si leurs caméras étaient là ou pas hier! » Il y a eu un court moment de silence et j’ai vu dans les yeux de A... quelque chose qui ressemblait à un doute. Suis-je bien réveillée, se demandait-elle sûrement? Baissant le ton d’un degré parce que l’instinct, et même quand il n’est pas tout à fait réveillé, nous dit qu’il ne faut pas gueuler contre un démuni intellectuel, elle répliqua «C’est quoi ton ostie de problème avec TVA?»


Voilà la scène à laquelle j’ai assisté en me réveillant.

samedi 29 octobre 2011

Au Tibet avec M

Été souper avec M. Un resto tibétain sur St-Laurent. Elle sortait de son cours de Qi gong. Et puis hier, c’était son cours de chsais pas quoi de danse brésilienne. Elle se tient en forme non pas par peur de vieillir, mais par crainte de relâchement. Ce qui serait très facile à nos âges. M vit toute seule, comme moi. Nous sommes de la première génération d’adultes à vivre en masse comme célibataires. Plus nous vieillissons, plus nous nous regroupons, nous, les célibataires par choix. J’adore M. En fait non, je dirais plutôt que je l’aime beaucoup. Disons qu’elle devient essentielle à ma survie. Je pourrais passer des heures à l’écouter parler. Et justement, quand elle parle, ses mains s’agitent comme des tapettes à mouches et je trouve ça joli comme tout. On dirait un spectacle de mime sur l’acide. Quand elle rit, elle a tendance à se cacher le visage dans ses mains. Elle m’interrompt toujours quand je parle, mais ce n’est jamais par manque de respect. Je ne m’en offusque plus comme aux premiers jours. C’est juste que j’ai compris avec le temps que son superbe cerveau n’arrête jamais et qu’elle se sent dans l’urgence, par exemple, de me citer un passage d’un livre de Michel Foucault ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Foucault ) alors que je lui parlais de la texture molle des momos que nous étions en train de manger. Vous en connaissez beaucoup de gens vous, qui pourraient citer des philosophes contemporains dans un restaurant tibétain? Passer une soirée avec M, ce n’est jamais triste. C’est peut-être pour ça que j’espace nos rencontres. Je ne voudrais pas que ça devienne une habitude. L’habitude, ça tue. De cette manière, quand je la vois, je suis toujours heureux de le retrouver et je crois bien que c’est réciproque. Ou alors c’est que je n’ai rien compris du tout. Ce n’est plus tout à fait une fille, c’est de plus en plus un socle de bonheur. Un autel de bien-être. Quand on sera vraiment vieux elle moi, je ne crois pas que je la laisserai vieillir toute seule. Sans doute chercherais-je à me rapprocher d’elle. Ou alors je pèterais la gueule au vieux qui sera avec elle. J’sais pas. Ça dépend de nos choix de vie comme on dit. Comme elle est un peu plus vieille que moi, forcément, il y a plus de chances que le mec qui sera avec elle sera aussi plus vieux que moi. Du coup, ce sera la première fois de ma vie que je pourrais péter la gueule à un plus vieux. Y a au moins ça de bon dans l’idée de vieillir. Quand t’as 70 ans, c’est plus facile de péter la gueule à un mec qui en a 75. C’est bien connu et y a un tas de livres très sérieux qui parlent de tout ça avec des graphiques très complexes. Je ne sais plus lesquels, mais en tout cas, c’est imprimé quelque part. Ce n’est pas comme quand t’en as 10 et que l’autre en a 15. C’est la relativité du temps qui veut ça. Ou alors la relativité des muscles. Va savoir. Enfin bref, je voulais juste dire que j’aime beaucoup M malgré qu’on a pas encore 80 ans et qu’elle danse le swing au bar les Bobards et que moi je ne fais qu’en dégager l’odeur. (le swing... dans le sens de...)

mardi 18 octobre 2011

Journée off

Mousse Café, sur Beaubien.

Il doit être environ midi


J’ai pris off aujourd’hui. Demain aussi d’ailleurs. Je travaillerai ce weekend à la place. Petit down passager. J’avais besoin de venir ici et de me prendre un allongé en regardant Miss Mousse aller et venir d’un client à l’autre. Miss Mousse porte ses courbes de belle manière. Quand elle marche, son décolleté fait des vagues comme une mer agitée et c’est fantastique. Ça donne envie de devenir marin et de partir naviguer de ce côté là, question de se prendre une marée haute en pleine gueule.


Devant moi, un monsieur est concentré sur son journal. Sa main droite sur l’anse de sa tasse de thé refroidie, sa gauche sur le dessus de la table. On dirait une statue de chair. Son crâne est dégarni et un pâle reflet de lumière vient glisser dessus. Le reste de sa tête est couronné d’une mince chevelure poivre et sel en forme de fer à cheval. Il porte une paire de lunettes bon marché. Monsieur moyen avec une tête moyenne vêtu d’une chemise moyenne.


Je cherche Miss Mousse des yeux. Elle a disparu. À la place, sa collègue est derrière le comptoir et prépare les sandwichs. Un mec, nouvel employé, fait le service aux tables. Il n’est pas encore habitué puisqu’il me demande encore si j’ai besoin du menu. Ah! Revoilà Miss Mousse! Elle était en pause. J’aime mieux ça. Le monde entier respire mieux.


À deux tables de moi, trois clients parlent depuis une bonne heure. Deux messieurs et une dame. La dame me fait dos et ses amis me font face. Ils boivent des verres d’eau après avoir mangé des paninis et des salades. L’un d’eux est prof. C’est celui qui a les cheveux qui tirent sur le blanc. Si je le sais, c’est qu’il ne cesse de le dire à ses deux complices de table.


J’ai envie de fumer. Je vais et je reviens. Ne partez pas. De toute manière, Éric s’en vient. S’il arrive et qu’il me cherche, dites-lui que je suis juste à côté, en train de fumer.

lundi 17 octobre 2011

Il était une fois, en 1982...

Automne 1982. Une classe de théâtre au Cégep. Une bande d’amis qui se crée instantanément. J... était du groupe. Pendant toute l’année qui suivra, et aussi l’autre d’après, on va devenir une superbe équipe qui écumera les bars et qui apprendra un peu maladroitement à devenir des adultes. Ou du moins, à devenir quelque chose qui se rapprochait de ça. C’est l’époque glorieuse du bar Le Hasard sur la rue Ontario et de la taverne Le Cheval Blanc qui se trouve juste côté. U2 domine l’horizon sonore planétaire. Reagan est au pouvoir au É.U. et John Lennon est encore mort depuis deux ans. Puis le temps et les chemins de traverse commenceront à disperser un à un les membres de cette sympathique meute. J... restera présente un peu plus longtemps que les autres et elle et moi, on viendra même à deux doigts de former un couple. Même qu’elle m’avait accompagnée au réveillon de Noël chez mes parents, ce qui n’est pas peu dire. Elle traversait sa période postpunk, c'est-à-dire qu’elle avait un maquillage emprunté à celui du raton laveur et sa chevelure avait un je ne sais quoi qui rappelait un pot de fleurs. Mais c’était l’époque.

Après? Après ça devient un peu flou. On se voit encore, mais de moins en moins avec quelques coups de téléphone de plus en plus espacés avec une rencontre inopinée sur Mont-Royal. Elle poussait un landau avec un bébé dedans. Il dormait. Je passais par là; elle aussi. Le hasard comme on dit. Je me souviens qu’il faisait beau, mais je ne pourrais pas dire si c’était en avril ou en septembre, ou encore en mai ou en juillet. C’était une journée avec du soleil et elle poussait un landau. Je ne me souviens plus de ce que l’on s’était dit. On avait surement parlé du bébé, celui qui dormait dans le landau. Sans doute aussi avions-nous cherché à avoir des nouvelles de l’ancienne bande. Mais je me souviens surtout qu’elle avait les yeux scintillants comme toutes les jeunes mamans et qu’il faisait soleil. Mais ça, je l’ai déjà dit. Puis, le temps de se retourner et 17 années passent.

Un message sur Facebook. Un nom immergeant d’une autre époque. Forcément, un coup de téléphone s’en est suivit avec au programme, un café retrouvailles. Le rendez-vous était pour 15h30 vendredi dernier au coin de Rachel et Marianne. Elle travaille à côté et c’était plus simple comme ça. Se donner un point de rencontre par téléphone après 17 ans, c’est une chose compliquée à faire. Mieux valait un coin de rue facile à repérer et choisir la table de café après. J’étais là à 15h20, coin Rachel et Marianne. Mais il s’est mis à pleuvoir et je n’avais pas de parapluie. Je n’ai jamais de parapluie sur moi. Même quand il pleut et encore moins quand il fait soleil. Forcément. C’est gossant un parapluie. Ça tient le bras en otage et en plus ça ne fait pas joli du tout. Alors du coup, j’ai été me réfugier dans ce Café juste à côté. Sur la terrasse, de larges parasols protégeaient les clients de la flotte automnale. On avait le droit d’y fumer sans risquer de se faire mettre en prison. Une aubaine en ces temps de rectitudes politiques. J’ai téléphoné à J... pour lui donner l’endroit où je me trouvais et je me suis mis à l’attendre officiellement. Dans ma poche, j’avais un petit livre que je venais d’acheter dans un bazar. Un livre d’histoire que j’ai payé 75 sous. De seconde main, il va sans dire. Ça parlait de Napoléon du temps de l’exil. J’en connais un brin sur le sujet, mais c’est toujours bon de réviser ses leçons. Le temps de lire l’avant-propos et elle s’est pointée.

Je ne suis pas du genre tactile et je n’aime pas trop toucher les gens. J’sais pas pourquoi. Ça doit être biologique. Ou alors c’est mon alimentation. Allez savoir. C’est vrai que je mange trop de viande rouge ces temps-ci. Mais bon, la serrer dans mes bras n’a pas été une corvée. Même que ce fut fait deux fois plutôt qu’une. T’as pas changé, que je lui ai dit comme ça, dans le creux de l’oreille et en respirant ses cheveux. Toi non plus, qu’elle m’a répondu en me gratifiant d’une caresse dans le dos.

14 octobre de l’an de grâce 2011. Café machin chouette dont j’oublie le nom. J’ai devant moi une amie que je n’ai pas revue depuis 17 ans. Elle n’a pas vraiment changé. Ou peut-être a-t-elle beaucoup changé, mais je ne vois rien d’autre que la même fille de 1982, pot de fleurs et raton laveur en moins. On parle avec une facilité qui, pour les témoins du hasard, laisserait penser que nous sommes frère et soeur ou encore les meilleurs amis du monde ou encore un couple. Non, pas un couple. Un couple dans un café ne parle pas autant. Pourtant près de 20 ans d’absence viennent de passer. Une vie tout entière sépare ce café-ci du dernier que nous avions partagé. On parle sans arrêt. Elle n’est plus avec lui, et moi je ne suis plus avec elles. Son fils a 17 ans et ma fille a 23 ans. Ses parents sont au ciel et les miens sont en Suisse. Elle bosse dans une commission scolaire et moi dans une entreprise d’État. Dans ses temps libres, elle fait chocolatière artisanale et dans les miens, je ne fais rien du tout. Ou alors je déprime et ça m’occupe à temps plein. Pourquoi, qu’elle me demande.

J’sais pas. C’est comme ça, que je lui réponds. Peut-être à cause de la fonte des glaciers. Va savoir. Ou alors mon alimentation. C’est vrai que ces temps-ci, je mange beaucoup de viande rouge.

Il n’y a aucun malaise entre nous. On reprend la conversation exactement là où on l’avait laissée la dernière fois. Je postillonne deux ou trois fois et je ne suis même pas mal à l’aise parce que je sais que je ne suis pas obligé de bien paraître. Après tout, on s’est vu tout nu souvent même si ça fait longtemps. Je peux bien postillonner si j’en ai envie, elle ne m’en voudra pas. Même qu’avec elle, et même si ça fait 300 ans depuis notre dernière rencontre, je pourrais bien avoir un machin de pogné dans les dents qu’elle ne s’en offusquerait pas. Elle dirait simplement, «t’as un machin de pogné dans les dents» et ça ne changerait rien à rien. Retrouver son ancienne meilleure amie, c’est comme retrouver un membre de sa famille. J... est probablement ce qui pour moi, s’est rapproché le plus d’une soeur. Une vraie je veux dire. On se confiait tout et on n’avait pas de cachette l’un pour l’autre. Même qu’avec elle, je pouvais avoir des conversations de filles que ça ne me dérangeait pas. Quand elle avait des peines d’amour, c’est à moi qu’elle en parlait et vice versa. Quand on dormait ensemble, on devenait amants pour les heures de la nuit et le matin, on redevenait les meilleurs amis. Si l’on pouvait connaître depuis 28 ans toutes les 3 milliards de femmes de la planète, qu’est-ce que la vie serait facile!

Il pleut et le jour fait place à la soirée. Nous sommes désormais seuls sur la terrasse. Je fume encore, elle ne fume toujours pas. Elle n’a pas pris un kilo en 17 ans, ni moi non plus. Même que j’en ai perdu. Y a pas de gloire à ça. Ça vient avec les échecs de la vie. On reste maigre quand on est malheureux. Le fatalisme, c’est la cure miracle pour ne pas devenir gros. Tous les obèses de la planète devraient devenir tristes au lieu d’être contents de manger des chips. Ça les aiderait un peu à perdre du poids.


T’as des nouvelles de G...?

Il est mort. Même pas d’un suicide ou d’un accident. Il est juste mort normalement d’un arrêt cardiaque. À 44 ans. Quelle drôle d’idée!

Et puis P...?

Il vit dans la vallée de l’Okanagan depuis 15 ans. Mais toi, t’as des nouvelles de Miss Nunuche?

Non. Et toi, t’as des nouvelles de Machin?

Non. Et toi, t’as des nouvelles de Truc Muche?

Non. Et toi, t’as des nouvelles de Tartempion?

Non. Et toi, t’as des nouvelles de C’te-gars?

Non. Et toi, t’as des nouvelles... etc.

Elle avait un parapluie. Ça tombait bien parce qu’il pleuvait et que nous avions décidé d’aller manger. Il fallait donc confronter la flotte avant de confronter le premier menu de restaurant. Elle est beaucoup plus petite que moi alors forcément, c’était à moi de tenir le parapluie. Je l’ai tenu de manière à nous protéger tous les deux. Autrement dit, j’ai mis mon bras autour de son épaule et elle, elle a passé son bras autour de ma taille en se collant la tête contre mon épaule. Du coup, je me suis revu 20 ans plus tôt, mais avec des cheveux en moins et une légère douleur permanente dans le dos. Sans parler des taches de blanc dans ma barbe. Résultat probable de mon alimentation. Trop de viande rouge. Mais comme je ne suis pas tactile, j’ai dû faire un léger geste de panique quand elle m’a passé le bras autour de la taille parce qu’elle a dit : ça va aller. On se connait tellement qu’on ne va pas se priver.

C’est quand même chouette la vie parfois, quand on parvient à oublier la fonte des grands glaciers et les trous dans la couche d’ozone. J’étais bras dessus bras dessous avec une fille qui m’a connu du temps où je n’étais même pas papa. Une vie est passée après. On se retrouve et on se colle comme avant. Ou enfin, pas vraiment parce que je souffrais déjà de tactilophobie à l’époque. Mais de loin ou de proche, le même imbécile de témoin du hasard que tantôt aurait dit cette fois que nous étions vraiment un couple.

On s’arrête.. (La partie qui suit est censurée)

...

...

J’ai opté finalement pour le Notarpanaro 2004. Italien. + ou - 20$. Un fucking bon vin pour le prix. Non attendez, mieux que ça : Le meilleur achat pour un vin à 20$. Ni plus ni moins.

Sortant de là, on a fait quelques pas et on est entré dans le premier resto sur notre chemin. Italien le resto. Chez ch’sais pu qui, mais ça se terminait à «O». Edurardo? Alphonso? Benito? Bah, chez un de ceux-là.

On a parlé, et parlé, et parlé, et parlé pendant au moins 4 heures. Je n’ai même pas été fumer une seule fois. Je n’y ai même pas pensé. La serveuse était très sympa malgré son bras tout tatoué que c’est-t-y pas un gâchis de la vie que de voir de jolies filles se massacrer l’épiderme comme ça. On a mangé des pâtes et on a vidé la bouteille. Moi surtout parce qu’elle n’a bu que deux coupes. Tu te souviens que t’es venue passer le réveillon de Noël chez mes parents ? Si je m’en souviens, qu’elle me répond avec le grand sourire ! J’ai même couché là.

Nous avions donc couché ensemble dans la maison de mes parents du 23 décembre au soir jusqu’au 24 au matin! Je ne m’en souvenais plus. Enfin, c’est logique quand on y pense. Je n’avais pas bagnole et elle non plus. On n’allait pas la foutre à la porte même si elle était maquillée comme un raton laveur dans le plus pur style milieu des années ’80. Elle adorait Nina Hagen, l’avais-je dit?

Ce qui me fait dire que décidément, nous formions presque un couple. Ou alors c’est que je ne comprends plus rien à rien. Pourtant, je ne l’ai jamais «listée» dans mon palmarès des filles avec qui j’ai été en couple. On a vraiment eu une période où nous étions ensemble, qu’elle m’a dit entre la salade et le plat principal.

    • Vraiment? Merde, je me souviens que nous partagions des jours et des nuits, qu’on s’est vus tout nu souvent, mais en couple? Vraiment? On a pourtant jamais fêté une date de début d’union ni connu le drame obligatoire de la rupture il me semble, non?
    • Non. C’était comme ça, juste bien d’être ensemble sans se poser de questions.
    • Fuck! Nous étions drôlement matures pour notre âge. Mais attends, quand on couchait ensemble, c’était quand tu avais ton appart du quartier Petite Patrie non?
    • Non, c’était avant.
    • Attends, j’ai couché avec toi dans ce logement là.
    • Vraiment? Non, tu te trompes.
    • Pas du tout. C’était pendant mon époque É..., cette relation qui se brisait le vendredi et qui recommençait le lundi. Je me souviens, tu vivais toute seule et un soir, tu avais vu un mec qui t’espionnait sur ton balcon. Tu m’avais appelé même si on avait pris un peu de distance. J’y suis allé passer quelques nuits pour te protéger en dormant tout nu avec toi. J’ai toujours eu l’âme du défenseur dans ce genre d’occasion. C’est un peu après ça que tu as sorti avec ce type dont j’oublie le nom.
    • Ouiiiiii.... !! Ça me revient maintenant !! Mais aussi un peu avant, à l’époque de ton appart de la rue Sherbrooke.
    • Vraiment?
    • Vraiment!
    • Je me souviens que j’ai couché avec toi quand tu habitais sur la rue Christophe Colomb, mais la rue Sherbrooke...
    • Tu ne te souviens pas?
    • ...heu...

À la fin du repas, je commençais à être un peu pompette et nous avons donc marché sur la rue Mont-Royal jusqu’à chez moi. Je l’avais prévenue que mon logement était en bordel. Mais elle a aimé, disant qu’elle y ressentait la même ambiance de la rue Cherrier ou Sherbrooke. Oui bon, je l’ai pris comme un compliment. Je suis le seul presque cinquantenaire qui se tape encore un appart étudiant. Et avec sa fille en plus!

Je me suis fait un café pour décanter et après avoir regardé les photos de ma fille sur le mur, elle s’est assise sur mon sofa et moi sur le plancher. Comme quand on avait 20 ans. Voyage dans le temps. Tous les autres, sauf M... sont morts ou sont devenus des fantômes sur des photos jaunies. Il ne reste que nous trois, mais tu n’as pas encore vue M... Ça viendra. Nous sommes restés les mêmes ma vieille. T’es chez toi ici et ma poussière de plancher est la tienne aussi. Je n’ai même pas à m’excuser du bordel même si t’es une fille. Tu viens quand tu veux.

Après le café, j’ai été la conduire chez elle à Brossard. Ce n’est pas de sa faute. Elle a hérité de la maison après le décès de ses parents. Une belle maison, deux étages avec un ado de 17 ans dedans qui sortait de la douche. Elle m’a présenté à son fils. Moment privilégié dans une amitié dont le silence a le même âge que cet enfant. Un sympathique ado. Très allumé, très gentil. Très mignon. Petite gueule d’ange avec un amour évident pour sa maman. Mon amie. C’était le bébé du landau du temps jadis.

mardi 15 février 2011

Deux aveugles...

Temps exécrable aujourd’hui. Je roulais sur le boulevard Iberville en direction de ce café où m’attendait É... et même si nous n’étions qu’en plein après-midi, la circulation se faisait de parechoc à parechoc. La chaussée était glissante par l’accumulation de neige combinée à l’absence d’épandage de produits abrasifs. Sur les trottoirs par contre, les piétons semblaient se démerder un peu mieux. Même l’aveugle que je venais de croiser et qui remontait en direction Nord semblait en parfait contrôle de son déplacement. Sa canne blanche balayant frénétiquement de gauche à droite comme pour chasser des mouches imaginaires, le pas incroyablement assuré malgré les conditions difficiles, le type n’en marchait pas moins sans problème apparent. Mais voilà qu’à peine rendu au coin de rue suivant, je croise un autre aveugle qui cette fois allait dans la direction contraire, c’est à dire vers le Sud. Et je me suis demandé comme ça quelles pouvaient bien être les probabilités statistiques que deux aveugles marchant sur la même rue mais en sens contraire puissent se percuter l’un contre l’autre? Je ne connais pas la réponse mais je me doute bien que cette possibilité est de l’ordre de 1 fois sur je ne sais pas combien de milliers, voire de millions. Et pourtant, toutes les conditions étaient en place pour qu’un tel phénomène se produise dans les minutes qui allaient suivre. J’aurais bien aimé voir ça, question de pouvoir me vanter qu’une fois dans ma vie, j’aurai été témoin d’une telle cocasserie du hasard. Mais je montais vers le Nord et la chose allait se produire derrière moi, un peu plus bas vers le Sud. J’étais passé par là juste un peu trop tôt.

mercredi 9 février 2011

Une approche un brin sectaire.

Censuré

dimanche 6 février 2011

Huile d'olive

J’ai été retrouvé M... en début d’après-midi. Elle avait sorti un sofa d’appoint sur sa terrasse et lisait la grosse Presse du samedi quand je suis arrivé. Pareil comme si c’était l’été même s’il ne faisait que - 3 degrés. Mais avec le soleil, c’est vrai que nous étions bien.

À ses pieds, un gros chat gris couché sur le côté et qui ne se faisait pas chier. Il prenait aussi du soleil, mais se crissait complètement des cahiers de La Presse. On ne sait pas d’où il vient ce chat, mais il est comme chez lui sur la terrasse de M...

Moi aussi je suis chez moi sur sa terrasse, mais je n’irai jamais me coucher sur ses journaux. J’ai plus de classe que ça.

J’ai aussitôt retiré mon manteau en ne gardant que mon pull de laine troué qui me donne toujours des remarques sarcastiques de M... qui ne comprend pas ma fixation pour mes vêtements troués.

Ce n’est pas une question de fixation, mais de confort.

Les filles, faut toujours tout leur expliquer.

Je me suis fait un café que j’ai bu avec elle, mais sans en donner au chat qui s’en crissait complètement de toute manière. Il venait de se tourner sur le dos.


On devait aller voir une expo et acheter de l’huile d’olive. Comme nous nous sentions tous les deux un peu paresseux, on a laissé tomber l’expo pour se concentrer uniquement sur l’huile d’olive.

Pour s’y rendre, on a pris la voiture à M... qui est très chouette parce qu’elle a des sièges chauffants. J’adore me faire chauffer le cul en voiture, même l’été. Ce qui fait toujours réagir M... qui ne comprend pas ma fixation pour ses sièges chauffants. (sans parler qu’elle va encore me faire remarquer que j’écris sur mon cul.)


C’est une dame fort sympa qui vend ces produits en importation privée. Elle fait ça un peu par passe-temps et beaucoup par passion. Ça vient d’un petit village d’Italie où elle a habité pendant quelque temps. Elle nous a tout expliqué ça, mais je n’écoutais pas vraiment. Je voulais juste acheter mes bouteilles et crisser mon camp.

Je souffre parfois d’insociabilité sévère. Ça me prend comme ça, sans prévenir. C’est con parce que la femme et son mari étaient vraiment gentils et racontaient des trucs très intéressants.

Il y avait un piano droit dans le salon et aussi des étuis à violon, je crois. Des tableaux aux murs, des meubles en bois, des livres, des CD de musique, des dessins d’enfants accrochés ici et là. Petite famille modèle dont on devine facilement que les enfants ne finiront pas leur vie en prison.

Je ne sais pas pourquoi j’ai remarqué ça, mais le mari parlait lentement en te regardant droit dans les yeux tout en souriant.

Ça m’a marqué.

Je n’ai pas demandé ce qu’il faisait dans la vie, mais je dirais qu’il est psy ou quelque chose comme ça.

J’ai acheté deux bouteilles et six pour M... qui voulait en donner à sa famille. M... achète toujours plus pour en donner à tout le monde.


En revenant chez elle, le chat n’était plus là. On en a profité pour sortir ma paperasse de passeport pour que M... se porte garante de ma personne et jure sur son honneur de M... et de son vrai nom sur son passeport à elle qu’elle me connaît et que c’est bien moi le figurant dont la figure figure sur la photo.


Après ça, je l’ai laissée chercher ses billets de théâtre qu’elle ne se souvenait même plus où elle les avait planqué et je me suis dirigé vers une succursale du Nord de la ville pour y laisser un tract de mobilisation et acheter une bouteille au passage. ... (le reste, environ trois paragraphes, est censuré)...

jeudi 3 février 2011

Les mammouths y sont où?

É... le syndicaliste et M... le journaliste sont venus passer la soirée à la maison pour regarder la partie de hockey.

On a à peine regardé le match de hockey.

On a plutôt parlé d’éducation, d’économie, de soins de santé, de guerre en Irak, de celle en Afghanistan, de la révolution du jasmin, de la probable exception marocaine dans ce grand effet domino, de l’histoire en général et aussi de la «non-histoire» dans le système d’éducation québécois.

On a aussi mangé.

Des filets de poisson, du taboulé, des machins libanais que je ne sais même pas comment ça s’appelle, des chips, des fromages, des cornichons.

Tout ça pendant que sur le petit écran de mon ordi que j’avais stratégiquement placé sur le coin de la table, des joueurs de hockey allaient et venaient comme des poules sans tête sur une surface artificiellement glacée.

Dehors pourtant, la tempête de neige venait de cesser après avoir déposé sur le sol 10cm de silence blanc.

Trois Homos Sapiens mâles réunis dans une manière de conclave tribal en attendant que le soleil finisse par nous faire fondre tout ça pour qu’on puisse passer à autre chose.

Trois pères de famille.

Trois destins opposés que rien à la naissance n’aurait laissé prévoir une telle communion.

Il y a 50 000 ans, nous aurions entre nous recréé cette même chaleur fraternelle tout au fond de notre grotte. La seule différence aurait été l’absence de fourchettes et d’assiettes.

Trois cultures différentes, trois degrés d’éducation différents, mais pourtant, cette symbiose masculine qui se crée comme par magie.

Une mutuelle compréhension collective qui s’exprime sans effort et sans mots. Cela est inexprimable, mais l’on comprend sans pouvoir l’expliquer que cela vient de la nuit des temps.

On se sent bien entre potes.

Pour peu, il aurait suffi d’un rien pour préparer notre prochaine expédition de chasse.

Mais où sont donc les mammouths quand on a besoin d’eux?

mercredi 2 février 2011

N’oublie pas surtout, n’oublie pas de montrer ma tête au peuple. Elle en vaut la peine!

Mousse Café après 17h, alors que la ville se vide de ses employés qui retournent dans leur banlieue. Je suis ici pour terminer de rédiger une pétition dans laquelle je glisse des phrases comme : «Attendons après la prochaine négociation pour prendre TOUS ENSEMBLE une décision éclairée sur cette question!». Ou encore: «...nous considérons néanmoins que cette démarche est une erreur stratégique majeure qui pourrait fragiliser notre position face à l’employeur!» Et autres: «Nous nous opposons fortement à une telle argumentation!»

Je ne déteste pas la rédaction de ces textes de combat où le point d’exclamation prend une place importante dans le contenu. C’est chouette un point d’exclamation. Ça donne du tonus à n’importe quelle phrase.


***


À la table d’à côté, une dame d’un certain âge est venue demander mon aide pour utiliser son cellulaire.

- Ils m’ont refilé ce téléphone aujourd’hui et je n’arrive même pas à faire un appel!

Elle devait joindre l’hôpital pour connaître les heures de visites. Malheureusement, et après avoir bizouné dix minutes sur son téléphone futuriste, j’ai été moi-même incapable de trouver la manière de le faire fonctionner. Il y avait bien un écran d’allumé combiné à un clavier virtuel, mais l’ostie de patente envoyait toutes sortes de messages indéchiffrables. Je crois que c’était en langue klingon. Son téléphone semblait tout droit sorti d’un film de science-fiction tellement il y avait d’options. Voyant la serveuse passer, je l’ai interceptée pour qu’elle nous donne un coup de main.


- Tu es jeune toi et ces bidules sont de ta génération, tu devrais pouvoir y arriver.


Mais la serveuse n’y est pas plus parvenue que nous. Ce qui m’a fait rigoler un bon coup.

Moralité : Les nouveaux téléphones cellulaires sont devenus tellement perfectionnés et remplis de tellement de bidules connexes qu’ils arrivent à effacer les écarts entre les générations. En effet, plus personne n’arrive à passer un simple coup de fil.


***


Dans l’après-midi, je me suis tapé une petite tournée des succursales pour


...(environ trois paragraphes censurés après ce passate)...


... comme Danton a dit au bourreau : «N’oublie pas surtout, n’oublie pas de montrer ma tête au peuple. Elle en vaut la peine!» (Notons qu’il existe de nombreuses variantes sur cette fameuse phrase.) Ah! Comme on savait mourir en cette époque trouble de l’humanité :


« Il est 5 heures et demie quand apparaît la place de la Révolution où, devant le jardin des Tuileries, près du piédestal où une monumentale statue de la Liberté a remplacé celle de Louis XV détruite, se montre la sinistre silhouette de la guillotine; les charrettes, fendant la foule, s'approchent de l'échafaud.

Hérault de Séchelles est désigné pour y monter le premier. Il veut, auparavant, embrasser Danton, mais un gendarme s'interpose, sépare brutalement les deux hommes.

Imbécile, lui dit le ministre du 10 août, avec un sourire affreux. Tu n'empêcheras pas nos têtes de se baiser dans le panier ! Danton assiste ainsi à l'exécution de tous ses compagnons; cette fois, il a repris la place d'honneur et sera sacrifié le dernier.

Quand arrive enfin son tour, le quinzième, il a la présence d'esprit de crier au bourreau, auquel il se livre : N'oublie pas surtout de montrer ma tête au peuple; elle est bonne à voir ! Il a seulement un instant d'émotion, et on l'entend murmurer, étouffant un sanglot : Ma bien-aimée! ma bien-aimée! je ne te verrai plus.

Mais, tout de suite, il se ressaisit : Allons! Danton, pas de faiblesse ! et, d'un pas ferme, il gravit les marches...»


Et cet autre descriptif de la même scène:


« Ce jour est si lumineux, si tiède, qu'on le prendrait pour un jour d'été. Dans le poudroiement du soleil, lentes, les charrettes suivent les quais et la rue Saint-Honoré. Au café de la Régence où ils ont fait naguère de franches lippées, Danton aperçoit David qui, un carton sur les genoux, le « croque » au passage. Tordant sa lippe, il le frappe d'un seul mot « Valet ! » Le peintre en restera muet longtemps. Devant la maison Duplay dont la porte et les fenêtres sont closes, qui semble une tombe, et où Danton devine que Robespierre rôde, épiant derrière les volets, il crie, la haine lui soufflant des mots prophétiques.

- C'est en vain que tu te caches, Robespierre ! Tu me suivras ! Ta maison sera rasée, on y sèmera du sel !

Sur la place de la Révolution un enfant charrettes. Le secrétaire des Frey, Diedrichsen monte le premier les dix marches de l'échafaud, puis Delaunay, Bazire, Fabre, Lacroix... A celui-ci, pour adieu, Danton dit :

- Mon ami, si dans le pays où nous allons il se fait des révolutions, crois-moi, ne nous en mêlons pas.

Camille meurt, hagard. Quand vient son tour, Hérault regarde une fenêtre du Garde-meuble où une petite main fait un signe d'adieu. Il veut embrasser Danton. Le bourreau pressé les sépare :

- Tu es donc plus cruel que la mort ? dit Danton. Tu n'empêcheras pas nos têtes de s'embrasser dans le panier.

Le dernier, il monte le degré gluant. Les rayons presque horizontaux du soleil découpent son athlétique silhouette qui reste un instant immobile sur l'échafaud. Il s'attendrit en songeant à sa femme « Ma bien-aimée, je ne la verrai donc plus ! » Mais il murmure aussitôt «Allons, Danton, pas de faiblesse » Et reprenant stature et voix ne se glisserait pas. Les condamnés descendent des souveraines, il commande à l'exécuteur: « Tu montreras ma tête au peuple, elle est bonne à voir ». Sanson lui obéit. Il saisit sa tête par les cheveux et la brandit aux quatre coins de l'échafaud.»

***


J’ai regardé ce soir la partie opposant les Canadiens au Capitals de Washington. Ovechkin n’a que 19 buts cette année. Il est au dixième rang des marqueurs. Pour le commun des mortels, ça serait une performance excellente, mais pour lui, ça équivaut à une saison difficile.

Que se passe-t-il? Comment expliquer cette «faible» récolte de buts?

Je tente une analyse. Elle vaut ce qu’elle vaut.

La nouvelle tendance dans le jeu collectif de la LNH est de jouer à 5 dans les trois zones de la patinoire. Terminé la défensive homme pour homme. Désormais, on attaque à 5 et l’on se repli à 5. Les joueurs comme Ovechkin qui comptaient sur leur habilité à capitaliser sur les espaces de la patinoire restés libres se voient désormais coincés dans un jeu plus hermétique. Il lui est donc plus difficile de se démarquer. Il lui faudra s’ajuster comme l’on fait des joueurs comme Crosby ou Stamkos (qui peut néanmoins compter sur St-Louis pour l’alimenter). C’est la nouvelle réalité de la ligue.


***


N’est-ce pas merveilleux de pouvoir lire des trucs qui parlent en même temps de syndicat, de Révolution française et de hockey? Cherchez-en vous, des blogues comme celui-ci, vous n’en trouverez pas! (point d’exclamation).


***


Pour revenir à la toile d’hier, celle en progression et dont je vous disais que j’en arrachais, et bien voilà, je crois avoir trouvé une idée. Je vais découper le mouvement de manière à montrer le déplacement du personnage. Ça fera drôlement contemporain comme on dit dans les chaumières de Branlette.


- Il y a vraiment un village qui se nomme comme ça???
- Mon ami, même quand tu crois que ça ne peut pas exister, ça existe. C’est comme ça. La vie est remplie de mystères et c’est pour ça qu’elle vaut la peine d’être vécue. Moi, tu sais, sincèrement, j’aimerais rencontrer une fille qui me parlerait de sa fierté d’être née à Branlette et de l’entendre me vanter les spécialités locales.

Donc, ma toile. Je vais te-me-la saucissonner à grands coups de pinceaux bleu blanc rouge pour lui donner une parure déconstruite parfaitement intégrée aux règles de la contemporanéité des choses de l’art.


***


Bon, je crois que c'est suffisant pour ce soir. Je dois me coucher parce que j'ai beaucoup à faire demain.
Bisous les amis.

***
Avant de terminer....

Et parlant des dernières heures de Danton, voici une transfiguration d’Andrzej Wajda tournée en 1983 et mettant en vedette Gérard Depardieu dans le rôle titre. Sans doute l’un des meilleurs films sur la Révolution française.

Dans ces séquences, Wajda nous montre un Danton ferme et résolu malgré un timbre de voix affecté par ses longues et magistrales plaidoiries devant le tribunal révolutionnaire. Un film culte qui nous démontre que Depardieu a déjà été un très grand acteur avant de passer son temps à imiter Depardieu.

http://www.youtube.com/watch?v=69jUnyvJtr8&feature=related

Danton apostrophant David