mardi 12 février 2013

Une journée au boulot


Comme chaque jour, j’avais apporté mon lunch. Lunch que j’avais fait rapidement le matin parce que j’étais à la dernière minute. Riz au saumon un peu fade. Mais c’était oublié que ma collègue Haïtienne travaillait ce soir et quand elle est arrivée, elle m’a dit «Je t’ai apporté à manger mon amour» Ma collègue Haïtienne, elle dit mon chéri, mon amour, mon trésor à tout le monde qu’elle aime. À l’intérieur d’un groupe d’êtres humains obligé de partager un petit espace commun pendant des heures, c’est chouette. Ça donne un petit côté chaleureux à l’ambiance. En lui disant que j’avais apporté mon lunch, elle m’a simplement dit de garder le sien pour la maison et de penser à elle quand je le boufferai. 
Mais quand j’ai ouvert son plat à l’heure du souper, fuck, oublie ça mec! Ça sentait tellement bon! Je bouffe ça tout de suite. C’était du riz avec de la viande recouverte d’une sauce piquante délicieuse. J’ai tout bouffé et j’ai plutôt gardé mon riz à moi pour plus tard. Je lui dis souvent que si elle ouvrait un resto, je serais son client numéro 1. Même que je deviendrais Haïtien à force de bouffer ses plats. 
Ça serait chouette de devenir Haïtien. J’aurais toujours le sourire, même quand la vie me tomberait dessus, et puis je mangerais des trucs qui sentent bon les épices mystérieuses. J’aurais comme ami P’tit Jean Chivas qui est grand comme trois pommes et qui est chauffeur de taxi. On l’appelle P’tit Jean Chivas parce qu’il est petit, que son prénom est Jean et qu’il vient toujours chercher ses petites bouteilles de Chivas. Deux, parfois trois. Des minis bouteilles qui donnent une seule dose. C’est drôle parce que quand il entre dans le magasin, on le voit passer par la porte, mais il disparait dès qu’il traverse les allées parce que les tablettes sont plus hautes que lui. Puis il réapparait à l’autre bout de l’allée quand il s’amène vers les comptoirs-caisses. Toujours souriant, toujours heureux d’être en vie, même quand la vie justement lui tombe dessus. P’tit Jean Chivas a toujours des histoires de taxi à raconter. C’est parfois drôle, c’est parfois triste, mais ce n’est jamais banal. Des petites tranches de vie qui se déroulent dans son taxi. Des drames ou des comédies. Il travaille fort, parfois plus de 15 heures par jour et quand il en a vraiment marre, il passe au magasin, achète ses deux ou trois minis bouteilles et s’en va chez lui pour déconnecter. 

À l’intérieur d’un groupe d’êtres humains obligé de partager un petit espace commun pendant des heures, il suffit parfois d’une seule personne pour foutre l’ambiance à terre. Il y avait celle-là ce soir. Juste à lui voir la gueule, tu sais qu’elle se paie une vie de merde. Pas heureuse la fille, ça parait dans ses traits de visage qui tombent vers le sol. Le genre mégère de village qui passerait son temps à écornifler les voisins et à médire d’eux. Elle parle dans le dos de tout le monde. Raciste, dénigrante, intolérante, peau de vache. Elle marche le dos courbé, les épaules relevées, l’oeil torve, la lippe frétillante, toujours prête à sortir une merde contre le premier qui semble heureux sans son approbation qui, d’ailleurs, ne vient jamais. Elle fut embauchée par l’ancien régime, ce directeur qui se montait une garde rapprochée de délateurs. Le directeur ayant prit sa retraite, sa petite cohorte de faux-culs se retrouve maintenant isolée, pour ne pas dire noyée dans un bassin d’employés qui ont tous goûtés un jour ou l’autre à la médecine de l’ancien régime dont les récriminations furent alimentées par les dires de ces sicaires de bas étage. On s’est un peu (beaucoup) engueulé ce soir. Plus capable d’endurer ses fines insinuations, surtout lorsque ça m’implique. Ce n’était pas très beau à entendre. Mais ce fut tout même un bel exercice de défoulement. Ça faisait longtemps que j’avais envie de me la payer. C’est maintenant chose faite.

samedi 9 février 2013

Beatlemania - Un petit exemple

Réflexions sur les voyages de Jacques Cartier


Février soufflait sa mauvaise humeur sur toute la ville. Cela faisait des rafales de déprimes interminables qui forçaient les téméraires piétons à courber le dos devant la puissance des éléments. Un peu comme ces vieilles endeuillées italiennes qui marchent vers l’autel en se signant cent fois plutôt qu’une, des fois que le Bon Dieu tiendrait un livret de comptabilité. Dans l’habitacle bien chauffé de sa Tercel 1999 toute pourrie, il avait une secrète pensée pour chacun de ces quidams à demi congelés qu’il croisait sur son chemin. Il se disait en effet que tout ça, ces dos courbés, ces morves aux nez, ces glissades catastrophiques sur les trottoirs gelés, ces impossibles déglaçages de verglas sur les pare-brise des voitures, ces engelures aux doigts, ces interminables attentes d’autobus qui ne passent plus quand il fait -30°, ces milliers de tonnes de neige qu’un Québécois moyen va pelleter durant sa vie, cette petite neige assassine qui s’infiltre vicieusement entre ton écharpe et ton collet de manteau et qui va se déposer comme un avant-goût de la mort sur ta peau du cou, ces rhumes, ces grippes, ces toux, ces bactéries d’hiver qu’un inconnu va généreusement te refiler au passage, enfin, tout ça, c’était la faute de Jacques Cartier qui, par on ne savait quelle idée idiote, l’avait empêché de donner trois coups de rame de plus pour se rendre plus au Sud. Pourquoi s’était-il contenté de planter sa putain de croix de bois à Gaspé plutôt qu’à Orlando? Bien sûr, c’était un 24 juillet et ce connard de première avait sans doute pensé que ce confortable climat estival était le même 12 mois par année. Un ratage total se disait-il alors qu’il roulait lentement sur la rue Iberville et qu’il croisait bien au chaud dans sa toute pourrie Tercel ses concitoyens usagers du transport en commun déficient. 

Il s’arrêta tout de même au Mousse Café pour se prendre un espresso allongé. Un incontournable pour débuter sa journée avant de se rendre au boulot. En sortant de la voiture - qu’il laissa en marche pour ne pas perdre sa chaleur - il grogna instinctivement contre le froid qui le mordit dès lors que son corps fut en contact avec la réalité extérieure. Sans même se soucier du fait qu’il parlait seul, il dit haut et fort : «Ostie de tabarnak de saint-ciboire d’ostie de d’sacrament de câlisse de tabarnak d’ostie d’hiver de cul!» Bien que cela n’augmenta en rien le degré de la température ambiante du moment, cela lui fit néanmoins un certain bien. Il aurait aimé que les voyages dans le temps eussent été possibles pour avoir le plaisir une fois dans sa vie de tenir Jacques Cartier bien comme il faut entre ses mains et de lui crisser une bonne droite dans l’front.  Après quoi, et une fois l’historique découvreur allongé sur le sol recouvert de neige - et parce que c’était quelqu’un qui détestait les tâches à moitié complétées - il l’aurait volontiers achevé à grands coups de talon sur la gueule, question de lui apprendre à naviguer un peu plus vers le Sud la prochaine fois.

mercredi 6 février 2013

Louisville Slugger


À lui seul, j’estime qu’il nous a volés pour au moins $3,000.00 depuis les derniers mois. Il a toujours le même modus operandi. Il attend le moment dans la soirée où il y a plusieurs clients alors que nous sommes tous occupés. Il dépose son sac à dos sur le plancher, va-et-vient autour de la rangée des vodkas, se tape 4, 5, 6 et parfois jusqu’à 10 bouteilles de Grey Goose qu’il revient déposer dans son sac laissé un peu plus loin. Sur les vidéos, le mec ressemble à une couleuvre. Il fait ça en douceur, sans se presser, fluide dans ses mouvements et assuré dans sa démarche. Le truc qui fait que tu ne le remarques pas, c’est que contrairement au voleur conventionnel, il ne reste pas planté devant son objectif. Au contraire, il est toujours en mouvement, allant et venant d’une allée convoitée jusqu’à son sac à dos. Pendant son action, il ne regarde même pas en direction des comptoirs-caisses. T’as beau l’avoir vu des dizaines de fois sur les bandes vidéo, quand il s’infiltre dans le magasin, tu ne le remarques pas. C’est une ombre le mec. Le seul moment où il va regarder en direction des collègues, c’est lorsqu’il a terminé ses «emplettes». En fait, il observe le mouvement de la clientèle et attend que toutes les caisses soient occupées pour s’évaporer comme un nuage de vapeur. 
C’est son métier le mec. Il vol pour revendre. Il est doué, expérimenté et connaît nos vas et vient et jamais il ne se pointe quand la succursale est vide. C’est toujours autour de 17 ou 18h, juste avant l’arrivée du gardien de sécurité. Parfois un peu plus tôt, parfois un peu plus tard, quand justement l’agent de sécurité est en pause. 
Il nous observe du dehors l’enfoiré. 

Avant les fêtes, nous étions en écart négatif d’environ 80 bouteilles de Grey Goose en un seul mois. Je ne dis pas qu’il en est le principal responsable, mais j’estime que près de 75% des vols de ce produit (au demeurant, surévalué) est de lui. Il ne sort jamais sans au mois 4 bouteilles dans son putain de sav et certaines semaines il nous gratifie d’au moins deux visites. À $46 la bouteille, oui, mon estimation de $3,000.00 est possible. 

Mais ce soir, hou là là!! je l’ai vu rentrer et je l’ai reconnu. L’ostie d’enculé, j’ai voulu me le payer. Je suis retourné dans l’entrepôt et j’ai avisé les collègues que notre voleur était là. Mais outre mon collègue dont j’ai parlé hier et qui se la joue un peu égoïste, il n’y avait avec moi que trois filles, dont ma directrice qui est enceinte jusqu’aux oreilles. L’une d’elles était à la caisse, le collègue mec était en train de bouffer et n’a même pas bougé son cul quand j’ai demandé du renfort. De sorte que j’ai dû improviser un plan de défense avec ma directrice (enceinte jusqu’aux oreilles) et l’autre employée. Je me suis tout de suite dirigé vers la porte de sortie dans le but de le cueillir au passage, accompagnée par ma collègue qui trépignait devant l’action annoncée. Ma directrice quant à elle s’est directement dirigée derrière les caisses, prête à appeler le 911 en cas de problème. 

Je n’ai rien contre les filles qui font le même boulot que moi. Au contraire, je trouve que c’est une belle avancée du genre humain et je suis le premier à applaudir, moi qui suis assez âgé pour avoir connu l’ancien monde sexiste et le nouveau monde égalitaire. (ou disons, un peu plus égalitaire) Mais dans un moment comme celui-là, c’est fou comment tu regrettes que ton bon vieux pote Dom ne travaille pas dans la même division que toi. 
AAaaaaah Dom! Mais où es-tu quand j’ai besoin de toi!!!!





Dom 



Dom discutant de philosophie avec ses potes


Dom en réflexion


Dom au boulot



Dom à l'église



Dom avec notre délégué syndical



Dom avec Georges St-Pierre



Dom en touriste


Dom dans son élément



Dom appuyant les étudiants en espérant un peu de grabuge sinon merde, ce n'est pas drôle. 

En principe, on ne doit pas s’interposer physiquement lors d’un vol à l’étalage. On doit plutôt se montrer devant le voleur de manière à le dissuader. Question de sécurité. Mais pour lui, j’ai décidé de la jouer autrement, sachant que la technique sécuritaire de dissuasion à distance n’est d’aucune aide. Je n’avais aucune idée de ce que j’allais faire, mais j’étais déjà pompé à l’extrême à cause de toutes ces fois où il m’avait volé à mon nez et à ma barbe. Quand tu te vois dans les bandes vidéos à deux mètres de lui et qu’il se remplie les poches, que t’as rien vu, rien entendu et que t’étais pourtant si proche, ça te fait chier. Mais quand tu vois cette même scène se répéter et se répéter encore semaine après semaine, t’en viens à fantasmer à l’idée de le coincer juste une fois. Ça s’est fait ce soir. 

Il m’a vu l’enfoiré et a vite réalisé qu’il était coincé. Il a fait le tour du magasin avec son sac et est retourné dans une allée pour remettre les bouteilles sur la tablette. Je ne lui ai pas laissé ce plaisir. Je fonce vers lui et le voyant vider son sac contenant trois Grey Goose, je lui dis «toi mon tabarnak c’est la dernière fois que tu viens nous voler» C’est tout con ce que je viens de dire, mais je suis pompé au max et je me contrôle à peine. Il fait le con, m’assure qu’il n’avait pas l’intention de voler. Il remet son sac sur son épaule et veut s’éloigner. Je lui arrache le sac, je l’ouvre et je trouve une 4e bouteille. Tenant la bouteille par le goulot, je lui relance son sac et dès qu’il l’attrape, et allez savoir pourquoi j’ai fait ça, mais je me mets à l’engueuler tout en le poussant agressivement sur l’épaule, deux, trois, quatre fois de suite. «Mon tabarnak d’ostie de voleur si tu reviens ici j’te slogue» Il cherche à m’éviter et je vois dans ses yeux qu’il a peur. Les filles ne peuvent peut-être pas comprendre ce que je vais expliquer, mais il se passe alors entre les deux protagonistes un jeu de dominant dominé dans les attitudes de chacun. C’est très animal comme réaction. Très mâle du paléolithique. Très tribal. Très survivance de l’espèce. Ça te picote très loin en dedans, dans cette mémoire génétique endormie où pour manger, te reproduire, te protéger, bref, pour survivre, tu devais protéger ton territoire par des grognements et même des agressions. C’est un jeu de codes qui se fait malgré toi. Mes poussées agressives contre son épaule, c’était assurément un réflex animal qui disait que j’étais parfaitement disposé à attaquer pour préserver mon espace vital. Et c’est vrai que je l’étais. Inconsciemment, je voulais frapper ce mec. Ou plutôt, j’étais disposé à le faire. Mes poussettes étaient autant une invitation qu’une manière de lui démontrer que je n’avais pas peur. Et c’est vrai que je n’avais pas peur. Pas que je suis particulièrement courageux, non, ce n’est pas ça que je veux dire. J’essaie juste d’expliquer ma réaction. Je savais, je voyais, je sentais que j’étais en train de lui faire peur. C’est animal, je vous dis, et je ne pourrais même pas vous l’expliquer mieux que ça. Comme si le mec civilisé en moi refaisait place au Cro-Magnon que j’ai déjà été. Et à partir du  moment où j’ai compris que je dominais la situation, j’ai eu l’impression de grandir de deux mètres. Il aurait tenté de frapper que je l’aurais atomisé. J’avais une confiance en béton et même que je devais retenir une furieuse, mais enivrante pulsion de violence : le frapper avec la bouteille que je tenais par le goulot. J’avoue, oui j’avoue humblement que j’ai été très tenté de le faire. Même que j’ai souhaité qu’il fasse la gaffe de me frapper. Je le tamponnais aussitôt avec une bouteille de Grey Goose sur la joue. Si, si! Sur le joue. Elle aurait éclaté contre son oreille et je l’aurais terminé en lui plantant le tesson dans l’front. 
Je sais, ce n’est pas joli. Mais sans pudeur, je vous livre ici tout ce que j’ai ressenti en quelques secondes. Ce blogue m’évite de payer un psy à $150 la séance. 
    • T’as intérêt à ne jamais revenir ici mon tabarnak sinon j’te slogue. J’te slogue mon ostie. T’as tu compris? J’te slogue! 
Et je lui disais tout ça en le poussant de ma main gauche par coups successifs, agressifs, fendants, provocateurs,  jusqu’à la porte de sortie, ma main droite étranglant le goulot de la Grey Goose, espérant juste le moment où il aurait fait un geste pour la lui péter dans le front. 

Sloguer quelqu’un. Ça vient des bâtons de Baseball Louisville Slugger. (http://www.slugger.com/) Au baseball, quand on frappe un coup payant, on dit dans le jargon «avoir sloguer la balle» Mais dans la vie de tous les jours, ce terme s’applique dans des situations conflictuelles. Par exemple «Sloguer quelqu’un». C’est l’action de frapper un individu avec le poing ou préférablement avec un objet. Ici, une bouteille de Grey Goose. (à $46 pièce) C’est rare que j’utilise ce terme. Mais allez savoir, il est sorti spontanément alors que je renouais contact avec mes plus bas instincts de chasseur de mammouths. Je ne suis pas particulièrement fier de ce qui s’est passé ce soir, mais sacrament que ça fait du bien!

Les filles me regardaient drôlement après ce cocasse épisode. Ma collègue qui se tenait près de moi disait «Je tremble encore! Redge, je ne t’ai jamais vu comme ça avant!» Ma directrice, plus drôle encore, caressait son ventre qui lui servait de jardin et n’arrêtait pas de répéter «Ostie, je pensais que j’allais accoucher drette là!» C’est après coup que j’ai réalisé que j’y étais peut-être allé trop fort. Pourquoi j’ai eu envie de le frapper? Ces bouteilles ne m’appartiennent pas. Et puis ce gars-là, c’est juste un pauvre mec. Pourquoi ça me démangeait de le frapper? Pourquoi j’ai ressenti cette envie? Par principe, je suis plutôt du côté des petits voleurs dans la vie de tous les jours. 

C’est grave docteur?  


lundi 4 février 2013

Bulle


Je me suis payé un fantasme ce soir au boulot. C’était soir de réception de marchandise. Sept palettes, 350 caisses. Demain, on a des employés en extra pour placer tout ce stock. Grosse journée en perspective. Mais je me suis payé un fantasme, je disais. Je me suis claqué les sept palettes en un peu moins de trois heures. Les deux autres employés ont procédé à la mise en tablette. Résultat? Demain, on va jouer aux cartes ou lire les journaux. 
La directrice dit que je suis une machine. Bof... pas vraiment. Quand je reçois la commande, je glisse ma carte dans l’ordinateur, je vais sur le site Grooveshark (http://grooveshark.com/), je me choisis de la musique bien entrainante (ce soir, c’était Emerson Lake & Palmer... souvent c’est la 9e de Betov, d’autres fois c’est aussi du punk bien gras. J’ai un faible pour The Clash qui me rappelle le bon vieux temps de ma bohème. Un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, comme dit si bien le poète), je retire ma chemise (je garde mon t-shirt) et je me lance sur les caisses en m’immergeant dans ma bulle musicale. 
Faut plus me déranger. Sauf bien sûr si c’est Valérie, Tania, la grande Jessica, la petite Jessica, Isaève ou la petite Vanessa. Là ouais, ça ne me dérange pas d’être dérangé parce qu’elles sont mignonnes comme tout ces gamines-là. Mais sont toutes plus jeunes que ma fille, misère de misère! On forme tout de même une belle équipe dans laquelle je tiens le rôle du vieux mononcle cool. (re-misère de re-misère!) 
Mais si c’est un mec, ou encore une fille un peu moche, ou juste une fille de mon âge, là, non! Ça ne marche pas. Faut pas me déranger que je vous disais. 
Y a un mec avec qui je travaillais ce soir. Doit avoir pas loin de 30 ans. Quelque part par là. En entrant dans l’entrepôt et en entendant ma musique, il dit en riant : «On se croirait dans un film d’Austin Power» 
J’sais pas pourquoi, mais ça m’a insulté et j’ai échappé cette phrase : «Ça c’est de l’inculture  pure mon gars» 
Entendons-nous. T’as le droit de ne pas connaître un groupe de musique. T’as le droit de ne pas connaître un écrivain, aussi populaire soit-il. T’as le droit de ne pas connaître Charlie Chaplin si ça se trouve. T’as le droit de dire que t’aimes ou que tu n’aimes pas ma musique. T’as le droit de dire comme Sam « Fuck, c’est ben fucké ça!» T’as même le droit d’être totalement inculte, je peux comprendre. Ça ne dépend pas toujours de toi, mais souvent du milieu d’où tu viens. Je sais faire la part des choses. Et puis être inculte, ça ne veut pas dire nécessairement être con. Mais  par contre, t’as pas le droit de te moquer. 
Face à un style musical que tu ne connais pas, une forme littéraire qui t’échappe, un tableau que tu ne comprends pas, si ta première réaction est une moquerie qui frise l’insulte, c’est que t’es un con parce que tu revendiques haut et fort ton ignorance. Surtout si tu me fais chier toute la journée en écoutant ton CKOI FM à la merde. À la place, écrase-toi mec et fait pas chier ton collègue. Ceux de ta race nous font déjà assez chier comme ça en votant pour les Harper ou les Jean Charest de ce monde, ne viens pas en plus me sortir de ma petite bulle musicale en agitant fièrement ton étendard glorieux de la bêtise toute puissante. Le pire c’est qu’il en a remis. Comme c’est souvent le cas avec les cons, ils sont les premiers à te trouver bête et méchant après qu’ils t’aient attaqué. Il me dit comme ça «Ça ressemble à une insulte ce que tu me dis là» Voyez comment ils sont? Ils associent la musique que tu aimes à celle d’un navet du cinéma, mais c’est toi le méchant pare que t’as osé de te défendre. Du tac au tac, je lui ai répondu «ce n’est pas autant une insulte qu’une froide constatation» 
Il n’a pas répliqué. 
J’sais pas pourquoi j’ai dit ça de cette manière. Avec les années, peut-être que je m’assagie. Ou plutôt que j’ai appris à polir mes insultes. Avant, je l’aurais envoyé chier sans artifices grammaticaux. Rondement. Mais en lui glissant une si jolie phrase (dis-je en me grattant le lobe d’oreille droit) qui veut toute de même dire la même chose, je m’épate moi-même. Et le pire, c’est que c’est sorti tout seul, à bout portant et sans même réfléchir. 
Bref, tout ça pour dire que demain, ma directrice va halluciner parce qu’avant que je revienne en succursale, la commande du lundi soir mettait trois jours à se faire réceptionner. Je viens de lui balancer tout ça en moins de trois heures, sans me forcer. Ça veut dire que les potes avant moi se pognaient drôlement le beigne. Pas bon ça! Ça brûle nos éventuels moyens de pression. Parce que quand viendra le mot d’ordre de lever le pied, tout ce que j’arriverai à faire c’est de revenir à un rythme «régulier» du temps où je n’étais pas là. Elle pourra facilement gérer la chose puisqu’elle aura déjà l’expérience. Sans parler que ça nuit à l’image du syndicat. Sincèrement, je ne comprends pas comment tu peux mettre trois jours pour te taper sept palettes. Faut vraiment être pogne-cul. 
Je n’aime pas ça. Ils ne comprennent rien à rien ces jeunes. Ou alors ils se servent du syndicat pour légitimer leur paresse. Pas bon non plus. Certains sont tellement pogne-cul que lorsque tu leur demanderas de lever le pied, ils n’auront d’autres choix que de simuler un coma en magasin. Et j’exagère à peine. Le Che ne sera pas content quand je vais lui raconter ça. Lui qui dit toujours « Faut être irréprochable tabarnak!» 

***

Il y avait Ita ce soir. Ita est Haïtienne et a mon âge. Elle est grand-mère déjà. Quand elle sait qu’elle va travailler avec moi, elle m’apporte toujours de la bouffe qu’elle fait elle-même. Les Haïtiens, surtout les Haïtiennes, devrais-je dire, sont très bouffe dans leur amitié. Elles te prennent toujours par le ventre en te refilant des plats du pays. «Tiens mon amour, c’est pour toi» C’est toujours comme ça avec Ita et jamais autrement. Elle fait le meilleur griot haïtien du monde entier. 


«Tiens chéri, c’est pour toi» 

Elle t’amène ça dans un plat Tupperware et parfois c’est encore tout chaud et t’as qu’à planter ta fourchette dedans. Ce soir, elle m’a fait une entrée qui est une trempette qui se bouffe avec du pain. Huile d’olives et un ch’sais pas quoi de poisson avec du piment. Ita a exactement mon âge, je disais, mais parait beaucoup plus jeune que moi. Les Haïtiens du quartier disent qu’elles parlent comme une Québécoise et c’est vrai que par moments, elle te lance des câliss de tabarnak qui décapent toutes les perles des Antilles. Ita n’a pas de voiture, mais ne vient jamais travailler à pied ou en autobus. Elle a son fan-club personnel de vieux Haïtiens chauffeurs de taxi qui la conduisent gratuitement partout où elle veut aller. C’est toujours gratuit pour Ita. Ita, c’est une icône dans la communauté haïtienne. Bonne et généreuse. Mais ne va pas lui piler sur les pieds... t’es mort mon mec. Tigresse qui peut tout aussi bien te lancer son rouleau de 2$ en pleine gueule si t’as pas été gentil avec elle. J’ai déjà vu ce qu’elle avait fait de ce mec qui avait osé profiter honteusement de sa gentillesse. Il a rampé le reste de son année avant de demander un transfert de division.

samedi 2 février 2013

Riz


Je n’ai pas beaucoup de temps. À peine 15 minutes. Il y a mon riz au jasmin qui cuit. Je vais-te-me-le bouffer avec du poulet au curry dessus. 
Je vais user de baguettes pour manger. 
J’adore manger avec des baguettes. 
Je vais me taper ça avec un film. Les Adieux à la reine sans doute. J’ai téléchargé la chose il y a quelques jours. 
Ça parle de quoi? 
D’une reine qui se fait couper la tête pour cause de révolution. Sujet inspirant par les temps qui courent. 
C’est ça ou je me retape Looper que j’avais vu, hélas, en version française pour cause de dernière minute avant le retrait du film des salles. 

***

Je ne vais pratiquement plus au cinéma. C’est fou. Il faut dire que je termine souvent à 22h. Ça ne laisse pas beaucoup de temps. Et quand je ne travaille pas, je glande. Même qu’aujourd’hui, je me suis tapé le ménage. Enfin, une partie parce que sinon, j’y serais encore. Demain le reste. Ça bêle sous mon lit. 

***

Demain le Super Bowl. Je m’en criss comme ce n’est même pas possible. 

***

Bon, mon riz est prêt. 
Bye.