mercredi 4 mars 2009

Mousse Café prise 3 ou 4, je ne me souviens plus...

Mousse Café, 18h 50 en ce mardi 3 mars. J'écris live.

C'est Faitmoipaschiétta qui est de service ce soir avec une nouvelle dont je n'ai pas encore eu le temps d'attribuer un surnom. Disons simplement Nimportequoiletta pour l'instant. On verra plus tard pour le baptême officiel. Elle ne sait pas encore que je prends un allongé avec une crème et je dois tout lui expliquer quand elle vient prendre ma commande. Comme quoi la vie est parfois une jungle, même ici.

L'endroit est presque vide, à part quelques clients. Devant moi, une cliente avec un Mac clavarde tout en écoutant son ipod. Elle boit un café mais on dirait que c'est pour la forme. Question d'avoir le droit à une place.

À ma gauche, un type un peu plus vieux que moi avec une pile de paperasse qu'il vient de déposer sur la table. Un prof sans doute. Il scrute méticuleusement chaque feuille avec un stylo rouge.

Nimportequoiletta va d'une table à l'autre prendre les commandes ou pour débarrasser les assiettes. Elle a encore cette rigidité dans les gestes qui montre qu'elle n'est pas encore à l'aise. Par contre, elle est mignonne et c'est un autre très bon point pour la propriétaire des lieux dont l'aptitude à l'embauche concorde parfaitement avec mes goûts personnels.

Un type vient d'entrer et distribue quelque chose de table en table. C'est un sourd muet. Il remet une petite carte à chacun sur laquelle est décrit son état tout en invitant les gens à donner ce qu'ils peuvent. Je n'ai pas besoin de lire puisqu'on m'a mainte fois sollicité de cette façon depuis que je suis à Montréal. C'est le Gang des Sourds Muets qui frappent encore.
Ce qui me fait automatiquement penser à un vieux gag de Reiser.
Je résume: La situation est la même quand un client redonne la carte au sourd muet sur laquelle il lui a écrit ce petit mot: Moi aussi je suis sourd et muet et je t'emmerde pauvre con!
Hilarant! J'adore Reiser.
Quand il arrive à ma table, je ne lui laisse même pas le temps de me refiler sa cargaison que je lui indique "non" avec la tête. Faut être ferme devant les sourds muets parce que généralement ils ne comprennent rien.
D'ailleurs, je me suis toujours demandé si ceux qui font les cafés comme lui sont vraiment sourds muets. Un peu comme cette femme originaire d'Europe de l'Est et que l'on voit depuis des années sur St-Denis faisant la quête avec son carton plastifié où il est écrit qu'elle a des enfants et qu'elle crève de faim. On y croit pas trop. D'abord parce qu'elle ne parle pas un putain de mot français et que son carton est écrit dans un français excellent. Ensuite, parce qu'elle vit au Québec depuis plus de 10 ans et que crever de faim au Québec depuis plus de dix ans, faut vraiment le vouloir. Ensuite, et vu l'âge qu'elle a, ses enfants doivent avoir quelque chose comme 40 ans, si ce n'est plus, et que si ces derniers ne peuvent pas prendre soin de leur mère, c'est qu'il y a un problème quelque part. Ensuite, comment elle a fait pour plastifier son carton? Ça coûte des sous ce machin... Ensuite, parce que t'as toujours l'impression qu'elle va crever quand tu la vois tellement elle prend une dégaine douloureuse. Après 10 ans, c'est impossible d'avoir l'air autant à l'article de la mort. Justement, tu serais déjà mort depuis longtemps si ce n'était pas feint.

Le sourd muet ramasse son pactole de table en table et quitte l'endroit. En le regardant, j'ai soudainement envie de lui filer un poing sur la gueule. Pourquoi? J'sais pas. Pour casser la gueule à quelqu'un qui ne pourrait pas se plaindre j'imagine.

Je vais me fumer une clope mais juste avant, je vais au comptoir demander à Faitmoipaschiétta de me faire un autre allongé. Mais quand je reviens, je constate après coup que la crème de mon café était toute dégueulasse. Ça faisait comme du fromage. J'avise Faitmoipaschiétta qui m'en fait un tout neuf. Je suis à ma table quand j'entends mon nom.
- Varive & Versa, c'est juste une crème n'est-ce pas?
Mais le type à côté de moi, le prof, s'extirpe de sa profonde concentration et répond à ma place.
- Non, pas de crème s'il vous plaît mademoiselle.
Faitmoipaschiétta et moi éclatons de rire en même temps. Le prof réalise alors sa méprise et s'excuse avant de replonger son nez dans sa correction.
Faitmoipaschiétta s'assure ensuite que la crème est comestible et la verse dans ma tasse tout en la brassant méticuleusement avec la cuillère. Ses gestes sont lents et précis parce qu'elle prend son rôle vraiment au sérieux et qu'elle ne veut surtout pas que je m'intoxique pendant son quart de travail.
- Cool. Il sera meilleur comme ça.
- Ouais, parce qu'il est brassé par moi, qu'elle me répond en m'offrant ma tasse.
Je songe au fait que lorsque je serai grand, j'aimerais être une crème à café et me faire brasser moi aussi par Faitmoipaschiétta. Mais j'évite de lui confier mon terrible secret de crainte qu'elle me prenne pour un dingue.

Un type avec un casque de fourrure vient d'entrer. Il semble un peu perdu et ressort aussitôt.

Qu'est-ce que je fais ici en fin d'après-midi? J'attends que ce maudit hiver finisse par passer.

mardi 3 mars 2009

dimanche 1 mars 2009

Le chapeau

C'est une sorte de Quaker un peu obèse. Il a les mains dans les poches de son manteau et il regarde derrière lui en marchant. Comme tout le curés de son genre, il veut s'assurer que son troupeau le suive. Mais c'est sombre derrière lui. La tempête gronde. On dirait qu'il se sauve un peu, qu'il n'est pas rassuré.
Son chapeau est arrivé en premier. Le reste est venu après.


Le fou au bouquet.

C'est un fou qui va porter un bouquet à quelqu'un mais je ne sais pas à qui. Il semble contrarié par la démarche. Peut-être est-il chargé de la commission et qu'il n'y est pour rien? Ce n'est que le messager? Je ne sais pas. Quand j'ai glissé la souris sur la table, il y a ce visage nerveux qui s'est pointé comme ça. Puis la position du corps, puis le chapeau du fou et finalement, le bouquet. C'est assez évident qu'il se fait chier. C'est le type qui tient les chandelles entre deux personnes qui s'aiment.

Un boulanger.

C'est un boulanger je crois. Mais je n'en suis pas certain. Il est venu comme ça, au bout de ma main et sans trop savoir ce que j'allais faire avec la souris. J'ai l'impression qu'il vient de se lever et qu'il s'en va au boulot alors que la nuit est toujours là. C'est pour ça que j'ai l'impression que c'est un boulanger. Ou un fantôme? Peut-être.
Un fantôme boulanger alors.

- 14

C'est dimanche, 1er mars. J'aime le mois de mars. C'est le mois de septembre mais à l'envers.
Je me comprends.
Là par exemple, il fait -14 dehors. Mais c'est un -14 encourageant parce que c'est un -14 qui n'est plus au mois de février. Les -14 de mars sont de loin plus gentils que ceux de février. C'est bien connu.

C'es dimanche donc et je vais travailler. Même que je dois y aller dans les prochaines minutes. Même qu'en principe, je devrais déjà être habillé, bottes aux pieds et clés de voiture en main. Mais je suis devant mon ordi, café et cigarette et je regarde par la fenêtre le -14 de mars annoncer que ce mois qui débute en sera un où il y aura de moins en moins de -14.
Les rivières et les lacs vont bientôt commencer à se débarrasser de leur épaisse couche de glace.
C'est le temps de l'année où ça commence sérieusement à me démanger.

Avoir 21 ans encore une fois...

Voici la raison principale pour laquelle ma fille est soudainement devenue une Australienne d'adoption. Et je ne parle pas de la plage au loin. Il serait plutôt question du mec qui est dans le chandail de George Laraque et qui se dirige justement vers la plage. Cette photo est très récente et je l'ai piquée sans vergogne sur la page Facebook de ma fille. Elle fut sans doute prise le lendemain de son arrivée là-bas.
On devine dans son pas décidé qu'il n'en peut plus de lui montrer sa plage dont il lui a tant parlé pendant son séjours ici.
J'aime bien cette photo.
J'aime bien cette fusion impossible entre la neige d'ici et le sable de là-bas. Cette petite touche d'anachronisme représentée par ce t-shirt du CH sur les épaules australiennes un peu maigrelettes de ce gendre en devenir. C'est mignon comme tout.
Même que c'est touchant.
Il y a des souvenirs d'ici qui vivent maintenant entre les oreilles de ce petit briseur de coeur qui marche vers sa plage d'Australie.

Cette photo n'est pas mal non plus. C'est ma fille et puis bon, comme ça, je brise partiellement l'anonymat protectrice de ce blog. Remarquez, ça pourrait être n'importe qui, une photo piochée comme ça sur le blog d'une Québécoise partie vivre en Australie pour rejoindre son Australien de chum et qui, par un pur hasard, aurait hérité lui aussi d'un t-shirt de George Laraque à Noël. C'est possible. Mais bon...
Je connais bien ma fille et je n'ai qu'à voir ce sourire pour deviner qu'elle ne pense plus du tout au bordel de sa chambre qu'elle m'a gentiment laissé avant de quitter. Même qu'en observant de plus près ce large rictus satisfait, je dirais sans me tromper qu'elle s'en contre-crisse comme de sa première paire de bottes. C'est l'âge qui fait ça. Le bonheur aussi. Et puis l'amour, of course.
Quand on mélange tout ça, et sur une plage d'Australie en plus, ça donne ce genre de sourire.
Derrière elle, il y a un type tout blond de 21 ans, beau, qui l'aime et qui lui montre l'une des plus belles plages du monde. Au moment où elle prend cette photo, ses pieds nus sont plantés dans le sable chaud et elle sait qu'elle vient de faire un bras d'honneur à la normalité de la vie, à ce quotidien étouffant ainsi qu'à son troupeau beuglant qui marche dedans de 9 à 5 en espérant vivre quelque chose comme ça un jour, lors de la retraite.
Il y a dans ce sourire un foudroyant coup de croc dans la vie. Un coup de tête qui devient un formidable coup de pied au cul à la routine imposée. C'est la photo d'une petite fille qui montre à son père comment vivre.
- Tiens papa. J'ai 21 ans, j'ai pas un rond mais j'ai trouvé au bout du monde une plage incroyable pour moi toute seule. Il y a même un mec tout beau et tout blond qui marche dessus. C'est pour me montrer le chemin. Même qu'il porte le chandail du Canadiens, comme quoi c'est pas une merde mon mec.
Ça donne envie d'avoir encore 21 ans et d'être amoureux.
C'est où qui faut signer les papiers?
À quel ministère?
- Monsieur?
- Bonjour. Oui, voilà, heu... c'est pour une demande officielle. J'aimerais reprendre mes 21 ans.
- Et que voulez-vous faire avec vos 21 ans?
- J'aimerais m'en servir pour être amoureux. La première fois, je les ai bousillé pour une Québécoise même pas exotique qui m'avait fait cocu. J'aimerais recommencer à zéro avec une jeune Andalouse. C'est possible?
- Désolé monsieur, mais ici bas, vous n'avez droit qu'à un tour de piste. Si j'étais vous, je profiterais de mes 45 ans et de ma bonne santé relative pour tout foutre là et partir autour du monde avec un sac à dos et trois paires de bobettes propres. C'est tout ce que je peux vous conseiller.
- Mais!...
- Désolé monsieur. SUIVANT!