Mousse Café, 18h 50 en ce mardi 3 mars. J'écris live.
C'est Faitmoipaschiétta qui est de service ce soir avec une nouvelle dont je n'ai pas encore eu le temps d'attribuer un surnom. Disons simplement Nimportequoiletta pour l'instant. On verra plus tard pour le baptême officiel. Elle ne sait pas encore que je prends un allongé avec une crème et je dois tout lui expliquer quand elle vient prendre ma commande. Comme quoi la vie est parfois une jungle, même ici.
L'endroit est presque vide, à part quelques clients. Devant moi, une cliente avec un Mac clavarde tout en écoutant son ipod. Elle boit un café mais on dirait que c'est pour la forme. Question d'avoir le droit à une place.
À ma gauche, un type un peu plus vieux que moi avec une pile de paperasse qu'il vient de déposer sur la table. Un prof sans doute. Il scrute méticuleusement chaque feuille avec un stylo rouge.
Nimportequoiletta va d'une table à l'autre prendre les commandes ou pour débarrasser les assiettes. Elle a encore cette rigidité dans les gestes qui montre qu'elle n'est pas encore à l'aise. Par contre, elle est mignonne et c'est un autre très bon point pour la propriétaire des lieux dont l'aptitude à l'embauche concorde parfaitement avec mes goûts personnels.
Un type vient d'entrer et distribue quelque chose de table en table. C'est un sourd muet. Il remet une petite carte à chacun sur laquelle est décrit son état tout en invitant les gens à donner ce qu'ils peuvent. Je n'ai pas besoin de lire puisqu'on m'a mainte fois sollicité de cette façon depuis que je suis à Montréal. C'est le Gang des Sourds Muets qui frappent encore.
Ce qui me fait automatiquement penser à un vieux gag de Reiser.
Je résume: La situation est la même quand un client redonne la carte au sourd muet sur laquelle il lui a écrit ce petit mot: Moi aussi je suis sourd et muet et je t'emmerde pauvre con!
Hilarant! J'adore Reiser.
Quand il arrive à ma table, je ne lui laisse même pas le temps de me refiler sa cargaison que je lui indique "non" avec la tête. Faut être ferme devant les sourds muets parce que généralement ils ne comprennent rien.
D'ailleurs, je me suis toujours demandé si ceux qui font les cafés comme lui sont vraiment sourds muets. Un peu comme cette femme originaire d'Europe de l'Est et que l'on voit depuis des années sur St-Denis faisant la quête avec son carton plastifié où il est écrit qu'elle a des enfants et qu'elle crève de faim. On y croit pas trop. D'abord parce qu'elle ne parle pas un putain de mot français et que son carton est écrit dans un français excellent. Ensuite, parce qu'elle vit au Québec depuis plus de 10 ans et que crever de faim au Québec depuis plus de dix ans, faut vraiment le vouloir. Ensuite, et vu l'âge qu'elle a, ses enfants doivent avoir quelque chose comme 40 ans, si ce n'est plus, et que si ces derniers ne peuvent pas prendre soin de leur mère, c'est qu'il y a un problème quelque part. Ensuite, comment elle a fait pour plastifier son carton? Ça coûte des sous ce machin... Ensuite, parce que t'as toujours l'impression qu'elle va crever quand tu la vois tellement elle prend une dégaine douloureuse. Après 10 ans, c'est impossible d'avoir l'air autant à l'article de la mort. Justement, tu serais déjà mort depuis longtemps si ce n'était pas feint.
Le sourd muet ramasse son pactole de table en table et quitte l'endroit. En le regardant, j'ai soudainement envie de lui filer un poing sur la gueule. Pourquoi? J'sais pas. Pour casser la gueule à quelqu'un qui ne pourrait pas se plaindre j'imagine.
Je vais me fumer une clope mais juste avant, je vais au comptoir demander à Faitmoipaschiétta de me faire un autre allongé. Mais quand je reviens, je constate après coup que la crème de mon café était toute dégueulasse. Ça faisait comme du fromage. J'avise Faitmoipaschiétta qui m'en fait un tout neuf. Je suis à ma table quand j'entends mon nom.
- Varive & Versa, c'est juste une crème n'est-ce pas?
Mais le type à côté de moi, le prof, s'extirpe de sa profonde concentration et répond à ma place.
- Non, pas de crème s'il vous plaît mademoiselle.
Faitmoipaschiétta et moi éclatons de rire en même temps. Le prof réalise alors sa méprise et s'excuse avant de replonger son nez dans sa correction.
Faitmoipaschiétta s'assure ensuite que la crème est comestible et la verse dans ma tasse tout en la brassant méticuleusement avec la cuillère. Ses gestes sont lents et précis parce qu'elle prend son rôle vraiment au sérieux et qu'elle ne veut surtout pas que je m'intoxique pendant son quart de travail.
- Cool. Il sera meilleur comme ça.
- Ouais, parce qu'il est brassé par moi, qu'elle me répond en m'offrant ma tasse.
Je songe au fait que lorsque je serai grand, j'aimerais être une crème à café et me faire brasser moi aussi par Faitmoipaschiétta. Mais j'évite de lui confier mon terrible secret de crainte qu'elle me prenne pour un dingue.
Un type avec un casque de fourrure vient d'entrer. Il semble un peu perdu et ressort aussitôt.
Qu'est-ce que je fais ici en fin d'après-midi? J'attends que ce maudit hiver finisse par passer.
C'est Faitmoipaschiétta qui est de service ce soir avec une nouvelle dont je n'ai pas encore eu le temps d'attribuer un surnom. Disons simplement Nimportequoiletta pour l'instant. On verra plus tard pour le baptême officiel. Elle ne sait pas encore que je prends un allongé avec une crème et je dois tout lui expliquer quand elle vient prendre ma commande. Comme quoi la vie est parfois une jungle, même ici.
L'endroit est presque vide, à part quelques clients. Devant moi, une cliente avec un Mac clavarde tout en écoutant son ipod. Elle boit un café mais on dirait que c'est pour la forme. Question d'avoir le droit à une place.
À ma gauche, un type un peu plus vieux que moi avec une pile de paperasse qu'il vient de déposer sur la table. Un prof sans doute. Il scrute méticuleusement chaque feuille avec un stylo rouge.
Nimportequoiletta va d'une table à l'autre prendre les commandes ou pour débarrasser les assiettes. Elle a encore cette rigidité dans les gestes qui montre qu'elle n'est pas encore à l'aise. Par contre, elle est mignonne et c'est un autre très bon point pour la propriétaire des lieux dont l'aptitude à l'embauche concorde parfaitement avec mes goûts personnels.
Un type vient d'entrer et distribue quelque chose de table en table. C'est un sourd muet. Il remet une petite carte à chacun sur laquelle est décrit son état tout en invitant les gens à donner ce qu'ils peuvent. Je n'ai pas besoin de lire puisqu'on m'a mainte fois sollicité de cette façon depuis que je suis à Montréal. C'est le Gang des Sourds Muets qui frappent encore.
Ce qui me fait automatiquement penser à un vieux gag de Reiser.
Je résume: La situation est la même quand un client redonne la carte au sourd muet sur laquelle il lui a écrit ce petit mot: Moi aussi je suis sourd et muet et je t'emmerde pauvre con!
Hilarant! J'adore Reiser.
Quand il arrive à ma table, je ne lui laisse même pas le temps de me refiler sa cargaison que je lui indique "non" avec la tête. Faut être ferme devant les sourds muets parce que généralement ils ne comprennent rien.
D'ailleurs, je me suis toujours demandé si ceux qui font les cafés comme lui sont vraiment sourds muets. Un peu comme cette femme originaire d'Europe de l'Est et que l'on voit depuis des années sur St-Denis faisant la quête avec son carton plastifié où il est écrit qu'elle a des enfants et qu'elle crève de faim. On y croit pas trop. D'abord parce qu'elle ne parle pas un putain de mot français et que son carton est écrit dans un français excellent. Ensuite, parce qu'elle vit au Québec depuis plus de 10 ans et que crever de faim au Québec depuis plus de dix ans, faut vraiment le vouloir. Ensuite, et vu l'âge qu'elle a, ses enfants doivent avoir quelque chose comme 40 ans, si ce n'est plus, et que si ces derniers ne peuvent pas prendre soin de leur mère, c'est qu'il y a un problème quelque part. Ensuite, comment elle a fait pour plastifier son carton? Ça coûte des sous ce machin... Ensuite, parce que t'as toujours l'impression qu'elle va crever quand tu la vois tellement elle prend une dégaine douloureuse. Après 10 ans, c'est impossible d'avoir l'air autant à l'article de la mort. Justement, tu serais déjà mort depuis longtemps si ce n'était pas feint.
Le sourd muet ramasse son pactole de table en table et quitte l'endroit. En le regardant, j'ai soudainement envie de lui filer un poing sur la gueule. Pourquoi? J'sais pas. Pour casser la gueule à quelqu'un qui ne pourrait pas se plaindre j'imagine.
Je vais me fumer une clope mais juste avant, je vais au comptoir demander à Faitmoipaschiétta de me faire un autre allongé. Mais quand je reviens, je constate après coup que la crème de mon café était toute dégueulasse. Ça faisait comme du fromage. J'avise Faitmoipaschiétta qui m'en fait un tout neuf. Je suis à ma table quand j'entends mon nom.
- Varive & Versa, c'est juste une crème n'est-ce pas?
Mais le type à côté de moi, le prof, s'extirpe de sa profonde concentration et répond à ma place.
- Non, pas de crème s'il vous plaît mademoiselle.
Faitmoipaschiétta et moi éclatons de rire en même temps. Le prof réalise alors sa méprise et s'excuse avant de replonger son nez dans sa correction.
Faitmoipaschiétta s'assure ensuite que la crème est comestible et la verse dans ma tasse tout en la brassant méticuleusement avec la cuillère. Ses gestes sont lents et précis parce qu'elle prend son rôle vraiment au sérieux et qu'elle ne veut surtout pas que je m'intoxique pendant son quart de travail.
- Cool. Il sera meilleur comme ça.
- Ouais, parce qu'il est brassé par moi, qu'elle me répond en m'offrant ma tasse.
Je songe au fait que lorsque je serai grand, j'aimerais être une crème à café et me faire brasser moi aussi par Faitmoipaschiétta. Mais j'évite de lui confier mon terrible secret de crainte qu'elle me prenne pour un dingue.
Un type avec un casque de fourrure vient d'entrer. Il semble un peu perdu et ressort aussitôt.
Qu'est-ce que je fais ici en fin d'après-midi? J'attends que ce maudit hiver finisse par passer.
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