Perdu quelque part
dans une forêt que je ne nommerai pas, j’avais repéré il y a deux ans une
rivière intéressante dont la particularité première est qu’elle se jette dans
un lac très connu. Je ne nommerai pas non plus ce lac, mais je dirais
simplement que du nord au sud, il se trouve entre le Labrador et Hull, et que
d’est en ouest, il se trouve entre Normétal et Lac Mégantic. (Allez, trouve-le
mec !) Je m’étais promis d’y retourner avec mon canot de marque Cadorette,
fabriqué par des camarades salariés de Trois-Rivières depuis au moins deux
générations et que ce n’est pas de leur faute d’être nés dans le bastion de
Maurice Duplessis. Avec mon pote Éric, nous avons exploré le bras de rivière
qui s’offrait à nous et dans lequel, l’an dernier, j’avais pêché un brochet
gros comme ça avec mes deux pieds sur la berge vu que je n’avais pas de canot
ni même de porte-avion pour naviguer sans fin sur les eaux tumultueuses de
cette extension du paradis. Voilà qu’on se met à pagayer comme des pros,
lançant nos leurres à l’eau tout en maintenant notre direction vers des aventures
sans fins. Et voilà-t-y pas qu’on trouve une passe à gauche, avec un léger
courant qui nous dit que mes amis, de l’autre côté de cette passe se trouve
peut-être quelque chose de beau. Bien sûr, et parce que nous sommes des mecs,
c’est à dire des êtres incapables de se contenter du bonheur tout simple qu’ils
ont dans les mains, on se dit comme ça « allons remonter ce courant pour
aller voir si, de l’autre côté, il ne s’y cacherait pas un bonheur tout simple
encore plus beau que celui que nous avons entre les mains présentement ».
Aussitôt dit, aussitôt fait. On remonte le courant, risquant nos vies 345 fois,
(oui bon, c’était un petit courant de rien du tout et tout à fait inoffensif, mais
t’as pas besoin de connaître les vrais détails sinon ça te fait juste une
histoire de chat de plus à lire sur FB. Tandis que là, avec mon sens du suspens
et ma montée dramatique, t’as un texte poignant à te farcir qui va t’amener de
l’autre côté du subjonctif. J’sais pas trop ce que ça veut dire, mais ça me
plait. Pas toi ? Ah bon.) On risque de chavirer je disais, on s’accroche
comme des bêtes à nos pagaies, on rame comme des forcenés, on jette du lest
pour ne pas caler, on rencontre des cyclopes géants qui veulent nous interdire
le passage en nous balançant des morceaux d’autoroute sur la gueule qu’on évite
en faisant des zigzags, on mystifie des témoins de Jéhovah qu’on ne sait pas
trop pourquoi ils sont là mais qu’ils veulent nous vendre des abonnements à
leur magazine La Tour de Garde. Une folle épopée si vous voulez tout savoir. Et
on arrive finalement de l’autre côté du courant sains et saufs. Là, on découvre
que la rivière forme un espèce de lac avec une île tout au milieu. Et de
l’autre côté de l’île, tout au bout, t’as un rapide fiévreux, nerveux, enragé
même, qui te balance de l’eau en veux-tu en voilà. Et tout autour de l’île, du
Brochet, petits et gros. Mais si tu vas du côté sud, là où le soleil d’après
midi ne plombe pas, t’as de la perchaude grosse comme ça. Tabarnak mec, c’est
le paradis ici ! On dirige notre canot sur l’île et on accoste comme
Jacques Cartier, Christophe Colomb ou ch’sais pas qui. Tu veux planter une
croix toi ? Pas moi. Je veux juste trouver un endroit pour être bien. Là
où y a une croix, y a de la guerre. Décâlisse ta croix. Faisons de cette île
une entité sans dieu ni maître. Amenons y plutôt des potes, des amis, des
frères et des sœurs. Et puis de du vin.
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