lundi 22 juin 2015

L'île


Perdu quelque part dans une forêt que je ne nommerai pas, j’avais repéré il y a deux ans une rivière intéressante dont la particularité première est qu’elle se jette dans un lac très connu. Je ne nommerai pas non plus ce lac, mais je dirais simplement que du nord au sud, il se trouve entre le Labrador et Hull, et que d’est en ouest, il se trouve entre Normétal et Lac Mégantic. (Allez, trouve-le mec !) Je m’étais promis d’y retourner avec mon canot de marque Cadorette, fabriqué par des camarades salariés de Trois-Rivières depuis au moins deux générations et que ce n’est pas de leur faute d’être nés dans le bastion de Maurice Duplessis. Avec mon pote Éric, nous avons exploré le bras de rivière qui s’offrait à nous et dans lequel, l’an dernier, j’avais pêché un brochet gros comme ça avec mes deux pieds sur la berge vu que je n’avais pas de canot ni même de porte-avion pour naviguer sans fin sur les eaux tumultueuses de cette extension du paradis. Voilà qu’on se met à pagayer comme des pros, lançant nos leurres à l’eau tout en maintenant notre direction vers des aventures sans fins. Et voilà-t-y pas qu’on trouve une passe à gauche, avec un léger courant qui nous dit que mes amis, de l’autre côté de cette passe se trouve peut-être quelque chose de beau. Bien sûr, et parce que nous sommes des mecs, c’est à dire des êtres incapables de se contenter du bonheur tout simple qu’ils ont dans les mains, on se dit comme ça « allons remonter ce courant pour aller voir si, de l’autre côté, il ne s’y cacherait pas un bonheur tout simple encore plus beau que celui que nous avons entre les mains présentement ». Aussitôt dit, aussitôt fait. On remonte le courant, risquant nos vies 345 fois, (oui bon, c’était un petit courant de rien du tout et tout à fait inoffensif, mais t’as pas besoin de connaître les vrais détails sinon ça te fait juste une histoire de chat de plus à lire sur FB. Tandis que là, avec mon sens du suspens et ma montée dramatique, t’as un texte poignant à te farcir qui va t’amener de l’autre côté du subjonctif. J’sais pas trop ce que ça veut dire, mais ça me plait. Pas toi ? Ah bon.) On risque de chavirer je disais, on s’accroche comme des bêtes à nos pagaies, on rame comme des forcenés, on jette du lest pour ne pas caler, on rencontre des cyclopes géants qui veulent nous interdire le passage en nous balançant des morceaux d’autoroute sur la gueule qu’on évite en faisant des zigzags, on mystifie des témoins de Jéhovah qu’on ne sait pas trop pourquoi ils sont là mais qu’ils veulent nous vendre des abonnements à leur magazine La Tour de Garde. Une folle épopée si vous voulez tout savoir. Et on arrive finalement de l’autre côté du courant sains et saufs. Là, on découvre que la rivière forme un espèce de lac avec une île tout au milieu. Et de l’autre côté de l’île, tout au bout, t’as un rapide fiévreux, nerveux, enragé même, qui te balance de l’eau en veux-tu en voilà. Et tout autour de l’île, du Brochet, petits et gros. Mais si tu vas du côté sud, là où le soleil d’après midi ne plombe pas, t’as de la perchaude grosse comme ça. Tabarnak mec, c’est le paradis ici ! On dirige notre canot sur l’île et on accoste comme Jacques Cartier, Christophe Colomb ou ch’sais pas qui. Tu veux planter une croix toi ? Pas moi. Je veux juste trouver un endroit pour être bien. Là où y a une croix, y a de la guerre. Décâlisse ta croix. Faisons de cette île une entité sans dieu ni maître. Amenons y plutôt des potes, des amis, des frères et des sœurs. Et puis de du vin. 



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