Ya
rien de plus déprimant que la salle d’attente d’une clinique médicale.
Pourquoi ? Parce que tout le monde se tape des gueules de fin du monde. Et
puis les chaises sont toujours inconfortables. Et puis il n’y a jamais de café.
Et puis ça pue. Et puis les couleurs des murs sont toujours déprimantes, genre
vert suicide ou beige dépressif. Fuck, ce n’est plus de la déco, c’est du
sadisme ! Comment peux-tu te sentir en
confiance quand t’attends ton diagnostic dans une salle où les murs te
regardent droit dans les yeux avec du beige partout ? Si tu n’étais pas déjà cancéreux, forcément tu le
deviens. Et puis ce n’est pas tout. Il y a toujours ce mec qui attend près de
toi, qui gesticule comme un possédé sur sa chaise en plastique en toussant
profond. Et qui tousse ! Et qui tousse ! Et qui tousse encore ! Pourquoi il y en a toujours un qui tousse comme ça ? T’auras beau faire le tour des cliniques de la
ville, tu n’y échapperas pas. Chaque salle d’attente de toutes les cliniques du
monde entier possède son tousseur attitré. Être le tousseur de la salle
d’attente, c’est un statut social. Une profession. C’est à se demander s’il n’est
pas embauché par l’équipe médicale pour donner à l’endroit une petite touche de
réalisme supplémentaire. Un figurant professionnel. Le rôle de sa vie. Il est
là pour te dégouter et il le fait bien le salaud ! C’est un maître le mec.
T’as l’impression que toute sa carcasse va se déchirer à chaque fois. Ça racle
violent par en dedans. Ça te fait un bruit de bête féroce qui souffre en
accouchant dans la douleur, mélange de grincement métallique et de couinement de
porcelet qu’on égorge. Ça donne froid dans le dos. L’impression que ses poumons
vont se décrocher et que tu vas les voir s’écraser sur le plancher. Ça en
devient vite insupportable et tu crains pour ta propre survie parce que le mec,
forcément, il rejette dans l’air des particules microscopiques de son terrible
virus. Ton instinct de survie te dit qu’il faudrait l’abattre sans attendre
avant qu’il ne te contamine tout le continent, mais tu ne peux pas vu qu’il y a
des lois maintenant qui protègent les
propagateurs de virus mortels (Mario Dumont, ça te dit quelque chose ?) La
démocratie, c’est génial, mais faudrait peut-être la redéfinir dans une salle
d’attente d’une clinique médicale. Enfin, bref, t’essaies de respirer le moins
possible. Mais ce n’est pas facile parce que tous les experts vont te le dire :
il faut respirer pour vivre. Alors du coup, tu te bricoles subtilement des
filtres de fortune avec ce que tu peux trouver sur toi. Par exemple, (on prend
des notes svp !) avec les petits gobelets de carton en forme de cône qui
servent pour la distributrice d’eau. Ça t’en prend deux. Demande en même temps
deux élastiques à la réception, t’en auras besoin. À l’aide d’une aiguille, tu
perces un tout petit trou au bout de la partie pointue de tes gobelets. Tu fais
ensuite un trou de chaque côté de la partie la plus ouverte et tu y passes les
élastiques. Tu t’en accroches un pour la bouche et l’autre pour le nez. Oui
bon, t’auras l’air d’un rhinocéros qui aurait été malade, mais au moins tu
seras protégé contre le typhus ou la phtisie ou de tout ce qui se trouve dans
ces poumons-là qu’on ne connaît même pas encore le nom de la bête si ça se
trouve. Non, non, pas besoin de me remercier. Je fais ça pour l’humanité.
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