dimanche 18 janvier 2015

Salle d'attente


Ya rien de plus déprimant que la salle d’attente d’une clinique médicale. Pourquoi ? Parce que tout le monde se tape des gueules de fin du monde. Et puis les chaises sont toujours inconfortables. Et puis il n’y a jamais de café. Et puis ça pue. Et puis les couleurs des murs sont toujours déprimantes, genre vert suicide ou beige dépressif. Fuck, ce n’est plus de la déco, c’est du sadisme ! Comment peux-tu te sentir en confiance quand t’attends ton diagnostic dans une salle où les murs te regardent droit dans les yeux avec du beige partout ? Si tu n’étais pas déjà cancéreux, forcément tu le deviens. Et puis ce n’est pas tout. Il y a toujours ce mec qui attend près de toi, qui gesticule comme un possédé sur sa chaise en plastique en toussant profond. Et qui tousse ! Et qui tousse ! Et qui tousse encore ! Pourquoi il y en a toujours un qui tousse comme ça ? T’auras beau faire le tour des cliniques de la ville, tu n’y échapperas pas. Chaque salle d’attente de toutes les cliniques du monde entier possède son tousseur attitré. Être le tousseur de la salle d’attente, c’est un statut social. Une profession. C’est à se demander s’il n’est pas embauché par l’équipe médicale pour donner à l’endroit une petite touche de réalisme supplémentaire. Un figurant professionnel. Le rôle de sa vie. Il est là pour te dégouter et il le fait bien le salaud ! C’est un maître le mec. T’as l’impression que toute sa carcasse va se déchirer à chaque fois. Ça racle violent par en dedans. Ça te fait un bruit de bête féroce qui souffre en accouchant dans la douleur, mélange de grincement métallique et de couinement de porcelet qu’on égorge. Ça donne froid dans le dos. L’impression que ses poumons vont se décrocher et que tu vas les voir s’écraser sur le plancher. Ça en devient vite insupportable et tu crains pour ta propre survie parce que le mec, forcément, il rejette dans l’air des particules microscopiques de son terrible virus. Ton instinct de survie te dit qu’il faudrait l’abattre sans attendre avant qu’il ne te contamine tout le continent, mais tu ne peux pas vu qu’il y a des lois  maintenant qui protègent les propagateurs de virus mortels (Mario Dumont, ça te dit quelque chose ?) La démocratie, c’est génial, mais faudrait peut-être la redéfinir dans une salle d’attente d’une clinique médicale. Enfin, bref, t’essaies de respirer le moins possible. Mais ce n’est pas facile parce que tous les experts vont te le dire : il faut respirer pour vivre. Alors du coup, tu te bricoles subtilement des filtres de fortune avec ce que tu peux trouver sur toi. Par exemple, (on prend des notes svp !) avec les petits gobelets de carton en forme de cône qui servent pour la distributrice d’eau. Ça t’en prend deux. Demande en même temps deux élastiques à la réception, t’en auras besoin. À l’aide d’une aiguille, tu perces un tout petit trou au bout de la partie pointue de tes gobelets. Tu fais ensuite un trou de chaque côté de la partie la plus ouverte et tu y passes les élastiques. Tu t’en accroches un pour la bouche et l’autre pour le nez. Oui bon, t’auras l’air d’un rhinocéros qui aurait été malade, mais au moins tu seras protégé contre le typhus ou la phtisie ou de tout ce qui se trouve dans ces poumons-là qu’on ne connaît même pas encore le nom de la bête si ça se trouve. Non, non, pas besoin de me remercier. Je fais ça pour l’humanité.

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