dimanche 4 janvier 2015

Fracture du crâne.


4 janvier. Tu te lèves vers 6h du matin parce que t’as tellement mal à la tête que t’as l’impression que quelqu’un s’est amusé pendant ton sommeil à te la serrer dans un étau. C’est une fracture du crâne que tu t’es prise en te cognant contre l’oreiller, va savoir. Ou alors une commotion cérébrale. C’est l’un ou l’autre mec, mais ça fait mal. Et puis t’as la gueule aussi sèche qu’une terre de Somalie avec une langue qu’on dirait du papier à sabler. Et puis t’as soif ! Bon Dieu que t’as soif ! Comme si tu venais de traverser le Sahara. Faut te lever pour aller boire de l’eau mec ! Ça urge ! Mais quand tu te lèves, Oooooooouuh… ça bouge encore. Le plancher tangue comme un bateau sur la mer déchaînée. Et puis ça cogne dur dans la tête. On dirait que t’as un sanglier fou furieux de coincer dans ta boîte crânienne et qui veut sortir. Mais c’est quoi ce bordel ?

J’ai pas bu tant que ça pourtant.



Dans ton esprit embrouillé, t’as des images de la veille qui commencent à reprendre forme. C’est encore flou, mais ça te revient : le rouge de S.. Puis mon blanc d’apéro. Puis le rouge de P... Puis le blanc de V... Et puis mon rouge du repas entamé bien après le repas justement. Et puis surement autre chose. Le Aberlour 10 ans de É…, j’y ai touché ou pas ? Non, je ne crois pas. Ça fait quand même juste 5 bouteilles à 4. Où c’est que tu m’as déjà vu aussi torché après juste ça ? C’est quoi qui a fait ça ? La fatigue ? Et puis attends, ce n’est pas 5 bouteilles à 4, c’est plutôt 5 à 5 puisque M… s’est pointée à la toute fin, quand les autres partaient. 



Oh shit ! M… !



Là, t’as une autre image beaucoup plus angoissante qui prend dangereusement forme dans ton esprit.

Oh shit !

Elle est à la table, t’es assis juste à côté. Elle parle, tu écoutes. Non en fait, tu n’écoutes plus du tout. Tu la regardes.

Tu réalises que tu ne fais que la regarder depuis au moins dix bonnes minutes. En fait, tu te la bouffes des yeux.

Tu te dis : oui ?

Tu te réponds : Mais non !

Mais oui !

Mais non, pauvre con !

Et ça joue comme ça dans ta tête et t’as même plus de frein d’urgence depuis au moins une bouteille. T’as plus rien pour retenir le geste qui se dessine à l’horizon de ta bêtise. Il ne te reste qu’un petit bout de conscience pas plus gros que ça, mais qui est justement en train de se faire bouffer tout cru par une tentation imbécile, certes, mais qui monte, et qui monte, et qui monte…

Faut dire qu’elle est jolie comme tout. Faut dire que je l’ai toujours trouvée jolie comme tout. Faut dire que tout le monde au monde la trouve jolie comme tout. 



Mais oui !

Mais non !

Mais oui ! Ne l’a-t-elle pas fait elle-même l’an dernier ? Souviens-toi ! T’étais chez elle.

Peut-être mais…

Mais oui !

Ch’sais pas…

Mais oui !



Tu te lèves vers 6h du matin parce que t’en peux plus d’avoir mal à la tête. Tu montes les escaliers et t’arrives dans la cuisine. Ça tangue solide quand tu vois la table de la veille remplie de bouteilles vides. Sur le plancher, t’as même une coupe éclatée et que tu ne te souviens même pas de l’avoir échappée.

Ça regarde mal. T’as pleins de films de suspens qui débutent comme ça. Le mec sort d’une cuite carabinée et découvre un cadavre dans sa maison sans se rappeler de ce qui s’est passé.

Mais t’as tellement soif et t’as tellement mal à la tête que tu te dépêche de prendre 2 aspirines avec une grande carafe d’eau. Tu verras après.

Mais même après, merde, ça ne te revient pas.

Oui bon, t’as vaguement souvenir de t’être approché d’elle pour l’embrasser, mais ça ne s’est pas fait. Ça, tu en es certain. Parce que tu te souviens de cette phrase : « mais qu’est-ce que tu fais là ? » avec des yeux ronds comme des billes qui te regardent avec tellement de déception que t’as l’impression que toute la déception du monde vient de tomber dessus.

Cette image te fait comme une lame rouillée qui te rentre dans le bide.

Fuck ! J’ai fais ça moi ? Shit !

Putain de con !



« Désolé pour hier, etc, etc. » Tu voudrais t’excuser pour un truc précis, mais justement, y a comme un manque de précision dans tes souvenirs. T’écris en ouvrant bien large les possibilités, et t’attends une réponse en te croisant les doigts. Celle-ci arrive quelques secondes plus tard. Quelques mots qui te disent de ne pas t’en faire, que ce n’était rien de grave, que t’étais juste complètement déchiré.



Ouais, ok. Tu respires un peu mieux, mais ce n’est pas pour autant le grand soulagement. Des lendemains de cuite comme ça, ça te laisse une désagréable impression de fin du monde. Pourtant, ça avait bien commencé. Je veux dire, j’ai pris la moitié de la journée à faire les courses, à tout préparer ma bouffe, à dresser la table comme pour les grandes occasions. Je m’étais dit que j’allais faire attention, de ne pas trop boire, de me garder une réserve d’idées claires.

Mais j’sais pas, sans doute la fatigue accumulée.

Et puis cette année de merde qui vient enfin de se terminer.

Comme si mon corps voulait complètement déconnecter.

Mon corps et ma tête aussi, forcément.



On attend quoi de 2015 ? D’autres décès sans l’ombre d’un doute. Comment ça je suis négatif ? T’as vu les statistiques ? De par le monde, t’as deux décès à toutes les 1.9 secondes. Le temps de lire cette présente ligne que tu viens d’en accumuler environ une dizaine. Si on avait l’oreille assez développée pour entendre le dernier souffle de chaque être humain ici bas, le fond sonore de notre existence ne serait qu’un interminable râle d’agonie.

J’dis ça comme ça, en passant et parce que je suis un peu déprimé.

Excusez-moi.

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