lundi 5 janvier 2015

Petite soeur


Suis passé chez ma mère pour le souper. On s’est fait livrer du poulet en caoutchouc de chez Benny que c’est toujours bon. À me voir la gueule toute croche, les yeux globuleux et les cernes qui n’en finissaient plus de tomber sur le plancher, elle croyait que je terminais une grippe alors qu’en fait, je revenais de ma cuite de la veille.
J’étais content de la voir parce que ça me faisait une présence réconfortante après une journée de merde à me sentir vraiment con d’avoir été con avec M… la veille.
Ma mère se relève d’une opération mineure qui l’oblige tout de même à rester tranquille. Faut pas forcer. Faut pas trop bouger. Faut pas tirer sur la balayeuse parce que bon, c’est comme ça après une opération.
Du coup, elle se fait chier à regarder des conneries toute la journée à la télé. Elle s’est alors souvenu que j’avais des milliers de boîtes de cartes de hockey qui remontent à mon enfance et qui sont toujours pêle-mêle, sans classement ni rien et qui dorment dans des recoins obscures de mon logement. Elle s’est mise dans la tête que j’en avais pour des millions de $ et que ça serait une bonne idée de les classer.
Comment ?

Par année.
Par joueurs.
Par équipes.
On s’en fout. L’idée c’est qu’elle veut s’occuper. Alors vas-y maman, classe et trie mes cartes de hockey. Elle a commencé ce soir, devant moi et drette après le poulet en caoutchouc.

Blues de St-Louis, Bruins de Boston, Red Wings de Détroit… kossé ça Les Barons de Cleveland ? Oooh ben yé donc ben beau lui ! Peter Statsny. Hey ? Serge Savard ! Mais y était ben jeune ! On dirait un p’tit cul !

Je me suis pris aussi au jeu, forcément. Sans valoir des millions, c’est vrai que je dois en avoir pour quelques jolis dollars. Ça vaut combien une carte recrue de Raymond Bourque ? J’en ai 4 comme ça. Et puis Mark Messier, Wayne Gretzky, Gilbert Perrault, Denis Savard, Jaromir Jagr, Mario Lemieux.

Après quoi, je suis revenu à Montréal en roulant doucement à cause du verglas de merde. G… voulait que je passe chez elle parce que c’est ma meilleure amie et qu’on ne s’est même pas vus depuis 2015. G… et moi, on est comme frère et sœur. On ne peut pas passer deux semaines sans se voir, mais en même temps, côté cul, y a rien. Frère et sœur je disais. Ça existe en ce bas-monde. C’est d’ailleurs pour ça que ça marche si bien entre nous. « Viens donc face de pète, on ne s’est pas vu depuis le début de l’année ». Tu ne peux pas dire non à G…, mon amie. J’ai donc craqué vers la fin et je me suis pointé chez elle.

M’a offert un Château Soudard millésimé 2000 alors que je venais de faire la promesse d’arrêter de boire. Tu regardes la bouteille et tu te dis que le World Trade Center était encore debout quand ce vin fut vendangé. Vas donc ensuite cracher là-dessus malgré toutes tes promesses du 4 janvier que c’est même pas le Premier.
Tu peux pas mec, tu peux pas.
Au niveau vinicole, je suis dans la famille des faibles.
J’assume néanmoins.

On s’est sifflé ça en jouant aux cartes parce que c’est comme ça avec G… T’es son grand frère, pas son amant espèce de con. Elle t’adore pour ce que tu es, pas pour ce que tu fais. Ta main au cul, tu peux te la mettre dans l’cul. Je le sais. J’ai déjà essayé. Ça fait longtemps. Mais j’accepte. C’est chouette d’avoir une petite sœur.

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