Oui bon, vieillir, ça fait mal quand tu constates ce que sont devenues
les fantasmes de ton adolescence. Je donne un exemple comme ça, au hasard. Tu
connais Deborah Harry ? Non ? Blondie ça te dit quelque chose alors ?
Non plus ? Bien sûr que non parce que t’as 30 ans. J’oubliais. Mais sache
petit têtard arrogant qu’à la fin des années ’70, tous les ados mâle de la
planète connaissaient cette chanteuse. Même qu’ils la connaissaient très bien. Même
que je te dirais qu’elle a fortement contribué à leur épanouissement
glandulaire en libérant cette gigantesque marée adolescente de testostérone mondiale
jusque là prisonnière de leur stade d’évolution pré-spermatique. Ce fut un peu
la grande prêtresse libidinale de ma génération pré-adulte si tu veux. À
l’école, les mecs avaient deux sujets de photo à l’intérieur de leur casier.
Guy Lafleur et Blondie. Si t’avais pas au moins un des deux, t’étais forcément
une merde. On était obligé de te péter la gueule mec, pour ton bien. Si,
si ! Pour ton bien. Notre démarche était humanitaire si tu veux. Ben oui
quoi, c’était les mœurs de mon époque.
Je te montre une photo de Blondie quand j’étais ado. Tu vas comprendre
l’épanouissement intérieur du jeune boutonneux que j’étais.
Puis une autre prise récemment. Tu vas comprendre quand je dis que ça
fait mal vieillir.
La vie est une chienne sans pitié quand on y pense froidement. Oui bon,
je comprends. La beauté intérieure, la sagesse qui s’acquiert avec les années, le
cheminement de vie et tout ce bordel qu’on voudra bien nous mettre dans la tête
pour nous faire accepter l’idée du vieillissement. Mais vieillir, ça reste
d’une implacable férocité quand même. T’auras beau chercher, tu ne trouveras
jamais de pitié dans une ride. Une dent qui tombe reste une dent qui tombe.
T’auras beau la remplacer, ça ne sera jamais qu’un machin artificiel. Y a de la
peau molle sur les Blondies de ton adolescence. Tu la croiserais aujourd’hui
que t’aurais l’impression que c’est sa grand-mère.
Tout ça pour dire quoi mec ? J’sais pas. Sans doute que le temps
passe. On en revient toujours à ça de toute manière. On ne le réalise jamais,
mais quand on y pense, nous ne sommes que des noms sur les prochaines pierres
tombales que liront les prochaines générations.
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