mardi 4 novembre 2014

Souvenirs de septembre 2013

C’était un soir un peu frais, comme il en existe souvent dans ce mois l’année au Québec. Sur le balcon arrière, celui qui donne sur la ruelle, ils buvaient tranquillement un Chablis qu’elle avait apporté avec elle dans ses bagages. Il avait vu l’éclat dans sa pupille quand elle lui avait tendu a bouteille en lui disant « c’est un vin de chez moi ». Elle venait en effet de la Bourgogne, mais n’y habitait plus depuis des années. Cependant, elle n’avait jamais renié ses racines bourguignonnes.
Elle avait sur ses épaules un petit châle de laine parce que, nous l’avons dit, l’air était un peu frais. Cela lui donnait un charme un peu vieillot qui le faisait craquer. D’ailleurs, tout chez elle le faisait craquer. À commencer pas son prénom – qui évoquait l’amour – à aller jusqu’au sien, de prénom, quand elle le prononçait avec son accent symphonique.
Elle parlait bien de toutes choses et il se laissait bercer par la douceur de sa voix en tétant de petites gorgés de son vin blanc comme pour faire durer le plaisir. Il la regardait à se saouler parce qu’il venait de passer sept de sa vie sans la voir et qu’elle ne resterait près de lui qu’à peine une petite semaine. Le temps d’apparaître qu’elle disparaîtrait aussitôt.
Il y avait des millions d’années de cela, un imbécile d’océan avait décidé de planter son gros cul entre eux, pour son plus grand malheur à lui.  
Quand il pensait à elle, c’est à dire chaque jours, il se disait à quel point ça pouvait être con un océan.

Elle parlait bien de toutes choses et il aimait quand, en plus de ses mots, elle lui plantait ses deux grands yeux dans les siens. Cela lui donnait l’impression de toucher son âme.
L’espace d’un battement de paupières.
Il l’aimait comme on aime une chose sacrée.
Elle était en quelque sorte sa divinité mortelle. Et de l’avoir là, près de lui, tellement près qu’il pouvait respirer son parfum, il se sentait l’homme le plus heureux de la terre.

C’est une histoire d’amour mec, l’une des plus belles qui peut exister ici-bas parce qu’elle ne se concrétisera jamais. Mais toujours elle restera intacte de toute routine, de toute habitude, de toute redondance, de tout ennui. Jamais ils ne se disputeront pour un sac poubelle oublié, d’une vaisselle sale accumulée. Toujours quand ils se reverront, il y aura du feu dans son ventre et de la joie bien chaude dans son petit cœur de grand con.
Il est comme ça ce mec-là. Il adore les amours impossibles parce que ça le fait vivre. Dans leur correspondance de sept ans, il lui a dit mille fois qu’il l’adorait. Parfois, en écrivant plus gros qu’il ne l’aurait voulu à cause d’un léger excès vinicole. Mais jamais ne lui avait elle fait le moindre reproche. En vérité, et elle le savait, jamais un homme avant lui ne lui avait dit aussi souvent que lui qu’elle était belle. Et elle savait aussi que cela allait durer jusqu’à son dernier souffle.
Il lui en avait fait mille fois la promesse.  
Et tout ça avec un océan de différence.


C’était un soir un peu frais, comme il en existe souvent dans ce mois l’année au Québec. Sur le balcon arrière, celui qui donne sur la ruelle, ils buvaient tranquillement un Chablis qu’elle avait apporté avec elle dans ses bagages. Il savait qu’à ce moment précis de sa vie, quand ses yeux à elle se plantaient dans les sien, quand elle riait de ses blagues à la con, quand elle prononçait son prénom comme aucune fille avant elle ne l’avait jamais prononcé, oui, il savait jusqu’au plus profond de son être qu’il était à ce moment là l’homme le plus heureux du monde.

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