On vient de se farcir une nouvelle tête de
directeur à notre succursale. Ma nouvelle directrice, celle qui fut nommée au
printemps pour « mater » la bande à Rej, ben elle est partie
officiellement ce matin. Elle remplaçait le précédent directeur, l’autre, celui
qui avait essayé de suspendre un collègue et ami à Rej alors que tous les
autres directeurs lui disaient de ne pas faire ça, pas dans la succursale à
Rej. Mais il l’avait fait quand même et seulement cinq petits jours plus tard,
et après quelques menaces bien pimentées de jeunes clients bien identifiés à
des gangs de rue mais pote à nous, la direction a reculé, a payé la journée de
suspension au collègue et décida du même coup de ne plus appuyer leur
directeur. À partir de là, il était à nous et nous avons pu en faire ce que
nous voulions. Nous l’avions donc mangé par petites portions pour faire durer
le plaisir et le comble de l’humiliation fut donné par sa supérieure immédiate
qui, à la fin, passait directement par Rej pour gérer la succursale. Rej
avisait ensuite son directeur pour lui donner les dernières directives de la
succursale en commençant toujours ses phrases par « Ta bosse m’a dit de te
dire que… » ce qui contrariait beaucoup le directeur. Mais comme Rej
parlait au nom de sa bosse, il baissait la tête et faisait ce que Rej lui
disait.
Bien docilement.
Rej était heureux.
Ça se passait pendant les jeux olympiques
d’hiver et sur le net, CBC diffusait les parties de hockey que Rej et sa bande
aimaient bien regarder. Même sur les heures de travail alors que l’ordi
derrière les caisses servait justement à assouvir cette passion. Les employés
n’avaient pas le droit, mais le directeur ne disait plus rien. Rej comprit que
ce directeur était vraiment cassé quand, un beau matin, ce même directeur
décida de remplir une quelconque paperasse en se plaçant devant l’écran d’ordi
pendant une partie de hockey. Le collègue de Rej, celui là même qui fut
suspendu par le directeur quelques semaines plus tôt, apostropha d’une voix
ferme le directeur en lui disant quelque chose comme :
« Hey ! Tasse-toi ! Je vois rien ! Va faire ta câlisse de
paperasse dans ton bureau ! » Quand Rej vit le directeur s’en
retourner piteusement dans son bureau en s’excusant, il comprit que la job
était faite, que le directeur était devenue une plante verte.
Deux mois plus tard, changement total de
direction dans la division. Voilà un nouveau directeur de secteur qui remplace
l’autre, celle qui passait directement par Rej. Il a une réputation grosse
comme ça et il vient de la banlieue. Il nomme une directrice de succursale qui
a grosso modo le mandat de mater la bande à Rej. Celle-ci fait la fière et elle
n’est même pas encore en poste dans la succursale qu’on entend des rumeur à
l’effet qu’elle vient là pour faire la loi.
Quelle loi ??
On a des chiffres de vente en progression
depuis 5 ans, le boulot se fait tout seul, on attire de nouveaux clients, mais
parce qu’on est des adultes et qu’on aimerait se faire traiter en adultes, ça
les fait chier. Nous tout ce qu’on veut, c’est qu’on nous criss la paix et
qu’on nous laisse faire notre boulot. C’est pas compliqué ! Faut
comprendre que les directeurs se tournent les pousses. Il faut qu’ils s’occupent.
Alors ils essaient de jouer « les gestionnaires ». Mais la plupart
n’ont aucune expérience de gestion et usent de leur poste pour assouvir je ne
sais quelle fantasme de domination.
Mais chez nous, ça ne marche pas.
Ça ne marche jamais.
Et notre réputation leur fait peur.
C’est drôle et pathétique à la fois.
La fille, et c’est triste à dire, n’est pas de
taille. Rej avise le nouveau directeur de secteur que sa directrice essaie de
jouer les gros bras et que ce rôle ne lui convient pas du tout. C’est une petite
princesse gosse de riche et enfant roi d’à peine 30 ans qui ne connaît des
Haïtiens que ce que le Journal de Montréal lui raconte. Rej lui parle même de
la succursale, de sa clientèle singulière, du stress perpétuel qui consiste à
servir des gangs de rues qui viennent armés et qui ne rigolent pas toujours,
que la seule chose qu’on souhaite, c’est d’avoir un gestionnaire qui puisse
comprendre. Rej lui dit même que la dernière directrice de secteur avant lui,
passait par Rej. Le nouveau directeur de secteur s’indigne et lui dit «
Jamais je ne passerais par toi pour régler mes problèmes. »
Ok.
Cette fois, on l’a joué zen. En douceur. Une
main dans le dos parce que c’était trop facile. On l’a démolie de manière éco
responsable, en recyclant ses conneries. Depuis jeudi dernier, est ne rentrait
plus. Elle s’était poussée comme une conne. Elle n’est réapparue qu’aujourd’hui
pour fermer ses livres, faire les paies et décrisser après l’arrivée de Rej. Le
nouveau directeur de secteur, bien en peine, a demandé à Rej de prendre
l’intérimaire de la direction de la succursale. Rej a accepté en riant tout bas
et en se retenant de lui dire que finalement, il venait de faire pire que ta
précédente collègue.
Rej est maintenant payé 19% de plus pour faire
98% moins de travail.
C’est lui qui mène la baraque sans être
imputable parce qu’il est toujours syndiqué.
Et sa bande va tout donner pour que ça marche.
Rej est heureux.
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