C’est un beau matin d’été. Des moineaux
piaillent sous les corniches de la ruelle. Suis sur le balcon arrière et je me
laisse bercer par les bruits de la ville en ce matin du 18 juin. La vieille
dame d’en arrière, celle du 3e étage, vient d’étaler sur sa corde à
linge des sacs de plastique. Je crois qu’elle les lave avant de les réutiliser.
D’où je suis placé, je ne vois que ses bras surgissant du cadre de sa fenêtre
pour fixer les pinces à linge sur ses sacs. Cette cocasserie ménagère me porte
à croire qu’elle n’a sans doute pas baisé depuis au moins le premier
gouvernement de René Lévesque. Triste histoire.
C’est un beau matin d’été. Des moineaux
piaillent sous les corniches de la ruelle. Un peu plus tôt, j’ai vu passer la
jolie Marie-Claude qui promenait son chien. Scarlett le nom de son chien. Ce
que j’aime d’elle, c’est quand son chien se ramène au pied de mon balcon et
qu’elle vient le chercher. Pour le prendre dans ses bras, elle se penche
toujours sans faire attention à son décolleté et comme je suis deux marches
au-dessus, la vision qu’elle m’offre alors devient un chouette cadeau de la
vie. Elle le promène chaque matin et chaque soir, de sorte que je peux la voir
au moins deux fois par jour si je suis chanceux. Ce qui me fait penser qu’hier,
en revenant de chez mes parents, j’ai trouvé un écriteau écrit à la main sur la
clôture de ma cour. C’était écrit « Veuillez ramassez les cacas de vos
chiens SVP ! » Avec un gros point d’exclamation très fâché à la
fin. Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? Le pire c’est que c’était
sur mon côté de la cour, de sorte que ça donnait l’impression que j’étais
l’auteur de cette missive. Je n’ai même pas hésité une seconde et j’ai arraché
le truc. D’abord, parce que je ne veux pas que Marie-Claude croit que je suis
l’immonde grincheux responsable de cette affiche ; et ensuite parce que
moi, sincèrement, ça ne me dérange pas du tout que Scarlett vienne faire caca
au pied de mon balcon. Même que je ne demande que ça si vous voulez tout
savoir. Parce que Marie-Claude s’empresse toujours de ramasser les crottes et
comme je suis toujours deux marches au-dessus…
Elle habite le bloc juste à côté. On ne se
connaît pas beaucoup, mais on se parle toujours. L’an dernier, elle est même
venue prendre quelques bières avec moi sur ce même balcon. Le seul truc chiant
avec elle c’est son mec.
C’est un beau matin d’été. Des moineaux
piaillent sous les corniches de la ruelle. L’homme à tout faire de mon
propriétaire vient de passer. Il voulait m’aviser qu’il allait repeindre les
escaliers en fer forgé dans les prochains jours. M’a demandé des nouvelles de
mon père. Ils ont le même âge. Enfin, « ils avaient » puisque je dois
désormais m’habituer à parler de lui au passé.
Mon père avait…
Mon père était…
Mon père disait…
Ça aurait pu être un
beau matin d’été.
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