jeudi 19 juin 2014

Les corniches

C’est un beau matin d’été. Des moineaux piaillent sous les corniches de la ruelle. Suis sur le balcon arrière et je me laisse bercer par les bruits de la ville en ce matin du 18 juin. La vieille dame d’en arrière, celle du 3e étage, vient d’étaler sur sa corde à linge des sacs de plastique. Je crois qu’elle les lave avant de les réutiliser. D’où je suis placé, je ne vois que ses bras surgissant du cadre de sa fenêtre pour fixer les pinces à linge sur ses sacs. Cette cocasserie ménagère me porte à croire qu’elle n’a sans doute pas baisé depuis au moins le premier gouvernement de René Lévesque. Triste histoire.

C’est un beau matin d’été. Des moineaux piaillent sous les corniches de la ruelle. Un peu plus tôt, j’ai vu passer la jolie Marie-Claude qui promenait son chien. Scarlett le nom de son chien. Ce que j’aime d’elle, c’est quand son chien se ramène au pied de mon balcon et qu’elle vient le chercher. Pour le prendre dans ses bras, elle se penche toujours sans faire attention à son décolleté et comme je suis deux marches au-dessus, la vision qu’elle m’offre alors devient un chouette cadeau de la vie. Elle le promène chaque matin et chaque soir, de sorte que je peux la voir au moins deux fois par jour si je suis chanceux. Ce qui me fait penser qu’hier, en revenant de chez mes parents, j’ai trouvé un écriteau écrit à la main sur la clôture de ma cour. C’était écrit « Veuillez ramassez les cacas de vos chiens  SVP ! » Avec un gros point d’exclamation très fâché à la fin. Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? Le pire c’est que c’était sur mon côté de la cour, de sorte que ça donnait l’impression que j’étais l’auteur de cette missive. Je n’ai même pas hésité une seconde et j’ai arraché le truc. D’abord, parce que je ne veux pas que Marie-Claude croit que je suis l’immonde grincheux responsable de cette affiche ; et ensuite parce que moi, sincèrement, ça ne me dérange pas du tout que Scarlett vienne faire caca au pied de mon balcon. Même que je ne demande que ça si vous voulez tout savoir. Parce que Marie-Claude s’empresse toujours de ramasser les crottes et comme je suis toujours deux marches au-dessus…
Elle habite le bloc juste à côté. On ne se connaît pas beaucoup, mais on se parle toujours. L’an dernier, elle est même venue prendre quelques bières avec moi sur ce même balcon. Le seul truc chiant avec elle c’est son mec.  

C’est un beau matin d’été. Des moineaux piaillent sous les corniches de la ruelle. L’homme à tout faire de mon propriétaire vient de passer. Il voulait m’aviser qu’il allait repeindre les escaliers en fer forgé dans les prochains jours. M’a demandé des nouvelles de mon père. Ils ont le même âge. Enfin, « ils avaient » puisque je dois désormais m’habituer à parler de lui au passé.
Mon père avait…
Mon père était…
Mon père disait…


Ça aurait pu être un beau matin d’été.

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