J’avais écrit ça pour toi. Heureusement, j’ai
eu l’intelligence de le sauver avant que l’autre enfoiré me pique mon ordi.
C’est un extrais d’un plus long texte qui, sous un certain angle, pourrait
ressembler à un roman. Ça raconte notre première vraie sortie ensemble, juste
toi et moi. Ça fait 7 ans de ça, mais je m’en souviens comme si c’était hier.
Tu m’avais invité à aller au cinéma. Tu voulais voir ce terrible documentaire
qui parlait de l’exploitation pétrolière sur le fleuve Niger. Moi, j’aurais été
jusqu’à me faire personnellement exploiter par n’importe quelle pétrolière
juste pour avoir le droit de partager un café avec toi. Tu comprends donc que
je n’ai pas dit non à ton invitation, documentaire chiant ou pas. Oui bon, j’ai
un peu inventé deux ou trois trucs, mais l’essentiel est là. Ça va comme
suit :
La première sortie
—
Désolée,
je suis à la bourre. T’es là depuis longtemps ?
—
Non,
j’arrive à peine.
Tu
parles ! Ça fait deux heures et trois cafés que j’attends. Mais je ne vais
pas lui dire. On ne dit jamais ça à une fille qu’on aimerait marier, même si on
est contre le mariage. Au fait, pourquoi les filles sont toujours en retard,
même quand ce sont elles qui décident du lieu et de l’heure du
rendez-vous ? Y doit y avoir un truc que je ne comprends pas chez elles.
C’est où qu’on peut acheter Les filles
pour les nuls ? Ça s’est déjà écrit d’ailleurs ? J’pense pô. On
le saurait si ça l’était parce que la chose serait un Bestsellers, c’est sûr. En tout cas moi j’en aurais une, d’édition,
avec pleins de post-it jaunes dedans
pour marquer les passages les plus importants.
—
Putain,
les transports en bus à Montréal, c’est trop nimpe !
Elle parle français, mais avec quelques
petites variantes qui viennent pimenter la sauce. Être à la bourre par exemple, ça veut dire être en retard. Enfin, c’est
ce que je devine parce que V… est toujours en retard et qu’elle dit toujours
« Désolée, je suis à la bourre. » Du coup, j’ai fais le lien tout seul
dans ma tête. J’suis fort pour les langues. Et nimpe, c’est une contraction de n’importe
quoi, comme dans « le transport en commun à Montréal, c’est n’importe
quoi ! » Je trouve ça mignon comme tout.
Elle
est là, devant moi, toute belle à force d’être une V… qui n’existera plus que
pour moi et mes yeux pour les prochaines heures. Fuck, c’est
presqu’incroyable ! Il n’y aura plus qu’elle et moi pour toutes ces
heures qui s’en viennent ! C’est Noël en avril ou alors que je n’y connais
rien en bonheur. Je me sens tellement bien ! Je voudrais que le temps
s’arrête là, maintenant, que plus rien d’autre n’existe dans ma vie que ce
moment-ci ; plus rien d’autre que sa présence, que son parfum, que son
sourire, que son regard planté dans mes yeux à moi. Je me sens revivre quand
elle respire près de moi. Ça se fait tout seul. C’est magique. Comment elle
fait ça ? Comment parvient-elle à être une V… comme ça ? Pourquoi je
trouve ça si beau quand elle bouge ? Pourquoi le simple fait de la voir
tirer une chaise pour s’asseoir devant moi m’apparaît comme l’une des plus
belles chorégraphies de toute l’histoire de la chorégraphie depuis l’invention
des chaises et des tables de Café ? Pourquoi je trouve que son manteau
d’hiver acheté sans doute dans une friperie du Plateau est le plus beau manteau
d’hiver depuis les premiers manteaux de la première congélation du
continent ? Et pourquoi son sourire me fracasse le squelette comme une
porcelaine qu’on aurait projetée contre un mur de briques ? Pourquoi mon
ventre, et mes jambes, et mes genoux, et mes veines, et mon système nerveux, et
ma vision, et mes globules blancs, et mes ganglions, et mes cheveux, et mon
cœur, et ma prostate, et ma respiration, et tout le bordel qui compose mon
corps devient de la guenille, de la pâte à modelée, de le gelée, de la bouette,
de la cire fondante quand j’entends mon prénom prononcé par sa bouche ?
Pourquoi ça fait une symphonie dans sa bouche à elle et jamais dans la bouche
des autres ? Est-ce que c’est ça une expérience mystique ? Elle
retire son long manteau dont la coupe tout en lignes droites rappelle celle des
années ’60. C’est sûr, elle se l’est procuré dans une friperie. Et en dessous,
comme une deuxième peau, son gros pull de laine bleu un peu effiloché aux
coudes. Et puis autour du cou une jolie écharpe pastel qui complète
merveilleusement son look bohème de gauche, petite apôtre jolie du No Logo de
Noemie Klein, ma douce non-consumérisme à moi ! Son sac qu’elle porte sur
l’épaule n’est pas en jute. Ça ne va pas jusque là. Mais c’est tout de même un
tissu qui s’en rapproche ; sorte de compromis entre le granola et le
grunge. C’est assez gros et la chose semble bourrée d’objets hétéroclites.
Comme il n’y a pas de fermeture éclaire pour fermer le tout, ça fait comme une
grosse gueule qui voudrait régurgiter son trop plein, mais férocement empêchée
par une sangle à trois crans. Celle-ci relie les deux côtés du sac en les
maintenant ensemble par une boucle métallique dont l’ardillon est planté dans
le premier cran. La pointe de la sangle est glissée dans un passant de cuir
brun. Je ne peux pas dire que c’est joli, mais assurément ça t’a un look
singulier. Disons que ce n’est pas le genre de sac que tu verrais porter par
une pétasse de Laval. Je dis ça comme ça, sans méchanceté. Il n’y a pas que des
pétasses à Laval. Mais il y en a beaucoup. Elle le dépose sur la table à café
qui est ronde et toute petite. Du coup, je dois déplacer ma tasse pour faire un
peu de place. Mais ce n’est pas grave du tout et j’accepte volontiers le
dérangement. Je sais me tenir nom de Zeus ! Voyant mon regard un peu
étonné, elle sourit et y va d’une explication.
—
C’est
mon baise-en-ville. Il y a tout ce qu’il me faut pour survivre trois jours sans
revenir à la maison, soutifs et bobettes incluses. (elle rit). Bobettes, j’adore ce mot québécois.
C’est tellement plus sympathique que slip.
Tu ne peux pas être malheureuse quand tu prononces ce mot. J’adore !
Bobette, bobette, bobette !
C’est
tout juste s’il reste de la place pour nos tasses quand le serveur lui ramène
son café. C’est qu’il est drôlement gros son sac. Elle l’ouvre et y plonge sa
main avant d’en ressortir de petites lunettes qu’elle fixe ensuite sur le bout
de son nez. Mauve la monture des petites lunettes. Et puis une forme qui
rappelle celles de Trotski. Ça lui fait ressortir ses grands yeux bleus qui
sont plus ronds que des billes.
—
C’est
pour le cinoche. Je ne vois rien sinon. Au fait, on a encore le temps ?
Oui
nous avons encore le temps parce qu’il y a une autre représentation après celle
que nous étions supposé voir. Elle se confond encore en excuses pour son retard
et m’explique que le mec qu’elle devait interviewer pour son émission de radio
n’en finissait plus de raconter ses conneries. « Je ne pouvais pas le
couper, il était tellement à fond dans son truc que ça me brisait le cœur de
l’interrompre. » Elle bosse sur un reportage portant sur les coulisses de
l’oratoire St-Joseph. Ce type de tableau urbain qui n’intéresse personne, comme
c’est souvent le cas dans ces reportages d’émissions de radio communautaire.
Mais elle est évaluée pour chaque dossier et la note finale de son stage sera
en fonction du cumulatif. Elle ne peut donc se permettre de tourner les coins
ronds. De toute manière, en retard ou pas, je m’en tape. Le plus important
c’est qu’elle soit là, avec moi pour les prochaines heures. Comme dirait le
cliché, il ne peut pas exister plus grand bonheur ici-bas. Mais je m’abstiens
de lui dire, de crainte de passer pour un dingue. On passe toujours pour un
dingue quand on complimente trop une femme. Je garde donc ça pour moi, comme un
terrible secret d’ado, bien caché sous mon attitude faussement décontractée.
Par l’ouverture de son sac, je vois un gros Minolta un peu vieillot avec sa
courroie de cuir qui ondule jusque dans les profondeurs insondables du
fourre-tout. Je profite habilement de cet objet pour entamer une première
conversation qui vient officiellement briser la glace. Non pas que l’ambiance
était gelé, mais disons que j’étais un peu nerveux. Faut me comprendre. C’était
notre première sortie officielle juste tous les deux sans personne autour de
nous pour nous regarder être bien ensembles. Forcément, ça joue au niveau de
l’attitude générale. Tu voudrais paraître naturel que tu n’y arriverais pas.
Enfin, extérieurement, peut-être que tu dégages quelque chose qui ressemble à
du naturel, mais en dedans, dans tes boyaux et dans ton cerveau surtout, putain
mais qu’est-ce que tu ne te sens pas naturel du tout ! Mais alors là, pas
du tout ! Le premier truc auquel j’ai pensé et qui m’a donné un coup
d’angoisse pas possible c’est de me dire que j’avais peut-être une boule de
morve séchée et collée sur le coin de la narine. Avec ce printemps de merde et
son froid de canard, tout le monde devient une victime potentielle. Tout le
monde mouche et tout le monde se tape la goutte au nez. Dès que tu mets le pied
dehors, crack ! Ça se met à couler comme une fontaine. Mais profitant du
moment où elle s’installa, j’ai subrepticement usé de ma cuillère comme d’un
miroir. Ouf ! Tout est clean.
Pas la moindre trace de la chose. L’enfer si ç’a avait été le cas !
T’imagines ! Le premier rendez-vous officiel avec la fille de tes rêves et
voilà-t-y pas qu’au moment où elle se pointe, tu réalises que t’as un chunk gros comme une des lunes de
Jupiter coincé sur le rebord intérieur de ton orifice nasal. Ganymède,
Callisto, Amathé, t’as le choix mec. Il y en a 67 avec des noms aussi cons.
Quand tu lui parles, elle ne voit que ça parce que c’est tellement gros que ça
provoque une éclipse du soleil. Même que tu commences à douter parce que les
meubles de la pièce se mettent à te graviter autour. Mine de rien, t’essaies de
prendre un posture normale pendant que le piano à queue fait des révolutions
autour de ta personne, mais va savoir, elle ne mord pas et continue à fixer ton
chunk de morve qui a tellement évolué
depuis que t’as mis les pieds dans cette pièce qu’une forme de vie intelligente
s’est développée dessus. Même que ces espèces en sont maintenant à l’étape des
chasseurs cueilleurs et que si tu ne trouves pas un moyen d’aller te moucher
bientôt, ils vont passer à la période industrielle et t’auras l’air malin avec
des usines au charbon dans le nez.
—
Il est
numérique ?
—
Mais
non, pas du tout. Le numérique, c’est pour les beaufs.
Elle
se fout un peu de ma gueule, mais sans méchanceté parce qu’elle est comme ça
justement, sans méchanceté. Oui bon, pour couper court à tous les adjectifs que
je risque de balancer sur elle d’ici les prochains chapitres, pour ne pas me
perdre dans les compliments et autres louanges, j’aurais envie de dire qu’elle
est parfaite, qu’il n’y en a pas deux comme elle, qu’elle est unique au monde,
mais ça gâcherait un peu le plaisir d’écrire sur elle. Parce que dans le fond,
si j’écris ces lignes, si je me tape ces chapitres, si je pioche
quotidiennement sur mon clavier avec une routine de moine, c’est parce qu’elle
habite encore ma tête de con et ses pensées qui sont dedans. Une vingtaine de
journées de fréquentation – 28 pour être très précis, pas plus, pas moins – et
ce fut suffisant pour qu’elle s’imprègne en moi comme une mutation génétique de
l’âme. Heu… cette dernière phrase, franchement, je ne sais pas trop ce que ça
veut dire, mais c’est tout de même ça. Du premier jour où l’on s’est vu
jusqu’au moment de se retour en France, il s’est passé 28 jours. Même pas un
mois complet. C’est vous dire l’effet qu’elle a eu sur moi. Non vraiment, c’est
une putain de belle histoire d’amour que je vais vous raconter là.
—
Trop
fastoche de bombarder la vie avec 2,000 clichés pixélisés et d’en sélectionner
un ou deux qui seront à peu près réussis. Mais avec la peloche, c’est autre
chose.
—
La
peloche ?
Elle
empoigne son Minolta et le sort de son gros sac. Elle en retire le capuchon
protecteur et colle son œil contre le viseur en me pointant. Elle ajuste la
bague de mise au point de l’objectif.
—
La
pellicule si tu veux. T’as pas le droit à l’erreur et tu dois faire un avec ton
appareil. Ta lentille, elle doit être l’extension de ton regard. Tu dois
désirer le sujet de ta photo. Oh, ne bouge plus ! C’est parfait comme ça.
- Click ! -
Elle
dépose son vieux Minolta sur la table avec un petit sourire narquois sur le
visage. Ce sourire, c’est une signature au bas d’un tableau. Il n’appartient
qu’à elle et elle en usera à mon endroit jusqu’à me rendre complètement fou.
Elle va me le balancer à bout portant en creusant chaque fois sa lame de
bonheur un peu plus profondément dans ma chair. Il y a quelque chose qui tue
dans ce sourire. Quelque chose qui fait tellement de bien que ça finit par
faire mal. C’est la première fois qu’elle me l’offre, mais elle va m’en
redonner à répétition pendant les 28 jours que nous passerons ensemble. Quand
elle ne sera plus là, c’est d’abord ce sourire qui va me manquer à en pleurer.
D’ailleurs, juste d’écrire ce passage, voilà que je chiale. Désolé.
—
T’as
fait une drôle de tête quand j’ai pris la photo.
—
Une
tête de con sans doute. Je ne m’attendais pas à ça.
—
Alors
ça donnera une photo d’un joli con. Tiens, c’est comme ça que je vais
t’appeler : Jolic, pour joli con. C’est joli Jolic, tu ne trouves
pas ?
À
partir de cet instant, oui vraiment à partir de cet instant précis, il nous est
tombé dessus une complicité instantanée, un truc de fou que je n’arrive
toujours pas à m’expliquer et qui ne s’expliquera sans doute jamais. Je suis
conscient qu’en écrivant ça je vais passer pour un dingue, mais c’est plus fort
que moi et je dois en parler parce que ça m’habite encore au moment où j’écris
ces lignes. Le fait est qu’il me semblait la connaître depuis la nuit des temps
et que cette première sortie n’allait pas marquer le début d’une grande
histoire, mais qu’elle ne faisait plutôt qu’en officialiser un état de fait qui
existait déjà entre nous, au delà de toute logique et par delà l’explicable.
Cette furieuse impression qu’elle avait toujours été là, quelque part en moi,
vivant dans je ne sais quelle réalité quantique où mon autre moi-même avait ses
habitudes parallèles ; cette sublime sensation de la retrouver après une
simple absence de 24 heures, de la revoir pareille à ce qu’elle était au
dernier millénaire, à peine plus vieille d’une seconde. Deux personnes nées à
18 ans d’écart, plantées dans deux continents différents, séparées par la
simple logique des choses, mais réunies par l’incommensurable hasard du grand
Tout dans une connivence des esprits qui nous habitait depuis toujours et qui
n’eut besoin que d’un simple face à face pour que s’accomplisse le prodige. Je
ne sais pas si je me fait bien comprendre, si je parviens à bien vous expliquer
ce que j’ai ressentie ce jour-là et ce que je ressent toujours en moi, même
encore aujourd’hui, bien après qu’elle soit disparue de ma vie. Avant d’en dire
plus, avant d’aller plus loin, je voudrais vous dire que je suis agnostique à
la base, que je ne crois en rien, ou alors ramène moi les preuves mec parce que
je suis comme ça avec ces questions qui nous dépassent. Je ne crois en rien, ou
alors simplement à ce fait très simple qui dit que je n’ai pas le cerveau assez
développé pour comprendre d’où l’on vient, où l’on va et entre les deux,
pourquoi on est là à vivre dans une société qui a inventé les télé réalités et les
coupons rabais sur les boîtes de petits pois. Toutes ces questions me dépassent
et nonobstant mes quelques notions de physique quantique qui tendent à me
montrer la pointe d’une miette d’un début de commencement de piste de réponse,
je sais que la véritable réponse, si réponse il y a, ne me sera dévoilée
qu’après l’ultime glissade vers cet ailleurs qui nous attend tous. Je crois en
rien je disais, mais je me laisse néanmoins ouvertes toutes grandes les portes
du possible, juste au cas où, question de ne pas être trop déçu ou trop surpris
quand ça arrivera. Le paradis ? J’veux bien. Le néant ? Pourquoi pas.
La réincarnation ? Si vous le dites. Les mondes parallèles ? Je n’dis
pas non. Je suis ouvert je disais parce qu’à défaut de pouvoir prouver, on
reste forcément dans l’univers du possible, les deux pieds plantés dans une
réalité de faits. Et le fait le plus crédible que nous ayons en notre
possession et sur lequel nous pouvons analyser une quantité infime d’évidences
sans pour autant nous donner la moindre réponse sur l’après, est que nous
sommes pour le moment vivant. That’s it, mais c’est quand même énorme. Or,
voici qu’arrive cette V… et qui me balance à bout portant cette étrange
impression que nous étions tous les deux, et depuis toujours, l’un et l’autre
dans l’attente de l’autre. Comprenez ce que j’veux dire ? Comme si je
connaissais déjà tout d’elle, que je pouvais deviner ses réactions une fraction
de seconde avant qu’elle ne les montre, que je pouvais deviner la naissance de
ses sourires avant qu’elle ne les accouchent, et que juste en la voyant comme
ça devant moi à ce premier rendez-vous, et en une simple intuition, j’ai même
pu anticiper l’odeur, les saveurs et la douceur de sa peau des jours pourtant
avant que mon nez et ses narines, que ma bouche et sa langue, que mes mains et
leurs doigts ne s’y jettent enfin comme des chiens fous qu’on aurait lâchés
libres dans un grand terrain boisé. Je la connaissais déjà je vous dit !
Je l’avais déjà rencontré quelque part avant, dans ce paradis-là, dans ce monde
parallèle-là, dans cette réincarnation là ou dans ce néant là. Mais je la
connaissais nom de Dieu ! Aussi débile que ça puisse paraître, elle me
faisait croire en ça.
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