Roudoudou, tu
connais ? Le mec, le personnage central dans
cette comptine pour enfant quand on était à la petite école? Ça te rappelle
quelque chose? Souviens-toi, le type, il n’avait pas de femme et comme ça, sans
doute parce qu’il souffrait grave de solitude, voilà-t-y pas qu’il se met dans
la tête de s’en faire une avec sa canne. Si, si! Avec sa canne le mec! C’était
chanté comme ça dans la comptine :
Roudoudou
n’a pas de femme
Il en fait
une avec sa canne
Et
l’habille d’une feuille de chou
Voilà la
femme de Roudoudou
On chantait ça tel quel. Une
comptine pour enfants!T’imagines !! J’avais d’angoissantes visions quand,
tout petit écolier que j’étais, je devais apprendre ce texte par coeur sinon je
me mangeais un coup règle sur les doigts. Je me disais qu’il fallait être
drôlement fêlé de la boîte crânienne pour se marier avec la première prothèse
orthopédique de l’histoire de l’humanité. Dans le livre, on le voyait même
danser avec elle, la canne, après qu’il l’eut affublée d’une feuille de chou
sur le pommeau de sa canne en guise de coiffure. Il avait l’air vraiment
heureux le mec et cette image, loin de me faire sourire comme ça devait
sûrement être le but profond, m’angoissait terriblement. Comment tu peux être
heureux en dansant avec une canne et trouver ça en même temps socialement
acceptable? Et pourquoi on nous refilait cette lecture comme si c’était la
chose la plus normale à faire lire à des enfants?
«Ah! ah! ah! comme c’est cocasse,
un vieux monsieur tordu qui prend sa canne pour épouse!»
Ils
avaient de ces idées dans ce temps-là! Bien sûr, je ne me le disais pas dans
ces mots vu que j’étais tout jeune, mais il n’en demeurait pas moins que je
trouvais la trame principale particulièrement inquiétante.
Comment
ça j’exagère ? T’en connais beaucoup de weirdos toi qui vont au resto en
tête à tête avec une canne ? T’imagines le mec à la banque essayer de
s’ouvrir un compte conjoint où ça prend les deux signatures ? Où
c’est que t’as déjà vu un mec s’acheter des béquilles pour un trip à
trois ? Faut être fucké en tabarnak.
Ce
n’est que plus tard, à l’adolescence, que j’ai compris. Le mec, le Roudoudou en
question, ben merde, c’était un désaxé sexuel. Ça ne pouvait pas être autre
chose. Pour sûr ! Du coup, ça m’avait perturbé encore plus gravement en
pensant qu’ils en avaient fait une comptine pour enfants. Non, mais c’est
vrai ! Le mec, il est tellement en manque de cul qu’il s’amourache
d’une canne en lui promettant secours et fidélité jusqu’à ce que la mort les sépare.
Si ce n’est pas du fétichisme, je me demande ce que c’est ! Et en plus,
qui te dit que la canne était d’accord ? Si ça se trouve, il se l’est
tapée sans consentement. Mais à cette époque, une femme ou une canne, devant un
juge c’était la même chose. Aujourd’hui, je ne dis pas. Sauf qu’on imagine très
bien la défense du Roudoudou en question :
"Elle m’a allumée,
monsieur le juge !"
Mais
ça, la canne et ses multiples possibilités érotiques, c’était quand il était
déjà adulte. Imaginons ce qu’il pouvait bien inventer comme déviation à l’époque
de son adolescence, période où le bouillonnement intérieur est à son max.
Franchement, ça devait être terrible. Non, mais c’est vrai ! Si une canne
l’excitait à 30 ans, qu’est-ce qui pouvait bien le faire bander à 14 ou 15
ans ? Juste à y penser, t’en as des frissons dans le dos.
Une
bouilloire en fonte?
Une
selle de cheval?
Une
roue de carrosse?
Une
enclume de forgeron?
Un
sabot de bois?
Parce
que merde, t’as beau vivre dans un ancien temps sans Playboy ni Internet pour
te branler, ça n’excuse pas tout. Une canne reste une canne, même avec une feuille
de chou plantée dessus pour lui donner une petite touche de féminité. Débaucher
sans consentement une pauvre prothèse de bois qui n’a jamais rien demandé à
personne, merde, faut être fucké grave quand tu y penses.
Roudoudou, fuck, quel personnage
quand on y pense. Sans doute le premier dévié sexuel historiquement répertorié
dans la littérature populaire. Un truc écrit depuis la nuit des temps. Comme
quoi des esseulés affectif il y en a depuis toujours. Oui bon, vu d’un autre
angle, et si on compare avec le petit Chaperon Rouge et sa trame implicite qui
n’est en fait qu’une mise en garde faite aux petites filles pour se méfier des
méchants messieurs, on applaudit Roudoudou de ne s’en tenir qu’à un objet
inanimé pour assouvir ses pulsions. Mais si on transposait le personnage à
notre époque, que pourrait bien être le gros frisson contemporain de monsieur
Roudoudou ?
Une marchette pour p’tit
vieux ?
Faudrait voir. Ce n’est pas plus
con qu’une canne. Faut être moderne. Faut être de son temps. Et puis la chose
comporte tout de même deux poignées et deux roues. Il y aurait forcément des
trucs cochons à faire avec ça pour peu qu’on soit doté d’une imagination très
fertile.
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