dimanche 13 janvier 2013

Il va tout me raconter ce qui s'est vraiment passé




Bon, j’arrive à la fin du livre et je me prépare à me délecter de la bataille de Waterloo décrite et analysée par Napoléon lui-même. Je m’en peux plus!! Mais en même temps, je dois choisir le bon moment pour lire ces précieuses pages. Ne peut pas lire ça à la va-vite sur un coin de table, entre deux quarts de travail. J’attends le bon moment. Sans doute le weekend prochain après une dure semaine de travail. Au coin du feu au chalet, ouais, ça serait parfait. Parce que bon, ce n’est pas un banal exercice de lecture que je m’apprête à faire, mais rien de moins que d’entrer dans le cerveau du plus grand génie militaire de l’histoire. 

(Oui bon, si la chose napoléonienne vous laisse de glace, je tiens à vous prévenir tout de suite que vous pouvez quitter ce texte sans problème puisqu’il lui sera entièrement dédié.) 

Résumons. Printemps 1814. Les armées coalisées défont les forces françaises, obligeant Napoléon à abdiquer. On lui concède la principauté de l’île d’Elbe où il arrivera en mai accompagné d’environ 800 soldats issus de la Garde Impériale. Pendant ce temps-là, les étrangers placent les Bourbons sur le trône de France, effaçant ainsi les acquis de la révolution, de la république et de l’Empire. 25 ans après la prise de la Bastille, ce retour en arrière n’est rien de moins qu’une bombe à retardement. Le peuple grogne. Février 1815, Napoléon et ses soldats quittent l’île d’Elbe avec l’idée ahurissante de chasser le roi, reprendre le trône et se replacer à la tête de l’état sans tirer un seul coup de fusil. Tout ça, en usant de son seul atout, c’est-à-dire sa popularité quasi mystique. Et ça fonctionne! Il touche la France le 1er mars. Le 21, Napoléon entre triomphalement dans Paris après une marche historique. Pas un seul coup de fusil, pas un décès, pas un blessé tout au long de cet incroyable chapitre. Les Bourbons on littéralement crissé le camp sans demander leur reste. 
Cependant, l’Europe au complet est inquiète. Une nouvelle coalition contre la France est aussitôt lancée. Ce sera encore la guerre. 

Napoléon sait qu’il sera attaqué par l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse et la Russie. En tout, ce sera plus d’un million de soldats. 
Que fera Napoléon? 

J’ai appris dans ce bouquin que trois plans s’offraient à lui. Le premier, et celui qu’il a longuement envisagé reposait sur une stratégie défensive à outrance dont les principaux  points consistaient à attirer l’ennemi vers l’intérieur et à tenter de les lessiver sur deux axes, à savoir Paris et Lyon. 

Avantages de cette stratégie: 
1- Le temps. Les coalisés ne seraient pas prêts avant juillet. Paris et Lyon ne seraient atteints qu’en août. Cela donnerait le temps à Napoléon de gonfler ses effectifs par des levés de masse. Le temps aussi pour compléter les défenses de Paris et de Lyon. 
2- Les coalisés seraient dans l’obligation de laisser derrière eux une masse considérable d’effectifs pour occuper les autres places fortes de la France. Habitué à se battre et à gagner à 1 contre 3, Napoléon se voyait sûr de tirer profit d’une telle stratégie. 
3- Les coalisés porteraient l’infamie d’ouvrir les hostilités. 

Ce plan est étonnant à plus d’un chapitre. D’abord, parce que Napoléon a réinventé l’art de la guerre en y introduisant la notion de déplacement rapide. Ses vieux grognards avaient d’ailleurs l’habitude de dire qu’ils gagnaient davantage leurs batailles avec l’aide de leurs jambes plutôt que de leurs fusils. L’autre force de ses stratégies consistait en un instinct prodigieux de déceler le point sensible dans le déploiement des forces ennemies et de parvenir à y concentrer ses propres forces pour les bousculer et les séparer. L’artillerie y jouait d’ailleurs un rôle prédominant. À ce sujet, il suffit de se retaper les campagnes d’Italie en 1797 ou celle de France en 1814 pour réaliser à quel point il pouvait palier son peu d’effectifs par un flair exceptionnel, un sens innée pour appréhender les pensées de ses adversaires et de toujours ainsi les devancer d’un coup. Je me suis étonné un moment que Napoléon ait pu penser longuement à adopter une stratégie défensive. 
Mais c’est parce que j’avais oublié le contexte!
Et quel était ce contexte? 
Les suites de la catastrophique campagne de Russie en 1812. La Grande Armée comptait en effet 600 000 hommes au début de la campagne. Elle en aura à peine 100 000 après la retraite. (sans pour autant avoir perdu une seule bataille... c’est le général hiver qui a bouffé le gros de ces forces vives) 

Résultat : 

* cavalerie réduite à néant, ou presque. 

* Un parc d’artillerie à reconstruire. 

* Implosion de l’Europe Impériale et une énième coalition contre la France en 1813 et qui culminera avec la défaite de 1814. Beaucoup de ces batailles avaient été gagnées par la France, mais restèrent incomplètes par manque de cavalerie pour «terminer le travail»

* Des levées de masse qui amèneront sur le champ de bataille des conscrits de 16 et 17 ans, apprenant littéralement le maniement des armes lors des combats. On les baptisera les «Marie-Louise» en l’honneur de la seconde épouse de Napoléon qui, restée à Paris, signera le décret de cette conscription exceptionnelle. (Lire à ce sujet l’extraordinaire roman «Le conscrit de 1813» de Erckmann-Chatrian, racontant l’histoire de l’un de ces jeunes conscrits. Un roman datant de 1864 et qui figure régulièrement dans le top 10 des meilleurs romans de guerre. Vous pouvez d’ailleurs le lire en entier ici : http://www.histoiredumonde.net/-Histoire-d-un-conscrit-de-1813-.html

* Ce sera les boucheries de Leipzig notamment, où l’on conduira des centaines de jeunes hommes à la mort en les déployant en colonne plutôt qu’en bataille, parce que cette dernière manoeuvre était trop technique pour de jeunes conscrits sans formation. 

* Première abdication de Napoléon suivi de la première restauration des Bourbons.

* Licenciement massif des effectifs de l’armée impériale. 

* Au retour de l’île d’Elbe, Napoléon n’a que quelques semaines pour réorganiser une armée littéralement dissoute. 

Vu sous cet angle, ouais, ce n’est pas con d’envisager une position ultra défensive. Mais c’est oublier que Napoléon était un joueur né doté d’une confiance illimitée en ses moyens. Je ne me souviens plus où, je ne me souviens plus dans quelle bataille ni dans quel livre j’ai lu cette phrase, mais un jour, à la veille d’une bataille, un de ses aides de camp vint le prévenir que l’ennemi avait au moins 100, 000 homme alors que ses propres effectifs n’étaient que de 50,000 hommes. Napoléon, qui avait le sens de la réplique et qui savait que tous ceux qui l’approchaient de près ou de loin transcrivaient ses moindres paroles, bref, qu’il écrivait l’histoire dès lors qu’il parlait, lui répondit : «Vous m’annoncez donc notre victoire, monsieur. Car moi et 50,000 hommes, ça fait 150,000 hommes.» 
C’est qu’il torchait grave Napo. 


Le second plan. 
Profiter du fait que les coalisés ne seraient pas prêts avant la mi-juillet pour attaquer l’armée anglo-hollandaise et la prusso-Saxonne en Belgique autour du 15 juin, avant l’arrivée des Autrichiens et des Russes. 
1- On compterait ensuite sur les Belges pour solidifier les armées françaises. 
2- La défaite de l’armée anglaise entraînerait la chute du ministère anglais et qui serait remplacé par l’opposition, plus encline à la paix. 
3- Ce plan, contrairement au premier, avait l’avantage de ne pas livrer de territoire français sans tirer un coup de fusil. 

C’est ce second plan, ou une mouture de celui-ci, qui sera finalement adopté. Dans ces mémoires, je n’ai pas trouvé la trace du troisième plan. Ce n’est sans doute pas une omission, mais plutôt le résultat d’un oeuvre inachevé ou incomplet. N’oublions pas le contexte entourant la rédaction de ces pages. Elle se fit lors de sa captivité à l’île Ste-Hélène dans des conditions parfois très pénibles. 

Je m’apprête donc à lire les mots que l’Empereur a dictés à Ste-Hélène et qui raconteront sa défaite de Waterloo. En quelque sorte, il me parlera par-delà la mort. Les livres possèdent en effet cette magie de faire revivre les trépassés. 

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