mardi 8 janvier 2013

De la froide lucidité de n'être qu'un ramassis de machins mous


J’étais super fier de moi. Qu’on imagine : première journée sans alcool depuis... heu... depuis longtemps. Et puis voyez l’heure : 4h35 du matin! J’ai pas fermé l’oeil. Et puis bien sûr, je travaille demain. En fait, tantôt. 
Chouette. C’est génial la sobriété. J’adooooore ça. C’est vraiment bon pour la santé. 
J’avais oublié que si je buvais un verre ou deux (oui bon d’accord, quatre ou cinq) avant de me coucher, c’était justement parce que je souffre d’insomnie. Je suis un angoissé de naissance. Y a tout un tas de pensées qui se pointent dans mon cerveau quand justement, je ne parviens pas à l’assommer celui-là. 
Quel genre de pensée? 
La mort, la vie, mes dettes, mes dents qui vont bien tomber un jour, mes cheveux qui ne repoussent plus, la maladie des autres et celles que je n’ai pas, ma dépendance à la nicotine, ma voiture, ma non-planification de mon avenir, mon incapacité chronique à trouver un équilibre de vie, à profiter du moment présent, à être heureux, pleinement et sans effort. La dernière demi-heure avant de me lever et d’ouvrir ce putain de laptop, j’étais en train de travailler sur une thèse mentale portant sur les divers degrés de la douleur ici-bas. 
Un mal de dents fait-il plus mal qu’une jambe cassée? 
Et une amputation à froid? Ça fait mal comment? 
Pourquoi certains soldats de la Grande Armée parvenaient à se faire amputer un bras ou une jambe tout en fumant calmement la pipe sans émettre un cri et pourquoi certains autres mourraient littéralement sous l’effet de la douleur? Une scie est une scie et un membre est un membre non? Mais pourquoi cette scie-ci fait plus mal que cette scie-là? Et puis ça fait quoi voir son bras se détacher de son corps pour ensuite aller augmenter la pile de bras et de jambes qui s’amoncelle devant la tente du chirurgien? C’est le genre de questions que je me pose comme ça, à 4h du matin quand mon cerveau n’a pas pu se mettre à off.
Tourne d’un côté et tourne de l’autre. 
Et voilà que je me concentre sur ma respiration, comme ils disent de faire dans les émissions de bonnes femmes à Radio-Canada l’après-midi. Tout est dans la respiration qu’ils disent. Mais voilà, quand je me mets à penser à ma respiration, immanquablement, je me mets à penser à mes poumons, à mon coeur, à mes vaisseaux sanguins, à mon cerveau qui gère tout ça sans qu’on ne sache trop comment. Du coup, j’ai la terrifiante lucidité de n’être plus qu’un ramassis de machins mous retenus on ne sait comment par un squelette et que ce ramassis patenté de hasards évolutifs possède la faculté de penser. Je suis là-dedans à défaut d’être ailleurs. Ailleurs? Oui mais ailleurs où? 
Et voilà que ça repart pour une autre demi-heure. 
Tourne d’un côté, tourne de l’autre. 

Bon, il me reste trois bières dans le frigo. Trois survivantes de samedi dernier quand G... est venue bouffer à la maison. Je fais quoi là? Je m’en tape une pour essayer de dormir deux petites heures avant d’aller bosser? 
Nooon!!! Sobre! Il faut rester sobre!
Ok, alors je vais passer une journée de merde. Et en plus, c’est jour de livraison. Le camion, c’est moi tout seul qui va se le prendre, comme d’habitude. 
Et si je déclarais forfait? 
Peux pas!!! Trop besoin de fric en ce moment. Je suis coincé dans cette ridicule décision. 
Demain soir, c’est certain, je picole un max avant de me coucher. 

Quoi? Qu’est-ce que vous dites? Que l’alcool ne règle rien? Bien sûr que ça ne règle rien. Mais l’eau non plus!

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