vendredi 14 décembre 2012

Mario


Tu l’as fait finalement. 
T’as mis fin à tes jours, petit con. 
Ton frère a appelé le Che ce matin pour lui annoncer. 
C’est à moi qu’il voulait parler. 
Il ne savait pas que lors de tes trois dernières tentatives de suicide, je remplaçais le Che. 
J’avais son téléphone à cette époque. 
Je lui avais donné le numéro. 
Il croyait qu’en le composant ce matin, c’est à moi qu’il parlerait. 
J’étais ton délégué. 
J’étais ton ami.
Je te visitais à l’hôpital. 
Je voyais ton frère qui ne comprenait pas pourquoi notre syndicat était si préoccupé  par ton cas. 
Mon ami. 

Je t’apportais Le Devoir chaque matin dans ta chambre d’hôpital. 
Le Che m’a tout de suite appelé. 
Par respect. 
Il était 9h quand j’ai appris ta mort. 
Parce que ce fut la nouvelle de ce matin mon ami. 
T’es mort, petit con. 
Je n’étais pas surpris petit con. Je savais que tes jours étaient comptés. Mais sous le choc, ça oui, je l’étais. 

Paraît que tu t’es lancé du toit de ton logement pour aller t’écraser sur le trottoir de la rue de l’Hôtel de Ville. 
Un passant t’a vu tomber. 

J’ai parlé à ton frère ce soir. 
Il m’a tout raconté. 
Il pleurait au téléphone. 
J’ai pleuré avec lui. 
Pas pour toi, salaud, mais pour ton frère! 
Pour ta mère de 84 ans!
Pour ta soeur. 
Pour tes survivants que tu laisses en enfer. 
T’es content de toi, petit con?
Tu ris en ce moment?
Vapeur de merde. 
Entité de rien. 

Ce trou à rat où nous avions été te déménager cet été. 
Cette fuite que tu t’étais donnée, comme un sursis, alors que t’étais déjà mort dans ta tête.
Ce n’est pas un logement t’avait dit le Che, c’est un tombeau.
T’aurais dû l’écouter. 
T’aurais dû m’écouter. 
T’aurais dû nous écouter. 
Tu fuyais. 
Tu fuyais. 
Tu fuyais mon ami. 
On a tout fait pour ne pas que tu loues ce tombeau. On t’avait trouvé une place dans ce centre de désintox. T’as pas voulu. Tu te disais assez fort. 
Tu m’as fait chier pendant toute une semaine. 
Tu m’avais même dit qu’un jour, tu te suiciderais et que ce serait de ma faute. 
Tu viens de le faire, petit salaud. 
Enfoiré. 
Enculé. 

Et moi je reste là, vivant, avec tes mots accusateurs dans ma tête. 
T’es con. T’es con. T’es con. 
T’étais un homme bon devenu un chien fini sur la déprime. 
Je t’aimais pauvre con. 
Enculé. 
Je fais quoi là? 
J’écris ta merde que tu laisses derrière toi.

Mario, espèce de con! Qu’est-ce que tu viens de faire là? 
Il faisait pourtant soleil aujourd’hui. 

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