L’Halloween venait d’avoir lieu quelques jours plus tôt. Ma mère avait acheté à l’un de nous un masque qui représentait un crâne de squelette. (J’en profite pour préciser au passage que nous étions quatre garçons... rendons donc hommage ici à ma mère si vous le voulez bien. Une fratrie comme celle-là, en cette époque farouche de bouleversements sociaux et culturels, fallait avoir une sérieuse force de caractère pour résister à la tentation d’en étrangler un ou deux au hasard. Je ne dis pas qu’elle n’a pas essayé à un moment ou un autre, mais je peux affirmer qu’elle n’a jamais été jusqu’au bout, même si le juge qui l’aurait reçue à la barre des accusées lui aurait donné l’absolution pour cause de légitime défense. Gloire à elle donc... surtout que je sais très bien qu’elle vient lire ces machins en cachette. Coquine va!) Ce masque avait ceci de particulier que lorsque tu le plaçais quelques secondes à l’exposition de la lumière, la chose, phosphorescente, brillait dans l’obscurité comme une petite étoile qui serait tombée du ciel. Un truc de malade qui foutait grave la trouille si tu t’en servais bien comme il faut. Et justement, un jour, j’ai usé du plein potentiel de ce masque.
Faut que j’explique.
Nous sommes quatre je disais. Dans l’ordre de naissance, je suis le troisième. Et dans cette même logique territoriale des naissances, il allait de soit que le premier réservait ses pires vacheries au second, qui lui les transférait au troisième et que le troisième les refilait ensuite au quatrième. (Shit rolling down the hill, comme disent les anlgos) Le quatrième devait ensuite gérer le patrimoine des baffes et des coups de cochon fraternels en espérant que la portion parentale lui ponde pour le Noël suivant une cinquième entité de défoulement 100% masculine. Hélas, l’usine fut fermée après ce quartet mâle et le quatrième du cheptel fut bien obligé, en désespoir de cause, de transmettre toutes ses connaissances à des étrangers de son école. Mais ce soir là, j'ai voulu renverser l'ordre des choses.
Immense erreur.
Immense erreur.
Un soir donc, et allez savoir pourquoi, je suis seul à la maison. Mais voilà-t-y pas que je vois mon frère - le deuxième du groupe, donc celui juste au-dessus de moi en terme d’âge - arriver dans l’entrée de voiture avec sa mob. Il est accompagné par son pote qui l’attend dehors. De toute évidence, il vient juste pour récupérer un truc avant de repartir. Une légère pluie tombe. C’est ça! Il vient récupérer son K-Way. Il ne sait pas que je suis là. Du coup, ça fait «tilt!» dans ma tête. Je vais lui faire une bonne blague! Je prends le masque, je l’enfile et je vais me cacher dans son garde-robe, justement là où il range son K-Way. Je l’entends ouvrir la porte et se diriger dans sa chambre. J’ai le fou rire en m’imaginant la suite, mais je parviens à rester silencieux. Et puis je le répète, je ne suis pas censé être là. Il se croit tout seul dans la maison. Il s’amène dans sa chambre, ouvre la porte du garde-robe...
La suite est un cauchemar.
Parce que quand il a ouvert la porte, j’avais les mains devant moi comme pour l’étrangler et j’ai gueulé quelque chose comme «ouaaaaarrrrrragggggggggggahhhhhh!!!!» Je l’ai vu alors crier «AAAAAAAHHHHHHH....!» en manquant de souffle vers la fin avec son visage qui s’est décomposé comme ce n’est même pas possible qu’un visage humain puisse se décomposer de la sorte en ce bas monde. Et comme j’avançais vers lui, il reculait en hurlant avec des yeux qui tournaient dans le beurre tellement il avait la chienne. Il en est tombé sur le dos dans son lit qui était juste derrière lui. Sincèrement, je croyais qu’il allait péter d’une crise cardiaque et j’ai eu vraiment peur. J’ai alors retiré mon masque phosphorescent pour lui montrer que c’était juste moi qui lui faisait une bonne blague, mais allez savoir pourquoi, il s’est mis à me taper dessus de toutes ses forces sans aucun égard pour la finesse de mon humour et de cette bonne blague fraternelle.
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