mardi 20 novembre 2012

Pendant ma bouffe


Tant qu’il ne neige pas, tant que la température le permet, je prends toujours mes repas du midi dehors. Oui bon, souvent je reste dans ma voiture parce qu’il fait un peu trop froid, mais j’ouvre quand même les fenêtres et je profite comme je peux du beau temps. J’écoute l’émission de Michel C Auger à Radio Canada en bouffant et je regrette du même coup Pierre Maisonneuve qui a pris sa retraite cette année. Pas que l’autre ne soit pas bon, mais disons que la voix de Maisonneuve me manque. C’était une habitude réconfortante. Comme Desautels d’ailleurs qui est sur le carreau après un AVC mineur. 
Ma routine est toujours la même. Je me plante à l’autre bout du parking, là où il y a quelques arbres, et je bouffe en écoutant les dernières infos. 
L’autre jour, alors que j’étais en train de bouffer mon couscous, un mec s’amène avec son vélo. Il avait bricolé une remorque de fortune qu’il tirait candidement derrière son vélo. La veille, j’avais vu le film Le Cochon de Gaza et ça me faisait rire parce que le personnage principal justement trimballait son cochon en utilisant le même système. J’avais l’impression de vivre une extension de mon film de la veille. Sauf que mon cycliste à moi, celui de la vraie vie, il était beaucoup plus con que celui du film. En fait, celui du film n’est pas con, mais je me suis planté dans la construction de ma phrase et comme il est 23h36 et que je suis très fatigué, je n’ai pas envie d’effacer pour recommencer. De toute manière, on comprend quand même ce que je veux dire. 
Ainsi donc, mon cycliste à moi décide de passer par dessus le terre-plein qui sépare le parking de ma succursale de celui du salon funéraire situé juste à côté. Mais en arrivant de mon côté... paf! Il se rétame la gueule par terre comme on le voit seulement dans les films justement. Il se relève, n’a pas mal du tout, mais réalise que la fourche de son vélo est toute décalissée, séparée en deux, bousillée, cassée. Mais va savoir, il se met dans la tête de vouloir la réparer. Du coup, moi qui bouffais mon couscous bien peinard, voilà-t-y pas que j’avais juste pour moi un joli morceau de spectacle gratuit à contempler. La vie est un théâtre disait Shakespear et il avait bien raison. Elle nous offre souvent ces petits moments d’anthologie dont il faut savourer. Et je savourais. Je bouffais tout en le regardant sacrer après sa bécane, tentant de joindre ensemble les morceaux de sa fourche littéralement sciés en deux. 
Un drôle de type si vous voulez tout savoir. Finalement, au bout d’un long moment, il criss rageusement tous les morceaux éparses de son vélo dans son wagonnet de bois et retourne à pied d’où il était venu en poussant le machin devant lui. Tout décrissé de la vie. Ce n'est pas drôle, mais c'est tout de même comique. Y a pas mort d'homme comme on dit. C'est juste une cocasserie de l'instant, une chiure bénigne de la vie. 

J’avais l’impression que quelqu’un quelque part avait programmé ce moment juste pour moi et précisément pour ce moment-là. C’est l’heure de ma bouffe, je prends ma bouffe et je vais me trouver un petit coin pépère près des arbres. Pourquoi là et pas ailleurs? Ch’sais pas. C’est comme ça. Puis le type arrive à ce moment précis et décide de passer tout près de l’endroit où je me trouve. Il décide de tomber et de casser son vélo juste à côté de ma voiture. Dix minutes avant ou dix minutes plus tard, je ne vois rien. 20 pieds plus loin et ce n’est déjà plus aussi captivant. Tout a été fait parfaitement pour que je déguste la scène. Je suis aux premières loges et je n’ai même pas payé mon ticket d’entrée. Tout ça, c’est gratuit, juste pour mes yeux et mes oreilles. 

Le hasard quand même fait bien les choses quand il décide de vraiment s’y mettre.

Aucun commentaire: