Journée un peu morne à tourner en rond dans la maison. Faire de la bouffe pour la semaine, perdre mon temps, écouter la radio. J’ai commencé à bouger vers 14h30 en quittant la maison pour aller me prendre une marche sur le Plateau. En passant devant une épicerie fine sur la rue Mont-Royal, j’ai acheté une huile d’olive marocaine que je connais bien et qui ne m’a coûté que $8 au lieu $14. Pourquoi si peu cher? Est-ce parce que la proprio est Marocaine et qu’elle passe ses bouteilles en fraude? J’sais pas, mais ce n’est certainement pas moi qui vais la dénoncer. C’est noté dans ma tête. Elle va me revoir la madame, c’est certain.
J’aurais dû acheter plusieurs bouteilles. Des fois que les prix augmenteraient.
J’ai continué ma marche vers l’ouest en regardant mon reflet dans chacune des vitrines que je croisais. Ce genre de débordement narcissique me prend quelques fois. J’sais pas pourquoi. À cause des vitrines justement? Ou alors à cause de mon nouveau foulard, un Keffieh palestinien que je rêvais d’avoir depuis au moins 25 ans, mais que je n’osais pas parce que tout le monde en portait? Va savoir. N’empêche, j’avais fière allure dans ces vitrines.
Enfin, il me semble.
Devant cette boutique de disques vinyles, je m’arrête comme à chaque fois pour observer et surtout rêver un moment sur les petites guitares miniatures qu’on y vend. Ce sont des bibelots. De reproductions de guitares célèbres d’à peine six pouces de haut. Elles sont toutes là : la Fender Statocaster de Jimmy Hendrix. La Gibson EDS-1275 de Jimmy Page, celle avec laquelle il a composé Stairway to Haven et aussi The Song Remains the Same. La Gibson Hummingbird de Keith Richard sur laquelle il a gratté pour la première fois son mythique riff de Satisfaction. La Rickenbacker de John Lennon, mais fuck, il n’y avait plus la Höfner Violin Bass de Paul McCartney. Vendu sans doute à un Beatlemaniac comme moi. Ça me fait chier un peu, mais en même temps, je n’aurais jamais acheté. Je ne collectionne plus rien. Perte d’argent et perte d’espace dans la maison. Mais n’empêche, elle était toute mignonne cette petite Höfner pour gaucher.
Je poursuis ma route en tenant dans ma main droite mon sac de plastique qui contient mon huile d’olive marocaine. Je ne sais pas où je vais, mais j’aime ça. C’est la même sensation que de me promener en forêt, mais dans la ville. Le même sentiment de solitude sauf qu’ici, les êtres humains remplacent les arbres.
Je constate encore une fois une forte population de Français. L’impression qu’un quidam sur deux que j’entends parler sur le trottoir est Français. Pas de doute, la hausse des loyers sur le Plateau, c’est de leur faute. Ils sont débarqués en signant à deux mains des loyers qui coûtaient trois fois le prix parce que c’était encore moins cher qu’à Paris. Résultat : 15 ans après leur déferlement platonien, le prix de nos loyers a rejoint ceux de Paris.
J’exagère à peine.
Mais bon, on les aime bien quand même. Surtout les filles.
Me suis rendu jusqu’à chez Renaud-Bray où j’ai glandouillé pendant au moins une heure sans rien acheter. N’empêche, je suis venu à deux doigts de partir avec un petit bouquin écrit par Anne Goscinny, la fille de. Une petite chose à $12. Une longue lettre à son père. Mais bon, faut que je me contienne. Faut que je me retienne. Faut que j’économise. À la place, je suis retourné sur mes pas et j’ai dépensé un peu de fric à la maison du rôti où j’ai acheté de la viande pour me faire un Tartare.
Ensuite? Retour à là maison où je me suis remis à tourner en rond. Angoisse et sentiment de perte de temps. Impression de vide. J’ai pris mes cliques et mes claques et je me suis précipité au Mousse Café, question d’avoir l’impression de faire quelque chose de ma journée. J’y ai passé deux heures à ne rien faire. Mais comme j’étais dans un endroit public, ça passait mieux. J’ai lu le Devoir et la Presse d’hier au complet. J’ai voulu appeler G... pour lui demander ce qu’elle foutait, mais j’ai pas osé. Des fois qu’elle penserait que. Y a pas de que justement, mais comme c’est une jolie fille, c’est toujours chouette de passer du temps avec elle. Même si c’est pour le perdre ce temps. Je voulais aller au cinoche. Elle n’aurait peut-être pas dit non. D’ailleurs, elle dit rarement non quand je l’invite. Mais du coup, je me suis dit qu’elle penserait peut-être que. Alors qu’il n’y a pas de que justement. J’sais plus comment faire avec des amies filles platoniques. J’ose plus trop même quand elles sont toujours partantes.
Je deviens parano à cause de mon âge.
Du coup, je me suis dit que j’irais tout seul au cinéma. Ça me permettra de choisir le film que je veux sans avoir a faire des compromis à la con pour plaire au goût d’une fille que c’est toujours les mauvais films qu’elles choisissent. J’ai opté pour Looper avec Bruce Willis qui fait un retour en force depuis deux ou trois ans. Je n’avais pas envie de me prendre la tête avec un film en serbo-croate où il est question de la finalité des névroses intérieures. Plutôt envie d’un film d’action avec un tas de mecs qui meurent violemment et au ralenti si possible.
L’idée de départ de Looper est jouissive. Je ne vous dévoile pas de punch puisque ce que je vais vous dire ici est raconté dans les deux premières minutes du film. Ça se passe en 2044. Une SF rapprochée donc. J’adore parce qu’on a les mêmes repères qu’aujourd’hui, mais avec juste assez de détails fucked up ici et là pour nous dire que mon gars, on est ici dans le futur même si ça ne paraît pas du premier coup d’oeil. 2044 donc. Les voyages dans le temps n’existent pas encore. Mais ça arrivera dans 30 ans, donc en 2074. C’est le crime organisé qui mettra la main sur la technologie. Pour éliminer un mec, il le déplaceront dans le temps, faisant le voyage de 2074 à 2044 pour être abattu sur place dès son arrivée par un «looper», un tueur à gages. Et ça ne traîne pas. Le mec apparaît et bang, l’autre qui l’attendait lui tire une balle à bout portant. Il se débarrasse du corps et c’est terminé. Il ira ensuite se faire payer en lingots d’argents chez un brocanteur singulier, un mec du crime organisé de 2074 envoyé en 2044 pour organiser et gérer les affaires. Le seul hic c’est que lorsque le tueur de 2044 arrive dans sa vie de 2074, les mêmes types du crime organisé l’interceptent et le renvoient en 2044 pour se faire tuer par son double de 2044. Oui je sais, ça semble compliqué, mais ça ne l’est pas vraiment. Le Looper termine sa vie de Looper quand il doit boucler sa boucle, c’est à dire quand son «moi» de 2074 revient en 2044. Il le tue. En fait, il tue celui qu’il sera dans 30 ans. Ensuite, il prend sa retraite et si vous avez bien suivi, il passera 30 ans à dépenser son fric en attendant de se faire enlever par ses patrons et de se faire retourner en 2044 pour se faire tuer pas un autre «moi» de 2044... oui bon, j’avoue que ce n’est pas très clair. Mais au cinéma, c’est très très très compréhensible.
Si, si!
Alors donc, on suit un mec en 2044 qui sait que tôt ou tard, il devra tuer son moi de 2074. Mais le problème c’est que le jeune de 2044 qui ressemble drôlement à Bruce Willis jeune, ben merde, c’est justement Bruce Willis, le vrai, mais vieux et de 2074 et qui réapparait pour se faire tuer. Mais comme c’est Bruce Willis, le vrai, et même vieux, il ne se fera pas tuer. Et là, l’histoire commence vraiment où le Bruce Willis de 2074 est en cavale en 2044, poursuivi impétueusement par un Bruce Willis jeune de 2044 joué par un Joseph Gordon-Levitt qu’on a joyeusement maquillé pour ressembler au vrai Bruce Willis de 2012\2074, mais jeune.
Là, je me perds complètement et je ne sais même plus où j’en suis.
Pas grave, l’idée est géniale. Faites-moi confiance.
Bon cinéma d’action.
Histoire pas conne du tout avec deux ou trois rebondissements inattendus.
Bon, j’avoue que le rythme est ralenti après la première moitié du film. On passe en effet du film d’action à une sorte de mélasse cosmique un peu trop insistante. Comme si les scénaristes avaient manqué de souffle en cour de route. Ou alors qu’ils avaient deux idées fortes qui auraient pu faire deux films, mais que par audace, on s’est obstiné à intégrer dans un seul film. Ce n’est pas tout à fait raté, mais ce n’est certainement pas réussi. N’empêche, c’est un film parfait pour oublier les turpitudes d’une vie où il ne se passe plus grand-chose de nouveau.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire