mardi 30 octobre 2012

L'éléphant et l'Assemblée


Assemblée syndicale ce soir. On y parlait des modifications aux assurances de groupe. L’exécutif arrive et propose un machin. Tu votes pour ou tu votes contre. That’s it. Pas de débats, pas d’échanges, pas de nuances acceptées. C’est ça ou c’est le statu quo. 
Un débat de fond? 
Na! C’est pas le moment. Le temps nous presse. On a la salle jusqu’à telle heure. On en fera un plus tard si l’Assemblée le demande. 

Il faudrait revoir les structures rouillées de nos vieux syndicats et nous inspirer des structures des associations étudiantes. Redonner le pouvoir aux membres et modifier le rôle de l’exécutif. En fait, couper carrément l’exécutif et n’avoir que des portes-paroles qui auraient des mandats très précis décidés démocratiquement par l’assemblée. Oui, ça serait plus lourd, mais fuck, au moins t’aurais l’impression de participer et non d’être un simple numéro passif à qui l’on demande de se prononcer une fois par année par oui ou par non sur des sujets qui mériteraient pourtant d’être approfondis. 

Je n’ai pas voté. Je me suis abstenu. Je trouvais l’exercice particulièrement biaisé. Non pas par malice ou par malhonnêteté de ceux qui étaient en avant, non! Mais simplement par aveuglement. Ils croient en ce qu’ils font et c’est correct. C’est simplement la structure qui me déprime. La manière. La formule. La procédure sclérosée et trop engoncée profonde dans le XXe siècle. On en est plus là fuck! Le patronat s’est adapté au XXIe siècle, il faut que le syndicat en fasse autant. 

J’ai quitté l’Assemblée à la pause, un peu découragé par cette perte de temps et d’énergie. Je le dis et je le répète, nous avons un syndicat qui préfère dépenser fric et temps sur des tournées provinciales pour discuter de la couleur de la salle de bain plutôt que de se préparer pour l’ultime négociation - et du conflit majeur qui risque d’en découler - qui aura lieu dans quatre ans. C’est vraiment décourageant. T’as l’impression d’assister en direct à l’effacement progressif de ton pouvoir de négociation. Plus le temps passe, moins t’auras le temps de former et d’entrainer tes bataillons. Plus de la moitié des membres de ce syndicat n’a même pas connu le dernier conflit de 2004. Dans 4 ans, il ne nous restera plus qu’une poignée de nos vieux loups gris qui connaissent l’odeur âcre des champs de bataille. On n’aura plus qu’une armée de bleus qui n’a jamais été au feu. Disons-le franchement : à ce rythme-là, on s’en va au massacre. 

Je me suis dirigé vers ma voiture en compagnie de la jolie I.. et de sa petite gamine de 5 ans. Elle n’avait personne pour la garder, alors elle l’a amenée avec elle pour la première portion de l’Assemblée. Dans la soirée, et pendant que les grands discutaient de choses que la gamine ne comprenait pas, celle-ci sculptait de la pâte à modeler sur le plancher de la salle de réception. J’ai été la rejoindre pendant que les grands discutaient de la manière d’enculer des mouches. Je lui ai montré comment faire un chouette éléphant avec une trompe qui fait des vagues, de grandes oreilles qui font comme des assiettes et puis une petite queue en tire-bouchon que c’est même pas vrai que les éléphants ont des queues en tire-bouchon, mais que ce n’est pas grave vu que c’est même pas un vrai éléphant. Enfin bref, dans le parking et juste avant de les laisser, la gamine m’a serrée dans ses bras pour me remercier et j’ai trouvé ça vraiment touchant. D’autant plus que sa maman est foutrement belle et qu’elle n’arrêtait pas de lui dire combien j’étais gentil. Quand je me suis engouffré dans ma voiture, et bien à l’abri pour ne pas que la maman m’entende, je me suis entendu dire à voix haute «fuck! mais qu’est-ce qu’elle est belle cette maman-là!» Ses cheveux noirs comme du charbon et son nez en trompette qui te donnerait envie d’être Miles Davis pour une nuit. Ou deux. Ou peut-être même pour quelques mois, va savoir. 

J’ai ensuite roulé doucement vers la maison en sentant ma vieille Tercel toute pourrie se faire balloter de droite à gauche par le vent de l’ouragan Sandy. Dans mon coffre arrière, bien à l’abri des intempéries, j’avais une bouteille de Chardonnay Gran Reserva de la maison Luis Felipe Edwards. Des fois que l’ouragan m’aurait forcé à passer la nuit dans ma voiture.

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