Bon, j’ai décidé de laisser tomber le syndicat pour un moment. Première d’une série de décisions que je vais prendre d’ici quelques mois. On tourne en rond dans ce machin. Il n’y a rien qui avance, on se fait chier dessus à tour de bras par l’employeur, mais pendant ce temps-là, notre exécutif syndical - un groupe d’enfants rois dont l’âge moyen est de 35 ans, la génération Passe-Partout, casque de vélo et attitude Tanguy, papa et maman faites moi à manger j’ai faim - scribouille et tergiverse, discute et planifie pendant qu’on ferme des succursales et qu’on coupe des postes. Nous, la portion dite «radicale», on gueule, on houspille, on veut se battre, on veut aller à la guerre, mais non, faut pas. L’employeur risque de ne pas aimer. Faut pas faire de vagues, ou alors seulement par écrit, sur Internet avec des clics «I Like». Ouuuh! Grosse menace! Militantisme 2.0 Guerriers virtuels. Grr! Grr! Je vais te mordre méchant patron avec mes dents de pixels. Le patron, forcément, qu’est-ce qu’il se délecte! Vas-y mec, ferme tes succursales. Tout ce que cette bande de gamins surprotégés et chouchoutés trouve à faire c’est de passer des pétitions. Qu’est-ce que c’est impressionnant une pétition!! Ouuuaaahhh, j’ai peur! Je suis juste le gouvernement et je vais me laisser intimider par 398 signatures d’anonymes.
Me semble!
Une bande de mollassons. Z’ont lu des livres, mais ne connaissent pas la vie. Savent pas que quand l’ennemi t’attaque, tu dois répliquer avec 10 fois plus de violence. Ils ferment une succursale? Ok mec, on en ferme 10, les plus rentables, jusqu’à ce que tu viennes parler à notre table.
Ils menacent de congédier?
Pas de problème. On met trois semaines à placer le stock sur les tablettes. Tout le monde se déclare malade un samedi matin. On commande 5 fois plus de stock pour engorger les entrepôts. Ou alors on oublie de commander deux semaines de suite. T’en veux des moyens de pression qui feront paniquer les patrons? On en a des cahiers remplis moi et mes «radicaux».
Mais non, faut pas. Pétitions bidon, venez cliquer «I Like».
Le Che, mon collègue et mentor, lui il ne se décourage pas. Il croit en des lendemains qui chantent. Pas moi. Je ne suis pas de la philosophie du lendemain. Je crois au présent. Quand ça ne bouge pas, quand ça gosse, quand ça niaise, quand ça se pogne le moineau à deux mains, ça me tue. Ça fait trois ans que je les endure. «On a un plan à long terme». Jeunes cons! Avec moi, ça fait trois officiers syndicaux qui se sont fait suspendre dans les trois derniers mois. Du jamais vu dans toute l’histoire de ce syndicat. Qu’ont-ils trouvé de mieux à faire pour répliquer? Une pétition! Grr! grr! Méchant patron! Nous allons te mordre avec nos dents de papier. Suspendre un délégué dans l’exercice de ses fonctions, c’est rien de moins qu’une déclaration de guerre. Mais eux, ils répliquent à coups de pétitions.
Ah la la! Quelle époque! Heureusement, on a une génération montante qui ne s’en laisse pas imposer. 200 000 étudiants dans la rue, c’est ça un lendemain qui chante.
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