vendredi 9 mars 2012

18 ans de service


Hier, j’ai assisté une collègue lors d’une convocation disciplinaire. Congédiement après 18 années de service. La séance a duré deux heures. Longue, très longue agonie sous fond d’humiliation. Je l’ai trouvé forte quand même cette petite bonne femme. N’a pas versé une larme. Ce qui est plutôt rare dans ce genre d’événement. 
C’est la troisième ou quatrième fois que j’assiste un condamné lors de son exécution. Ce n’est jamais agréable et c’est toujours bouleversant, même quand le congédiement est justifié. T’assistes aux premières loges à la démolition d’une vie. Il n’y a pas de bonne façon pour dire à quelqu’un qu’il ne fait plus partie de la boîte. Il n’y a que la mauvaise et la moins mauvaise. Certains utilisent à escient la pire, juste pour le simple plaisir de goûter aux fruits suprêmes de la domination hiérarchique. Je connais une grosse salope de la pire espèce qui prend son pied à suspendre et à congédier. Du genre à te donner envie de retourner aux bonnes vieilles manières syndicalistes des années 30. D’autres sont plutôt mal à l’aise avec ce genre de boulot. On devine assez vite que la décision ne vient pas d’eux, mais qu’ils furent désignés pour se salir les mains à la place d’un autre. Parfois c’est un rite de passage. Toi le nouveau promu, va nous montrer que t’es capable d’aller te mettre le nez dans la merde. Congédie-moi ce mec-là. 
Ça ne devait durer qu’un court moment, ça s’est prolongé pendant deux heures pour toutes sortes de raisons. C’était interminable pour la collègue. Mais elle s’est tenue debout. Dehors, il pleuvait. Le ciel était gris, bas, laid, mort. Cette chiasse du temps et de l’âme m’ont habité toute la journée et une partie de la soirée. 
Parfois, je rêve de révolution, de tribunaux populaires et de renversement de l’ordre. Je rêve de soulèvement des masses. Je rêve de congédier un congédieur. Je sais, ce n’est pas très convenable, mais il m’arrive de souhaiter le feu et le sang pour toutes ces personnes qui se croient nos maîtres. Ce n’est pas une bonne chose, je le confesse. Mais tabarnak, y a des fois où je me dis qu’effectivement, peut-être que la liberté est vraiment au bout d’un fusil. 

1 commentaire:

Pierre R a dit…

Je comprend ce que tu peux ressentir. J'ai une collègue de travail que personne ne peut sentir. Longtemps j'ai été, je suis encore d'ailleurs, le seul qui pouvait travailler avec elle, mais elle commence à m'avoir à l'usure. Pourtant elle est travaillante et même plutôt compétente, mais elle a le caractère le plus chiant que j'ai vu dans ma vie. Malgré tout je ne serais pas à l'aise qu'elle soit congédiée. Mais, de grâce, enlevez la dans mes pattes!