The Birds d’Alfred Hitchcock. 1963. Ici, dans ce clip suggéré, l’une des scènes les plus marquantes du film. Le maître de l’horreur qu’était Hitchcock aimait procéder par séquences télégraphiées. Chaque scène annonçait la suivante de manière à créer un puissant effet de crescendo. Peu de réalisateurs sont parvenus comme lui à faire monter progressivement le degré de tension dans un film jusqu’à ce que les dernières minutes se transforment en apothéose. De ce côté, c’était un véritable maître. Un génial horloger de l’image.
Avec lui, pas d’effet surprise comme c’est souvent la norme dans le cinéma d’horreur contemporain. Tout était construit au quart de tour par une scénarisation chirurgicale. Son cinéma frôlait la précision de l’architecte. D’ailleurs, ses story-boards sont une quasi-copie collée de ce qui sera projeté sur l’écran. Il considérait les effets de surprise (ces machins qui font faire des oh! et des ah! aux spectateurs) comme de la tricherie ou de la paresse de composition. Lui, son jeu, c’était de te préparer à avoir peur. Il ne prenait pas son public pour un con, mais adorait jouer avec lui. Il lui dévoilait une partie de ce qui pouvait arriver dans la scène suivante, mais sans pour autant vendre la mèche. T’avais peur juste à l’idée d’avoir peur.
Cette scène se situe à peu près au milieu du film. C’est elle qui va faire basculer l’histoire en quittant le mode «suspens» que le réalisateur avait volontairement amorcé pour entrer dans celui de l’horreur pure. (On s’entend que la définition du film d’horreur n’était pas la même en 1963 qu’elle peut l’être en 2012). Ici, et après des événements tragiques qui se sont déroulés dans le village, le personnage principal décide d’aller chercher la fille de son ami à l’école et la mettre à l’abri. Du même coup, et bien malgré elle, elle semble attirer le malheur vers cette école et ce sera bientôt tous les élèves qui devront subir ces inexplicables attaques d’oiseaux. La scène est carrément géniale. L’école derrière le personnage principal, le chant des enfants, l’anxiété du personnage principal (observez comment elle fume sa clope), l’interminable attente, les corbeaux qui se posent sur le jeu de barre de la cour de récréation à l’insu du personnage central, chaque plan, chaque bruit, chaque image constituent autant de briques qui serviront à la construction du cauchemar annoncé. Rien dans cette scène n’est laissé au hasard, pas même le choix de la chanson interprétée par les enfants qui, en principe, est toute mignonne mais qu’ici devient carrément insupportable de longueur. On appelle ça l’effet des contrastes. Jouer avec le spectateur, c’est ça! La fille s’assied sur le banc. Derrière elle, on voit le jeu de barres de la cour de récréation. Rien d’anormal. Elle s’allume une clope. Derrière elle, un corbeau se pose sur une barre. Le plan d’après, ils sont 4. Puis 5. On entend le vent se lever. Puis 7 corbeaux, puis 8. Les enfants chantent toujours. La femme se retourne à deux reprises vers l’école, exaspérée par l’interminable chanson. Son regard est alors attiré vers un oiseau dans le ciel. Elle suit son vol du regard. Elle panique déjà. L’oiseau se pose au même endroit que ces prédécesseurs, mais cette fois, la cour de récréation est remplie de corbeaux. C’est une armée qui attend. Plus de doute, la catastrophe aura lieu. Le spectateur ne peut plus décoller son regard de l’écran. Il n’a pourtant fait ni ah! ni oh! Dans ce jeu subtil entre lui et nous, Hitchcock gagne encore.
Je vois cette scène - et ce film - comme une évocation symbolique de fin du monde annoncée. La nature (représentée par les oiseaux) se retourne contre l’humanité. On ne sait pas pourquoi. Hitchcock évite le piège «de l’explication», laissant comme à sa sadique habitude le spectateur mariner avec ses propres idées. J’adore ça. Tu te prends la tête pendant des jours pour essayer de comprendre. Du coup, le film te reste dans le cerveau. Il n’y a pas de musique dans ce film. Je peux me tromper, mais je crois que c’est le premier film sans trame musicale. (Quelqu’un peut vérifier svp?) Les effets spéciaux ont vieilli, bien sûr, mais faut être un triste con pour s’arrêter à un détail aussi insignifiant quand vient le temps de juger la valeur d’une oeuvre. Mozart ne connaissait pas les synthétiseurs, faut-il juger pour autant sa musique comme étant démodée? Ça me rappel une personne que je ne nommerai pas, mais qui se trouve à être mon ancienne belle mère et qui affirmait que Jaws de Spielberg était devenu désuet à cause du requin en carton-pâte. J’avais beau lui répondre que c’était totalement idiot de juger une oeuvre passée en comparant la technologie de 1977 avec celle de 1993, elle n’en démordait pas et se foutait de ma gueule et de mon requin en carton. Le pire c’est qu’elle me donnait comme exemple le dernier Spielberg de l’époque, Jurassique Parc, pour me vanter les prouesses de la technologie moderne. Et le pire du pire, c’est que j’avais beau me tuer à lui dire qu’avant 5 ans, Le Parc Jurassique allait lui aussi être dépassé au niveau effets spéciaux, mais que bon, ça ne changerait rien à la valeur de l’oeuvre dans son ensemble, elle se foutait encore de ma gueule en m’affirmant que jamais on ne pourra faire mieux que le T-Rex de Jurassique. Doublement frustré, je me suis séparé juste avant de pouvoir lui prouver mon point en lui parlant de The Matrix qui torchait grave Le Parc Jurassique.
Y a rien qui me fait plus chier dans la vie que ces gens qui ne connaissent rien dans un des quelques domaines que je connais un peu, mais qui s’obstinent dans leur connerie comme si j’étais un con. Cette fois-là, je me suis retenu pour ne pas lui balancer une paire de claques. Claques qui auraient été drôlement bien méritées. T’as pas le droit d’insulter Spielberg! Vieille garce! (Mais bon, gentille quand même quand elle ne parlait pas de cinéma).
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