La partie est terminée depuis deux bonnes heures maintenant. La fenêtre de mon salon est ouverte et j’entends encore les voitures klaxonner. C’est la fête à Montréal. En arrivant ici il y a quelques minutes, les gens étaient encore sur leur balcon.Comme en plein après-midi. Pourtant, il était plus de 23h passé. Ça parlait et ça chantait. Ils décompressaient. Ils respiraient pour la première fois depuis les trois dernières heures.
Curieuse chose que ce sport.
Curieux effet que cette équipe a sur le peuple.
Troisième période. 4-2 pour Montréal mais Pittsburgh a le couteau entre les dents. On sent que c’est maintenant ou jamais. Les attaques sont démentielles, des tirs de l’enclave, une mitraille à bout portant. Mais Halak bloque tout!
- Il bloque quoi?
- TOUT!
- Il bloque qui?
- Rien de moins que Crosby et Malkin coup sur coup. Deux des joueurs qui figurent dans le top 5 mondial des tueurs les plus dangereux.
- Des tirs ratés?
- Non! Des plombs à bout portant je te dis! Il bloque! Rien ne passe! Il ne cède pas! Il est dans sa bulle! Il fait 8 pieds de haut et 15 de large! Il sort une jambe qu’on n’attendait pas devant Malkin et bloque! On monte la reprise 2, 5, 10 fois et l’on n’en croit toujours pas ses yeux! Puis Crosby qu’il bloque par un déplacement d’anthologie!
Après ça, on savait que plus rien ne pouvait rentrer. Il venait de fermer les livres même s’il restait 10 grosses minutes à jouer.
À notre table, Martin, Éric et moi nous n’en revenions pas! Dans le Café, ça jubilait comme ce n’est pas possible. Il n’y avait plus de place pour les derniers entrés. Pas grave! Ils s’assoyaient par terre devant le grand écran.
- C’est incroyable, que je ne cessais de dire à Martin! Ils vont battre Pittsburgh!
Il n’a que 33 ans et forcément, il n’a pas connu les grandes équipes des années ’70. Pour lui, une coupe Stanley se gagne aux 15 ans alors que dans mon adolescence, ça se gagnait tous printemps. Même chose pour Éric qui a le même âge. Ils disent se souvenir de ‘86 mais dans le fond, leur ’86 à eux c’est comme mon ’70 à moi. La coupe avec Ken Dryden, les deux buts de Henri Richard lors du 7e match à Chicago. L’impossible qui n’était pas si impossible que ça puisqu’ils venaient d’en gagner 4 dans la décennie ’60, sans compter celle de 59-60, qui était aux dires des spécialistes une décennie de déception. J’étais jeune, très jeune, mais je m’en souviens. Après ça, il y a eu toute la flopée des championnats de l’époque de Guy Lafleur. Ce n’était même pas de la compétition, c’était de la formalité. 73, 76, 77, 78, 79, en veux-tu des coupes Stanley en voilà! Ce qui en fait 14 en 24 ans si on part de 1954-55. Plus de une aux deux ans. Une dynastie dis-tu? Un peu ouais! (Ce qui fait que Toe Blake fut le coach le plus hot de l’histoire avec 8 coupes en 12 ans de carrière. Tu veux battre ça? Lève-toi très tôt demain matin) La parade sur la rue Sainte-Catherine? Nous étions des abonnés. On pariait non pas sur l’issu de la série, mais sur la date où l’autre équipe allait s’écrouler. À vaincre sans gloire, c’était chouette et on se foutait bien des dictons de merde. Bobby Smith l’avait bien résumé. Une année de coupe Stanley à Montréal, c’était juste une année normale. Va ensuite passer 17 ans sans gagner. Ça donne des soirées comme ce soir où t’es même pas rendu en demi finale que les gens klaxonnent dans la rue. Pauvre jeunesse! Mais il faut les comprendre dans le fond.
Faut pas se méprendre sur ce qui se passe en ce moment. Il n’y a qu’une raison pour ces incroyables victoires. Une seule. C’est Halak! Oui bien sûr, Canmnalleri vient d’en mettre un douzième dedans. Mais sans Halak qui en bloque 450 987 par partie, tu ne peux pas gagner. C’est impossible. On se dit tous que tôt ou tard, il va flancher, mais il ne flanche pas! Il résiste aux pires assauts que je n’ai jamais vu de ma vie! Plus ça chauffe autour du filet, plus il est hot. Il fuck à lui seul la logique des statistiques. Il dépasse l’entendement. Ce n’est pas normal! Ce n’est juste pas normal!
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