mardi 27 avril 2010

Halak

Un match de hockey pas comme les autres. Quelque chose comme une partie d’anthologie. Je ne sais pas si les Canadiens gagneront le septième match, mais ce que nous venons de voir ce soir ne se reproduit généralement qu’aux dix ans. Halak n’a pas été qu’excellent devant son filet, il a été tout simplement grandiose. J’ai rarement vu une performance comme celle-là. En fait, la dernière fois, c’était pendant la série Montréal-Rangers en ’86 avec un tout jeune kid nommé Patrick Roy dans les buts et qui arrêtait tout, tout, tout, tout... au point de faire fermer la gueule aux bruyants spectateurs du Madison Square Garden. Ce qui n’est pas rien.

Il suffit d’aller sur Facebook et d’aller lire les commentaires des fans du CH pour comprendre que cette performance occupera une place de choix dans la petite histoire du hockey à Montréal.

Toute la ville respirait au même rythme des arrêts incroyables de Halak ce soir. J’étais dans mon café avec des amis et l’ambiance était surréaliste. Hommes, femmes, jeunes, vieux, Québécois, Marocains, Algériens, Haïtiens, Français, Portugais et j’en passe oubliaient crise économique, chômage, accommodements raisonnables et réchauffement de la planète pour ne faire qu’UN avec cette maudite équipe que nous aimons tant. Et ça criait! Et ça applaudissait! Et ça se prenait la tête à deux mains quand Halak sortait un énième tour de magie pour capter la rondelle alors que tout le monde croyait qu’elle allait toucher les cordages. Une seule partie comme celle-là vaut toute une année de passion à les voir jouer des parties qui, parfois, te donnent envie d’abandonner. Après une partie comme celle-là, tu peux juste te dire que tu viens d’assister à quelque chose de tout à fait exceptionnel. Dans une partie normale, recevoir 30 tirs veut dire que ta défensive était un peu relâchée. À 40 tirs, tu peux dire que ta défensive était littéralement déficiente. Ce soir, Halak a reçu 54 tirs! Il en a arrêté 53!!!!!!!! Contre les Capitals de Washington! Je veux dire, contre Ovechkin, (109 points dans l’année dont 50 buts) Backstrom (101 points dans l’année), Semin (84 points dans l’année dont 40 buts)... contre une équipe qui a marqué 100 buts de plus que le Canadiens, et 46 de plus que l’équipe qui arrive en second dans le total des buts marqués pendant l’année. 54 tirs venant de la plus puissante équipe offensive du circuit, l’une des plus productives et des plus meurtrières des 20 dernières années.


Il y a six mois environ, j’ai mis la main sur le calendrier des événements hiver-printemps 2010 de l’Université de Montréal. Pour le 26 avril 2010, bref, pour ce soir, on annonçait une conférence de Claude Sutto, Doctorat de 3e cycle en histoire (Poitiers), professeur retraité du Département d’histoire de l’Université de Montréal, Coauteur de Histoire de la pensée politique moderne, Paris, PUF, 1997. Le sujet était Napoléon à l’île d’Elbe. J’ai attendu six mois pour cette maudite conférence et je jouissais d’entendre un conférencier émérite me parler de cette petite période de quelques mois dont, curieusement, les historiens ont tous tendance à négliger quand ils évoquent la carrière de Napoléon. L’exile de l’île d’Elbe est en effet très intéressant à étudier pour ceux qui veulent comprendre Waterloo. Enfin, je n’embarquerai pas dans les détails mais tout ce que je veux dire, c’est que cette conférence printanière attendue m’a aidé à passer l’hiver sans trop déprimer. Je comptais les jours qui m’en séparaient en me disant à chaque fois que j’allais me coucher qu’il n’en restait que 58, 57, 56, 55... jusqu’à vendredi dernier quand ce même Halak a volé contre toute entente le cinquième match et qu’un impossible sixième match allait se dérouler.... le lundi 26 avril 2010, précisément au même moment que cette conférence!!!

Diantre!

Fichtre!

Catastrophe!

Que les Canadiens puissent se rendre à six parties contre la machine des Capitals, ce n’était pas prévu du tout!

Alors que faire????

Sacrifier le hockey pour une conférence, ou sacrifier la conférence pour une partie de hockey.

J’ai passé deux jours au chalet ce week-end à y penser. Ce matin, ma décision n’était même pas encore prise.

Puis j’ai décidé de mettre ça entre les mains du grand cosmos en essayant de voir les choses selon une perspective de simple mortel. Voici le résumé de ma cogitation:

1- Tout le monde va mourir un jour, c’est la seule certitude que notre condition de mortel puisse nous donner avec un coefficient de réussite de 100%.

2- Un match de hockey est un match de hockey. C’est-à-dire que chaque partie peut ressembler à la précédente, mais en même temps, chacune d’elle est unique dans son exécution du moment. Un peu comme une partie d’échecs, nous avons toujours les mêmes pièces en présence qui vont évoluer à l’intérieur d’un cadre déterminé et connu de tous depuis des générations. Mais dès que le jeu commence, dès que la rondelle touche la glace, l’exécution des deux équipes en présence donnera une résultante qui sera unique par les infinies combinaisons nouvelles que permet le cadre du jeu. Autrement dit, on aura beau avoir 47 ans et avoir vu 3,098,568 parties de hockey, chacune d’elles reste unique. Donc, dans chaque nouvelle partie peut se cacher LA partie que tu ne voudras jamais rater de ta vie.

3- Une conférence donnée par un type qui se fait payer pour donner cette conférence peut un jour être amenée à REDONNER cette même maudite conférence sans même avoir à changer la moindre ligne de son texte.

4- Donc, j’ai des chances qu’un jour Claude Sutto redonne cette conférence. Mais je n’ai aucune chance de revoir ce même match de hockey. C’est ce soir ou jamais.

5- Tout le monde va mourir un jour disais-je. Je peux crever demain matin d’un cancer de l’anus ou d’un bête accident de la route. Or, si je crève demain, serais-je plus heureux d’avoir vu la veille un match dont je ne connais pas l’issu ou plutôt d’avoir assisté à une conférence dont, sincèrement, je connais environ 90% des sujets et anecdotes dont on parlera?


J’ai décidé de voir le match.

Et je n’ai pas été déçu.

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