C'est le matin, je déguste mon café et j'entends ma vieille voisine d'à côté passer le balai dans les escaliers intérieures. Elle est très consciencieuse et elle ne rate pas une marche. Comme la plupart des mémés de son âge, elle ne peut supporter la moindre poussière accumulée. Peu importe l'endroit de la maison, même au sous-sol derrière la grosse fournaise, elle astique et elle frotte et je sais qu'elle en fait une fierté dont elle ne se prive pas d'en abreuver ses conversations de voisinage.
Pour elle, je suis le locataire indésirable. La bébitte. Le célibataire mâle de 40 quelques années qui vit dans la poussière et qui s'en drape la nuit pour se tenir au chaud. Je mange de la poussière. Je produis de la poussière. Je suis une longue poussière de près de six pieds de haut avec des cheveux blonds sur le dessus. Je suis certain qu'elle croit que mes cheveux ne sont pas vrais, que c'est une moumoute, un leurre de bébitte pour mieux m'infiltrer dans la société.
Elle partage le même palier que moi et je sais que cela ne la rassure pas. Je suis la bébitte d'à côté, le célibataire mâle de 40 quelques années qui ne se rase jamais et qui conduit une vieille Tercel toute pourrie avec craquelure sur son pare-brise.
Poussiéreuse ma Tercel, cela va de soi. Je suis l'homme de la poussière alors...
Quand elle est obligée de me parler, quand par exemple on se croise dans les escaliers, je vois dans sa pupille cet éclat de terreur qu'elle tente de contenir pendant toute la durée de notre échange de politesse. C'est pour elle chaque fois un effort incommensurable et je vois bien qu'elle préfèrerait s'éloigner de moi tout en m'aspergeant d'eau bénite mais son rôle de soeur de la proprio l'oblige à des responsabilités qui sont de toute évidence trop lourdes pour elle. Comme me parler sans transpirer par exemple.
Comme c'est la soeur de la proprio, c'est elle qui s'occupe des petits problèmes qui surgissent dans la bâtisse. Cet hiver, mon réservoir à eau chaude a pété pendant que j'étais en vacances. Je lui ai donné la permission d'entrer dans mon logement pour que son plombier y fasse les travaux nécessaires. Du coup, elle a pu zieuter mon logement et je suis certain qu'elle n'en est pas encore revenue.
Il faut dire que mon logement, c'est un logement "en attendant". En attendant de crisser mon camp d'ici. Je ne me suis pas trop préoccupé de la décoration, ni même de la peinture ou de toutes ces petites choses qui font d'un appartement un endroit qui ressemble justement à un appartement. J'avais bien commencé à faire la peinture mais au bout d'un moment, je me suis écoeuré et j'ai abandonné l'idée en chemin. Trop d'efforts pour un simple logement "en attendant". Il y a encore les morceaux de ruban gommé qui délimitent le découpage et par endroits, les murs ne sont qu'à moitié peinturés.
Ça fait un style.
Un style de bébitte.
Depuis, elle me regarde encore plus étrangement. Cette visite impromptue dans le repère de la bête a confirmé en elle ses doutes sur ma véritable identité. Je suis en effet une bébitte qui vit dans un logement à moitié peinturé.
Pour elle, je suis le locataire indésirable. La bébitte. Le célibataire mâle de 40 quelques années qui vit dans la poussière et qui s'en drape la nuit pour se tenir au chaud. Je mange de la poussière. Je produis de la poussière. Je suis une longue poussière de près de six pieds de haut avec des cheveux blonds sur le dessus. Je suis certain qu'elle croit que mes cheveux ne sont pas vrais, que c'est une moumoute, un leurre de bébitte pour mieux m'infiltrer dans la société.
Elle partage le même palier que moi et je sais que cela ne la rassure pas. Je suis la bébitte d'à côté, le célibataire mâle de 40 quelques années qui ne se rase jamais et qui conduit une vieille Tercel toute pourrie avec craquelure sur son pare-brise.
Poussiéreuse ma Tercel, cela va de soi. Je suis l'homme de la poussière alors...
Quand elle est obligée de me parler, quand par exemple on se croise dans les escaliers, je vois dans sa pupille cet éclat de terreur qu'elle tente de contenir pendant toute la durée de notre échange de politesse. C'est pour elle chaque fois un effort incommensurable et je vois bien qu'elle préfèrerait s'éloigner de moi tout en m'aspergeant d'eau bénite mais son rôle de soeur de la proprio l'oblige à des responsabilités qui sont de toute évidence trop lourdes pour elle. Comme me parler sans transpirer par exemple.
Comme c'est la soeur de la proprio, c'est elle qui s'occupe des petits problèmes qui surgissent dans la bâtisse. Cet hiver, mon réservoir à eau chaude a pété pendant que j'étais en vacances. Je lui ai donné la permission d'entrer dans mon logement pour que son plombier y fasse les travaux nécessaires. Du coup, elle a pu zieuter mon logement et je suis certain qu'elle n'en est pas encore revenue.
Il faut dire que mon logement, c'est un logement "en attendant". En attendant de crisser mon camp d'ici. Je ne me suis pas trop préoccupé de la décoration, ni même de la peinture ou de toutes ces petites choses qui font d'un appartement un endroit qui ressemble justement à un appartement. J'avais bien commencé à faire la peinture mais au bout d'un moment, je me suis écoeuré et j'ai abandonné l'idée en chemin. Trop d'efforts pour un simple logement "en attendant". Il y a encore les morceaux de ruban gommé qui délimitent le découpage et par endroits, les murs ne sont qu'à moitié peinturés.
Ça fait un style.
Un style de bébitte.
Depuis, elle me regarde encore plus étrangement. Cette visite impromptue dans le repère de la bête a confirmé en elle ses doutes sur ma véritable identité. Je suis en effet une bébitte qui vit dans un logement à moitié peinturé.
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