




Je me suis refait le scénario et il m'était facile de voir par les traces laissées dans la neige comment s'était déroulé le drame. Le cervidés s'était fait surprendre à l'endroit précis où j'avais trouvé le premier amoncellement de poils. Je suis revenu sur mes pas et j'ai vu trois pistes émerger de la forêt par trois endroits différents mais convergeant sur le même point, précisément là où j'avais trouvé les poils. Le chevreuil aura sans doute ensuite fait quelques pas de plus et s'est effondré en se faisant déchiqueter à l'endroit montré par les photos ci-haut.
J'étais fasciné de voir que les loups n'avaient rien laissé et que tout ce qui était comestible fut complètement avalé. Je n'ai retrouvé aucune pièce de viande qui, si j'avais moi même crevé de faim à ce moment précis, aurait pu me permettre de soulager un peu mon appétit. Tout ce que j'ai trouvé à cet endroit fut l'extrémité d'une patte qui ne contenait guère de viande. Mais en observant d'avantage la scène, j'ai compris que l'endroit où je me trouvais était en fait le lieux de dépeçage et que les loups avaient sans l'ombre d'un doute procédé à une sorte de partage du butin parce que j'ai vu trois traînées dans la neige qui s'enfonçait dans la forêt par trois endroits différents et d'où je décelais ici et là d'autres touffes de poils, quelques petits osselets, de même que quelques traces de sang congelés.
Voulant en savoir plus, j'ai décidé de suivre dans les bois l'une de ces traînées macabres en espérant confirmer mon hypothèse. Je n'ai pas mis de temps à comprendre que j'avais vu juste lorsque j'ai découvert un peu à l'écart cette partie du squelette qui me semblait être une section du cou du malheureux cervidé. J'ai tenu cet os dans ma main et même en l'observant de très près, je n'y ai pas vu dessus la moindre parcelle de viande. Le terme "dévoré" ici prenait tout son sens. En remettant l'os à sa place, je me suis relevé et j'ai regardé tout autour en me disant que bordel de merde, j'étais tout seul en forêt en plein territoire de chasse d'une meute de loups. J'ai aimé cette sensation et je me sentais en pleine harmonie avec la nature. Que cette petite montée d'adrénaline réconfortait en moi ce besoin de vivre autre chose que les bouchons de circulation de Montréal. Là, dans cette partie de la forêt, loin de la ville, avec le résultat probant autour de moi d'une lutte récente pour la survivance d'une espèce, je me sentais vraiment en vie. En communion avec le Grand Tout.
J'ai continué à m'enfoncer plus en avant dans le coeur de la forêt et à environ cinq minutes de marche plus loin, j'ai trouvé dans la neige blanche le crâne de la proie. Je me suis penché et comme avec l'os, j'ai pris la chose dans ma main pour l'observer. Il lui manquait une oreille et celle qui restait était à moitié déchirée, ne tenant que par un léger filet de peau. Même l'intérieur avait été consciencieusement dévoré. Comme les yeux et la langue. Aucun gaspillage, aucune perte. La survivance ne peut se permettre un tel luxe. Elle laisse toujours derrière elle des cadavres propres.
Et en quelque part, je n'ai pu m'empêcher de trouer ça grandiose parce que je sais qu'au printemps, grâce à ce carnage, de petits louveteaux naîtront.



Et en quelque part, je n'ai pu m'empêcher de trouer ça grandiose parce que je sais qu'au printemps, grâce à ce carnage, de petits louveteaux naîtront.
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