mercredi 17 décembre 2008

La léthargie de Kovalev

On sait que le temps passe quand tu peux aller souper avec ton ex et que tu ne penses même pas à y glisser ta main de quadragénaire finissant sur son cul qui n'a même pas trente ans. Enfin, oui, quand même un tout petit peu mais que bon, suffit de laisser passer le moment dangereux et que tu t'arranges tout de suite pour dévier la discussion sur la léthargie inquiétante de Kovalev en sachant très bien qu'elle ne t'écoutera pas et qu'elle profitera de la première occasion pour enchaîner avec un autre sujet qui te fera oublier la pensée grivoise.
Et ça marche!

Bon là, vraiment c'est vrai. Nous sommes amis et nous pouvons parler de nos trucs respectifs sans que ne monte en moi l'envie légitime d'aller casser la gueule du mec de moins de trente ans dont elle vient de prononcer le prénom en te racontant ses qualités d'enfant de pute. Enfin, bref, il y a bien quelques montées de lait qui surgissent et qui mijotent dans quelques envies de génocides partiels mais tu t'arranges tout de suite pour dévier la discussion sur la léthargie inquiétante de Kovalev en sachant très bien qu'elle ne t'écoutera pas et qu'elle profitera de la première occasion pour enchaîner avec un autre sujet qui te fera oublier la pensée meurtrière.
Et ça marche!

Elle me parlait des colliers pleins d'étoiles (ou de plumes? Je ne sais plus.) qu'elle avait acheté pour Noël. L'un à sa mère qui m'aimait bien et l'autre à je ne sais plus trop qui que je ne connais pas, que je n'ai jamais connu et que je ne connaîtrai jamais. Je n'écoutais plus vraiment mais je regardais ses yeux et c'était magique parce que cela me ramenait tout à fait à l'époque où nous étions heureux ensemble et qu'elle m'entretenait toute la soirée sur des sujets futiles pendant que je pensais à Ingrid Bétancourt ou à je ne sais quel géocroiseur qui risquait de percuter la terre d'ici 2087. Elle qui parlait, et moi qui planait sans l'écouter. La chimie revenait entre nous comme par enchantement.

Le temps passe pour tous ici bas et les amours d'hier deviennent parfois des amies d'aujourd'hui, sans mains glissées sous la table malgré le vin servit un peu trop frais, sans humeurs déplacés et sans oublier un gros merci à la léthargie de Kovalev. Passent les amours et meurent les passions. Ne reste de ces jours heureux qu'une douce mélancolie qui danse sur la table au rythme d'une chandelle un peu pâlotte qui frétille sous décembre parce qu'on la paie aussi un peu pour ça. Brave flamme. Brave lumière. Il fut un temps où nous parlions de terminer nos vies ensemble et voilà qu'elle me donne des nouvelles de sa mère que je n'ai pas vue depuis deux ans. Passent les amours et meurent les passions. Les dessous de table restent respectables. Son sourire meurtrier ne tue plus que les étrangers. Des gens aux noms inconnus. Des ombres lugubres dans des conversations où je ne suis plus qu'un autre. Meurent les passions et passe le temps des rêves partagés. Morts les rêves communs mais nous partageons tout de même la pizza ce soir. En toute amitié. Sans passions, sans mains glissées sous la table. Meurent les passions et passent les amours.

Nous nous sommes quittés sur le trottoir en hésitant sur les bisous de circonstance. Trop c'est comme pas assez et pas assez c'est comme trop. Il n'existe pas de manuels qui explique la manière sécuritaire d'embrasser amicalement son ex. Quand tes lèvres se déposent sur ses joues, quand tes mains touchent ses épaules, quand ton corps se rapproche du sien, vient un moment où même Alex Kovalev n'y peut rien. (qui a quand même marqué ce soir... comme quoi même si je suis avec mon ex à une table de resto, et même si je fais semblant d'être au-dessus de tout ça, je reste informé....)

Elle est partie de son côté et moi du mien et il n'y a rien à dire. Ou alors si ce n'est que Kovalev a compté ce soir.

1 commentaire:

Marina Kowalsky a dit…

Un petit bijou ce texte.

Merci