J'suis allé souper chez mes parents ce soir où j'ai aussi regardé le match de ce soir. Et je n'ai même pas apporté mon linge sale à faire laver, preuve que je suis un bon fils. La bouffe était bonne mais la partie était à chier.
En rentrant à la maison, j'ai trouvé un mec assis sur les escaliers extérieurs qui mènent à mon logement. Il ne semblait pas se soucier de la petite pluie froide qui tombait sur la ville et aussi sur ses épaules. Un sac à dos déposé sur le sol, il terminait une bière en cannette tout en fumant une cigarette. Mi quarantaine, peut-être plus, il avait une gueule qui donnait à penser que la vie n'a pas toujours été facile ni pour lui, ni pour son sac à dos.
Quand il m'a vu arriver, il s'est levé et s'est excusé en me racontant qu'il avait une hernie et qu'il devait se reposer. Il avait une voix éraillée et sans doute que le tabac et l'alcool n'y étaient pas étrangers. Sans être soignée, son apparence générale n'était pas répugnante ou malpropre. Il était frais rasé, ce que je ne suis pas depuis au moins trois semaines. Son itinérance devait être relativement récente et perdu au milieu d'une foule, rien ne le distinguerait des autres à ce niveau là.
Je lui ai dit qu'il ne me dérangeait pas et qu'il pouvait rester le temps qu'il voulait. Du même coup, j'ai sortie une bière de ma caisse et je lui ai refilée. Il semblait surpris de mon geste mais accepta avec reconnaissance. Il s'est alors mis à me raconter qu'il venait de la Gaspésie, ce que j'avais deviné à son accent, et puis deux ou trois trucs encore mais je n'avais pas envie de passer le reste de la soirée à discuter avec lui sous la pluie. Je ne voulais pas non plus savoir s'il avait une place où coucher, ni connaître sa vie et ses malheurs. Parce qu'il fallait être aveugle pour ne pas voir que ce type là avait de bonnes chances de ne pas dormir dans un vrai lit ce soir. Je voulais juste le rassurer sur le fait qu'il était un être humain au même titre que moi, que je le considérais comme tel, que je ne le jugeais pas, que sa marginalité ne m'effrayait pas et que je n'allais certainement pas le chasser de mes escaliers comme un chien galeux. Mais je ne voulais pas en connaître davantage sur lui de crainte que mon putain d'humaniste de merde ne m'oblige à l'inviter dans ma maison. Parce que j'y ai pensé et que cette idée s'est glissée dans mon cerveau.
Et j'y pense encore au moment où j'écris ces lignes et que je le sais toujours dans mes escaliers à se demander où il pourrait bien aller passer le reste de la nuit.
Ce faisant, je sais que je commets une sorte de délit moral en ne tendant pas la main à mon prochain. Et comme je suis un mec tordu, je jongle avec l'idée qu'il n'est peut-être pas là par hasard, même si je sais que c'est fondamentalement idiot de penser ainsi. Mais il y a une toute petite voix en dedans de moi qui persiste et qui insiste. "Tu laisses ton frère humain dans la misère? Est-ce si demandé de lui offrir un sofa et quelques couvertures chaudes pour la nuit? Crois-tu vraiment que c'est le hasard qui l'aura mis sur ton chemin?"
Pour étouffer cette voix, j'ai allumé la radio et je me suis planté les doigts sur ce clavier. J'ai voulu écrire sur un tout autre sujet mais son image ne me quitte pas l'esprit. Je me trouve des excuses comme j'égrainerais un chapelet. Mais à chacune d'elle, cette petite voix énervante vient me relancer.
- C'est quand même pas de ma faute s'il est dans la merde.
- Mais il t'en coûterait si peu de la soulager cette merde en lui offrant un coin de ton logement.
- Oui mais si ma fille rapplique dans la nuit, t'imagines le bordel en le trouvant étendu dans le sofa du salon?
- Tu sais bien qu'elle passera la nuit en Australie et qu'elle n'entrera pas.
- Il est peut-être violent? Qui sait si dans la nuit, et profitant de mon sommeil, il n'en profiterait pas pour me planter un pieux dans le coeur et s'enfuir avec mon argenterie? On voit ça souvent dans les films, les pieux dans le coeur pendant la nuit pour piquer l'argenterie.
- Tu n'as même pas d'argenterie.
- Mais j'ai un coeur!
- Vraiment? En tout cas, ce soir ça ne paraît pas.
- Je lui ai refilé une bière même si j'avais soif et que les dépanneurs sont fermés. C'est énorme ça! Ne m'en reste que 5.
- Tu ne lui a pas donné une bière, tu n'as fait que laver ta conscience.
- Et que va dire ma blonde?
- Tu n'as plus de blonde depuis deux ans.
- Ah oui, c'est vrai, j'oubliais. C'est la vieillesse qui fait ça. Je perds la mémoire. Quel jour sommes-nous déjà?
- N'essaie pas de changer de sujet.
- Et le sujet était?
- Tu t'enfonces et tu en deviens pathétique.
- C'est toi qui commence à faire chier. Au fait, t'es qui toi?
- Ton surmoi.
- Mon sur qui?
- Pas sur qui, surmoi!
- Sur toi? eh oh! Qu'est-ce que tu veux dire par là?
- Non! Je veux dire moi! Je suis ton surmoi!
- Sur moi ou sur toi, je te dit tout de suite que c'est non!
- JE SUIS TON SURMOI! S.U.R.M.O.I.! Avec le ÇA et le MOI, je suis ce que Freud appelait l'une des trois instances de la personnalité!
- Ça me semble louche tout ça. Tu ne serais pas plutôt Gaspésien par hasard?
- Bon ça va, j'ai compris. Je me casse d'ici et je te laisse à tes remords.
Je suis comme ça avec ma conscience: Implacable. N'empêche, il y a des fois où elle me travaille solide.
En rentrant à la maison, j'ai trouvé un mec assis sur les escaliers extérieurs qui mènent à mon logement. Il ne semblait pas se soucier de la petite pluie froide qui tombait sur la ville et aussi sur ses épaules. Un sac à dos déposé sur le sol, il terminait une bière en cannette tout en fumant une cigarette. Mi quarantaine, peut-être plus, il avait une gueule qui donnait à penser que la vie n'a pas toujours été facile ni pour lui, ni pour son sac à dos.
Quand il m'a vu arriver, il s'est levé et s'est excusé en me racontant qu'il avait une hernie et qu'il devait se reposer. Il avait une voix éraillée et sans doute que le tabac et l'alcool n'y étaient pas étrangers. Sans être soignée, son apparence générale n'était pas répugnante ou malpropre. Il était frais rasé, ce que je ne suis pas depuis au moins trois semaines. Son itinérance devait être relativement récente et perdu au milieu d'une foule, rien ne le distinguerait des autres à ce niveau là.
Je lui ai dit qu'il ne me dérangeait pas et qu'il pouvait rester le temps qu'il voulait. Du même coup, j'ai sortie une bière de ma caisse et je lui ai refilée. Il semblait surpris de mon geste mais accepta avec reconnaissance. Il s'est alors mis à me raconter qu'il venait de la Gaspésie, ce que j'avais deviné à son accent, et puis deux ou trois trucs encore mais je n'avais pas envie de passer le reste de la soirée à discuter avec lui sous la pluie. Je ne voulais pas non plus savoir s'il avait une place où coucher, ni connaître sa vie et ses malheurs. Parce qu'il fallait être aveugle pour ne pas voir que ce type là avait de bonnes chances de ne pas dormir dans un vrai lit ce soir. Je voulais juste le rassurer sur le fait qu'il était un être humain au même titre que moi, que je le considérais comme tel, que je ne le jugeais pas, que sa marginalité ne m'effrayait pas et que je n'allais certainement pas le chasser de mes escaliers comme un chien galeux. Mais je ne voulais pas en connaître davantage sur lui de crainte que mon putain d'humaniste de merde ne m'oblige à l'inviter dans ma maison. Parce que j'y ai pensé et que cette idée s'est glissée dans mon cerveau.
Et j'y pense encore au moment où j'écris ces lignes et que je le sais toujours dans mes escaliers à se demander où il pourrait bien aller passer le reste de la nuit.
Ce faisant, je sais que je commets une sorte de délit moral en ne tendant pas la main à mon prochain. Et comme je suis un mec tordu, je jongle avec l'idée qu'il n'est peut-être pas là par hasard, même si je sais que c'est fondamentalement idiot de penser ainsi. Mais il y a une toute petite voix en dedans de moi qui persiste et qui insiste. "Tu laisses ton frère humain dans la misère? Est-ce si demandé de lui offrir un sofa et quelques couvertures chaudes pour la nuit? Crois-tu vraiment que c'est le hasard qui l'aura mis sur ton chemin?"
Pour étouffer cette voix, j'ai allumé la radio et je me suis planté les doigts sur ce clavier. J'ai voulu écrire sur un tout autre sujet mais son image ne me quitte pas l'esprit. Je me trouve des excuses comme j'égrainerais un chapelet. Mais à chacune d'elle, cette petite voix énervante vient me relancer.
- C'est quand même pas de ma faute s'il est dans la merde.
- Mais il t'en coûterait si peu de la soulager cette merde en lui offrant un coin de ton logement.
- Oui mais si ma fille rapplique dans la nuit, t'imagines le bordel en le trouvant étendu dans le sofa du salon?
- Tu sais bien qu'elle passera la nuit en Australie et qu'elle n'entrera pas.
- Il est peut-être violent? Qui sait si dans la nuit, et profitant de mon sommeil, il n'en profiterait pas pour me planter un pieux dans le coeur et s'enfuir avec mon argenterie? On voit ça souvent dans les films, les pieux dans le coeur pendant la nuit pour piquer l'argenterie.
- Tu n'as même pas d'argenterie.
- Mais j'ai un coeur!
- Vraiment? En tout cas, ce soir ça ne paraît pas.
- Je lui ai refilé une bière même si j'avais soif et que les dépanneurs sont fermés. C'est énorme ça! Ne m'en reste que 5.
- Tu ne lui a pas donné une bière, tu n'as fait que laver ta conscience.
- Et que va dire ma blonde?
- Tu n'as plus de blonde depuis deux ans.
- Ah oui, c'est vrai, j'oubliais. C'est la vieillesse qui fait ça. Je perds la mémoire. Quel jour sommes-nous déjà?
- N'essaie pas de changer de sujet.
- Et le sujet était?
- Tu t'enfonces et tu en deviens pathétique.
- C'est toi qui commence à faire chier. Au fait, t'es qui toi?
- Ton surmoi.
- Mon sur qui?
- Pas sur qui, surmoi!
- Sur toi? eh oh! Qu'est-ce que tu veux dire par là?
- Non! Je veux dire moi! Je suis ton surmoi!
- Sur moi ou sur toi, je te dit tout de suite que c'est non!
- JE SUIS TON SURMOI! S.U.R.M.O.I.! Avec le ÇA et le MOI, je suis ce que Freud appelait l'une des trois instances de la personnalité!
- Ça me semble louche tout ça. Tu ne serais pas plutôt Gaspésien par hasard?
- Bon ça va, j'ai compris. Je me casse d'ici et je te laisse à tes remords.
Je suis comme ça avec ma conscience: Implacable. N'empêche, il y a des fois où elle me travaille solide.
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