C'est chouette d'avoir un boulot bien syndiqué. Ça permet d'être malade quand il fait beau sans avoir à se faire chier avec les excuses à trouver. Tu prends ton téléphone, tu composes le numéro de ton employeur, tu tombes sur un employé et tu n'as qu'à dire "je n'entre pas aujourd'hui" Si par hasard on te demande la raison, tu n'as qu'à dire "Chu malaaâââaaade..." et 99 fois sur 100, on ne te fait pas chier.
Il y a un gros problème par contre si tu dis la vérité. Si par exemple tu donnes comme excuse: "Parce qu'il fait beau et que c'est sans doute les dernières journées avant l'hiver où l'on peut encore aller prendre un café sur une terrasse de la rue St-Denis" Là, tu risques d'avoir des petits problèmes. Il ne faut jamais dire la vérité quand tu ne veux pas entrer au travail, sinon les patrons te tombent dessus. Ils aiment mieux t'entendre dire que tu es malaaââââde même s'ils savent que ce n'est pas vrai. Ils sont comme ça parce que c'est comme ça qu'on leur a dit de procéder. Ce sont les consignes.
Hier, il faisait très beau et je suis venu à deux doigts d'être malaaââââaaade. Mais j'ai décidé de reporter ma maladie à aujourd'hui parce que ça me faisait perdre moins d'heures. Je suis du genre à budgéter mes maladies.
Donc, j'ai traîné ma maladie sur les rues du Plateau Mont-Royal comme il m'arrive souvent de le faire. Je repasse souvent par les rues de mes 20 ans, du temps où le Plateau était encore un quartier agréable (et abordable!!!) peuplé de milliers d'étudiants . Rue Laval, rue Rivard, rue de Mentana, rue Rachel, rue Cherrier, rue Marie-Anne, rue Bréboeuf, rue Chambord, rue Lanaudière... il se dégage de ces rues des parfums qui me renvoient des odeurs d'une douce bohème d'un temps révolu.
Il y a un gros problème par contre si tu dis la vérité. Si par exemple tu donnes comme excuse: "Parce qu'il fait beau et que c'est sans doute les dernières journées avant l'hiver où l'on peut encore aller prendre un café sur une terrasse de la rue St-Denis" Là, tu risques d'avoir des petits problèmes. Il ne faut jamais dire la vérité quand tu ne veux pas entrer au travail, sinon les patrons te tombent dessus. Ils aiment mieux t'entendre dire que tu es malaaââââde même s'ils savent que ce n'est pas vrai. Ils sont comme ça parce que c'est comme ça qu'on leur a dit de procéder. Ce sont les consignes.
Hier, il faisait très beau et je suis venu à deux doigts d'être malaaââââaaade. Mais j'ai décidé de reporter ma maladie à aujourd'hui parce que ça me faisait perdre moins d'heures. Je suis du genre à budgéter mes maladies.
Donc, j'ai traîné ma maladie sur les rues du Plateau Mont-Royal comme il m'arrive souvent de le faire. Je repasse souvent par les rues de mes 20 ans, du temps où le Plateau était encore un quartier agréable (et abordable!!!) peuplé de milliers d'étudiants . Rue Laval, rue Rivard, rue de Mentana, rue Rachel, rue Cherrier, rue Marie-Anne, rue Bréboeuf, rue Chambord, rue Lanaudière... il se dégage de ces rues des parfums qui me renvoient des odeurs d'une douce bohème d'un temps révolu.
Au coin de Mentana et de Napoléon, il y a une petite maison de briques à deux étages. La façade est dominée par deux vieilles portes en bois qui doivent avoir quelque chose comme 100 ans, ou pas loin.
L'une donne sur le logement du rez-de-chaussée et la seconde donne sur un escalier intérieur qui sent très bon le vieux bois qui craque en les empruntant. Sur l'une des deux portes, un petit coeur tressé en osier est accroché à la fenêtre en guise de décoration.
Je suis sans doute l'un des rares montréalais à savoir que ce coeur n'a pas bougé depuis près d'un quart de siècle. Et si je le sais, c'est que j'ai déjà ouvert cette porte. Ou plutôt, quelqu'un l'avait fait pour moi. C'était un matin de printemps très tôt, juste après le lever du soleil et après une nuit folle à boire et à rire. J'ai monté ces escaliers qui mènent à l'étage et j'ai naguère couché dans ce logement là.
Une fille y habitait.
Celle-là même qui m'avait ouvert la porte tout en s'excusant de l'aspect cucul du petit coeur en osier qui décorait sa fenêtre. La maison ainsi que le coeur d'osier appartenaient à sa mère qui vivait au rez-de-chaussée, tandis qu'elle occupait l'étage et y vivait toute seule. Elle était née sur le Plateau et était une des rares vraies platopithèques de naissance. Du genre que même à 20 ans, elle prenait parfois des bains de mousse avec sa meilleure amie. Du genre à composter ses déchets 100 ans avant que ça ne soit la norme. Du genre à avoir une mère poète et un père artiste peintre.
Je ne me souviens pas de la cuisine. Je me souviens un peu du salon et de son plancher en grosses lattes de bois usées qui soulignaient un charme certain. Je me souviens que très vaguement de la décoration. Même que je ne me souviens presque pas de sa chambre. J'étais vraiment trop concentré sur elle et son incomparable cul pour m'arrêter à des détails aussi bassement futiles. Par contre, je me souviens de son lit. Elle dormait sur un futon recouvert d'un gros édredon. Je crois qu'il y avait une plante ou deux placées ici ou là dans la maison mais je n'en suis pas certain. Je me souviens aussi de ses cheveux blonds coupés très courts et qui lui donnait une jolie tête de petit chaton affamé. Je me souviens de l'odeur de sa peau et je me souviens par-dessus tout qu'elle ronronnait quand elle prenait son pied de petite bohémienne du Plateau. Je trouvais ça très chouette une fille qui ronronne. Si j'avais été chanteur, je crois que j'en aurais fait le sujet d'une chanson.
Je me souviens que nous avions passé le reste du printemps ensemble et que c'est à peine si nous avions échangé trois mots. Je me souviens qu'elle était ensuite partie en France pour le reste de l'été. Je me souviens de deux ou trois lettres qu'elle m'avait envoyées et qui en disaient plus dans ces quelques feuilles de papier que ce que nous avions échangé entre nous depuis que nous partagions ce coup de foutre commun.
Puis plus rien, ni d'elle ni de moi. Comme ça, parce que. Et c'était normal.
Je l'ai recroisé un jour par hasard, deux ou trois années plus tard sur une terrasse de la rue St-Denis. Avec un pote, j'occupais une table qui donnait près du trottoir et nous discutions sans doute de politique en descendant des expressos bien tassés. Entre nos deux places, j'avais coincé la poussette de ma fille qui dormait à poings fermés. J'étais en effet devenu papa entre temps. La fille au coeur d'osier passa par là et m'apercevant, elle s'arrêta pour me faire la bise. Elle était accompagnée d'une type qui était resté à l'écart et qui n'avait pas dit un mot pendant notre rapide entretient. Je me souviens par contre qu'il était maigre. Je me souviens aussi qu'il avait une tête de con, dégaine d'artiste cliché et regard vide.
Elle vit la poussette, traversa les tables pour venir voir ma fille en se montrant très émotive et me félicita. Nous avons ensuite échangé quelques mots et pendant cette conversation, nos regards trahissaient une complicité passée qui avait traversé nos vies à la vitesse de l'éclair. Elle avait changé sa coiffure mais était toujours restée avec ce look si typiquement Plateau et qui n'existe plus aujourd'hui.
Je ne l'ai plus jamais revue depuis précisément ce jour là, ni même jamais entendu parler d'elle. Tout ce qui me rattache encore à cette époque dorée c'est ce petit coeur en osier qui pend toujours à la porte centenaire de cette belle maison de la rue de Mentana. Et chaque fois que je passe devant, même un quart de siècle plus tard, j'ai le coeur qui me fend en quatre.
Je ne me souviens pas de la cuisine. Je me souviens un peu du salon et de son plancher en grosses lattes de bois usées qui soulignaient un charme certain. Je me souviens que très vaguement de la décoration. Même que je ne me souviens presque pas de sa chambre. J'étais vraiment trop concentré sur elle et son incomparable cul pour m'arrêter à des détails aussi bassement futiles. Par contre, je me souviens de son lit. Elle dormait sur un futon recouvert d'un gros édredon. Je crois qu'il y avait une plante ou deux placées ici ou là dans la maison mais je n'en suis pas certain. Je me souviens aussi de ses cheveux blonds coupés très courts et qui lui donnait une jolie tête de petit chaton affamé. Je me souviens de l'odeur de sa peau et je me souviens par-dessus tout qu'elle ronronnait quand elle prenait son pied de petite bohémienne du Plateau. Je trouvais ça très chouette une fille qui ronronne. Si j'avais été chanteur, je crois que j'en aurais fait le sujet d'une chanson.
Je me souviens que nous avions passé le reste du printemps ensemble et que c'est à peine si nous avions échangé trois mots. Je me souviens qu'elle était ensuite partie en France pour le reste de l'été. Je me souviens de deux ou trois lettres qu'elle m'avait envoyées et qui en disaient plus dans ces quelques feuilles de papier que ce que nous avions échangé entre nous depuis que nous partagions ce coup de foutre commun.
Puis plus rien, ni d'elle ni de moi. Comme ça, parce que. Et c'était normal.
Je l'ai recroisé un jour par hasard, deux ou trois années plus tard sur une terrasse de la rue St-Denis. Avec un pote, j'occupais une table qui donnait près du trottoir et nous discutions sans doute de politique en descendant des expressos bien tassés. Entre nos deux places, j'avais coincé la poussette de ma fille qui dormait à poings fermés. J'étais en effet devenu papa entre temps. La fille au coeur d'osier passa par là et m'apercevant, elle s'arrêta pour me faire la bise. Elle était accompagnée d'une type qui était resté à l'écart et qui n'avait pas dit un mot pendant notre rapide entretient. Je me souviens par contre qu'il était maigre. Je me souviens aussi qu'il avait une tête de con, dégaine d'artiste cliché et regard vide.
Elle vit la poussette, traversa les tables pour venir voir ma fille en se montrant très émotive et me félicita. Nous avons ensuite échangé quelques mots et pendant cette conversation, nos regards trahissaient une complicité passée qui avait traversé nos vies à la vitesse de l'éclair. Elle avait changé sa coiffure mais était toujours restée avec ce look si typiquement Plateau et qui n'existe plus aujourd'hui.
Je ne l'ai plus jamais revue depuis précisément ce jour là, ni même jamais entendu parler d'elle. Tout ce qui me rattache encore à cette époque dorée c'est ce petit coeur en osier qui pend toujours à la porte centenaire de cette belle maison de la rue de Mentana. Et chaque fois que je passe devant, même un quart de siècle plus tard, j'ai le coeur qui me fend en quatre.
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