samedi 20 septembre 2008

Émeute

Je revenais du boulot. C'était quelque part en soirée la semaine dernière. Il devait être quelque chose comme 22h30. Sur la Rue Ontario, les gourgandines souriaient aux mâles conducteurs qui passaient dans le quartier en levant le pied à leur hauteur. Je suis justement un mâle conducteur et j'habite précisément ce quartier. Pour me rendre chez moi, je dois en plus lever le pied pour tourner à l'intersection. Du coup, chaque fois et immanquablement, je passe pour un consommateur faisant son shopping. Et c'est encore pire lorsque la seule place de parking encore libre se trouve tout près de l'une d'elles. Je n'ai pas le temps de descendre de ma voiture qu'elle cogne à ma vitre.
Cette fois là, c'était pathétique. La galante était assurément dans la soixantaine avancée et quand j'ai vu son visage du côté de la fenêtre du passager, j'ai eu peur. Elle avait un rouge à lèvres appliqué négligemment - pour ne pas dire aveuglément - ou alors celui-ci avait considérablement débordé après une intense séance avec un précédent client. L'on aurait dit qu'elle venait de croquer dans un panier de fraises juteuses avec les mains attachées dans le dos. Voyant sa méprise quand je suis sorti de ma voiture avec mon sac à dos, elle s'est excusée.
- Oh! Je pensais que tu voulais me donner un lift.
Elle avait une voix qui avait souffert depuis des années par la nicotine et l'alcool. Non seulement n'avait-elle plus rien d'excitant à vendre, mais en plus, elle donnait l'impression de sortir tout droit d'une mauvaise pièce de Vaudeville d'une autre époque et jouée par Manda Parent ou La Poune.
- T'aurais pas une cigarette au moins à me donner?
Je lui ai refilé sa cigarette pendant que je retirais mon gros sac de linge sale du coffre arrière et je priais pour que personne du quartier ne me voit en sa compagnie. Ma propriétaire entre autre. C'est le genre de quiproquo qui te ruine une réputation en trois secondes.
- Vous savez m'ame chose, le locataire du troisième...
- La grande asperge aux cheveux blonds?
- Lui-même.
- Celui qui justement, perd beaucoup de ses cheveux, surtout au niveau du front?
- Exactement. Et bien figurez-vous donc m'ame chose qu'il fréquente les dames galantes de la rue Ontario! Et pas les plus jeunes!
- Noooon!
- Si! Si!
- Je m'en doutais! J'ai toujours trouvé qu'il avait quelque chose de louche. Au fait, n'est-ce pas lui qui a un chalet à Sainte-Émélie-de-L'Énergie?
- Lui-même! Précisément là où une pauvre vieille de notre âge s'est fait agresser sexuellement cet été!
- MON DIEU! C'est sûrement lui!!!
- Peut-être que oui et peut-être que non. Mais dans le doute, ne prenons pas de chance. Alertons le quartier et agissons avant qu'il ne soit trop tard!

Pendant la nuit qui suivit ma rencontre fortuite avec la vieille pute, un grondement de voix humaines me réveilla.
- À mort la grande asperge qui perd ses cheveux! À mort la grande asperge qui perd ses cheveux!
Je me suis précipité à ma fenêtre mais au même moment, une pierre lancée de la rue vint en casser le carreau. Une centaine de résidents du quartier s'était agglutiné autour de mon logement avec des torches allumées. Un peu plus loin, on s'afférait à dresser une potence. Profitant du rassemblement, une délégation de l'ADQ tentait de vendre des cartes de membres aux émeutiers enragés.

Pas le temps de raconter la suite, je m'en vais travailler.

Aucun commentaire: