jeudi 21 août 2008

Battement de paupières.

Insomnie.
Je me suis réveillé à l'aube. Mauvais sommeil, incapable de refermer l'oeil. Aussi bien me lever et cracher ces attaques nocturnes sur ce blog à la con. J'avais la tête qui débordaient d'idées sombres, d'idées noires et d'idées lugubres. Résultat de quelques petites douleurs près du coeur qui ont ouverts le tiroir aux angoisses de toutes sortes.
Furieuse sensation de glisser à toute vitesse dans le "temps-qui-passe" comme dans les dernières séquences d'un lavabo qui se vide.
La vie c'est ça finalement, un lavabo qui se vide. La chose est remplie à notre naissance mais dès qu'on arrive au monde, une main soulève le bouchon. L'eau se retire d'abord tranquillement pendant quelques années. C'est à peine perceptible et l'on n'y pense même pas. On se dit qu'on a tout le temps. Même qu'on ne se dit rien du tout parce que justement, c'est tellement subtile, tellement lent, tellement hypocrite que l'idée de la finalité de notre propre vie reste quelque chose de complète flou. On y pense parfois mais avec les deux pieds coincés dans un sentiment d'immortalité. On y pense juste pour se donner de petites frayeurs, un peu comme on pense à ces histoires de fantômes.
Puis arrive un moment où l'on s'aperçoit que le niveau a dramatiquement baissé. On se dit alors que l'on va faire attention, que l'on va profiter de chaque seconde qui passe mais peine perdue. L'écoulement se fait trop vite et l'on se sent aspiré par le tourbillon. C'est là que je suis rendu dans ma vie.

J'ai l'impression d'avoir fermé les yeux avant de me coucher la veille de mes 30 ans et qu'en me réveillant le lendemain, j'en étais déjà rendu à 45. La vitesse à laquelle ces années se sont écoulées me sidère et me glace parfois le sang. Je sais que je devrais l'accepter, je sais que je devrais me trouver une philosophie de vie qui m'aiderait à vivre avec cette putain d'horloge qui ronronne au salon, comme disait Brel, mais je n'y arrive pas. Plus j'avance en âge, plus le temps me semble relatif dans sa durée. Et je sais que ce qui me reste de vie d'ici à ce que je me réveille dans mon lit d'extrême vieillesse, affaiblie, sénile, moribond, s'écoulera dans l'espace d'un battement de paupières.

Et si la vie n'était que ça finalement? Un battement de paupières?
Que tout ceci ne se passe que dans un claquement de doigts mais que la relativité du temps nous ampute dans nos premières années de le percevoir ainsi? Que l'on découvre cette angoissante réalité qu'à mesure que nous nous approchons de la porte de sortie? Qu'à notre dernier souffle, tout s'éclaire enfin en nous laissant avec la satisfaction d'avoir vécu une vie bien remplie ou au contraire avec la frustration d'avoir passé à côté d'elle?

L'urgence de vivre et de profiter des années qui viennent m'amputent toute idée de quiétude à l'intérieur d'un travail comme celui que j'ai en ce moment. Chaque journée passée au boulot m'a l'effet d'un prodigieux gaspillage de respirations et de battements cardiaque. Et quand je me réveille en pleine nuit avec de petits picotements du côté du coeur, je me maudit d'être prisonnier de cette peur qui m'empêche de tout envoyer promener et de quitter cette fausse réalité pour me casser loin d'ici avec mon sac à dos et ma brosse à dents.

Oui je sais, la fuite n'est pas une solution. Mais n'ayant encore jamais personnellement expérimenté cette fuite, je suis curieux d'aller l'explorer pour en connaître les saveurs et les parfums. Angoisser devant les pyramides d'Égypte ou devant le Mont Saint-Michel me semble plus intéressant qu'angoisser devant le dépanneur vietnamien Chez Lucky au coin d'Ontario et Préfontaine. Enfin, me semble-t-il.
Je sais, je n'ai qu'à le faire. Mais le conditionnement dans lequel nous sommes bercés depuis nos premiers pas me ramène à ma geôle dorée. J'ai 45 ans, pas un rond en banque, pas un rond d'économie, quelques dettes... que ferais-je dans 20 ans (qui n'est que demain dans ce battement de paupières) quand mon corps fatigué aura besoin de repos et de calme? Comment pourrais payer mes couches et ma nourriture molle?
Terrible combat entre ma tête et mon coeur. Entre ma peur et mon envie. Entre la sagesse et l'instinct.

J'aimerais parfois ne pas avoir ces idées. J'arrive parfois à envier ceux qui font leur petit bonhomme de chemin sans se prendre la tête avec rien. Ceux qui peuvent passer 40 ans à placer des bouteilles sur une tablette sans se soucier d'y être entré adolescent sous Pierre Trudeau et d'en sortir vieillard sous Stephen Harper. Ceux qui préparent leur retraite pendant toute leur vie comme moi je prépare mon weekend pendant toute la semaine.

Je voudrais me détacher de cette prison d'idées et de règles à la con qui dit que nous devons nous soumettre comme des moutons. Travailler jusqu'à 65 ans et n'avoir le droit de vivre qu'après avoir justement donné sa vie à l'édification abjecte d'une structure sociétale basée sur la domination de l'homme par l'homme, ça me tue juste d'y penser. Rien n'a changé depuis 2000 ans. La féodalité ne s'est pas éteinte avec la mort des rois. Elle ne fut que transférée dans la conception moderne du travail. Un chef d'entreprise est un prince. Son président est un roi et les actionnaires majoritaires tout en haut de l'organigramme, ces quelques individus contrôlant la centaine de grandes sociétés de la planète, sont des Seigneurs tout puissants. Nous, les travailleurs et que nous soyons éboueurs ou cadres d'entreprises, ingénieurs ou livreurs de pizza, nous en sommes les serfs modernes. Nous sommes condamnés à survivre à l'intérieur d'un cadre décidé, planifié et contrôlé par une poignée de demi-dieux.

Mais je dérape et je m'égare. Je ne sais plus où je m'en vais dans cette rédaction chaotique. J'ai une terrible envie de chier qui influence ma concentration, résultat laxatif de mon café extra fort. Tout ce que je sais c'est que je dois aller travailler dans quelques minutes et que j'en ai pour toute la putain de journée. 12 heures aujourd'hui, 12 heures demain et un autre putain de 12 heures samedi. J'en ai ma fucking claque. Je ne cesse de baisser mes disponibilités et j'en suis rendu pratiquement à la limite de la survivance financière. Heureusement, l'endroit est temporairement purgé de ces quelques cons-connasses soumis qui se font une fierté de ne jamais penser.

Aaaah merde! Me revoilà encore entrain de faire ma langue sale! Je devrais faire attention à ça, des fois que l'un de ceux-là viendrait à connaître l'existence de ce blog. La grosse conne surtout. Je me sentirais mal qu'elle puisse savoir ce que je pense d'elle. De son regard porcin qui lui donne le charme d'une scie sauteuse. De ses conversations bouleversantes sur la manière dont elle s'y prend pour nettoyer sa cuisine. De son physique particulier qui lui donne ce je ne sais quoi du baril de pétrole non raffiné.

Oui bon, ça va. Ma gueule quoi.
(Mais ça fait tellement de bien de se défouler quand on a des picotements près du coeur à 5hre du matin)

3 commentaires:

Marina Kowalsky a dit…

Beau texte ! Angoissant mais beau texte.

Je ne place pas de bouteilles sur une tablette, je ne vis pas à Hochelaga-Maisonneuve mais moi aussi à 5h du mat j'ai des picottements au coeur, et j'me dis qu'est-ce que je fous ?
Foutre le camp? Ça s'en vient!

Varice et Versa a dit…

Les picottements au coeur, ça ne serait pas le réveil de la lucidité par hasard?

Marina Kowalsky a dit…

Réveil de la lucidité? C'est déjà fait !
L'urgence d'Être Varice!
J'm'en vais plonger!