jeudi 21 août 2008

Quand j'étais petit, je voulais être un noir.

Je connais un mec, c'est un poète. Un vrai et très connu à part ça. Enfin, très connu dans le milieu je veux dire. Pour le commun des mortels, c'est un anonyme. Un type comme un autre mais un peu plus étrange. C'est aussi un client et c'est comme ça que nous nous sommes connu. J'ai acheté de ses bouquins, m'en a refilé quelques uns. Il est très drôle et très sympa. J'sais pas pourquoi je parle de lui ce soir. Sans doute pour crever la page blanche. Car c'est bien connu, un poète, c'est fait pour ça.

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J'ai vu aussi ce client extrêmement sympa et très sensible. Un black. (J'ouvre une parenthèse. Quand j'étais petit, je rêvais d'avoir un ami black à cause de Muhammad Ali. Même que je voulais devenir noir moi-même après l'avoir vu descendre le gros George Foreman en '74 au Zaïre. Mais à Repentigny, il n'y avait que des blancs. Et catos en plus. Pour ce qui fut de me faire noir, ma mère ne voulait pas, même pour devenir le prochain Ali. C'est pour ça que je vends des bouteilles de vin aujourd'hui et que je ne suis pas boxeur. Aujourd'hui, je sais qu'il y a une bonne communauté haïtienne installée là-bas mais comme je vis à Montréal et qu'il y en a beaucoup plus ici, ça serait un peu con de retourner vivre à Repentigny pour me faire un ami noir. Fin de la parenthèse.) Mon client black, et quand il est venu à ma caisse, il m'a demandé comme ça si je voulais aller fumer une clope avec lui. Je me disais que quelque chose n'allait pas parce que je sais qu'il ne fume pas. Mais je m'étais trompé et tout allait bien. Il travaille 60 heures par semaine, n'a pas le temps de vivre, il s'en fait avec son travail qu'il n'aime pas, voudrait faire autre chose, monter sa business de graphisme mais il est pris avec des paiements sur sa maison, n'a pas le temps de voir ses amis, sa parenté. Ce genre de choses. Il fumait en tenant sa cigarette comme un con parce que justement, c'est un non fumeur. Quand il me parlait, il ne me regardait pas et fixait plutôt son regard sur je ne sais quoi à l'horizon, comme si je n'étais pas là. Pourtant il me parlait. Mais il ne semblait plus me voir.

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J'ai demandé à S... qui travaillait avec moi si la belle cliente était passée pendant mes vacances. Paraît que si. Et comme d'habitude, elle n'a fait qu'entrer et sortir avec une bouteille de Syrah ou de je ne sais quoi de très corsé. La belle cliente, elle n'est pas que belle, elle est à part. Grande, cheveux noirs, toujours habillée en tailleur sombre, le potentiel érotique contenu dans ses courbes est indéniable et provoque des surchauffes dans les circuits internes de l'imaginaire des mâles qui se trouvent sur son chemin. Dans les miens en tout cas. Elle ne se fait jamais chier et elle ne reste rarement plus de trente secondes. Elle sait toujours ce qu'elle veut et ça ne prend pas de temps. Pour la draguer, bonne chance. Ça m'a prit six mois pour l'aborder, un an pour la faire rire et un an et demi pour connaître son prénom. Un travail de longue haleine comme dirait l'autre. Mais ça valait la peine juste pour ce sourire et ces quelques mots qu'elle me lance quand elle me voit. Ma carte de visite fut le Ripassa Zenato 2003. Grâce à cette bouteille, elle me sourit toujours et même qu'elle me parle maintenant. Mais elle et moi, nous ne sommes pas du même monde. Elle, c'est une Ferrari de l'année et moi je suis une Toyota Tercel 1995. Pas grave, j'aime la regarder quand elle passe et j'aime quand elle se bidonne de mes blagues. C'est comme aller au musée. On reste tout con devant des chef-d'oeuvres. Mais on aime regarder. Cette fille, c'est un spectacle pour les yeux. Tout le monde au boulot la trouve belle, même les filles. Chose rare! Ça veut dire qu'elle est vraiment belle pour qu'elle ne déclenche pas ces petites phrases assassines et toute féminines quand une belle femme leur fait de l'ombre. Là, avec la belle cliente, c'est la soumission totale. Pas une pour rivaliser. Sauf A... bien sûr, qui est la plus belle fille de toute la communauté des caissières-vendeuses-conseillères quand elle rit de mes blagues et qui, par hasard, se trouve aussi à être une lectrice assidue de ce blog...

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Je crois que je vais aller me coucher, dit-il, en trouvant les lunettes soleil de sa fille sur sa table à dessin. De grosses lunettes qui font très '70's et qui me rappellent une curieuse époque de ma vie recouverte par la musique de Paul McCartney et les Wings.

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