jeudi 21 août 2008

Hochelaga-Maisonneuve blues (suite)

J'ai toujours des bouteilles vides qui s'accumulent dans la maison. Les bouteilles de vin, je les balance dans le bac vert mais comme les bouteilles de bière sont consignées, généralement, je les retourne au dépanneur. Enfin, quand j'y pense. Mais comme je n'y pense jamais, elles profitent de mon oublie pour se reproduire sans pudeur et à goulots rabattus dans les recoins oubliés de la cuisine. J'en dépose trois un soir et le lendemain en me réveillant, et va savoir pourquoi, j'en trouve six.
Trois jours plus tard, il y en a 24.
Puis 48 après une semaine.
Les bouteilles de bière vides, il faut croire que ça copule comme des lapins. Pas facile de stopper la fécondité époustouflante de ces petites bêtes.

Je déteste aller vendre des bouteilles vides quand il y en a trop. Ça fait misérable. Et puis on ne sait jamais, je pourrais rencontrer comme ça, par hasard, Monica Bellucci sur la rue Ontario.
Et je lui dirais quoi avec mes deux gros sacs poubelle remplies de 72 bouteilles de bière vides?
- Écoute Monica, je sais que Vincent Cassel est beau mec, qu'il est riche, que c'est un comédien talentueux et qu'il est le père de ton enfant mais je crois sincèrement que tu serais mieux avec moi. Bon, c'est vrai qu'à me voir comme ça, avec mes sacs poubelles remplies de bouteilles vides, je dois te sembler un peu paumé mais faut surtout pas te fier à ça.

Na! Ça ne marcherait pas. Du coup, j'opte pour des solutions plus stratégiques. La dernière fois, et parce que je ne savais plus comment m'en défaire, elles se sont retrouvées dans le bac vert avec les bouteilles de vin. Comme j'habite dans Hochelaga-Maisonneuve, ça n'a pas tardé avant que surgissent dans la nuit, telles des ombres lugubres, la caste secrète des pilleurs de bacs verts. Sorte de ratons-laveurs humanoïdes, ils attendent le coucher du soleil pour sortir de leur tanière et prospecter avec une avidité non dissimulée les poubelles et les bacs verts du quartier. Malgré le fait qu'ils essayaient d'être discrets, le bruit des bouteilles entrechoquées me parvenait jusque dans ma chambre alors que j'avais la fenêtre ouverte. Le même bruit que font les ratons-laveurs du chalet quand ils viennent fouiller dans le sac à ordure la nuit. Je me suis levé et j'ai observé leur silhouette sous la lune. Ils semblaient très heureux de leur découverte et je sentais que je venais de faire leur journée. Voire leur mois. Et puis j'ai pensé au fait qu'ils se trouvaient tout en bas de la chaîne alimentaire de la société, qu'ils piochent leur bonheur dans les choux gras que nous balançons aux ordures. Je jour des poubelles, c'est Noël pour eux.
La prochaine fois, je penserai à jeter des boîtes de conserves pleines.

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