Au boulot, il y a une "matante" qui travaille avec nous et fort heureusement, c'est plutôt rare maintenant que mes horaires croisent les siens. Ce qui n'était pas le cas il y a quelques mois où je devais systématiquement passer de longues longues longues longues et très longues journées avec elle. Pour dire vrai, c'est beaucoup à cause d'elle si j'ai coupé mes heures. Je n'étais plus capable de supporter sa déprimante présence et à la fin, j'étais rendu à deux doigts du suicide juste à savoir que je devais passer toute une journée entière avec elle. C'est le huis clos qui fait ça. Être enfermé dans la même pièce avec une personne qui ne parle que du boulot ou alors de la manière dont elle fera cuir les patates pour son mari le soir, moi, ça me tue. Ça me tue et ça me déprime. Pendant les longs mois où j'ai partagé le boulot avec elle, pas une fois j'ai pu parler de politique, de littérature, de cinéma, de peinture, d'histoire, de musique, d'architecture, de socio ou de philo ou de j'sais pas quoi d'un peu consistant et qui aide à ne pas laisser le cerveau s'atrophier pendant les heures de travail. Et pourtant, elle parle tout le temps et c'est précisément ce qui commençait à me rendre très agressif à la fin. Parce que pour elle, parler veut dire automatiquement faire du bruit avec sa bouche. Émettre des sons, n'importe lesquels, mais en autant que ça comble le silence. Et puis quand elle parle, elle étire interminablement ses mots un peu comme le font les enfants. D'ailleurs quand elle s'adresse aux employés, elle utilise un vocable infantilisant insupportable qui te donne juste envie de lui péter le lobe frontal avec une bouteille de Château-Neuf-Du-Pape, quitte ensuite à moper le plancher et à ramasser toi-même les éclats de verres avec un petit balais. Disons-le franchement, cette femme est non seulement inintéressante à côtoyer, mais en plus, elle constitue à elle seule une puissante machine capable de démoraliser une armée de jovialistes endurcis. Elle me déprime cette femme parce qu'elle est un peu plus jeune que moi et qu'elle pense, bouge, parle, réfléchie, articule, mange, marche, observe, écoute comme une matante. En ce sens qu'elle me renvoie exactement ce que j'exècre des gens de mon âge, c'est à dire cette espèce d'obligation d'incarner ce que nous nous refusions de devenir quand nous avions 20 ans. Le genre de femme qui avait déjà 60 ans quand elle fêtait ses 20 ans. Le genre de femme qui, en parlant d'elle lorsqu'elle vient de terminer une tâche quelconque qui la rend fière, dit tout haut et très sérieusement : "La madame est contente"
Des milliards d'année après le Big Bang pour créer la terre. Encore des milliards d'années pour y trouver une petite forme de vie. Et encore des milliards d'années pour que cette minuscule forme de vie traverse une suite incroyable de transformations et d'évolutions pour arriver à donner une sorte d'hominidé doté d'un cerveau complexe et qui marche sur deux pieds. Et que c'est pas terminé et qu'il s'en suit encore une formidable suite de hasards sur des millions d'années pour arriver à donner ce que nous sommes. Pas une fois pendant l'année pour prendre le temps de s'arrêter un moment pour se dire quelque chose comme : " Eh! Est-ce que je suis vraiment entrain de donner 40 heures de ma vie à chaque semaine pour placer des putains de bouteilles sur une putain de tablette?" Pas une fois pour remettre sa propre existence en questions. Pas une fois pour se dire que la vie vaut peut-être bien plus que ça! Non! Que la sécurisante routine débilitante d'un travail ou le cerveau n'est jamais sollicité. Putain, elle me déprime!
Enfin, tout ça pour dire qu'aujourd'hui, elle avait organisé une sorte de petit événement pour l'arrivée des vins Rosés et que malheureusement, j'étais de service. Il y avait des dégustations de produits et on m'avait désigné pour m'occuper de l'une d'elles. Je devais servir du rosé cheapo à la clientèle et j'étais installé pas trop loin de A... qui était de corvée de dégustation elle aussi. A... est une sorte de poumon au boulot, une fille sympa avec qui il fait toujours bon travailler. Et puis jolie aussi, ce qui n'est pas désagréable. Comme c'était son idée, c'est la matante qui jouait le rôle d'hôtesse et qui promenait sa grande bouche toute pleines de grosses dents d'un client à l'autre en leur disant dans son accent traînant : Bonnnnjouuuuuurr! Comme j'étais coincé là pour 4 heures, je me suis dégoté du papier et un stylo et j'ai pris des notes que je glisse ici.
- La matante frétille de joie en déambulant dans le magasin et en observant sa déco à chier dont la couleur dominante est le rose. Elle croit que ça fait concept alors que ça fait juste matante et que ça donne juste envie de se flinguer. Elle a mis beaucoup de temps pour coller ses petits papillons roses sur les vitres du magasin et elle croit que les gros travailleurs de la construction tout poilus et les bottes remplies de boue séchées qui entrent en vitesse pour venir acheter leur bouteille de Gin vont perde connaissance tellement ils seront émus devant les détails subtils de cette déco.
- Y a pas un chat dans le magasin et la matante passe d'une allée à l'autre en angoissant. Son événement risque d'être un bide. Ça sera sûrement le gros sujet de conversation ce soir avec son mari, pendant qu'ils feront la vaisselle. Elle s'abstiendra cependant d'en parler devant les enfants pour ne pas les traumatiser.
- Je l'entends dire le mot "agréable" dans une conversation avec un client. Un vieux bonhomme un peu perdu et dont l'appareil auditif semble avoir été conçu quelque part au début du siècle précédent, juste après le cornet de gramophone. Il ne semble pas comprendre ce qui se passe et se demande pourquoi il vient de se faire arrêter par une grande bouche avec plein de grosses dents dedans. Elle a appuyé très fort sur le É, ce qui a donné quelque chose comme : "agréééééable".
- C'est elle qui a sélectionné la musique d'ambiance. Nous avons droit à l'album Les Années Yéyé du groupe Génération Boomer. Sorte de reprises férocement mauvaises de vieux hits des années '60 et qui étaient déjà terriblement imbuvables dans leur versions originales. La journée s'annonce longue.
- Entraînée par la musique endiablée, elle esquisse quelques pas de danse derrière les caisses. Un grand moment de l'histoire de ce magasin. L'ambiance est folle et je ne sais pas comment je peux encore me retenir pour ne pas danser nu devant la section des portos.
- On a droit en boucle à Guatanamero, C'est beau un homme, Les portes du pénitencier, Senior météo et tout un tas d'autres grands morceaux du même genre. Senior météo, hit de Patrick Zabé qui date de 1974 était déjà quelque chose de passablement dépressif à l'époque. Mais la version qui joue en ce moment est encore pire. C'est fait pas un obscure inconnu qui, d'ailleurs, le restera encore longtemps à en juger par sa performance.
- Je reviens de ma pause et j'ai encore droit à Senior Météo. Ça fait cinq fois maintenant que l'album joue en boucle. Je repense au bouquin que je suis entrain de lire et du coup, ça me donne envie de faire comme le personnage du livre: Me remplir d'explosif et me faire sauter dans un endroit public. Pourquoi pas dans ce magasin?
- La matante frétille de joie en déambulant dans le magasin et en observant sa déco à chier dont la couleur dominante est le rose. Elle croit que ça fait concept alors que ça fait juste matante et que ça donne juste envie de se flinguer. Elle a mis beaucoup de temps pour coller ses petits papillons roses sur les vitres du magasin et elle croit que les gros travailleurs de la construction tout poilus et les bottes remplies de boue séchées qui entrent en vitesse pour venir acheter leur bouteille de Gin vont perde connaissance tellement ils seront émus devant les détails subtils de cette déco.
- Y a pas un chat dans le magasin et la matante passe d'une allée à l'autre en angoissant. Son événement risque d'être un bide. Ça sera sûrement le gros sujet de conversation ce soir avec son mari, pendant qu'ils feront la vaisselle. Elle s'abstiendra cependant d'en parler devant les enfants pour ne pas les traumatiser.
- Je l'entends dire le mot "agréable" dans une conversation avec un client. Un vieux bonhomme un peu perdu et dont l'appareil auditif semble avoir été conçu quelque part au début du siècle précédent, juste après le cornet de gramophone. Il ne semble pas comprendre ce qui se passe et se demande pourquoi il vient de se faire arrêter par une grande bouche avec plein de grosses dents dedans. Elle a appuyé très fort sur le É, ce qui a donné quelque chose comme : "agréééééable".
- C'est elle qui a sélectionné la musique d'ambiance. Nous avons droit à l'album Les Années Yéyé du groupe Génération Boomer. Sorte de reprises férocement mauvaises de vieux hits des années '60 et qui étaient déjà terriblement imbuvables dans leur versions originales. La journée s'annonce longue.
- Entraînée par la musique endiablée, elle esquisse quelques pas de danse derrière les caisses. Un grand moment de l'histoire de ce magasin. L'ambiance est folle et je ne sais pas comment je peux encore me retenir pour ne pas danser nu devant la section des portos.
- On a droit en boucle à Guatanamero, C'est beau un homme, Les portes du pénitencier, Senior météo et tout un tas d'autres grands morceaux du même genre. Senior météo, hit de Patrick Zabé qui date de 1974 était déjà quelque chose de passablement dépressif à l'époque. Mais la version qui joue en ce moment est encore pire. C'est fait pas un obscure inconnu qui, d'ailleurs, le restera encore longtemps à en juger par sa performance.
- Je reviens de ma pause et j'ai encore droit à Senior Météo. Ça fait cinq fois maintenant que l'album joue en boucle. Je repense au bouquin que je suis entrain de lire et du coup, ça me donne envie de faire comme le personnage du livre: Me remplir d'explosif et me faire sauter dans un endroit public. Pourquoi pas dans ce magasin?
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