mercredi 23 avril 2008

Les boîtes de carton

Un beau matin je sais que je m'éveillerai
Différemment de tous les autres jours
Et mon coeur délivré enfin de notre amour
Et pourtant, et pourtant
Sans un remords, sans un regret je partirai
Droit devant moi sans espoir de retour
Loin des yeux loin du coeur j'oublierai pour toujours
Et ton coeur et tes brasEt ta voixMon amour
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi

Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant

Je suis entrain de faire le ménage de mes effets en essayant de balancer le maximum de trucs pour faire de la place. Du coup, je dois ouvrir toutes mes boîtes et y plonger pendant de longues heures. Le genre de truc qui te fait toujours voyager dans le temps et qui souvent, te fous le cafard. Surtout pour les photos quand les décennies commencent à t'éloigner du moment où elles fut prises. D'un cliché à l'autre, j'ai vu défiler dans la dernière heure toutes les femmes de ma vie dans un résumé accéléré de mes amours. Ça tue ce genre d'exercice. Ça tue raide et ça te laisse une drôle de sensation dans ta maison vide. L'impression d'être un fantôme de ma propre vie.

J'arracherai sans une larme, sans un cri
Les liens secrets qui déchirent ma peau
Me libérant de toi pour trouver le repos
Et pourtant, et pourtant
Je marcherai vers d'autres cieux, d'autres pays
En oubliant ta cruelle froideur
Les mains pleines d'amour j'offrirai au bonheur
Et les jour et les nuits
Et la vie
De mon coeur
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant

Elles sont toutes là, figées à jamais dans leur fraction de seconde de bonheur d'une époque disparue pour toujours. Dans cette grosse boîte de carton où je les entreposent et où elles s'accumulent malgré moi, malgré elles, malgré nous, elles sont en silence et pour l'éternité les preuves poussiéreuses et jaunissantes de ces quiétudes lointaines. Sur certaines photos, j'arrive encore à me souvenir du parfum de leur chevelure, de leur souffle sur ma peau, de leur rire, de cette chaleur qui montait en moi quand elles me disaient "Je t'aime". Ces mêmes mots qui reposent dans cette même boîte de carton ce soir. Quand j'en ouvre le couvercle, c'est cet écho lointain qui me revient à chaque fois. Il existe des boîtes à musique, mais celles qui contiennent les photos de nous amours passées sont des boîtes à nostalgies. Dix ans ou un mois, j'ai été parfaitement heureux avec chacune d'elles. Et pourtant...

Il faudra bien que je retrouve ma raison
Mon insouciance et mes élans de joie
Que je parte à jamais pour échapper à toi
Dans d'autres bras quand j'oublierai jusqu'à ton nom
Quand je pourrai repenser l'avenir
Tu deviendras pour moi qu'un lointain souvenir
Quand mon mal et ma peur
Et mes pleurs
Vont finir
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Et pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Pourtant, pourtant, je n'aime que toi
Pourtant, pourtant, je n'aime que toi...

Quelle soirée je viens de passer... Sacré Aznavour.
Je dois balancer le plus de trucs disais-je. Mais ce n'est pas facile parfois. Comment par exemple se défaire d'un vieux porte-clés en cuir tout déglingué et où y a mon nom écrit dessus avec mon ancien numéro de téléphone de quand j'étais tout petit sans avoir en même temps l'impression d'abandonner le petit gamin que j'étais? Comment me défaire de mes vieux permis de pêche de 1997, 1998, 1999 et puis les autres avant ou après sans avoir l'impression de renier ces centaines de truites pêchées avec tant de patience? Comment me débarrasser d'un agenda de 1999 offert par mon père et où il n'y a absolument rien d'écrit dedans mais qui contient le seul mot écrit à mon intention de la main de mon paternel et qui dit comme dédicace:
Si utile.
Papa
Comment me défaire d'un vieux carnet de téléphone datant de 1985 où 90% des noms inscrits dedans ne me disent absolument plus rien mais où l'ancien numéro de téléphone de Renaud (le chanteur) à sa maison de Montréal qu'il n'habite plus depuis au moins 15 ans est rigoureusement écrit de ma main? (Je ne dirai pas ici comment j'ai pu avoir cette incroyable information) Toutes ces choses sont parfaitement inutiles du strict point de vue pratique et quotidien, mais elles n'en n'ont pas moins des valeurs symboliques à mes yeux. Les mettre à la poubelle, c'est aussi mettre une partie de moi à la poubelle et j'ai beaucoup de difficultés à faire ça. Pourtant, je fait de gros efforts. Lundi par exemple, j'ai balancé ma vieille paire de patins de gardien de but rouillées et complètement inutilisables. 1979 que ça datait. Ça m'a fait mal grave mais je suis parvenu à le faire. (Pauvres petits patins! Ils doivent déjà se faire bouffer par des mouettes dans cette décharge de la ville située quelque part en banlieue. À Blainville je crois) Mais j'ai trouvé des choses incroyables en fouillant dans mes boîtes et c'est le seul truc de chouette quand on doit effectuer ce genre de tâche. Des dessins de ma fille de quand elle avait 5 ans. Je garde. Une pipe en bois du temps où je pensais que fumer la pipe m'aiderait à arrêter de fumer la clope. Balancée aux poubelles. Une petite pochette de cuir contenant le chapelet, les médailles de je ne sais quels saints, les grades d'uniforme et l'épinglette de régiment de mon grand-père et qu'il gardait sur lui du temps où il a été libérer la France. Je garde. Une fausse carte d'autobus que je modifiais à chaque mois. Aux poubelles. Un manuscrit relatant une baise mémorable (que je ne me souviens pas!!!!) d'une superbe fille (que je me souviens pourtant!!!) et écrit quelques jours plus tard. Aux poubelles. Un bout de squelette de mâchoire de mammifère trouvée en forêt. Je garde. De vieilles chroniques de Foglia de quand il avait sa photo de dos. Aux poubelles. Un truc souvenir de Shawinigan que je ne me souviens même pas d'y avoir déjà mis les pieds. Poubelles. Et puis cette photo! Ouuufff! Une blonde que tu peux même pas t'imaginer comment elle était belle! Le genre de beauté qui n'existe que dans les revues de modes. Une photo (et la fille qui est dessus) qui date de dix ans environ. Elle voulait faire actrice et elle avait même dégoté un petit rôle muet dans un film avec David Bowie. Mais ensuite ça s'est compliqué et elle s'est mise à accepter n'importe quoi avec n'importe qui. Je l'ai revu quelques années plus tard à la télé dans ces petits sketchs où ils piégeaient des quidams dans des situations cocasses. Pathétique. Mais qu'est-ce qu'elle était belle!!! Le pire c'est que je ne me souviens même pas de son nom. C'est dingue ce genre d'oubli. Pendant quelques mois de ta vie, tu fréquentes régulièrement une pure beauté qui fait tourner toutes les têtes et tu te pinces pour savoir si tu ne rêves pas, et dix ans plus tard, tu la retrouve en ouvrant par hasard une boîte de photos mais tu ne peux même pas te souvenir de son prénom. C'est dingue la vieillesse, même si je ne suis pas vieux. Je l'ai mise sur une étagère de mes bibliothèques comme pour défier ma mémoire et je la rangerai quand j'aurai retrouvé son nom.

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