C’est pour mon expo
en novembre. Ce n’est pas terminé. Il manque le texte dans la bulle ainsi que
quelques petits machins de finition ici et là. Mais en gros, ça va donner ça.
Le mec, y va dire « Y mouille en Tabarnak ». Ben ouais, pourquoi pas.
Peut-être parce qu’y
mouille en tabarnak partout sur la planète. Sur la condition humaine, sur les
glaciers, sur l’espérance de vie de toutes espèces ici-bas.
Y mouille sur la
liberté d’expression, sur la liberté point à la ligne.
Y mouille sur
l’intelligence, sur l’amour et même – et surtout devrais-je dire – sur l’espoir.
Cette conversation
avec cette jeune cliente d’à peine 20 ans l’autre jour. Cette peur qu’elle
avait de faire un enfant dans ce monde de malades qui se déglingue et qui part
en couilles. Me parlait de l’élection de lundi prochain, de cette supposée
démocratie qui fait élire des partis politiques détestés par plus de 60% de la
population. Disait préférer la proportionnelle, comme en France. Plus cynique
qu’elle, je répondais que ça ne donnerait pas plus de démocratie puisque le
peuple n’a pas d’avantage son mot à dire. T’as tes 3 ou 4 candidats tous
appuyés par la finance et faut choisir là-dedans.
Faudrait tout faire
péter que je lui explique. Tout faire péter au sens figuré je veux dire. Ne pas
aller voter par exemple, ne pas consommer (ou le moins possible) et se trouver
une journée par semaine où tous les travailleurs du monde resteraient chez eux.
D’une claque, tu retires tout ton fric de ta banque. Tu ne fais plus jamais le
plein de ta voiture, mais seulement qu’à moitié. (C’est prouvé que les
pétrolière se retrouveraient du jour au lendemain avec des surplus impossibles
à stocker). Tu fais ça en masse et je te jure que les gouvernements
trembleraient. Oui bon, c’est impossible aujourd’hui, mais c’est possible
demain. La certitude de l’improbable comme disait Stephan Hessel.
Elle acquiesçait
gravement avant de me relancer sur les horreurs de l’alimentation. Ben oui,
c’était ce genre de conversation où t’es content de trouver quelqu’un qui
partage tes idées et t’essais justement d’en balancer un paquet juste pour voir
jusqu’où l’autre va te suivre. Du coup, elle me parla de ces bœufs d’élevage
goinfrés aux hormones de croissance, de ces tonnes de légumes qui ne se
rendront jamais à l’épicerie parce que jugées inesthétiques pour la commercialisation
(t’as déjà vu une carotte croche chez l’épicier ?), de la quantité de
sucre ajoutée dans la transformation des aliments, des additifs de conservation
qu’on ne sait pas trop ce que c’est, me parla aussi de Monsanto, de Gargill, de
Nestlé. De ces tueurs à cravates qui créent des famines en spéculant sur le
prix du blé, du riz et fort probablement bientôt sur celui de l’eau.
Entre tout ça, elle
souriait parfois. Ça faisait comme une cicatrice mouvante sur son visage. Elle
souriait comme on sourit même dans la résignation. C’est son époque, elle n’a
pas connu mieux.
Elle fait preuve de
lucidité quand elle se questionne sur la pertinence des mettre des enfants au
monde. Pas certain mois non plus que je ferais des enfants aujourd’hui.
Ces jeunes nés en
1995 sont de la première génération à prendre conscience qu’ils sont un peu
condamnés d’avance. Je veux dire, qu’ils ne peuvent plus espérer que les hivers
redeviennent de vrais hivers. Qu’on ne peut plus reboiser des forêts dévastées.
Qu’on ne peut plus stopper le réchauffement de la planète. Qu’on ne peut
plus compter sur nos gouvernements.
Les premiers vrais
sacrifiés de nos merdes passées, ils ont 20 ans aujourd’hui. Leurs enfants
termineront le siècle en héritant des conséquences de nos abus. Et c’est déjà
commencé.
Je sais, ce n’est pas
drôle. Même si c’est encore drôle par moments. Quand par exemple tu vois les
Harper Mulcair, Trudeau ou Duceppe se la jouer en sauveurs, qui te promettent
qu’ils feront tous « les choses autrement » alors qu’ils sont tous
les putes du même système de merde. Pas un pour te proposer une réforme
électorale par exemple, un vrai système qui donnerait le pouvoir au peuple,
bref, une vraie démocratie avec une constitution qui obligerait les élus à être
redevable au peuple. Un système où il y aurait un conseil-citoyen de
surveillance et qui aurait le pouvoir de démettre les élus de leur fonction en
cas d’abus, de mensonge, de fraude, enfin, pour tous les cas où l’élu ne
remplierait pas ses fonctions de veiller au bien commun de la population. Un
conseil-citoyen qui fonctionnerait un peu comme un jury, choisi aux 4 ans par
tirage au sort parmi toute la population de 18 ans et plus. Ce conseil-citoyen
apolitique d’au moins 60 membres (61 pour avoir une majorité +1) serait un
véritable chien de garde de nos politiciens et, du même coup, de notre
démocratie.
Impossible ?
Aujourd’hui oui, mais demain non. La certitude de l’improbable comme disait
Stephan Hessel.
Mais de toute
manière, ça risque d’être déjà trop tard.
Parce qu’y mouille en
Tabarnak.