lundi 4 mai 2015

Truites dans la rivière


Un coin de la rivière un peu secret où il y a de la truite grosse comme ça. À cet endroit, la rivière forme un espèce mini lac entre deux rapides très vifs. Au printemps, la truite se trouve là. Elle profite des sédiments que le courant transporte pour se gaver. Elle y restera jusqu’à la mi juin à peu près. Après juin, tu risques de n’attraper que des coups de soleil. 
Mais attends, pour s’y rendre n’est pas aussi évident que ça laisse paraître.

D’abord parce que le terrain appartient à un mec et que le mec y a un chalet juste à côté. Même si la partie du terrain n’est pas déboisée et est touffu comme une forêt vierge, c’est quand même un terrain privé mec. Quand tu y vas avec ta canne à pêche, ta puisette et ta petite glacière contenant deux bières froides, si tu te fais choper, tu ne peux pas te défendre en disant « je me suis perdu en faisant ma promenade ». C’est évident que tu te rends là pour pêcher. Et le mec, y veut pas.
Y sont comme ça les méchants.

Il faut passer par un terrain où c’est écrit « terrain privé » sur à peu près tous les arbres que tu croises. Autre raison que tu ne peux te défendre en disant « J’savais pas ». Le mec, le propriétaire, c’est du genre parano 100% jus certifié ISO 9002. Ça donne du piquant à ton aventure. Mais pour la truite, faut ce qui faut mec.

Mais l’idéal, c’est d’y aller en semaine parce que le propriétaire ne va à son chalet que la fin de semaine. Il y a un endroit un peu plus bas où tu peux garer ta voiture en toute légalité parce que c’est le stationnement public pour aller se promener dans les sentiers qui s’entortillent sur des km dans la forêt. Tu sors de ta voiture et tu te mets à marcher sur la route en suivant la montagne. Tu passes inévitablement devant le chalet du parano. S’il a sa chaîne qui bloque son entrée de chalet, tu sais qu’il est absent. Si la chaîne n’est pas là, va même pas essayer et rebrousse ton chemin. Mais ce matin, la chaîne était bien là.

Il y a un petit galet escarpé que tu dois grimper pour te rendre sur le terrain du mec. T’attends le moment où il n’y a pas de voiture et tu fonces. Le galet est facile à franchir. Après quoi, tu te retrouves dans la partie boisée de son terrain. Va tout droit et ne te pauses même pas de question. Tu vas tomber pile sur la rivière. T’as même une petite échelle en bois pour t’aider à te rendre sur le galet qui surplombe la rivière. C’est là qu’il faut pêcher.

Dès mon premier lancer ce matin, paf ! Une touche qui a fait vibrer ma ligne comme tu ne peux même pas imaginer. C’était une grosse truite. En ramenant mon leurre, je l’ai vu à la surface de l’eau qui se débattait comme une damnée. Au moins une livre et demi facile. Mais la coquine a donné un coup de travers et a coupé ma ligne ! Fuck ! Shit ! Marde ! Oublie celle-là pour le reste de la journée mec. Elle va passer les prochaines heures à essayer de se débarrasser de l’hameçon qu’elle a de coincée dans la gueule. Elle ne mordra plus. D’ailleurs, il n’y a plus rien qui a mordu pendant les deux heures que j’y suis resté. Va savoir mec, c’était peut-être son territoire et elle avait chassé toutes les autres truites qui essayaient de lui piquer son spot à bouffe. Sont comme ça les truites des fois.

Autre endroit mais dans la même rivière et plus tard dans la journée. Près du chalet, t’as un point d’arrêt pour les voitures qui borde la rivière. Continue de marcher vers le village et sur ta gauche, tu trouveras un peu plus loin une descente qui donne sur une sorte de refoulement de la rivière où viennent s’échouer tous les débris que la crue a ramassés sur les berges lors de la débâcle. T’as assez de bois à cet endroit pour te construire un cabanon. Va ensuite un peu sur ta droite, là où t’as un ruisseau printanier qui déverse dans la rivière l’eau des montagnes. Tu trouveras une petite péninsule de pierres. Dépose ton barda de pêche et lance ta ligne au pied du courant qui se trouve juste en face de toi. Premier lancer vers 15h45 cet après midi… bang ! Une touche de fou mais j’en perds mon ver. Mal accroché. Ça m’arrive souvent au printemps, la rouille de l’hiver que je dois faire disparaître. Que veux tu. Après une vingtaine de lancers, je perds trois ou quatre vers. On dirait que ma proie aspire le ver sans le croquer. Elle font ça les truites parfois. Je modifie donc ma technique et j’enfile mon hameçon dans le lombric et je le sors carrément en le laissant libre. Si la truite attaque encore par aspiration, elle va forcément gober mon hameçon. Et ça marche ! Je prends une belle moucheté d’un quart de livre, la même qui avait gobé tous mes vers parce que je les ai retrouvé intacts dans son estomac quand je l’ai nettoyé.

Après ça, comme le matin, plus aucune touche. J’ai l’impression qu’elles se partagent les parties nourrissantes de la rivière et que si tu en prends une, tu n’en prendras plus d’autre. J’y retourne la semaine prochaine. Je vous en reparlerai. 
Si vous êtes gentils. 

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