mardi 19 août 2014

Le brochet

J’étais sur ce lac planté au milieu de nul part à au Nord de rien. Il faisait chaud et le soleil plombait comme au Maroc. Je naviguais ma petite embarcation en rond sur le lac depuis le matin sans qu’aucun brochet ne vienne mordre aux appâts colorés que je leur offrais avec générosité. Ça ne mord pas quand il fait trop chaud disent certains les puristes
Moi je dis plutôt qu’un poisson est un être vivant doté d’un estomac qu’il doit combler, peu importe le temps qu’il fait.
Comme toi, comme moi. Faut juste que t’ajustes ta pêche en fonction du temps qu’il fait.

Le contact s’est fait vers 15h. L’attaque tout au bout de ma ligne, dans les profondeurs opaques du plan d’eau, fut vif et sans appel. Le fil de mon moulinet s’est mis à dérouler à toute vitesse. Quand j’ai mis la tension, j’ai bien senti que le petit monstre tout en bas n’était pas très content de s’être fait prendre à ce jeu cruel de la vie qui fait qu’en un instant, toi qui te croyais prédateur, tu deviens la proie.

Cette force incompréhensible qui te tire vers le haut alors que tu veux te réfugier de toutes tes forces vers le fond, c’est moi.
Je suis maintenant ton prédateur.

T’as ce machin planté dans la bouche et que tu croyais être un poisson blessé. Trop tard pour regretter, c’est ce machin rouge et blanc dont le trépied en crochets te perce la mâchoire qui te tire, qui te remonte vers la mort.

Te voilà sorti de ta dimension liquide et aquatique pour te retrouver dans un monde où il faut respirer de l’air. Ça te fait mal sans que tu ne saches pourquoi. C’est juste parce que tu n’as pas de poumons.
T’as pas évolué comme moi.
Désolé.

En attendant, et parce que c’est ça la vie, je te plante mon couteau dans le crâne, bien profond, tellement profond que la pointe de mon couteau vient se planter sur le plancher de bois de mon embarcation. Tu m’entends dire « Pardon. Désolé. Pardon, pardon ! » mais tu n’en sens pas moins ma lame de couteau tourner et retourner ta ton petit cerveau. Ensuite de quoi, et parce que t’as une sale réputation de bestiole increvable, je te casse le cou et j’entends tes os craquer alors que mes mains se remplissent de ton sang. On en est là toi et moi. Tu n’as pas trop souffert. Enfin, si, quand même un peu.


En ce moment, tu dors dans le congélateur avec ton pote de l’autre région, celui de la rivière. Mais dans ma chaloupe, je te regardais être mort et j’ai ressenti quelque chose d’étrange en moi. Je venais de réaliser que je venais de prendre ta vie, comme ça, tout bêtement parce que c’est que j’étais en vacances.

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