Pendant les derniers jours.
Pendant les derniers jours, il ne parlait
presque plus. Chaque mot était un effort surhumain. D’ailleurs ce qui lui
restait de vie était surhumain.
On ne dit pas « maigre » dans un cas
de cancer en phase terminale. On dit « squelettique ». Si tu n’as
jamais connu ça, tu ne peux même pas imaginer.
Même pas.
Allongé dans ce lit prêté par l’hôpital, il
vivait encore.
Encore.
Encore.
Encore.
Encore.
Et encore.
Parfois, souhaiter la mort de quelqu’un,
c’est faire preuve de pitié.
Pendant les derniers jours, sur le balcon de
son chalet, il pleuvait à torrent.
La rivière débordait par ce ciel déversé sur
la terre.
Un mur d’eau éphémère me tenait compagnie.
J’ai crié de toutes mes forces en pleurant
« Grand papa, aide-le ! »
Pendant les derniers jours, ma main caressait
sa tête renversée.
Mes larmes humectaient sa peau asséchée.
Des mots d’amour chuchotés drapaient nos
derniers rapprochements.
Il grimaçait de ne pas pouvoir me répondre.
Mais la faiblesse de son corps ne parvenait
pas à effacer l’essence de son âme.
Comme à un enfant effrayé qu’on veut
réconforter, je luis disais « chhhhhh, ne parle pas papa. T’as pas besoin,
t’as pas besoin. Je te comprends. »
Je lui ai embrassé au moins mille fois le
front.
Ça l’apaisait dans sa prison.
Pendant les deniers jours, mon papa était
comme un petit oiseau blessé au creux de ma main.
Pendant les derniers jours.
Pendant les derniers jours, j’ai été le papa
de mon papa.
Sa petite main dans la mienne.
Mes baisers sur son front.
Mes caresses sur sa tête.
On savait que tu ne passerais pas la nuit.
Ton corps refroidi à 5h du matin, ce n’était
déjà plus toi.
T’étais déjà ailleurs.
Dans l’invisible des choses.
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